Trois mois se sont écoulés depuis le meurtre de Sivapragasam
Mariyadas, sympathisant du Parti de l’égalité socialiste (PES), commis dans le
district occidental de Trincomalee.
La campagne internationale lancée par le PES et le World
Socialist Web Site pour exiger l’arrestation et la poursuite de ses tueurs
a forcé la police sri lankaise à entreprendre une enquête. A ce jour,
cependant, aucun suspect n’a été interpellé et les pistes les plus simples
n’ont pas été suivies.
La raison est évidente. Toutes les preuves font état d’une
implication des forces de sécurité. Comme l’avait averti le PES en lançant sa campagne,
la police sri lankaise est tristement célèbre pour la dissimulation des
meurtres et des enlèvements dans lesquels l’armée et ses associés des escadrons
de la mort sont impliqués.
Le PES en appelle à la classe ouvrière du Sri Lanka et aux
lecteurs du WSWS sur le plan international pour qu’ils réitèrent leurs
exigences de retrouver et de sanctionner les meurtriers de Mariyadas. Notre
campagne porte un dur coup à la capacité des forces de sécurité de tuer en
toute impunité des civils innocents. Depuis le début de l’année, les
organisations des droits de l’homme ont reçu des centaines de plaintes
concernant des meurtres et des « disparitions ».
Ces meurtres font partie intégrante des efforts du
gouvernement visant à terroriser la minorité tamoule de l’île ainsi que la
reprise de la guerre contre les Tigres de libération de
l’Eelam tamoul (LTTE). Mariyadas était une cible spéciale, car il s’opposait à
la guerre et à toute politique communautariste, à la fois à la suprématie
cinghalaise de l’Etat sri lankais et au séparatisme tamoul du LTTE.
Mariyadas a été tué le 7 août après que le
gouvernement ait lancé, le 26 juillet, une importante offensive pour s’emparer
du contrôle du réservoir d’irrigation de Mavilaru en territoire rebelle. Le
LTTE avait contre-attaqué en s’emparant d’une partie de Muttur, provoquant
ainsi un combat féroce pour le contrôle de la ville. L’ensemble de la région, y
compris le bourg de Mullipothana où vivait Mariyadas, grouillait de forces de
sécurité.
Mariyadas venait tout juste de s’installer
à Mullipothana où il avait depuis peu un studio et un centre de communication.
Il se trouvait chez lui avec son épouse, Stella Krishanthi, et son fils âgé de
trois ans. Vers 21h30, il est allé à la porte d’entrée après que quelqu’un
l’ait appelé par son nom. Un tueur a tiré plusieurs fois sur lui, puis s’est
enfui sur une moto qui était en position d’attente dans la rue.
Dans sa déclaration du 5 septembre, le PES
avait expliqué que les coupables les plus probables étaient les forces de
sécurité et leurs alliés paramilitaires tamouls. La manière professionnelle
avec laquelle le meurtre fut exécuté, le fait que les tueurs connaissaient le
nom de leur victime et leur capacité d’éviter les patrouilles et de franchir
les points de contrôle font que tout indique une implication de l’armée.
D’autres preuves mènent aussi à cette conclusion.
Une
menace de mort
Quatre mois avant son assassinat, Mariyadas
avait reçu une menace de mort d’un membre du home guard, une force
d’appoint qui opère en étroite collaboration avec l’armée et la police sri
lankaises. Le 11 avril, un soldat du home guard qui était de service à
Mullipothana s’était rendu au centre de communication de Mariyadas. Il avait
accusé celui-ci de fournir des informations sur la région aux LTTE et l’avait
averti expressément qu’il serait tué.
Cette menace de mort avait eu lieu le jour même
où on apprenait la nouvelle que l’attaque d’un bus par le LTTE avait tué onze
marins. L’incident s’était produit près de Thambalagamuwa, sur la route
Trincomalee-Habarana, à une dizaine de kilomètres de Mullipothana. Tout comme
dans les autres cas d’attaques, les forces de sécurité répondirent en
terrorisant les Tamouls de la région et en menaçant les « suspects du
LTTE. »
Quelques jours plus tôt, le 7 avril, un politicien
pro-LTTE en vue, V. Vigneswaran, avait été tué par balles à Trincomalee. Son
meurtre avait eu lieu non loin de la zone de haute sécurité, près des points de
contrôle militaires, et pourtant le meurtrier ne fut pas interpellé. Cet
assassinat fut particulièrement provocateur, car il avait été question de
nommer Vigneswaran remplaçant du député Joseph Parajasingham qui avait été tué
en décembre dernier par des tireurs non identifiés.
Mariyadas n’avait pas porté plainte
officiellement à la police, mais il en avait parlé à Jayaweera, le propriétaire
du bâtiment dans lequel se trouvait son centre de communication. Il en informa
également sa femme et ses frères, Sivapragasam, Benedict et Jesudas. Jayaweera,
un fonctionnaire du village à la retraite, dit au PES que le membre du home
guard, surnommé « Tomba », avait également menacé de
« détruire » le centre de communication de Mariyadas.
D’autres
meurtres
Début août, l’atmosphère s’était fortement
tendue. Des combats faisaient rage à Muttur et à Mavilaru. Le bombardement
brutal de l’armée au moyen de tirs d’artillerie et de mortier dont Muttur avait
été victime, avait forcé des dizaines de milliers d’habitants, principalement
de Muttur, de fuir la ville. Dans les régions avoisinantes, les forces de
sécurité avaient lancé une chasse aux sorcières contre quiconque était suspecté
de sympathie pro-LTTR.
Le 4 août, un conducteur tamoul de véhicule
à trois roues, nommé Vasudevan et originaire de Mullipothana, avait été tué par
des tireurs non identifiés. Il avait été engagé pour aller à Kantalai. Selon
des articles de presse, deux hommes à moto suivirent le véhicule et le tuèrent
par balle. Mariyadas exprima sans se cacher son avis sur ce meurtre en le
condamnant comme un crime gratuit.
Le 5 août, l’armée reprit finalement la
ville de Muttur. Le même jour, les corps de 17 travailleurs humanitaires sri
lankais de l’organisation sise en France, Action contre la faim (ACF), furent
découverts devant les bureaux d’ACF à Muttur. Quinze corps étaient alignés en
rang qui avaient tous reçus une balle dans la tête, dans le style d’une
exécution. L’on avait trouvé deux autres corps auxquels on avait tiré dans le
dos. La Mission de surveillance au Sri Lanka (SLMM) qui supervise le
cessez-le-feu, a officiellement jugé le 30 août que l’armée était responsable
de ces meurtres.
Le 7 août, Mariyadas était assassiné.
Sécurité
accrue
L’Est et le Nord du Sri Lanka sont des
zones de guerre depuis deux décennies. L’armée y opère comme une armée
d’occupation. De par ces régions, il existe des camps militaires et des zones
de haute sécurité. Alors que la sécurité avait été assouplie après le
cessez-le-feu de 2002, elle fut à nouveau intensifiée cette année du fait que
le gouvernement avait replongé l’île dans la guerre. Barrages routiers et points
de contrôle sont très courants. Les officiers des services du renseignement
militaires sont très actifs.
Début août, les forces de sécurités avaient
déclenché l’alerte rouge à Mullipothana. La maison de Mariyadas était située
directement derrière l’école musulmane Al Hijra qui avait été transformée en
camp de réfugiés pour des habitants qui avaient fui Muttur. Les locaux étaient
gardés 24 heures sur 24 par la police et les home guards.
A moins de 500 mètres du domicile de
Mariyadas il y a le petit centre ville de Mullipothana où la police, les home
guards et le personnel militaire sont stationnés. De là, la route mène vers
un camp militaire se situant à environ un kilomètre plus loin.
Il y a des points de contrôle policiers et
militaires aux deux entrées de la ville : l’un est à Thambalagamuwa, en
direction de Trincomalee (à sept kilomètres de Mullipothana) et l’autre est au
« poste du mille 91» en direction de Kantalai (à cinq kilomètres de Mullipothana).
Deux autres points de contrôle ont été établis sur la route principale
Trincomalee-Kantalai.
Et pourtant, en plein milieu de l’alerte
rouge, deux hommes à moto furent en mesure de s’échapper impunément après avoir
tué Mariyadas.
Une
enquête policière tardive
Plus de deux mois après le meurtre,
l’inspecteur de police C.A. Rodrigo de la brigade criminelle de Kantalai
contacta la femme de Mariyadas et son plus jeune frère en disant qu’il avait
été chargé d’enquêter après que la police ait reçu un certain nombre de
plaintes suite au manque d’enquête. Le 17 octobre, il prit finalement la
déclaration de l’épouse de Mariyadas, Krishanthi.
L’enquête est depuis passée entre les mains
d’un autre inspecteur de police, Kotaciarachchi, également de Kantalai.
Lorsqu’il fut contacté, la semaine dernière, par le PES, il refusa de fournir
la moindre information quant à l’affaire et était plus intéressé à connaître
les résultats de l’enquête menée par le PES. « Nous sommes à la recherche
de suspects. En savez-vous quelque chose ? Avez-vous une idée sur la question ?
Dites-le moi maintenant, » dit-il, sur la défensive.
Son assistant, le sergent Bandara, dit au
PES que peu de progrès avaient été faits. Il dit que la police avait noté des
déclarations faites par deux employés du centre de communication de Mariyadas
mais qu’ils ne disposaient pas d’indications significatives. D.P.P. Ramanayake,
l’officier qui dirige le commissariat de police de Thambalagamuwa, raconta la
même histoire. La police de Thambalagamuwa a pris deux déclarations, l’une
faite par un voisin de Mariyadas et l’autre par le propriétaire de la maison
louée. Mais ils n’avaient « aucune idée » quant aux tueurs, dit-il.
Cette « enquête » était
compromise dès le départ. Comme le secrétaire général du PES, Wije Dias, le
signalait dans sa lettre adressée au procureur général de Sri Lanka, S.C.
Kamalasabeyson, la police de Thambalagamuwa avait violé les règles en matière
de procédure juridique prescrites dans de tels cas en évacuant le corps des
lieux du crime sans autorisation. La police conseilla également au magistrat chargé
de l’affaire de ne pas se rendre sur les lieux invoquant des raisons de
sécurité.
La police fait délibérément traîner les
choses. Elle a remis à la justice quatre cartouches vides, des munitions et des
échantillons de sang, mais elle n’a pas encore fait de demande pour qu’un
analyste gouvernemental examine les preuves. Un examen des cartouches vides et
des munitions est évidemment crucial pour pouvoir déterminer le type d’arme utilisée
pour tuer Mariyadas.
La police n’a fait aucun effort pour
retrouver des témoins et les auditionner. Le home guard Lalith, qui
informa la police du meurtre de Mariyadas, n’a pas été appelé à témoigner.
Aucun effort ne fut entrepris pour faire un suivi des menaces de mort proférées
contre Mariyadas. Aucun témoignage ne fut recueilli de Jayaweera, le
propriétaire du bâtiment dans lequel se trouvait le centre de communication de
Mariyadas. Il est significatif qu’aucun agent de police, home guard
et soldat qui était de service à Mullipothana et aux différents points de garde
et de contrôle de la région dans la nuit du 7 août n’ait été interrogé.
S’il n’y a « pas de suspects », c’est parce que
toutes les pistes mènent dans une direction que la police ne veut pas suivre.
L’attitude des militaires à l’égard de Mariyadas était claire le lendemain de
sa mort. Le personnel de sécurité qui était de service à Mullipothana a dit à
des gens de la région de ne pas se préoccuper du meurtre d’un
« Tigre » [un
membre du LTTE]. Ceux
qui essayèrent de se rendre à ses funérailles dans sa ville natale de
Selvanayagapuram, Trincomalee, furent menacés et obligés par les soldats et la
police de faire demi-tour.
En dépit des efforts entrepris par les forces de sécurité,
des centaines de personnes, Tamouls, musulmans et Cinghalais, se rendirent aux
funérailles. Mariyadas était très connu et apprécié à Mullipothana ainsi que
dans sa ville natale. Un sympathisant du Parti de l’égalité socialiste depuis
2001, il était connu comme quelqu’un qui s’opposait tant au LTTE qu’au
gouvernement de Colombo et à la guerre. Il était profondément hostile au
racisme et au communautarisme qui a empoisonné la vie des gens depuis
l’accession du Sri Lanka à l’indépendance et qui a conduit à une guerre civile
qui dure depuis des années.
Le PES en appelle une fois de plus à ses sympathisants et
aux lecteurs du WSWS afin qu’ils envoient des lettres de protestation aux
autorités sri lankaises et exigent que les tueurs de Mariyadas soient
interpellés et sanctionnés. Notre campagne fait partie d’une lutte plus vaste
pour l’unification de la population laborieuse contre les attaques qui sont
perpétrées contre les droits démocratiques au Sri Lanka et au niveau
international.
Les lettres de protestation devraient être adressées
à :
Inspector General of Police Victor Perera,
Police Headquarters, Colombo 1, Sri Lanka.
Fax: 0094 11 2446174
Email: igp@police.lk
Attorney General K.C. Kamalasabeyson,
Attorney General’s Department,
Colombo 12, Sri Lanka. Fax: 0094 11 2436 421
Veuillez transmettre une copie de votre lettre au Parti de l’égalité
socialiste (Sri Lanka) et au World Socialist Web Site.