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Europe
Manifestations de masse en Grèce contre l’attaque du sytème
public d’éducation
Par Rob Stevens
15 juillet 2006
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Pendant quatre mois, les étudiants et le personnel des
universités ont organisé manifestations, rallies et occupations d’universités
en Grèce contre les plans de casse de l’enseignement supérieur public et
d’introduction d’universités privées par le gouvernement de la Nouvelle Démocratie
de Konstantin Karamanlis.
La lutte des étudiants pour la défense du droit à l’éducation
a obtenu le soutien d’une grande partie de la classe ouvrière.
Le premier juin, le personnel enseignant des universités a
entamé une grève illimitée contre les nouvelles mesures et les étudiants
commencèrent à protester devant le ministère de l’Education. Deux jours plus
tard, les étudiants organisèrent des sit-ins dans presque 400 facultés et dans
soixante instituts de technologie dans tout le pays.
Le 8 juin, vingt mille étudiants participèrent au plus grand
défilé étudiant ayant eu lieu depuis vingt ans dans le centre d’Athènes. La
manifestation fut brutalement attaquée par la police. Dix mille étudiants environ
manifestèrent à Salonique.
Le jour suivant, 350 des 456 facultés grecques furent occupées
et plus de cent mille étudiants participèrent à des manifestations de
protestation. Le 15 juin, une manifestation de plusieurs milliers d’étudiants
et de ceux qui les soutenaient fut organisée devant les batîments du parlement.
Ces manifestations culminèrent le 22 juin dans une journée
nationale de protestation à laquelle participèrent des centaines de milliers
d’étudiants et de travailleurs du secteur public comme du secteur privé. Les
travailleurs du métro, des bus et des chemins de fer régionaux organisèrent de
courtes grèves. Les vols de la companie aérienne d’Etat Olympic Airlines furent
également affectés.
Le 27 juin, étudiants et partis politiques manifestèrent à
Lagonissi, une station balnéaire qui se trouve à 40 kilomètres au sud-ouest
d’Athènes, devant l’hôtel où étaient réunis les ministres de l’Eucation des
membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique)
pour une conférence de deux jours sur l’enseignement supérieur.
Quelque 2.000 policiers furent mobilisés pour bloquer l’accès
à l’hôtel et fermer une partie de la route qui mène à Lagonissi. Lorsqu’une délégation
de cinq cents personnes demanda à entrer dans le hall de l’hôtel pour y déposer
une résolution, la police dispersa la manifestation à l’aide de gaz
lacrymogène. Plus tard dans la même journée, la police utilisa également du gaz
lacrymogène pour disperser dix mille étudiants qui marchaient en direction du
ministère de l’Education.
A la date du 27 juin des sit-ins furent organisés dans plus de
450 univerités. Deux jours plus tard, les étudiants interrompaient leurs
protestations pour les vacances d’été mais ils promirent de reprendre leurs
actions en septembre.
Les projets gouvernementaux
Selon les mesures prévues par la ministre de l’Education,
Marietta Yannakou, le gouvernement prévoit de créer pour la première fois des
universités privées et de changer le système de contrôle des étudiants et des
enseignants dans les universités d’Etat.
Ces mesures comportent l’imposition de périodes fixes pour
obtenir un diplôme, pénalisant ceux qui ne peuvent pas finir leur cursus dans
les temps pour des raisons personnelles ou de santé. D’autres attaques
envisagées sont la suppression des manuels gratuits et des restaurants
universitaires subventionnés.
La création d’universités privées exige que la constitution
grecque soit modifiée ; celle-ci ne reconnaît que les universités
publiques. L’article 16 de la constitution de 1976 déclare que l’enseignement
supérieur est entièrement « libre et gratuit ».
D’autres plans comportent la réduction des dépenses pour
l’enseignement supérieur et l’abolition de la loi d’asile universitaire, qui
empêche la police de pénétrer sur les campus sans qu’elle y soit appelée par
les responsables de l’université. Cette loi fut introduite après le
renversement de la dictature militaire en 1974. En novembre 1973, des étudiants
s’étaient barricadés dans l’Ecole Polytechnique d’Athènes et avaient manifesté
contre la dictature militaire dirigée par Georges Papadopoulos. Quelques jours
plus tard, le gouvernment avait envoyait l’armée pour étouffer les
protestations qui prenaient de l’ampleur, tuant 24 personnes devant l’école.
Le premier ministre, Karamanlis a annoncé d’autres
négociations et un « dialogue » avec les étudiants, tout en insistant
sur le fait que, dans l’ensemble, il maintiendrait sa politique. Le dirigeant
du parti d’opposition PASOK (Mouvement socialiste panhellénique), Georges
Papandreou, dit dans un débat parlementaire que son parti soutenait un changement
de la constitution, déclarant qu’il était nécessaire car « l’échec à
réglementer les unités privées conduit à l’absence de loi dans le secteur
privé ».
Derrière les attaques contre une éducation d’Etat il y a l’ordre
du jour du grand patronat. Lorsqu’il prit le pouvoir en mars 2004, Karamanlis
avait declaré : « Le monde connaîtra un pays européen dont la
politique est destinée à le rendre intéressant pour le capital étranger et qui
est prêt à privatiser les entreprises publiques. »
Karamanlis dit récemment, à l’occasion d’un sommet européen à
Bruxelles: « Nous devons rendre les universités grecques concurrentielles,
nous devons améliorer leur qualité et nous devons continuer à réaliser les réformes
nécessaires. »
Le journal influent Kathimerini fit ce
commentaire : « Année après année, la Grèce a figuré au dernier rang
du classement de l’OCDE pour ce qui est de l’investissement extérieur direct,
un échec qui devrait renverser des mythes tenaces et révéler les problèmes
structurels qui pèsent sur l’économie du pays. »
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis obtiennent actuellement
la plus grande part de l’investissement extérieur, dit l’article qui
poursuivait ainsi : « En fait, les entreprises privées semblent
préférer les pays qui prennent des mesures afin de réduire le coût de la
bureaucratie et de minimiser les autres obstacles et qui ont une règlementation
simple… En fait la performance de la Grèce rappelle ici celle des pays du
tiers-monde, attirant tout juste 600 millions de dollars d’investissement direct
extérieur par an.»
Le journal fit appel au gouvernement pour qu’il se débarasse
des « procédures bureaucratiques » et conclua qu’il « fallait,
et c’était très important, une réorganisation générale et structurelle de
l’appareil d’Etat et du système éducatif. Sinon, la Grèce resterait
perpétuellement à la traîne.»
Un autre article par Stamos Zoulas, du 28 juin, faisait
remarquer que les mesures concernant l’enseignement public étaient
fondamentales pour l’ordre du jour pro-patronat du gouvernement. « Le
gouvernment ne peut pas se payer le luxe de suivre une voie entre le
souhaitable et le possible » écrivit-il. « Le gouvernement peut soit
lancer (de façon figurative) un assaut généralisé contre les contestataires ou
bien abandonner son train de réformes tout entier. »
Ces projets font partie d’une offensive globale du capital
dans le but de réduire drastiquement les dépenses publiques et d’accroître le
niveau des profits. Les universités de tous les pays sont de plus en plus
dépendantes des frais payés par les étudiants, du sponsorat d’entreprise et le
partenariat avec le patronat sur le plan de la recherche.
L’OCDE a appelé le gouvernement à accélérer son programme de
réformes. Parlant à la conférence de l’OCDE du 27 juin, alors que dehors
protestaient les étudiants, le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, dit
que la réforme du système éducatif grec était d’une grande importance. Une
autre priorité était la restructuration du système de retraite, ajouta-t-il.
Le gouvernement grec a affirmé à maintes reprises « que
seules des minorités qui réagissent à la modernisation de l’université
grecque » s’opposent à ses projets. Le soutien obtenu par les
manifestations d’étudiants et le personnel universitaire démentent cette
assertion. Une étude récente réalisée pour le compte de Kathimerini
ainsi que pour la station de radio et chaîne de télévision Skai montra que 50 pour
cent des personnes en Grèce étaient opposés aux plans du gouvernement relatifs
au système d’éducation. Cette opposition atteignait 74 pour cent chez les 18-24
ans.
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