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La lutte acharnée à propos de la force d’intervention au Liban

Par Peter Schwarz
25 août 2006

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Depuis la publication de cet article dans sa version  anglaise le 23 août, la « lutte acharnée » a connu un autre chapitre. La France a annoncé qu’elle augmentait sa contribution à la FINUL de 1600 soldats, portant le nombre total des soldats français à 2000. Comme l’article actuel l’explique, la France n’a pas gardé longtemps les bras croisés devant la possibilité que l’Italie augmente son influence politique en Méditerranée à ses dépens.

Le déploiement d’un contingent militaire des Nations unies au Liban fait face à des difficultés. La France, qui était supposée au départ former « la base » de la force et la diriger, a inopinément refusé de jouer ce rôle. Maintenant, incitée par Israël et les États-Unis, l’Italie a fait savoir qu’elle était prête à diriger la force et à fournir son plus gros contingent.

La résolution 1701, passée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 11 août et qui est à la base de l’armistice instable au Liban, prévoit le déploiement rapide d’une force de l’ONU de 15 000 soldats. L’entente finale sur la résolution a été précédée d’une longue dispute entre les États-Unis et la France.

Israël et les États-Unis voulaient que la force internationale complète la tâche que l’armée israélienne n’avait pas réussi à compléter durant son attaque de 33 jours sur le pays voisin : la liquidation du Hezbollah et la transformation du Liban en un protectorat inoffensif des grandes puissances. À l’origine, Israël et les États-Unis ont cherché à confier la mission à une force de l’OTAN avec un mandat prétendument « solide », qui lui aurait donné le pouvoir de désarmer le Hezbollah par la force.

La France, qui a travaillé étroitement avec le gouvernement libanais ainsi que d’autres gouvernements arabes et européens, voulait aussi voir le Hezbollah désarmé. Toutefois, contrairement aux États-Unis, elle a tenté de le faire principalement par des moyens politiques. Selon les plans français, le désarmement devait avoir lieu après une entente mutuelle et sous les auspices du gouvernement libanais, et sécurisé par la présence de la force internationale.

Lorsque, après un mois d’agression, il est devenu clair que l’armée israélienne n’avait pas réussi à vaincre militairement le Hezbollah, les États-Unis ont finalement accepté un compromis en la résolution 1701 de l’ONU. Washington a laissé tomber sa demande pour une force de l’OTAN et a plutôt accepté une expansion de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), de 2 000 à 15 000 soldats.

Une force de la FINUL plus puissante aurait la tâche d’empêcher la livraison d’armes au Hezbollah, mais ne pourrait le désarmer par la force. Elle sera déployée non pas sous le chapitre 7 de la Charte de l’ONU, mais sous les conditions moins coercitives du chapitre 6.

Le vote unanime au Conseil de sécurité pour la résolution 1701 a masqué les désaccords profonds, mais il ne les a pas résolus.

Israël et les États-Unis continuent d’insister sur le désarmement total du Hezbollah. L’ambassadeur américain aux Nations unies, John Bolton, tente d’introduire une nouvelle résolution à cet effet, tandis qu’Israël ignore avec mépris les clauses du cessez-le-feu qui lui barrent la voie.

Cinq jours après le début de l’armistice, Israël a mené avec provocation une opération commando dans la vallée de la Bekaa. De plus, il jure ouvertement de tuer le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah et a refusé la présence de soldats de l’ONU de pays musulmans comme l’Indonésie, le Bangladesh et la Malaisie sur ses frontières.

La France, de son côté, en est arrivée à la conclusion que toute tentative pour désarmer le Hezbollah par des moyens politiques était vouée à l’échec.

Même avant la récente guerre, le Hezbollah s’était déjà implanté profondément dans la population chiite du Liban. Après avoir résisté à l’armée israélienne et son armement américain durant 33 jours, sa popularité s’est accrue au-delà des divisions religieuses et ethniques.

Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes à travers le Moyen-Orient. Des manifestants arboraient des images de Nasrallah, côte à côte avec des images de l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nassal et du sultan Saladdin, le chef musulman du douzième siècle qui a mené à la victoire contre les croisés à Jérusalem.

Des millions d’Arabes perçoivent chaque action dirigée contre le Hezbollah comme une attaque contre leurs propres intérêts et comme un coup porté au nom d’Israël et des États-Unis. C’est une importante raison qui explique le recul de la France dans son implication dans la force de l’ONU.

En tant qu’ancienne puissance coloniale, la France a vu la guerre comme l’occasion de rétablir son influence au Liban. La résolution 1701 a été essentiellement le résultat de l’initiative par le gouvernement à Paris et elle a été acclamée par la presse française comme un important succès pour la diplomatie française. On a toujours cru que la France formerait la base de la force de l’ONU.

Mais à la soi-disant conférence sur le « déploiement de troupes » qui s’est déroulée le 17 août à New York, la France a proposé d’augmenter son contingent de la FINUL de 200 à seulement 400 soldats, contrairement aux 3 000 qui étaient prévus. La volte-face a été officiellement justifiée par l’argument que les tâches et les pouvoirs de la mission n’avaient pas été suffisamment définis. Sous ce prétexte se cache la crainte française que ses troupes pourraient se retrouver coincées entre les deux camps et mêlées à un conflit militaire, sans issue claire à l’horizon.

Le journal français Libération a déclaré : « Le problème, c'est que le gouvernement libanais n'a ni les moyens militaires ni politiques d'exiger du Hezbollah ce que Paris et Washington lui demandent, à savoir son désarmement. Beyrouth a les mains liées par la popularité du parti chiite et les divergences sur ce sujet très sensible au sein de la classe politique libanaise. »

Comme avant la guerre, le désarmement des milices chiites demeure au coeur de la crise, et de poursuivre Libération : « Avec une différence essentielle : on chercherait les raisons du Hezbollah de déposer les armes, auréolé de sa “victoire sur l'ennemi sioniste” et de sa proximité avec une partie de la population qu'il est le premier aujourd'hui à aider et secourir. »

Le commandement militaire français, en particulier, met en garde contre tout déploiement irréfléchi au Liban et soutient qu’il ne devrait pas s’y trouver de casques bleus français sans mandat clair. « La question aujourd'hui ce n'est pas combien [de soldats] et quand, a affirmé la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, mais c'est pourquoi faire et comment. Une mission floue de cette force risquerait d’entraîner une catastrophe. »

La France est encore sous le coup du traumatisme du précédent déploiement au Liban alors qu’en 1983, 58 parachutistes étaient tués dans leur poste à Beyrouth, appelé « Drakkar », suite à un attentat suicide d’un chiite rebelle. La France a traditionnellement joui de ses relations étroites avec l’élite chrétienne maronite au Liban et ne pourra pas jouer le rôle du médiateur désintéressé si la guerre venait à éclater de nouveau. Elle se retrouvera inévitablement prise entre les parties combattantes.

D’autres ont aussi rappelé le déploiement de l’ONU en Bosnie dans lequel la moitié des 167 morts furent françaises.

Un autre facteur de la réticence de la France à s’engager est la position adoptée par les régimes arabes qui se sont de plus en plus dissociés de la force de l’ONU. La plupart des gouvernements arabes n’ont fait que regarder et n’ont pas levé un petit doigt alors qu’Israël bombardait le Liban, tuant plus de 1 000 civils et forçant le déplacement d’un million de personnes. Aujourd’hui, toutefois, ils craignent que les sentiments anti-américains et anti-israéliens largement répandus menacent leur régime s’ils s’identifient trop ouvertement avec des actions dirigées contre le Hezbollah.

Ceci est particulièrement évident pour la Syrie, avec laquelle la France, tout comme les Etats-Unis, n’a pas de relations diplomatiques. Ce fut le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, qui eut la tâche de se rendre à Damas pour obtenir l’appui de la Syrie. Toutefois, il fut grossièrement rejeté.

Avant que Steinmeier s’envole pour Damas, le président syrien Bashar al-Assad a prononcé un discours dans lequel il a nettement attaqué Israël et louangé le Hezbollah. Steinmeier a abruptement annulé son voyage.

La retraite de la France représente un considérable problème pour Israël et les Etats-Unis. Suite à l’échec de son offensive au Liban, le gouvernement israélien est dans une crise profonde et a besoin de l’appui des troupes de l’ONU à ses frontières. Le premier ministre israélien Ehoud Olmert et le président américain George W. Bush se sont tournés vers le premier ministre italien, Romano Prodi, pour que l’Italie remplace la France à la tête de la force onusienne.

Prodi a immédiatement indiqué qu’il était prêt à jouer ce rôle. Le week-end dernier, il a téléphoné aux dirigeants de l’Allemagne, de la France et de la Turquie pour demander leur aide pour mettre sur pied une force conjointe de l’ONU. Lundi, il a informé le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan que l’Italie était prête à prendre la tête de la force et à envoyer jusqu’à 3 000 soldats au Liban. La question fondamentale était d’avoir « un mandat clair avec des paramètres précis ». Il a maintenu que les forces de l’ONU ne devraient pas être chargées de désarmer le Hezbollah, mais simplement de superviser la situation politique du conflit.

Avec Prodi faisant des demandes similaires à celles de la France, il est possible que le gouvernement français cherchera maintenant à accroître son contingent et peut-être même à prendre la tête de la force.

L’Italie a traditionnellement maintenu de bonnes relations avec la plupart des gouvernements arabes. Ce n’est que sous le prédécesseur de Prodi, Silvio Berlusconi, que la politique étrangère italienne s’est plus nettement aligné avec la politique américaine. Le but avoué de Prodi est de changer cette politique et de faire de l’Italie une puissance régionale de la Méditerranée.

Son gouvernement a été enclin à s’impliquer au Liban depuis un certain temps. Déjà au sommet du G8 de Saint-Pétersbourg en juillet, Prodi avait offert d’envoyer des soldats italiens au Liban. Peu après que l’on se soit entendu sur la nouvelle résolution de l’ONU, il a cherché à réaliser sa promesse, engageant son gouvernement et le parlement italien sur sa politique. Il a déclaré lors d’une conférence de presse vendredi dernier que l’Italie amorçait « une nouvelle phase de sa politique étrangère, une phase de crédibilité et de responsabilité ».

Au même moment, Prodi a clairement affirmé dans quel camp l’Italie se trouvait. « La guerre a été commencée par le Hezbollah qui a attaqué le territoire israélien », a-t-il dit.

La coalition de centre-gauche de Prodi a gagné les dernières élections parlementaires italiennes en avril dernier, la promesse de retirer les troupes italiennes de l’Irak jouant un rôle important dans cette victoire. Aujourd’hui, son gouvernement veut entreprendre une nouvelle mission risquée au Moyen-Orient dans le but d’augmenter l’influence de l’Italie en Méditerranée.

Le ministre des Affaires étrangères, Massimo D’Alema, un membre des Démocrates de gauche (l’organisation qui a succédé au Parti communiste italien) a joué un rôle important dans le changement de la politique étrangère italienne. Prodi a aussi pu compter sur l’appui de la Refondation communiste (Rifondazione Comunista), qui a joué un rôle actif dans les manifestations de masse contre la guerre en Irak, mais qui appuie maintenant au gouvernement et au parlement l’intervention de l’Italie au Liban.

 

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