wsws : Nouvelles
et analyses : Moyen-Orient
Washington, Tel-Aviv menacent la Syrie et l’Iran
Israël bombarde l’aéroport de Beyrouth et impose un blocus:
le Liban menacé d’invasion
par Chris Marsden et Barry Grey
15 juillet 2006
Utilisez
cette version pour imprimer
Après une augmentation importante des
frappes militaires sur le Liban jeudi, le premier ministre israélien Ehud
Olmert a ordonné vendredi une intensification des frappes par l’aviation,
l’artillerie lourde et les navires de guerre postés près des côtes libanaises.
Suivant une rencontre tard le soir entre Olmert et les responsables de la
sécurité, la radio de l’armée israélienne a cité ainsi des sources politiques:
«La décision a été prise d’intensifier les opérations au Liban».
Peu après, vendredi matin, heure du
Moyen-Orient, l’aviation israélienne a bombardé la principale autoroute liant
Beyrouth à la capitale syrienne, Damas. Cette attaque visait à consolider le blocus
terrestre, maritime et aérien imposé jeudi au Liban par l’Israël et a envoyé un
signal supplémentaire à la Syrie qu’elle pourrait être la cible des Forces de
défense israéliennes (FDI).
Israël a d’abord déclaré que son assaut
militaire, la plus grande attaque aérienne sur le Liban depuis vingt ans, avait
pour but de forcer le Hezbollah, l’organisation militaro-politique qui contrôle
le sud du Liban et qui a capturé deux soldats israéliens dans un raid transfrontalier
mercredi, à libérer ses soldats. Mais cette affirmation est démentie par
l’ampleur de l’attaque israélienne. Le gouvernement israélien a rapidement demandé
que le Hezbollah se retire de ses positions près de la frontière entre Israël
et le Liban.
Après une journée de bombardements massifs
visant des cibles libanaises, menés du sol, des airs et de la mer, qui ont entraîné
la mort de 55 civils et blessé au moins cent autres, les responsables
israéliens parlaient de plus en plus de «casser» le Hezbollah et d’entreprendre
une opération à long terme au Liban. Au même moment, ils ont plusieurs fois réitéré
leurs accusations contre l’Iran et la Syrie, qui appuient le Hezbollah depuis
longtemps, d’avoir orchestré les actions du groupe, un thème qui a été repris
dans les déclarations officielles américaines.
Jeudi, Israël a bombardé l’aéroport de
Beyrouth deux fois. La première attaque, par l’aviation, a laissé d’immenses
cratères sur les trois pistes de l’aéroport, forçant sa fermeture. La deuxième,
des tirs au mortier à partir de navires de guerre, a mis le feu à deux
réservoirs de carburant. Israël a aussi frappé deux bases aériennes militaires
situées près de la frontière syrienne et a bombardé des routes, des ponts, des
centrales électriques et des villages dans le sud du pays. Trois établissements
de la chaîne de télévision pro-Hezbollah, Al Manar, ont aussi été bombardés, à
Beyrouth et dans d’autres villes. En tout, Israël a ciblé plus de cent sites.
Au même moment, les forces navales
israéliennes ont imposé un blocus maritime, forçant les navires qui se
rendaient au Liban à rebrousser chemin.
Les responsables israéliens n’ont laissé
aucun doute qu’il n’y avait pas de secteur du Liban non susceptible d’être attaqué
et des avions israéliens ont lancé des tracts dans les banlieues sud de
Beyrouth, avertissant les résidants d’évacuer ce secteur. Des milliers de
civils libanais du sud et de Beyrouth ont empaqueté leurs possessions et ont
cherché à rejoindre la Syrie, la seule frontière qui leur était ouverte.
Le Hezbollah quant à lui a lancé plus de 80
roquettes Katyusha sur le nord d’Israël, touchant vingt villes et villages. Les
autorités israéliennes ont dit que deux civils ont été tués et que 43 autres
ont été blessés par les tirs de roquettes. Le Hezbollah a aussi dit qu’il avait
bombardé les quartiers généraux de l’état-major du Nord de l’Israël, à Safad,
avec des douzaines de roquettes. Il a aussi déclaré avoir repoussé la force
militaire israélienne qui a tenté tôt jeudi matin de traverser la frontière
libanaise.
Israël a utilisé les tirs de roquettes
Katyusha jeudi sur Haifa comme une justification pour une possible invasion
terrestre. Le Hezbollah a nié avoir lancé les roquettes sur la ville de 250.000
personnes à une cinquantaine de kilomètres au sud de la frontière du Liban.
Jeudi, Israël a rejeté ce désaveu et
l’ambassadeur israélien aux États-Unis, David Ayalon, a décrit les tirs de
roquettes sur Haifa comme «une très importante escalade».
«Toutes les options sont ouvertes», a dit
le porte-parole de l’armée israélienne, le capitaine Jacob Dallai vendredi
matin lorsqu’on lui a demandé de commenter la possibilité d’une invasion
terrestre. «Stratégiquement parlant, si la troisième plus importante ville d’Israël
est attaquée, cela représente quelque chose de très sérieux et il faut
s’attendre à une réponse.»
Israël a mobilisé ses réservistes et semble
se préparer pour une invasion de grande envergure avec ses exigences que le
gouvernement libanais expulse les combattants du Hezbollah de leurs positions
le long de la frontière libano-israélienne et qu’il y déploie plutôt l’armée
libanaise. Une telle opération, comme le sait bien l’Israël, va déclencher une
guerre civile au Liban où le Hezbollah est appuyé par une bonne partie de la
population chiite pauvre du pays et où il détient des postes au parlement ainsi
qu’au conseil des ministres du premier ministre Fuad Siniora.
Tandis que l'Union européenne, la Russie et la France ont condamné l'agression du Liban par Israël, les États-Unis
l'ont défendue, donnant ainsi à Israël, publiquement du moins, le feu vert pour
une escalade de ses attaques. Lors d'une conférence de presse conjointe en
Allemagne jeudi, en compagnie de la chancelière Angela Merkel, le président
Bush a présenté Israël comme étant la victime d'agressions terroristes et a dit
que «Israël a le droit de se défendre».
Laissant entendre que Israël, qui en est déjà à
sa deuxième semaine d'une incursion brutale dans la bande de Gaza, était une
force de paix, Bush a ajouté: «Il y a un groupe de terroristes qui veut stopper
toute avancée pour la paix».
Dans une menace directe dirigée contre Damas, Bush a
déclaré que la «Syrie doit rendre des comptes».
La seule précaution prise par Bush a été de dire: «Peu
importe ce que fait Israël, il faudrait veiller à ne pas affaiblir le
gouvernement de Siniora au Liban.» Ce gouvernement, pro-américain et
anti-syrien, est le produit d'une campagne épaulée par les États-Unis qui a
forcé la Syrie à retirer ses troupes du Liban.
Siniora a dénoncé «l'agression sans limites»
d'Israël, tout en insistant qu'il n'avait eu aucune connaissance
préalable du raid frontalier lancé mercredi par le Hezbollah. Il a rappelé
à Beyrouth l'ambassadeur du Liban aux États-Unis, Farid Abboud, après que ce
dernier ait fait des déclarations de soutien au Hezbollah dans une entrevue à
CNN.
Les États-Unis ont souligné leur appui pour l'agression
israélienne jeudi en opposant leur veto à une résolution du Conseil de sécurité
des Nations Unies parrainée par le Qatar qui appelait Israël à stopper
immédiatement son incursion militaire dans la bande de Gaza, laquelle a causé
des morts parmi les civils palestiniens et créé un désastre
humanitaire. Dix des 15 membres du conseil ont voté en faveur de la résolution,
4 autres se sont abstenus, et les États-Unis ont été les seuls à
voter contre.
En Israël même, les inquiétudes montent quant à la
perspective d'une guerre tous azimuts avec le Liban et une conflagration
encore plus étendue dans la région. C'est ce qui était reflété dans un
éditorial publié par Haaretz sous le titre: «Non à la Deuxième guerre du Liban».
Avertissant qu' «un débordement de l'énorme puissance de
frappe dont dispose Israël peut facilement devenir totalement hors de
contrôle», le journal a expliqué que la « yrie, aussi, est susceptible
d'être vue comme une cible appropriée», et a conclu ainsi: «Israel ne doit pas
laisser les enlèvements l'entraîner dans une guerre régionale».
Cependant, tant les gouvernements israélien
qu'américain mettent l'éruption de violence sur le compte de la Syrie
et de l'Iran, ce qui laisse croire à un élargissement de la guerre qui
prendrait l'un ou l'autre de ces pays comme cible, ou les deux.
Un fonctionnaire haut placé du
ministère israélien des Affaires étrangères, Gideon Meir, a dit à des
journalistes jeudi qu'Israël avait «des preuves concrètes que le
Hezbollah s'apprête à transférer les soldats enlevés en Iran», sans
fournir la moindre preuve corroborant son affirmation ou révéler sa source
présumée. Il a continué en disant: «Israël considère le Hamas, le
Hezbollah, la Syrie et l'Iran comme les acteurs principaux dans l'axe de la
terreur et de la haine qui met en danger non seulement Israël, mais le monde
entier».
La Maison-Blanche a émis un
communiqué disant que «l'action du Hezbollah n'est pas dans l'intérêt des
Libanais, dont le bien-être ne devrait pas être l'otage des intérêts des
régimes syriens et iraniens».
Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Frederick
Jones, a déclaré: «Nous tenons également la Syrie et l'Iran, qui appuient directement le Hezbollah, pour responsables de cette attaque et de la
violence qui s'en est suivie».
|