Lors de la conférence de presse de la fin
de l’année, le président George W. Bush a une fois encore condamné le
gouvernement iranien du président Mahmoud Ahmadinejad
pour avoir officiellement parrainé la conférence des négateurs de la Shoah qui
a eu lieu à Téhéran plus tôt ce mois, déclarant qu’elle « symbolisait une
vision vraiment arriérée de l’histoire du monde ».
Ces mots sont ceux d’un président dont
l’administration discute franchement de la possibilité de soutenir une guerre
civile sectaire qui aura pour conséquence « le déracinement et l’extermination »
des cinq millions et plus d’Arabes sunnites de l’Irak et de provoquer une
guerre régionale entre les sunnites et chiites qui feront des millions de
victimes supplémentaires (New York Times, 17 décembre, The Capital
Awaits a Masterstroke in Iraq).
Les dénonciations de la conférence en Iran
ont été pratiquement universelles. Les dirigeants des gouvernements de l’Europe
et de l’Amérique tant comme le Vatican — qui ont tous collaboré activement à la
Shoah, soit en l’ignorant et en cachant son existence, soit en empêchant ses
survivants de se réfugier sur leurs territoires — sont parmi les plus virulents
critiques.
L’hypocrisie qui sous-tend une telle
condamnation est évidente. L’objectif de Washington et des ses alliés est
d’utiliser cette question comme un prétexte de plus pour justifier une autre
guerre d’agression au Moyen-Orient pour assurer leur domination sur les
immenses réserves énergétiques de la région.
Ayant dit cela, la conférence organisée par
le régime iranien était aussi honteuse que réactionnaire.
Le régime iranien a réussi à faire de
Téhéran une Mecque temporaire pour les rebuts des négateurs de la Shoah et pour
les néofascistes avoués. Des amis improbables de la révolution iranienne tels
David Duke, l’ancien « sorcier impérial » du Ku Klux Klan qui se
décrit comme « nationaliste blanc », se sont faits offrir une
tribune, courtoisie du gouvernement iranien, pour cracher leur venin antisémite
et raciste.
Tenue sous la bannière de « Révision
de la Shoah : vision globale », la conférence a été décrite par le
ministère iranien des Affaires étrangères comme un endroit « pour une
recherche scientifique appropriée pour que les angles cachés ou non de cette
question politique du 20e siècle de la plus grande importance deviennent plus transparents ».
Le ministre iranien des Affaires étrangères
Manouchehr Mottaki a déclaré que « Le but de cette conférence n’est pas de
nier ou de confirmer la Shoah. »
D’autres officiels iraniens ont présenté la
remise en question de la Shoah comme un moyen de contrer les politiques
d’Israël et des Etats-Unis dans la région. Le président Ahmadinejad a déclaré lors de la conférence de presse qui a eu lieu après le
début de la conférence que « La création du régime sioniste et la
transformation de la Shoah en propagande sont devenues un instrument dans les
mains des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour dominer le
Moyen-Orient. »
Un grand nombre de facettes de ce très
horrible chapitre du 20e siècle, ainsi que ses causes politiques et
historiques, ont été appuyées d’importantes études historiques. Parmi
celles-ci, la manière avec laquelle ce crime historique a été utilisé pour
justifier les actes illégaux de dépossession et de répression menés par le
gouvernement israélien contre le peuple palestinien.
Toutefois, le fait que le régime nazi ait
réalisé sa « solution finale » en organisant et en exécutant le
massacre de six millions de juifs est documenté par une vaste quantité de
données empiriques, du côté nazi aussi bien que du côté allié, ainsi que par
les souvenirs des survivants. Son existence ne peut être remise en question.
Le regroupement de charlatans intellectuels
et de fascistes qui forment le soi-disant mouvement « révisionniste de la
Shoah » utilise des fabrications et des mensonges et nie obstinément les
preuves accablantes pour promouvoir leurs fantasmes à propos de l’inexistence
de la Shoah ou de la supposée exagération du nombre de personnes exterminées
dans les camps de la mort nazis.
Toute cette falsification historique a un
objectif premier : réhabiliter politiquement le fascisme.
Que l’administration Ahmadinejad tente apparemment de contrer les menaces bien réelles envers l’Iran
de l’agression israélienne et du militarisme américain en facilitant le travail
de ceux qui donnent raison aux actions du régime impérialiste le plus criminel
de l’histoire est une indication non seulement de la banqueroute du régime
iranien, mais aussi du cul-de-sac historique auquel fait face le nationalisme
bourgeois à travers le monde.
La conférence s’est organisée dans des
conditions où les plans pour des frappes israéliennes contre l’Iran sont déjà
bien avancés et où les Etats-Unis se préparaient apparemment à déployer un
autre porte-avion dans le golfe Persique pour ses propres attaques
potentielles.
L’effet de ce répugnant spectacle à Téhéran
a été de fournir aux ennemis de l’Iran une arme de propagande aidant à la
préparation d’une telle action militaire, tout en aliénant les larges sections
de travailleurs, d’étudiants et d’intellectuels à travers le monde qui
s’opposent à la guerre américaine en Irak, à l’assaut israélien sur les
Palestiniens et à la menace d’une attaque contre l’Iran lui-même.
Peu importe la démagogie populiste et même
« anti-impérialiste » d’Ahmadinejad et ceux
qui pensent comme lui, la conférence pour nier la Shoah n’a pas été organisée
pour opposer l’impérialisme américain ou le régime israélien, mais plutôt pour
détourner et désorienter la colère et le militantisme grandissants de la classe
ouvrière iranienne et des masses ouvrières du Moyen-Orient.
La conséquence qu’ont leurs politiques est
d’isoler la classe ouvrière iranienne de la classe ouvrière internationale,
incluant les travailleurs d’Israël, tout en conduisant ces derniers tout droit
vers le sionisme.
Le régime iranien ne s’oppose pas au système impérialiste mondial,
mais cherche plutôt à forger une relation plus avantageuse entre ce système et
la couche sociale bourgeoise privilégiée qu’il représente. Il a collaboré lors
de l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak, au même moment, il a
exploité les divisions entre les puissances européennes et Washington sur le
Moyen-Orient, tout ceci dans le but d’avancer les aspirations de puissance
régionale des cercles dirigeants iraniens
Le recours d’Ahmadinejad au
populisme démagogique de droite et aux appels carrément antisémites reflète
l’incapacité du régime bourgeois iranien et de ses différentes factions d’avancer
une solution progressiste à la profonde crise économique et sociale que
confronte la classe laborieuse iranienne qui fait face au chômage de masse a un
coût de la vie toujours en croissance et qui bénéficie peu de la richesse
pétrolière du pays.
L’insatisfaction populaire grandissante à l’égard du régime
actuel s’est manifestée de manière éloquente au lendemain de la conférence de
Téhéran. La manifestation d’étudiants en colère en témoignait, accueillant Ahmadinejad avec les slogans « A bas le dictateur » et « Oublie
la Shoah, fait quelque chose pour nous. »
Et, alors que la conférence avait apparemment été convoquée
au moins pour fouetter la base religieuse de droite du régime en prévision des
élections du 15 décembre pour les conseils locaux et l’assemblée des experts,
un puissant groupe clérical, les candidats favorables à Ahmadinejad ont subit une défaite, symptôme de la grogne populaire.
Les politiques rétrogrades et répugnantes du régime iranien
exprimé dans la conférence des négateurs de la Shoah, n’est que l’une des
manifestations aiguës de l’incapacité universelle des régimes basés sur la
bourgeoisie nationale – de l’Iran au Venezuela à Cuba – de mener une lutte
conséquente contre l’impérialisme.
Aucun des problèmes pressants que confrontent les masses
dans ces pays, et en fait, dans tous les pays historiquement opprimés par l’impérialisme,
ne peut être résolu sous la direction de quelque section que ce soit de la
bourgeoisie nationale sur la base d’une politique nationale.
Plus que jamais, dans le contexte d’une intégration économique
globale sans précédent crée par le capitalisme dans la présente époque, la
lutte contre l’impérialisme de concert avec la lutte contre la guerre et
l’inégalité sociale qu’il produit peut être menée avec succès seulement par le
biais d’une mobilisation indépendante et unifiée de la classe ouvrière
internationale contre le capitalisme et le système dépassé des Etats-nations.
Pour la classe ouvrière de l’Iran, cela signifie la
construction d’un nouveau parti international en opposition directe à l’antisémitisme,
à la xénophobie et l’anticommunisme que défend le régime actuel, la lutte pour
forger des liens avec les travailleurs de toute la région, incluant Israël,
dans une lutte commune pour une fédération socialiste du Moyen-Orient.
(Article original anglais publié le 23
décembre 2006)