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France : la LCR va encore plus à droite

Par Peter Schwarz
(Article original publié le 27 janvier 2006)

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Le seizième congrès de la Ligue communiste révolutionnaire qui s'est tenu du 19 au 22 janvier à la Plaine Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, marque une nouvelle étape de l'intégration de cette organisation pseudo-trotskyste dans le dispositif du pouvoir bourgeois.

Ce congrès fut axé sur la construction d'un rassemblement destiné à renforcer les partis discrédités de la gauche officielle. Une résolution votée par le congrès dit à ce sujet: « D'évidence, l'heure de ces choix de fond est arrivée. Beaucoup regardent vers les forces politiques syndicales, altermondialistes, mobilisées dans l'unité [] pour le combat antilibéral et anticapitaliste lors de la campagne contre le TCE, et souhaiteraient que nous puissions être tous unis, y compris lors des élections à venir. Cet espoir est légitime et nous le partageons. Pour y répondre, nous devons construire un rassemblement unitaire [] »

Un tel rassemblement aurait pour rôle de prévenir un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière et de doter la bourgeoisie française acculée d'un nouveau point d'appui à gauche, au cas où l'actuel gouvernement de droite viendrait à se trouver en diffculté.

Les cinq années de pouvoir de la « Gauche plurielle » (une coalition Parti socialiste, Parti communiste et Verts dirigée par le premier ministre socialiste Lionel Jospin) s'étaient achevées par la débâcle de l'élection présidentielle de 2002, où Jospin arriva troisième, derrière le fasciste Jean-Marie Le Pen. Les partis de la « Gauche plurielle » se trouvent depuis dans la crise. A présent, la LCR veut créer un mécanisme politique qui permette à ces partis de retourner au pouvoir.

On souligne bien, dans une des résolutions du congrès, que la LCR n'a « pas vocation de construire une alternative ou un programme de gouvernement avec les sociaux-libéraux. ». Selon cette résolution il y a « deux gauches », qui seraient irréconciliables, une gauche « anticapitaliste » et une gauche « sociale-libérale », le mot « libéral » visant ici le libéralisme économique et politique de libre marché. Mais c'est là de la poudre aux yeux. La LCR est depuis longtemps fermement ancrée dans le camp de la gauche bourgeoise.

On le voit à la cour ardente qu'elle fait au Parti communiste qu'elle considère comme le partenaire privilégié de ce mouvement rassembleur. Le PCF est, depuis les gouvernements de front populaire des années 1930 et la participation de son dirigeant, Maurice Thorez, au premier gouvernement du Général De Gaulle après la guerre, un soutien fiable du pouvoir bourgeois. Depuis 1981, il y eut des ministres communistes dans tous les gouvernements dirigés par des socialistes. Marie-George Buffet, l'actuelle secrétaire nationale du PCF, fut ministre du gouvernement Jospin et porte la responsabilité de toutes les conséquences de sa politique « sociale-libérale », un fait que la LCR passe volontiers sous silence.

Les instances dirigeantes de la LCR et du PCF collaborent étroitement depuis 2002. Elles se rencontrent à intervalles réguliers pour discuter d'initiatives et d'activités communes et participent ensemble à des réunions politiques.

Le PCF entretient à son tour des relations étroites avec la direction du Parti socialiste et s'efforce d'y faire participer aussi la LCR. Marie-George Buffet voulut ainsi inviter, malgré la résistance du Parti socialiste, la LCR à une réunion le 8 février, réunion au cours de laquelle les partis de l'ancienne « Gauche plurielle » devaient discuter d'une action commune aux élections présidentielles et législatives de 2007. Le Monde se demanda en se moquant des efforts de Buffet : « Le Parti communiste serait-il devenu soudain le meilleur défenseur des trotskistes de la LCR ? »

Pour finir, la LCR mit elle-même fin à l'affaire en renonçant à participer à la réunion. Elle refusait de négocier sur un programme commun de gouvernement, annonça-t-elle, tout en laissant entrevoir qu'elle était tout à fait disposée à une collaboration avec le Parti socialiste.

Le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, dit au magazine L'Express : « Avec arrogance, les socialistes ne veulent discuter que d'un programme commun de gouvernement. Mais pas plus aujourd'hui qu'hier nous n'acceptons d'avaler les couleuvres d'une gauche plurielle bis ni de lui signer un chèque en blanc. Si nous étions conviés à prendre des initiatives concrètes et communes contre la droite, nous irions. »

Dans les résolutions du congrès aussi on souligne la détermination de la LCR à collaborer avec « toutes les forces du mouvement ouvrier, syndicats, partis et associations » (c'est-à-dire aussi avec le Parti socialiste) afin de « mettre en échec la droite, le libéralisme et le patronat ». Par ce genre d'invites, la LCR revalorise le Parti socialiste dont les représentants n'avaient souvent plus osé, ces dernières années, se montrer dans les manifestations ouvrières.

Le fait que la LCR ne prend ses distances avec le camp « social-libéral » que dans les mots, se voit aussi à ce qu'elle inclut dans le camp anticapitaliste tous ceux qui ont voté Non à la constitution européenne lors du référendum du 29 mai dernier. Elle différencie aussi, par routine, entre la « gauche du non » et la « gauche du oui ».

En réalité, nombreuses sont les tendances politiques opposées à la constitution européenne qui sont tout sauf anticapitalistes. Parmi les plus éminents défenseurs du Non, il y avait le PCF et Laurent Fabius, socialiste notoirement de droite. Fabius rompit sur cette question avec la majorité du Parti socialiste, qui prit elle, fait et cause pour le Oui, parce qu'il comptait ainsi améliorer ses chances en vue d'une candidature à la présidence de la République l'année prochaine.

Il est caractéristique que Fabius fasse partie maintenant des socialistes qui sont prêts à une collaboration avec la LCR. Dans la dispute au sujet de la rencontre du 8 février, il prit parti pour Buffet qui voulait inviter la LCR. Il défendit un « rassemblement à gauche » qui soit « sans exclusive », c'est à dire incluant aussi la LCR, tandis que la direction du Parti socialiste ne voulait inviter que des partis qui souhaitent aussi « gouverner ensemble ».

Fabius espère de toute évidence profiter du potentiel électoral de la LCR, dont le candidat, Olivier Besancenot obtint 1,2 millions de voix à la dernière élection présidentielle. La candidate de Lutte Ouvrière, Arlette Laguiller a obtenu elle, un nombre à peu près égal de voix.

En ce qui la concerne, la LCR a déjà pris la décision de soutenir le candidat de la gauche officielle au deuxième tour des prochaines élections. Dans une des résolutions du congrès on peut lire : « Et dans les prochaines élections, la LCR restera fidèle à sa tradition permanente d'appeler à voter pour les candidats de gauche au second tour lorsqu'ils sont confrontés à un candidat d'extrême-droite, même si notre organisation politique est consciente des limites (ou des illusions) du social-libéralisme. »

A l'élection présidentielle de 2002, la LCR n'avait cependant pas appelé à voter pour un candidat « social-libéral », mais pour celui de la droite, un gaulliste. Lorsque Jacques Chirac se retrouva face au candidat du Front National, Jean-Marie Le Pen, elle milita activement pour qu'il soit réélu. Il est par conséquent facile de prévoir comment se comportera la LCR aux prochaines élections, où l'actuel ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, sera probablement le candidat de la majorité gouvernementale. Comme Sarkozy a repris de nombreux aspects de la politique de Le Pen, la LCR militera, au plus tard au second tour de cette élection, énergiquement en faveur du candidat « social-libéral »

Le mouvement rassembleur que la LCR appelle de ses voeux s'avère donc être le véhicule requis pour aider la « Gauche plurielle" à revenir au pouvoir. La LCR veut, en sus du PCF, convaincre encore d'autres organisations ayant une longue tradition de défense du capitalisme français : les syndicats et les soi-disant forces « altermondialistes ».

Ces derniers ne rejettent pas le capitalisme mais seulement quelques-uns de ses aspects, qu'ils veulent remplacer par un capitalisme d'orientation nationale. Attac en particulier entretient sur ce plan d'étroites relations avec le Parti socialiste. Autre représentant éminent des « forces altermondialistes », le syndicaliste paysan Jose Bové qui parvint à la notoriété grâce à son antiaméricanisme militant. Bové fait figure de candidat potentiel commun d'un rassemblement de la gauche à l'élection présidentielle.

Un mouvement totalement hétéroclite, guidé par des idées réformistes et nationalistes dépassées, ne peut pas constituer une réponse aux problèmes sociaux et politiques auxquels la classe ouvrière française et internationale est confrontée.

S'il y a une leçon essentielle à tirer des luttes et des conflits des années passées, c'est celle de la faillite complète des organisations réformistes ouvrières. Les sociaux-démocrates, les staliniens et les syndicats ont réagit à tous les conflits sociaux en allant plus à droite. Les gouvernements de Jospin en France, de Blair en Angleterre, de Schröder en Allemagne et d'Alema en Italie ont imposé, avec le soutien des syndicats, des attaques sociales qu'aucun gouvernment conservateur n'aurait osé entreprendre sans risquer une confrontation de classes.

La classe ouvrière ne peut avancer d'un pas si elle ne rompt pas avec ces organisations et ne se tourne pas vers une perspective socialiste internationale. C'est précisément ce que la LCR tente d'empêcher.

A cette fin, elle collabore étroitement avec les gens que, dans ses déclarations officielles, elle fustige en les appelant « sociaux-libéraux ». C'est ainsi qu'elle signa, le 4 octobre dernier, avec les socialistes, les communistes, les verts et les radicaux de gauche un tract appelant à une manifestation syndicale. Deux mois plus tard, Alain Krivine et Dominique Strauss-Kahn, de l'aile droite du Parti socialiste, présentèrent une pétition commune lors d'une conférence de presse. La pétition était dirigée contre une loi qui glorifie l'histoire coloniale française.

Cette collaboration est d'une haute valeur symbolique. Et c'est bien comme cela qu'elle a été commentée dans la presse. Elle montre clairement que la LCR est prête à aller jusqu'au bout si la crise politique continue de s'aggraver en France : c'est-à-dire jusqu'à l'entrée dans un gouvernement bourgeois. Au Brésil, leurs condisciples ont déjà franchi le pas. Un membre de la section brésilienne du Secrétariat unifié, auquel adhère aussi la LCR, est ministre du gouvernement de Brasilia.

L'évolution droitière de la LCR n'est pas sans provoquer des tensions internes. Les deux cent quatre-vingt délégués du congrès représentaient cinq tendances différentes qui présentèrent chacune leur propre plate-forme. Les divergences entre les divers courants ne concernaient pas l'orientation politique (pour ce qui est de la construction d'un mouvement rassembleur de gauche il existe un accord général) mais la vitesse avec laquelle il faut y arriver.

Depuis que Besancenot a obtenu le score élevé qui fut le sien à l'élection présidentielle de 2002, l'organisation a, selon ses propres dires, doublé le nombre de ses adhérents qui atteindrait à présent 3000. Pour les nouveaux membres en particulier, la liquidation de la LCR dans un rassemblement de la gauche n'est pas assez rapide. Beaucoup d'entre eux ont rencontré la LCR durant la campagne contre la constitution européenne, au cours de laquelle elle collabora étroitement avec le PCF, les Verts et les divers opposants à la globalisation. Ils rejettent tout ce qui fait obstacle à une fusion totale avec ces organisations.

Le porte-parole de cette tendance est Christian Picquet, membre du bureau politique, dont la plate-forme fut soutenue par près d'un quart des délégués. La tendance de Léonce Aguirre, qui va dans la même direction, obtint elle 9%.

Pour la première fois dans l'histoire de la LCR, la tendance d'Alain Krivine (dirigeant historique de cette organisation) et d'Olivier Besancenot est minoritaire. Elle n'obtint que 49% des votes des délégués, neuf de moins qu'au dernier congrès. Krivine et Besancenot veulent au moins garder l'apparence d'une certaine autonomie organisationnelle afin que l'image radicale de la LCR et son rôle de feuille de vigne de gauche ne s'usent pas trop vite.

Concrètement, la dispute entre les tendances concernait la question de savoir si la LCR allait présenter son propre candidat à l'élection présidentielle de 2007 ou si elle devait, à présent déjà, y renoncer au profit d'une candidature unique de la gauche. Krivine souhaite maintenir l'option d'une candidature propre, tandis que Picquet considère une telle candidature comme un obstacle au développement d'un rassemblement de la gauche.

On se mit d'accord sur un compromis. La question fut remise à plus tard. Un congrès spécial doit en décider dans six mois.

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