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4 juillet 2006: l’état de la démocratie aux États-Unis, 230
ans après la Révolution américaine
Par Bill Van Auken
6 juillet 2006
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Ce 4 juillet a marqué le 230e anniversaire de la
Déclaration d’indépendance, un document qui a déclenché une révolution contre
le colonialisme et le despotisme, inspirant les peuples à travers le monde. La
création d’une nouvelle nation, basée sur les concepts des Lumières tels que la
démocratie, l’égalité et le respect de la loi, et annonçant la Révolution
française, qui allait survenir treize ans plus tard, a eu des répercussions
internationales sur plusieurs générations par la suite.
Le document signé en 1776 avait un caractère profondément
libérateur, proclamant le droit des personnes, pas seulement aux États-Unis
mais partout, à employer des moyens révolutionnaires pour chasser les
gouvernements qui bafoueraient leurs «droits inaliénables».
Ceux qui ont mené l’insurrection contre le monarque
britannique étaient tout à fait conscients des implications internationales de
leurs actions et de la signification historique mondiale de la Déclaration.
Comme l’avait écrit Thomas Jefferson à John Adams – par une coïncidence
historique émouvante et appropriée, ces deux hommes devaient mourir à la date
du 50e anniversaire de la Déclaration d’indépendance – «Les flammes allumées
le 4 juillet 1776 se sont beaucoup trop propagées à travers le monde pour que
les faibles machines du despotisme puissent les éteindre; au contraire, elle
consumeront ces machines et tous ceux qui les font fonctionner.»
La Déclaration d’indépendance était imprégnée des idéaux
des Lumières et de leur aversion pour l’ignorance, l’exploitation et
l’inégalité. Bien sûr, les marxistes sont tout à fait conscients des
limitations intrinsèques à la réalisation de ces idéaux démocratiques, étant
donné le contexte socioéconomique dans lequel ils se sont développés,
caractérisé aux États-Unis du 18e siècle par les relations de propriété
capitaliste et l’esclavage. Malgré tout, le contenu démocratique et le sens
universel des premiers passages de la Déclaration sont indéniables:
«Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous
les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits
inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche
du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces
droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les
fois qu'une forme de gouvernement devient hostile à ce but, le peuple a le
droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le
fondant sur les principes et les formes qui lui paraîtront les plus aptes à lui
donner la sécurité et le bonheur.»
Quelqu’un pourrait-il affirmer sérieusement qu’un document
contenant un langage similaire pourrait obtenir l’approbation d’une ou l’autre des
deux Chambres du Congrès américain ou échapper à un veto de l’occupant actuel
de la Maison-Blanche? Tout le contenu des politiques et des actions, au pays et
à l’étranger, de ceux qui dirigent présentement le gouvernement américain
équivaut à un rejet total des idéaux et des principes de 1776.
En grande partie, la Déclaration d’indépendance consiste en
un réquisitoire détaillé contre le roi George III qui pourrait être réutilisé,
avec un peu de révision, comme acte d’accusation envers l’actuelle
administration républicaine et ses complices démocrates pour crimes de guerre,
ou comme document justifiant politiquement les actes des Irakiens résistant
présentement à l’occupation de leur pays par les États-Unis.
Le vieux roi britannique était accusé, entre autres,
d’avoir «entrepris de rendre le pouvoir militaire indépendant de l'autorité
civile et même supérieur à elle», un abus de pouvoir qui est devenu la marque
d’une administration à Washington qui justifie sans cesse l’action de s’arroger
des pouvoirs sans précédent en invoquant le statut de «commandant en chef» du président.
La déclaration accuse le monarque britannique «de mettre en
quartier parmi nous de gros corps de troupes armées» et «de les empêcher par des
procès bidon d’être châtiés pour les meurtres qu'ils auraient commis sur la
personne des habitants de ces États.»
Elle poursuit: «Il a pillé nos mers, ravagé nos côtes,
brûlé nos villes et massacré nos concitoyens.»
«En ce moment même, il transporte de grandes armées de
mercenaires étrangers pour accomplir l'oeuvre de mort, de désolation et de
tyrannie qui a été commencée avec une cruauté et une perfidie dont on aurait
peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont
tout à fait indignes du chef d'une nation civilisée.»
Chacun de ces mots, «pillé», «mort»,
«désolation», «tyrannie», «cruauté», «perfidie» s’applique, et avec une plus
grande force aujourd’hui, à la conquête et à l’occupation brutale de l’Irak par
Washington.
Deux cent trente années après la révolution
contre le colonialisme britannique qui l’a mis au monde, le gouvernement des
États-Unis mène une guerre coloniale qui a pour but de subjuguer le peuple de
l’Irak et de s’approprier la richesse pétrolière du pays.
Pour sa défense, le roi George pourrait au
moins soutenir qu’il luttait pour préserver un empire existant et pour défendre
son pouvoir sur des territoires et des sujets qui étaient reconnus depuis
longtemps comme étant britanniques.
L’aventure coloniale américaine en Irak, au
contraire, est une guerre d’agression non provoquée qui a été lancée sur la
base de mensonges concernant des armes de destruction massive et des liens
terroristes qui n’existaient pas. Elle a inévitablement produit toutes les
horreurs et les crimes associés avec de telles interventions, où les soldats
envoyés pour tuer et mourir sur la base de ces mensonges agissent encore plus
comme des brutes, ce qui entraîne une suite sans fin de crimes de guerre. Cette
entreprise criminelle est devenue une catastrophe politique, et même morale, à
laquelle aucune section de l’establishment politique ne peut ni ne veut mettre
un terme.
La Déclaration d’indépendance condamne
aussi le monarque britannique «de nous priver dans plusieurs cas du bénéfice de
la procédure par jurés» et «de nous transporter au-delà des mers pour être
jugés pour de prétendus délits».
Encore une fois, les accusations contre le
roi George ont une résonance contemporaine stupéfiante, dans le contexte où le
gouvernement américain a proclamé son droit à détenir indéfiniment sans procès
ou sans porter d’accusations ceux qu’il décrit comme «combattants ennemis»,
tout en pratiquant de façon routinière les «restitutions extraordinaires»,
transportant outremer les supposés suspects de terrorisme, dans le cas qui nous
occupe non pour y être jugés mais pour y être torturés.
Dans une chronique pénétrante publiée dans
le New York Times de lundi, le professeur d’histoire du Brooklyn
College, Edwin G. Burrows, attire l’attention sur le sort des colons américains
emprisonnés par les Britanniques à New York City durant la révolution. Il
estime que 12.000 personnes ou plus sont décédées à cause des abominables
conditions de détention, entassées dans des prisons improvisées dans des
bâtiments privés et publics aussi bien que dans des navires en panne dans le
port de New York, où elles manquaient de nourriture, d’eau et devaient
supporter des conditions sanitaires effroyables.
Il note que le traitement brutal des
insurgés américains avait été justifié par la monarchie britannique sur la base
qu’ils «n’étaient pas des soldats mais des "rebelles" et que les
définir comme des prisonniers de guerre revenait à reconnaître de facto
l’indépendance américaine».
Le sort tragique des prisonniers
américains, fait-il remarquer, a donné naissance au premier traité, signé en
1785 entre les États-Unis, nouvellement indépendants, et la Prusse, décrivant
le traitement humain des prisonniers de guerre, un document qui a été un
précurseur des Conventions de Genève.
Le professeur Burrows conclut en notant que
même si un tel traité avait été en vigueur plus tôt, il n’aurait peut-être pas
sauvé les prisonniers américains. «L’Angleterre était la superpuissance
mondiale de l’époque, comme les États-Unis le sont aujourd’hui, et si le roi
George ne voulait pas traiter humainement les prisonniers "rebelles",
seuls ses principes et sa conscience pouvaient l’en empêcher.»
L’historien n’a apparemment pas senti le
besoin d’expliciter les conclusions découlant de ses remarques. Les parallèles sont
trop évidents avec l’utilisation par George W. Bush du terme «combattant
ennemi» pour outrepasser les Conventions de Genève, pour nier les droits les
plus minimaux établis par la loi internationale pour ceux qui sont capturés
lors de la «guerre mondiale à la terreur» de Washington et même pour justifier
leur torture.
Les fondateurs révolutionnaires de la nation
ont subséquemment énoncé les «droits inaliénables» à «la vie, la liberté et la
recherche du bonheur» dans la Charte des droits, garantissant la liberté de
parole, de religion, de presse et de rassemblement, la protection contre la
détention sans procès ainsi que les fouilles et saisies arbitraires.
Les gangsters qui contrôlent aujourd’hui le
gouvernement tentent de renverser tous ces droits démocratiques datant de
plusieurs siècles : ils lancent des opérations illégales d’espionnage de
masse contre pratiquement toute la population américaine et répudient
entièrement le quatrième amendement de la Constitution.
L’administration a répondu à l’exposition
limitée de certains de ces crimes dans les médias par une campagne
d’intimidation crue, ses supporters républicains les plus importants au Congrès
accusant certains quotidiens de «trahison» et demandant qu’ils soient
sanctionnés selon le droit criminel. Le sinistre argument avancé est que la
«guerre mondiale à la terreur» a rendu la liberté de presse – comme tant
d’autres droits démocratiques associés à 1776 – impraticable.
Ce qui est en voie d’érection – sans grande
opposition de la part de l’establishment politique – c’est une dictature
présidentielle, libérée de tous les contre-pouvoirs que les fondateurs de la
république américaine ont inscrits dans la Constitution, et en opposition
directe au principe fondamental énoncé dans la Déclaration d’indépendance, à
savoir que le «juste pouvoir» gouvernemental «émane du consentement des
gouvernés».
Le Congrès a accompagné l’assaut mené par
l’exécutif sur les droits démocratiques d’une campagne grotesque visant à
amender la Constitution américaine en votant des mesures réactionnaires et
antidémocratiques, comme de bannir le mariage gay ou de traiter comme un crime
le fait de brûler un drapeau.
Dans une tentative de faire appel aux
sentiments les plus primaires, la droite républicaine mène un assaut tous
azimuts sur les fondements laïques de la révolution américaine et son
affirmation de la liberté de religion et envers la religion, telle qu’incarnée
dans la séparation de l’Église et de l’État clairement énoncée dans le premier
amendement. Il y a toute une série de tentatives pour donner force de loi à la
bigoterie religieuse et enrayer le développement de la science dans des
domaines allant de réchauffement de la planète à la recherche sur les cellules
souches et le traitement des maladies transmissibles sexuellement.
La contradiction entre l’idéal démocratique
de la révolution et la réalité sociale, politique et économique de la société
américaine n’a jamais été si prononcée.
Ce qui sous-tend le fossé toujours
grandissant entre les idéaux et la réalité c’est la polarisation sociale sans
précédent entre la mince couche de l’élite financière et la classe ouvrière
américaine – la grande majorité de la population. La première contrôle les deux
grands partis et toutes les institutions du gouvernement, tandis que la seconde
est en pratique sans la moindre représentation politique.
L’élite dirigeante de milliardaires et de
multi-millionaires utilise son emprise sur le gouvernement pour répudier toute
politique visant à atténuer les privations et inégalités sociales au moyen de
programmes contre la pauvreté et pour la santé, l’éducation, etc. De telles
mesures sont toutes rejetées comme étant des obstacles intolérables à
l’accumulation sans contraintes de richesses personnelles. On dit plutôt à ceux
qui font face à des catastrophes sociales de recourir aux bonnes œuvres
philanthropes de milliardaires tels que Bill Gates et Warren Buffett.
Il est impossible de concilier les
principes démocratiques contenus dans les documents de fondation des États-Unis
avec le développement ininterrompu des inégalités sociales et économiques. Les
tensions sociales sous-jacentes créées par cette polarisation doivent
inévitablement prendre forme dans des luttes sociales et politiques impliquant
les masses laborieuses, qui deviennent de plus en plus aliénées et hostiles
envers un gouvernement qui est mené exclusivement par et pour les super-riches.
Il est approprié, en cette semaine du 4
juillet 2006, de rappeler une fois de plus l’affirmation contenue dans la
Déclaration de l’indépendance concernant le droit du peuple de «changer ou
abolir» tout gouvernement qui abroge ses «droits inaliénables», et de le
remplacer par un nouveau système basé sur les principes «qui lui paraîtront les
plus aptes à lui donner la sécurité et le bonheur».
Le Parti de l’égalité socialiste se prépare
avec confiance pour le jour où les travailleurs américains exerceront ce droit
universel, s’unissant aux travailleurs de par le monde dans une nouvelle
révolution qui mettra fin à la guerre, à la pauvreté et à l’oppression, et
érigeant une société socialiste organisée pour satisfaire les besoins de la
majorité au lieu de la soif de profits d’une élite dirigeante.
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