Les trois seuls détenus de la prison à haute surveillance
du pénitencier de Millhaven à Kingston, Mahmoud Jaballah, Mohammad Mahjoub et
Hassan Almrei, ont entrepris une grève de la faim pour protester contre leurs
conditions de détention inhumaines. Au moment d’écrire ces lignes, Mahjoub en
est à sa 34e journée, Almrei et Jaballah à leur 13e journée.
C’est la seconde fois qu’une grève de la faim est menée pour
protester contre les conditions de détention au pénitencier de Millhaven, installation
de 3,2 millions de dollars construite spécialement pour les détenus des
certificats de sécurité. (Un certificat de sécurité est un décret ministériel
autorisant l’arrestation et la détention indéfinie de non-citoyens et leur expulsion
hors du Canada pour des raisons de sécurité nationale sur la base d’une preuve
secrète.) La première grève de la faim, faite pour avoir accès à la télévision
dans des conditions de détention en isolement 24 heures sur 24, a impliqué
entre autres Almrei qui y a presque laissé sa peau au bout des 65 jours qu’elle
a duré.
Le « Centre de surveillance de l’immigration de Kingston
(CSIK) » est considéré comme le Guantanamo du Nord en référence à la
prison américaine sur l’île de Cuba à Guantanamo Bay. La référence n’est pas
exagérée. Comme à Cuba, les personnes qui y sont détenues ne savent pas
pourquoi ils y sont, ni pour combien de temps.
Les conditions de détention de Jaballah, Mahjoub et Almrei
sont particulièrement difficiles à cause de leur statut qui les place dans une
sorte de néant légal.
Ils ne purgent pas une sentence qui leur permettrait ultimement
de recouvrer leur liberté et de bénéficier entre-temps des divers programmes
offerts dans les pénitenciers, notamment de pouvoir travailler, avoir accès à
une bibliothèque, voir leur conjointe, s’entraîner physiquement, etc.
Ils sont dans la situation infernale d’être détenus indéfiniment
parce qu’ils constitueraient une menace à la sécurité nationale tout en courant
le risque à tout moment d’être renvoyés de force dans leur pays d’origine où
ils risquent la torture et la mort.
Les efforts du procureur général pour les déporter ont toutefois
subi un revers le 14 décembre dernier, lorsque la cour fédérale a conclu que tant
l’évaluation du ministère de l’Immigration minimisant le risque de torture
auquel Mahjoub ferait face en Égypte, que sa décision de le renvoyer en Égypte,
étaient manifestement déraisonnables.
Les demandes des grévistes sont contenues dans un
communiqué envoyé par la coalition Justice pour Adil Charkaoui et l’une
des plus urgentes est relative à la santé de Mahjoub. Les grévistes demandent
que « M. Mahjoub puisse immédiatement recevoir un traitement médical
pour soigner son hépatite C et sa haute pression, ce qui lui est refusé depuis
septembre. »
Les autres demandes concernent notamment : (i)
l’accès aux médias; (ii) la nomination d’un médiateur neutre et la présence
d’un traducteur lorsque des plaintes sont déposées; (iii) l’arrêt des comptages
quotidiens, procédure humiliante dans une petite unité de trois hommes sous
surveillance constante; (iv) le droit d’utiliser des cartes d’appel pour appeler
leur famille à l’étranger; (v) l’accès à une bibliothèque, à des programmes
d’éducation et à des visites familiales; (vi) le droit pour les hommes de quitter
leur cellule avant l'aube pour se laver et prier comme l'exige leur pratique
religieuse.