Il n’y a pas d’ambiguïté dans le vote
unanime, 21 à 0, de la Commission des forces armées qui recommande que
le Sénat en plénière confirme le candidat du président américain pour succéder
à Donald Rumsfeld en tant que secrétaire de la Défense.
Il ne pourrait y avoir de démonstration plus éloquente de l’appui
bipartisan à la continuation de la guerre illégale américaine en Irak — un fait
qui a été souligné à grands traits par le vote de confirmation du Sénat en
plénière dès le lendemain, mercredi, de 95 contre 2 en faveur de l’ancien
directeur de la CIA Roberts Gates comme nouveau secrétaire de la Défense.
Cinq semaines après une élection où, comme même les médias
de l’establishment le reconnaissent, le peuple américain a répudié la guerre et
a voté pour donner le contrôle du Congrès aux démocrates avec un mandat
populaire pour mettre fin à la guerre, les sénateurs des deux partis se sont
ralliés pour un festival de l’amour envers le choix de Bush pour mener la
guerre jusqu’à une conclusion « victorieuse ».
Ce développement confirme l’analyse qu’a constamment fait le
World Socialist Web Site et démolit les
tentatives de différents supporteurs de « gauche » du Parti démocrate
de décrire cet instrument politique de l’élite dirigeante américaine comme un
véhicule pour s’opposer à la guerre en Irak et aux politiques du militarisme et
de la réaction sociale dont le massacre irakien n’est qu’une partie.
Plus fondamentalement, le vote de la Commission des forces
armées démontre qu’il n’y a rien qui pourrait légitimement s’appeler un parti d’opposition
au sein de l’establishment politique américain.
Un véritable parti d’opposition, suite à la répudiation
populaire de l’administration Bush lors des élections au Congrès du 7 novembre,
aurait fait une question de principe de s’opposer au choix du président pour le
superviseur de la guerre.
Que ce soit précisément le contraire qui se soit produit —
et de la façon la plus éhontée — démontre la vérité politique que la compréhension
est le point de départ pour une lutte sérieuse et effective contre la guerre en
Irak et les prochaines guerres qui sont déjà préparées contre les autres pays
considérés comme des obstacles aux buts mondiaux de l’aristocratie financière
américaine. La vérité, c’est que les deux partis, les démocrates tout autant
que les républicains, représentent les intérêts d’une petite élite riche jusqu’à
l’obscénité. Ils sont incapables de répondre, ou même faire semblant de
répondre, aux désirs, points de vue ou besoins de la vaste majorité de la
population.
Il n’existe tout simplement pas d’autre
explication pouvant expliquer le vote unanime par le comité sénatorial pour
confirmer la nomination d’un homme qui, en tant que directeur adjoint de la
CIA, a été personnellement impliqué dans les activités illégales de
l’administration Reagan qui sont maintenant connues sous le nom de scandale
Irangate. De plus, les sénateurs ont voté sans dissension pour Gates après
qu’il eut affirmé au comité qu’il s’opposait à tout échéancier qui viserait à
réduire le nombre de soldats en Irak, que « toutes les options »
étaient sur la table, y compris une augmentation des forces américaines et que
sa perspective était d’assurer la « victoire » en Irak. Seulement à
la suite de celle-ci, « quelque part dans le futur », sera-t-il possible
de « commencer à réduire nos forces », et il a rajouté que les
États-Unis devraient « maintenir une certaine présence en Irak pour très
longtemps ».
Pas un seul démocrate du comité n’a
contesté sa perspective. Durant la période de questions qui a suivi les
remarques d’introduction de Gates, les seules critiques qui ont été soulevées
sont venues des sénateurs qui exigent une augmentation considérable du nombre
de soldats tels que les républicains John McCain et Lindsey Graham ainsi que le
démocrate Joseph Lieberman.
Parmi les sénateurs qui ont couvert Gates
d’éloges pour sa supposée « sincérité » et « indépendance »
se trouvaient le doyen des démocrates libéraux, Edward Kennedy, et deux
prochains candidats pour l’investiture présidentielle démocrate de 2008, Evan
Bayh de l’Indiana et la putative favorite, Hillary Clinton de New York.
Carl Levin, le démocrate le plus haut placé
du comité, qui deviendra président lorsque le nouveau Congrès démocrate va se
réunir en janvier, a reconnu qu’il avait voté contre la nomination de Gates au
poste de directeur de la CIA en 1991. Il avait agi ainsi, car, tout comme le
procureur indépendant de l’Irangate Lawrence Walsh, il croyait que Gates avait
trompé le Sénat lorsqu’il avait soutenu ne pas être au courant de la vente
secrète par la CIA de missiles à l’Iran et du détournement illégal des revenus
pour financer la guerre des contras contre le régime sandiniste — une campagne
terroriste qui avait tué des dizaines de milliers de civils nicaraguayens.
Ce qui n’a pas empêché Levin de
vanter Gates durant l’audience, en disant, « Votre reconnaissance du fait
que nous ne gagnons pas en Irak, franchement, est une nécessaire bouffée de
réalité rafraîchissante et nécessaire si nous voulons examiner les pistes pour
un changement de cap en Irak et pour maximiser nos chances de succès. Je vous
en remercie ainsi que les autres réponses candides que vous avez données
ici. »
Cette audience grotesquement superficielle,
d’une durée d’à peine cinq heures, et le vote immédiat et unanime de
confirmation qui a suivi la session publique, a été soigneusement planifiée
pour montrer l’unité bipartisane. Les procédures sénatoriales et le rapport du
Groupe d’étude sur l’Irak bipartisan, qui a été publié mercredi, sont des
éléments d’un effort concerté pour modeler un nouveau consensus politique
visant à sauver la désastreuse intervention américaine en Irak.
Il planait au dessus de
l’audience le point de vue, énoncée de manière répétée tant par Gates que ceux
qui l’interrogeaient, que la situation pour les Etats-Unis en Irak est
sinistre, et qu’une défaite complète de l’impérialisme Américain en Irak serait
une catastrophe aux proportions historiques. Ce qui, tous s’entendent, doit
être évité à tout prix.
Ce consensus ferme souligne le
fait que, quelque soit les différences tactiques entre les deux partis et en
leur sein, les démocrates et les républicains, ainsi que l’administration Bush
et l’establishment politique et médiatique dans son ensemble, appuient
l’objectif sous-jacent d’établir l’hégémonie américaine au Moyen-Orient et dans
l’Asie centrale et la prise de contrôle des vastes ressources pétrolière de la
région – les véritables objectifs de l’invasion et de l’occupation de l’Irak,
et du massacre qui continue en Afghanistan.
Ce que cela signifie pour le
peuple irakien est clair : encore plus de violence, de mort et de
répression. Ce que cela signifie pour le peuple américain est tout aussi
clair : plus de familles de soldats dévastées par la perte ou la
mutilation d’un proche, des centaines de milliards gaspillés dans une guerre menée
à l’étranger et méprisée par la population, accompagnée d’une intensification
de l’assaut contre les conditions de vie et les droits démocratiques des
travailleurs au pays.
L’unité bipartisane illustrée à
l’audience de Gates est une conspiration non seulement contre le peuple
irakien, mais également contre la classe ouvrière américaine.
(Article original anglais publié
le 6 décembre 2006)