Après la publication du rapport du Groupe d’étude
sur l’Irak la semaine dernière, des démocrates en vue du Congrès ont clairement
signifié qu’ils avaient l’intention de continuer à financer la guerre
désastreuse en Irak à coup de centaine de milliards de dollars.
Selon un récent sondage d’AP-Ipsos, un
record de 71 pour cent de la population désapprouve la façon dont George W. Bush
gère la guerre en Irak, 60 pour cent sont d’avis qu’il faut au retrait des
forces américaines en 2007 (le retrait immédiat ne faisait pas partie des
options sur lesquelles les sondés pouvaient se prononcer) et seulement 9 pour
cent croit en victoire américaine. Pourtant, les démocrates, qui ont été au
pouvoir dans les deux chambres du Congrès en grande partie à cause de sentiment
anti-guerre, ont promis de continuer à répondre aux demandes de Bush pour plus
de fonds pour les interventions en Irak et en Afghanistan.
Comme Tom Curry de MSNBC a commenté crûment,
« La speaker entrante de la Chambre Nancy Pelosi avait un message mardi
pour les électeurs qui ont voté pour un Congrès démocrate le mois passé avec l’espoir
que cela forcera le président Bush à rapatrier les troupes en Irak. "Nous
ne couperons pas le financement pour les troupes", a dit Pelosi. "Absolument
pas", a-t-elle dit. »
Pelosi a fait ce commentaire catégorique en
réponse à une questions du journaliste quilui demendait si les démocrates au
Congrès voteraient pour mettre fin au financement de la guerre si Bush refusait
de changer de cap en Irak.
Elle a continué : « Laissez lever
tous les doutes qui pourraient subsistés; tant que nos troupes ne seront pas en
sécurité, les démocrates seront là pour les soutenir, mais… nous devrons
superviser ce financement. »
Le nouveau leader démocrate de la majorité,
Steny Hoyer du Maryland, a déclaré qu’« Aucun de nous ne veut la défaite; aucun
de nous ne veut voir l’Irak comme un échec. »
Le leader démocrate entrant de la majorité
au Sénat, Harry Reid du Nevada, a déjà signalé qu’il était prêt à accepter la
prochaine demande de Bush pour d’immenses crédits budgétaires desquels on pense
qu’ils pourraient atteindre 160 milliards $. « Nous verrons s’il y a
des dépenses gonflées dans tout cela et nous nous assurerons qu’il n’y a pas de
projets chouchous, a-t-il dit récemment. Mais si les demandes sont justifiées,
je crois que nous devrons les accepter. »
Ayant reconnu qu’ils ont capitulé devant
Bush sur la question du financement, plusieurs dirigeants démocrates au Congrès
ont affirmé que leur capitulation avait un prix. Pellosi a confirmé que « les
jours de l’approbation automatique sont chose du passé ». Et Hoyer a
défendu l’idée qu’«Il pourrait bien y avoir attaché à ces 160 milliards $
quelques paramètres qu’il faudra que le Congrès satisfasse. »
Le représentant Rahm Emanuel de l’Illinois,
organisateur de al campagne des démocrates pour regagner la Chambre des
représentants lors des dernières élections, a déclaré que la prochaine loi sur
les crédits de guerre serait le « point tournant pour un nouveau cap ».
Selon Curry du réseau de télévision MSNBC, Emanuel « a dit que la loi
imposerait des conditions que Bush sera forcé d’accepter s’il veut l’argent,
comme une commission pour enquêter sur les dépenses non justifiées ou
supposément gaspillées en Irak. »
« Les électeurs qui seront désapointés
parce qu’ils croyaient que le nouveau Congrès rameraient les troupes
actuellement en Irak au pays, Emanuel a tenté cette explication : "A
partir d’aujourd’hui, nous commençons à considérer ces questions de la bonne
façon. " »
Même les vagues menaces démocrates d’imposer
des conditions à Bush à l’avenir ont été accueillies avec scepticisme.
Thomas Donnelly, spécialiste des politiques
de défense au Centre d’études stratégiques et internationales, a déclaré à la
presse : « Ils pourraient dire “Nous n’allons pas payer pour une
force militaire dépassant tant de soldats” ou “Vous n’aurez cet argent que si
vous commencez à retirer les troupes de l’Irak.” [Mais] je ne crois pas qu’ils
aient le courage ou les votes pour le faire. »
En réalité, le Parti démocrate a été le
complice de l’administration Bush dans cette guerre depuis que sa direction a
voté pour la résolution du 11 octobre 2002 autorisant une attaque contre
l’Irak. Les démocrates appuyaient alors la guerre de type colonial, et ils
l’appuient maintenant, peu importe les doutes et les désaccords tactiques.
Reid, Pelosi et leurs collègues ont
maintenant rejeté les deux moyens constitutionnels qui pouvaient mettre fin à
la guerre en Irak : l’impeachment de Bush ou l’arrêt du financement
de la guerre.
Hoyer a même rejeté, « du moins pour
l’instant », une résolution encourageant Bush à adopter les
recommandations de Baker et Hamilton et il a indiqué qu’il ne prévoyait pas que
l’administration allait être appelée à comparaître pour déterminer ce qui avait
mal tourné en Irak.
Un commentaire dans le Roll Call de
la semaine dernière, un journal des initiés de Washington, a mis en évidence le
caractère absurde de l’opposition démocrate envers Bush. Après avoir souligné
que les démocrates « avaient reconnu en privé qu’ils feraient attention
pour ne pas pousser trop loin leur adoption de l’étude [Baker-Hamilton] »,
car « ils veulent être sûrs que le rapport... ne défend pas
l’administration Bush et ses politiques », Roll Call a ensuite
attiré l’attention sur « Une complication potentielle pour les
démocrates : le prochain président du Comité de la Chambre des
représentants sur le renseignement, Silvestre Reyes, appuie l’augmentation du
nombre de soldats américains. » C’est est effet une
« complication » quand l’un de vos plus importants représentants
appuie ouvertement une intensification de la mort et de la destruction.
Un élément du Parti démocrate, plus
sensible aux sentiments populaires, s’affiche comme opposant antiguerre. Jim
McGovern, représentant du Massachusetts, a présenté un projet de loi qui
éliminerait la plupart des dépenses pour la guerre, mais qui réserverait un
montant pour un retrait « ordonné et sécuritaire » des troupes, pour
la reprise économique ainsi que le maintient de la paix au niveau
international. Le projet de loi de McGovern a 18 commanditaires et n’a aucune
chance d’être présenté à la Chambre des représentants pour un vote.
Le représentant Dennis Kucinich de l’Ohio,
candidat à l’investiture présidentielle démocrate de 2004, a proposé que les
démocrates votent contre le financement d’urgence de la guerre en Irak
lorsqu’ils devront l’approuver l’année prochaine. S’adressant à Curry de MSNBC,
il a dit : « Si de nouveaux membres se présentaient croyant qu’ils
allaient aider à mettre un terme à la guerre et qu’ils votaient ensuite pour y
affecter 130 milliards US$, ils pourraient trouver difficile d’expliquer cela
de retour à la maison. On ne peut à la fois dire que l’on s’oppose à la guerre
et voter ensuite pour la financer. »
À ce point-ci, il n’y a pas d’appui pour la
proposition de Kucinich. Le prochain président de la Commission des Forces
armées à la Chambre des représentants, Ike Skelton du Missouri, a donné la
réponse classique : « Tout ce que je peux dire est que j’appuie les
troupes. » Le représentant démocrate du Massachusetts, Barney Frank, a
rejeté l’idée de Kucinich, la qualifiant de « ridicule ».
Kucinich touche un dilemme réel pour les démocrates,
mais sa propre opposition est frauduleuse. Sa candidature ainsi que celle d’Al
Sharpton durant la course à l’investiture présidentielle démocrate en 2004,
comme l’indiquait alors le WSWS, n’était rien d’autre qu’une mascarade. La
paire était tolérée, même encouragée, par l’establishment du parti pour mousser
la crédibilité des démocrates en tant que « parti du peuple » et pour
nourrir l’illusion qu’ils représentent une alternative à Bush aux républicains.
À la fin, avant la convention du parti en
2004, les supporteurs de Kucinich laissèrent tomber leur opposition à la plateforme
de droite démocrate et le congressiste de l’Ohio a endossé le candidat pro-guerre
John Kerry. « La prochaine étape cruciale que nous devons prendre est
d’aider à l’élection de John Kerry comme prochain président des Etats-Unis »,
a dit Kucinich aux journalistes. « Le mot d’ordre est unité. C’est le mot d’ordre. » Durant son discours à la convention
nationale démocrate, haut lieu du patriotisme et du militarisme, Kucinich a
lancé un appel aux délégués et électeurs de « forcer une nouvelle voie
avec John Kerry et John Edwards ».
Récemment, lorsqu’il lui a été demandé par
un journaliste ce que l’élection au poste de leader de la majorité d’une
personnalité pro-guerre comme l’est Hoyer signifiait pour le parti démocrate et
la guerre en Irak, Kucinich a répliqué, « Nous sommes unis derrière Nancy
Pelosi, Steny Hoyer et toute notre l’équipe de la direction. »
Un mois après une élection dont les
résultats sont une répudiation de la guerre en Irak, quelles sont les
perspectives pour y mettre fin ?
Le rapport publié la semaine dernière par
le Groupe d’étude sur l’Irak, ce panel bipartisan dirigé par l’ex-secrétaire d’Etat,
James Baker et l’ex-congressiste démocrate Lee Hamilton, rejette la possibilité
d’une victoire militaire américaine complète et fait pression pour un
changement de cap, incluant une intensification des efforts diplomatiques et
politiques, tout en maintenant indéfiniment des dizaines de milliers de
militaires américains en Irak. Baker et Hamilton s’expriment au nom d’une
section de l’élite dirigeante qui craint les conséquences militaires,
diplomatiques et politiques d’une catastrophe en Irak aux Etats-Unis mêmes.
Une autre faction de l’establishment
politique, représentée par Bush, le sénateur John McCain et Joseph Lieberman,
le bureau éditorial du Wall Street Journal et d’autres, rejettent tout
retrait de troupes, tout redéploiement substantiel ou tout changement dans
l’attitude provocatrice à l’égard de la Syrie et de l’Iran. Ce groupe est le porte-parole
le plus conséquent de la section la plus prédatrice et brutale de l’élite dirigeante
américaine.
Pour leur part, les dirigeants de « l’opposition »
démocrate, Pelosi, Hoyer, Reid et Emmanuel, mis au pouvoir par la population
pour mettre fin à la guerre, critiquent certaines des actions prisent par
l’administration et les républicains, mais, au bout de piste, promettent de
continuer à appuyer le bain de sang et la destruction.
Aucun de ces éléments ne propose de retrait
rapide des forces américaines hors de l’Irak et encore moins de tenir pour redevables
les responsables de cette guerre criminelle.
(Article original anglais publié le 12
décembre 2006)