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Par Éric Marquis
Le 17 avril 2006
Le programme de réaction sociale et de militarisme du nouveau gouvernement conservateur, réaffirmé au début du mois à dans le discours du Trône inaugurant la session parlementaire à Ottawa, a reçu le plein soutien des partis d'opposition et particulièrement du Bloc québécois.
Ce dernier, qui se présente comme un parti progressiste, vient une fois de plus de démontrer, en appuyant le gouvernement le plus à droite de l'histoire moderne du Canada, sa véritable nature de parti de la grande entreprise.
À la suite d'un discours du Trône qui a réitéré l'orientation franchement à droite du nouveau premier ministre Stephen Harper, soit le rôle accru réservé aux Forces armées canadiennes sur la scène mondiale, des mesures pour faire régner «la loi et l'ordre» au détriment des droits démocratiques élémentaires, et une large ouverture au privé et au profit dans la santé sous le couvert de l' «innovation», le Bloc québécois s'est montré très satisfait. «Si le discours restait comme cela, nous sommes prêts à donner la chance au coureur et à voter pour», a déclaré le chef du Bloc, Gilles Duceppe.
Contrairement à l'image du politicien modéré fabriquée par les médias lors de la campagne électorale de janvier dernier, Harper est un économiste de la «libre entreprise» et un idéologue néo-conservateur qui n'a jamais caché son mépris pour le système de soins de santé universel et s'est affiché ouvertement en faveur de la privatisation et de la déréglementation.
Stephen Harper a aussi joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de la Loi sur la clarté au lendemain du référendum de 1995 sur la sécession du Québec, qui a vu le non le remporter par une très mince marge. Cette loi fait du parlement fédéral le seul arbitre de ce qui constitue une question «claire» et une majorité «claire» dans tout prochain référendum et menace le Québec de partition en cas de sécession.
Rien de ceci n'a empêché le Bloc québécois de faciliter la montée au pouvoir des conservateurs en se joignant à eux pour faire de la dernière campagne électorale fédérale un référendum, non pas sur les mesures de droite ayant marqué les treize années du précédent gouvernement libéral Chrétien/Martin, mais sur la corruption de ce dernier, présentée comme une simple question éthique sans rapport avec le contenu de classe, pro-patronal, de sa politique.
Comme en atteste son accueil favorable au discours du Trône, le Bloc québécois est maintenant prêt à fournir à l'ultra-conservateur Stephen Harper les votes nécessaires en chambre pour maintenir au pouvoir un gouvernement minoritaire voué à un agenda de guerre de classe.
Comme les autres partis bourgeois élus au Parlement et l'élite dirigeante en son ensemble, le Bloc s'inquiète particulièrement de l'opposition à la mission canadienne en Afghanistan que nourrit une majorité de la population canadienne. C'est ainsi qu'à l'occasion du débat tenu à la Chambre des communes le 10 avril dernier sur l'intervention de l'armée canadienne en Afghanistan, le BQ a réitéré son appui à l'envoi de troupes canadiennes dans ce pays. «Le travail des soldats est tout à fait exemplaire», a déclaré le député bloquiste Claude Bachand. «Si les Canadiens et les Québécois connaissaient exactement la nature du travail qu'ils accomplissent, ces derniers recevraient un immense appui.»
La raison invoquée par le Bloc pour justifier son soutien aux forces de la réaction sociale, la supposée ouverture des conservateurs de Harper aux «intérêts du Québec», illustre comment cette expression recouvre en fait les intérêts de l'élite dirigeante québécoise dans ses efforts pour obtenir plus de pouvoirs au sein de la confédération canadienne. La «décentralisation» prônée par Harper, et accueillie avec enthousiasme par la classe politique non seulement au Québec mais aussi dans l'ouest canadien, constitue en fait le mécanisme par lequel l'élite dirigeante canadienne espère démanteler ce qui reste des programmes sociaux et des services publics.
Toute l'histoire du Bloc québécois démontre que ses liens avec la droite sont nombreux et pas seulement circonstanciels.
La création de ce parti en 1991, suite à l'échec de l'accord constitutionnel du Lac Meech qui devait donner plus de pouvoirs à l'élite dirigeante et économique québécoise, a été un moyen mis de l'avant par la bourgeoisie québécoise pour défendre ses intérêts sur la scène fédérale. C'est pourquoi la création du Bloc a été appuyée par le PQ ainsi que par le Parti libéral du Québec.
Formé au départ d'anciens ministres des partis libéral et conservateur, le Bloc s'est trouvé sous la gouverne de Lucien Bouchard, lui-même ancien ministre conservateur. C'est le même Bouchard qui a récemment co-signé le Manifeste pour un Québec lucide, un pamphlet de droite qui se veut un cri de ralliement de l'élite québécoise pour démanteler ce qui reste des acquis sociaux de la classe ouvrière québécoise et subordonner celle-ci aux diktats de la grande entreprise.
La véritable nature du Bloc québécois ne peut être mieux perçue qu'à travers son parti jumeau sur la scène provinciale, le Parti québécois. Plus que deux partis en étroite collaboration, le BQ et le PQ peuvent être considérés comme un seul et même parti, où chacun agit à un niveau différent mais où les intérêts de l'un et de l'autre sont exactement les mêmes, c'est-à-dire donner plus de pouvoirs à la bourgeoisie québécoise, jusqu'à l'établissement de son propre État.
Ayant formé le gouvernement du Québec à plusieurs reprises durant les dernières décennies, le PQ est la traduction en politiques concrètes de ce que signifie réellement la défense des «intérêts du Québec». Il n'y a qu'à voir les mesures du PQ entreprises à la suite du référendum manqué de 1995 pour se rendre compte que ce parti n'est pas aussi éloigné idéologiquement des conservateurs de l'ouest canadien que ce que tentent de nous faire avaler les médias et les organes en faveur de la souveraineté du Québec.
Politique brutale du déficit zéro, coupures de dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public, multiples fermetures d'hôpitaux, importantes diminutions de services publics, telles ont été les mesures appliquées par le Parti québécois durant son plus récent passage au pouvoir, de 1994 à 2003.
Depuis qu'il est retombé dans l'opposition, le PQ a amorcé un autre virage à droite dans la formulation de sa politique. Son nouveau chef, André Boisclair, a accueilli la campagne en cours pour la privatisation de pans entiers du réseau public de la santé en déclarant qu'il y a des «modifications à apporter» au régime d'assurance-maladie du Québec. Boisclair a également endossé la loi spéciale draconienne imposée en décembre dernier par le gouvernement libéral du Québec contre un demi-million de travailleurs du secteur public, annonçant qu'il n'était pas question pour un éventuel gouvernement péquiste de rouvrir les conventions collectives.
Ces deux partis, le BQ et le PQ, ont continuellement eu recours
aux loyaux services de la bureaucratie syndicale pour rallier
la classe ouvrière derrière le projet réactionnaire
de la souveraineté du Québec, qui vise à
réaliser les intérêts parasites de la classe
dirigeante québécoise en divisant la classe ouvrière
canadienne selon des lignes ethno-linguistiques.
Les syndicats québécois, qui ont appuyé le
BQ lors des dernières élections fédérales,
ont joué aux côtés de celui-ci un rôle
crucial pour désarmer politiquement les travailleurs face
au danger représenté par le programme de réaction
sociale des conservateurs.
«Je suis content de voir que les conservateurs vont être
minoritaires», a déclaré Henri Massé,
le président de la plus importante centrale syndicale du
Québec, après l'élection de Harper comme
premier ministre du Canada. «Je ne suis pas trop inquiet
pour les travailleurs», a-t-il poursuivi. «M. Harper
n'a fait aucune promesse de démantibuler l'État,
de couper des services. Il fera juste du ménage dans la
haute fonction publique». Une telle complaisance relève
de la complicité politique dans l'offensive tous azimuts
qui se prépare contre la classe ouvrière partout
au Canada.
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