Par Rick Kelly et Antoine Lerougetel
7 avril
2006
La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) a officiellement écrit au ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy ainsi qu'au préfet de police de Paris pour protester contre les provocations policières qui ont pris place lors du dernier jour national d'action contre le Contrat première embauche du gouvernement gaulliste mardi dernier.
Des agents de police en civil qui se faisaient passés pour de jeunes casseurs ont arboré des autocollants de la LCR et d'autres organisations étudiantes, syndicales et de gauche. Plus de six cents personnes, dont 383 à Paris, ont été arrêtées lors des manifestations du 4 avril où de deux à trois millions de personnes ont marché contre le gouvernement.
«[D]es policiers en civil ont arboré des autocollants de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) pour mieux se fondre dans la masse des manifestants, a publié Le Monde dans son édition du 4 avril. Le drôle de manège des policiers en civil avait été repéré dès le début de la manifestation dans le "pôle fixe" de la LCR au métro Saint-Marcel. "Ils étaient une vingtaine au milieu de nos militants. On leur a mis la pression pour qu'ils dégagent et, après quelques minutes, on a arraché leur badge", raconte Pierre X., responsable du service d'ordre (SO). Quelques heures plus tard, les mêmes, blousons et vestes à nouveau décorés d'autocollants de la LCR, mais aussi de Lutte ouvrière (LO), de la Confédération nationale du travail (CNT) ou de syndicats, se trouvaient en première ligne "au contact" des jeunes manifestants participant aux échauffourées avec les CRS, place de la République.»
Les journalistes du World Socialist Web Site présents à la manifestation de Paris du 4 avril ont aussi été témoins de ce qui semblait être des agents en civil ou des provocateurs qui portaient des autocollants de syndicats ou d'organisations étudiantes. Dans une rue transversale aux environs du point de départ de la manifestation, environ 10 CRS ont été aperçus blaguant avec un groupe de jeunes arabes et de jeunes noirs avec sur la tête la cagoule noire que portent souvent les casseurs.
«Ce sont de sales méthodes, qui favorisent les provocations» a déclaré Olivier Besancenot de la LCR. Un autre porte-parole de la LCR a déclaré au World Socialist Web Site hier que l'organisation n'avait pas encore reçu de réponse de Sarkozy ou de la police.
«Nous dénonçons avec vigueur l'utilisation des ces autocollants par la police et la confusion que cela peut engendrer» a déclaré Jean-Michel Nathanson du regroupement syndical Solidaires au WSWS. «Nous discutons des actions légales que nous allons entreprendre.»
Un porte-parole de Lutte ouvrière a rapporté que son organisation ne prendrait pas d'action légale pour le moment, mais a ajouté que LO appuyait la plainte de la LCR. «Nous pourrions être blâmés par les jeunes pour toute action que la police entreprendrait en portant nos autocollants.»
Lors des manifestations anti-CPE à Paris, des groupes de personnes, décrits par les médias comme étant de jeunes chômeurs, arabes et noirs, ont assailli des étudiants qui manifestaient, ont volé des gens et des commerces et ont lancé des projectiles à la police anti-émeute. De concert avec les médias français et internationaux, le gouvernement a saisi ces incidents violents isolés pour tenter de discréditer les manifestations de masse.
Le président Jacques Chirac a dénoncé la violence lorsqu'il a annoncé la semaine dernière qu'il ratifiait formellement la loi sur le CPE. Les manifestations «ont servi de prétexte à des actes de violence et à des dégradations inacceptables» a-t-il déclaré.
Le gouvernement a aussi tenté d'utiliser la violence pour diviser les jeunes français en plaçant les Français de souche contre les immigrants et les chômeurs contre les étudiants. Sarkozy a été le fer de lance de cette stratégie provocatrice du gouvernement. Il a été filmé par la télévision aux côtés de la police anti-émeute avant et après chaque journée de grève nationale et manifestation. Avant la journée d'action du 28 mars, il a ordonné à la police d'«arrêter autant de casseurs, c'est-à-dire de délinquants, que possible»
Plus de 3000 manifestants ont été arrêtés depuis l'éruption des manifestations, voilà maintenant six semaines.
D'autres arrestations ont été signalées hier alors que les étudiants des universités et des lycées bloquaient les routes, perturbant la circulation routière dans toute la France. Les étudiants des lycées ont aussi bloqué la voie à des passagers aériens tentant d'entrer à l'aéroport d'Orly. Les chemins de fers ont été occupés à Paris, Lille, Caen et Toulouse. Selon le Nouvel Observateur, cinq étudiants ont été hospitalisé après que la police eut violemment attaqué une manifestation à Toulouse.
Il y a eu de nombreux cas de brutalité policière. La police anti-émeutes a utilisé les gaz lacrymogènes et les canons d'eau contre les manifestants, et des boules de peinture ont été tirées contre des jeunes afin de les marquer pour arrestation ultérieure.
Dans le cas le plus grave de violence, Cyril Ferez, un travailleur en télécommunications de 39 ans, a reçu le 18 mars des coups de matraque sur la tête assénés par la police anti-émeutes. Des témoins ont rapporté que la police l'a ensuite piétiné et refusé qu'on lui donne les premiers soins pendant 20 minutes.
Ferez est encore dans le coma. Il a été rapporté que sa condition neurologique s'améliore graduellement, mais une infection pulmonaire a exigé une trachéotomie plus tôt cette semaine. La famille du travailleur et son syndicat, SUD (solidarité, unité, démocratie), ont entrepris une poursuite légale contre la police pour voies de fait graves.
Les actes rapportés de policiers en civil agissant à Paris mardi dernier soulignent le rôle provocateur du gouvernement et de l'appareil d'état. Il ne fait aucun doute que des agents policiers et des provocateurs ont joué un rôle direct à inciter et diriger les casseurs. La police opérant dans les banlieues appauvries de Paris et d'autres villes s'est bâtie un réseau d'informateurs et d'agents et elle manipule des éléments criminels à ses propres fins.
Malgré les différends politiques du World Socialist Web Site avec la LCR, nous défendons inconditionnellement l'organisation et ses membres, ainsi que tout autre groupe étudiant, syndical ou de gauche, contre les violences et les provocations policières, et nous appuyons la plainte déposée par la LCR contre la police et Sarkozy.
Sarkozy, Chirac, le premier ministre de Villepin et la police
de Paris doivent être tenus responsables de telles attaques
flagrantes sur des droits démocratiques. Une enquête
complète, indépendante du gouvernement et de la
police, devrait être menée pour démasquer
le rôle des agents provocateurs dans l'incitation à
la violence et la création d'un prétexte pour la
répression.