La confirmation hier de la condamnation à
mort prononcé contre Saddam Hussein est le dernier acte de la farce judiciaire
mise en scène par Washington. La Cour d’appel irakienne a maintenu le verdict
prononcé contre Hussein et deux autres coaccusés, Barzan Ibrahim
al-Tikriti et Awad Hamed al-Bandar, le 5 novembre dernier, condamnés pour avoir
fait exécuter 148 chiites de la ville de Dujail en 1982. Maintenant que la
seule possibilité d’appel est épuisée, tous les trois pourront être pendus
n’importe quand au cours des trente prochains jours.
Le porte-parole de la Maison-Blanche Scott Stanzel a louangé
la décision du tribunal, déclarant qu’elle était « un jalon important »
des tentatives pour « remplacer le joug d’un tyran par le règne de la
loi ». En fait, l’administration Bush a plusieurs fois démontré son mépris
envers les normes les plus élémentaires de la justice, passant outre au droit
international et américain. Elle a fait pression pour l’exécution d’Hussein
comme façon de démontrer au monde qu’elle peut punir ses adversaires en toute
impunité.
La décision de la Cour d’appel n’a surpris personne. Du
départ à la fin, le procès d’Hussein et d’importantes personnalités de son
régime baasiste a été un véritable théâtre politique où la fin était écrite à
l’avance. L’administration Bush a refusé de juger l’ancien homme fort de l’Irak
devant un tribunal international, a établi les règles bancales de la Haute Cour
irakienne et a fait supervisé chacun des aspects de la cause par une grande
équipe d’avocats américains basée à l’ambassade américaine de Bagdad.
Le gouvernement chiite de Bagdad, une marionnette de
Washington, est intervenu de façon évidente dans le procès, l’exploitant pour consolider
son appui dans sa base sociale. Peu après que le verdict fut donné le mois
dernier, le premier ministre irakien Nuri al-Maliki, a prévu le résultat du
processus d’appel, déclarant à la BBC qu’il s’attendait à ce qu’Hussein soit
pendu avant la fin de l’année. Significativement, la décision d’hier n’a pas
d’abord été annoncée par la Cour d’appel, mais par un ministre gouvernemental,
le conseiller à la sécurité nationale, Mouwafak al-Rubaie.
Des spécialistes du droit international et des organismes
de défense des droits humains ont critiqué à maintes reprises le processus
légal. Dans une déclaration publiée mardi, Human Rights Watch (HRW) a décrit le
procès comme étant « foncièrement inéquitable » et a demandé au
gouvernement irakien de surseoir à l’exécution. Rendu public le mois dernier, le
rapport détaillé de 97 pages de HRW sur l’affaire Dujail dévoilait les
nombreuses violations du processus légal élémentaire, dont notamment celles
témoignant de l’ingérence du gouvernement dans le procès. Le rapport concluait
que la conduite de la cour reflétait « une incompréhension fondamentale
des principes essentiels d’un procès équitable ».
En janvier, Rizgar Muhammed Amin, le juge de l’affaire,
avait été forcé de démissionner après que d’importants représentants
gouvernementaux l’aient dénoncé pour avoir laissé trop de latitude aux
défendeurs et aux avocats de la défense. Celui qui l’a remplacé, Raouf Abdel
Rahman, a passé outre aux objections de la défense à maintes reprises,
expulsant de la cour les défendeurs et leurs avocats. Les oppositions de la
défense quant à la légitimité d’une cour établie sous une invasion illégale ont
été tout simplement été rejetées. Mardi, l’ancien ministre américain de la
Justice, Ramsey Clark, qui faisait partie de l’équipe de défense de Hussein, a
décrit le processus légal comme étant un simulacre.
Le procès n’a jamais eu pour but de rendre justice. La
première accusation a été sciemment limitée au massacre de Dujail en 1982 pour
éviter toute référence à l’étroite collaboration de Washington avec l’ancien
homme fort de l’Irak, particulièrement vers la fin des années 1980.
L’administration Bush était grandement inquiète que Hussein suive l’exemple de
l’ancien président serbe Slobodan Milosevic et implique les États-Unis dans les
crimes du régime baasiste.
À la suite du renversement du shah d’Iran en 1979, les
États-Unis avaient activement encouragé Saddam Hussein à envahir le pays en
1980 afin de miner le nouveau régime islamique. L’incident de Dujai s’était
produit lors d’une série de revers subis par l’armée irakienne dans la guerre
Iran-Irak. L’exécution d’hommes et de garçons chiites de la ville de Dujail
avait été menée en réplique à une tentative d’assassinat sur Hussein par des
membres du Dawa — le même parti islamique auquel adhère le premier ministre
Maliki.
En 1983 et 1984, l’ancien secrétaire à la Défense Donald
Rumsfeld s’est rendu à Bagdad en tant qu’envoyé spécial du président américain afin
de cimenter les liens avec le régime d’Hussein. Après ces visites, les Etats-Unis
ont fourni une aide militaire et économique à l’Irak, incluant le développement
d’armes chimiques qui seront utilisées contre les troupes iraniennes et les
Kurdes alliés de l’Iran. Un second procès est actuellement en cours
relativement aux atrocités commises contre les Kurdes à la fin des années 1980 —
la campagne connue sous le nom d’Anfal. Bien entendu, il n’y a pas un mot dans
le procès sur la complicité des Etats-Unis.
Quels que soient les crimes indéniables d’Hussein,
l’administration Bush est directement responsable de guerres et de crimes
beaucoup plus graves. Il est estimé que plus de 650 000 Irakiens sont morts
directement à cause de l’invasion et de l’occupation illégale menée par les Etats-Unis.
Les accusations pour lesquelles Hussein vient d’être reconnu coupable — des
représailles pour une tentative d’assassinat sur sa personne — sont une
pratique standard de l’armée américaine en Irak, qui a bombardé sans merci et
rasé des bâtiments et des villages soupçonnés d’être des foyers d’insurgés.
Régulièrement, les soldats américains s’introduisent de force dans les
maisons et détiennent des Irakiens de façon arbitraire. Des milliers de
personnes sont détenus sans procès dans des prisons sous contrôle américain où
elles sont torturées. Des détenus de haut rang ont tout simplement disparu dans
le goulag américain des prisons secrètes et des chambres de torture. Plusieurs
des escadrons de la mort chiites qui sont actuellement critiqués dans les
médias américains tirent leur origine de « l’option du Salvador »
implantée pour la première fois en 2004 après la nomination de John Negroponte comme
ambassadeur américain en Irak. Des escadrons de tueurs opérant sous la gouverne
du ministère de l’Intérieur sont généralement considérés comme les responsables
du meurtre de trois avocats de la défense d’Hussein.
L’annonce de la Cour d’appel coïncide avec les plans de l’administration américaine
pour une escalade de la violence contre le peuple irakien. Le président Bush
est prêt à annoncer une grande augmentation du nombre des soldats en Irak, de
20 000 à 50 000 de plus, pour une attaque sanglante à Bagdad et la
province d’Anbar à l’ouest du pays contre les insurgés anti-américains et la
milice chiite de l’imam Moqtada al-Sadr. Ce qui est en préparation est un crime
qui fera pâlir tout ce qu’Hussein a pu accomplir en comparaison.
Les responsables pour l’invasion et l’occupation criminelle de l’Irak —
Bush, Cheney et le reste des bandits à la Maison-Blanche — doivent tous être jugés
pour crimes de guerre.
(Article original anglais publié le 27 décembre 2006)