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Samedi, les forces israéliennes ont violé le cessez-le-feu de manière flagrante le long de la frontière libano-israélienne, alors que des dizaines de commandos militaires ont attaqué le village de Boudai, près de Baalbek dans la vallée de la Bekaa à l’est du Liban. L’incursion constitue la première violation importante du cessez-le-feu, qui est entré en vigueur le lundi 14 août, entre les forces israéliennes et du Hezbollah au Sud-Liban.
Des représentants libanais et des Nations unies ont dénoncé l’incursion. A Beyrouth, le premier ministre libanais Fouad Siniora a fait une déclaration à la presse, qualifiant l’attaque de « violation flagrante » de la résolution de cessez-le-feu de l’ONU, tandis que le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a déclaré qu’il était « profondément préoccupé par la violation israélienne de la cessation des hostilités. »
Même si leur présumé objectif était d’intercepter des cargaisons d’armes de la Syrie livrées à des combattants du Hezbollah près de Baalbek, les Forces de défense israéliennes (FDI) n’ont saisi aucune arme et n’ont fourni aucune preuve que ces cargaisons étaient les véritables cibles de l’incursion nocturne. Il semble plutôt que les commandos tentaient de kidnapper un haut dirigeant du Hezbollah, le cheikh Mohammed Yazbeck, afin de l’échanger contre les deux soldats des FDI capturés par le Hezbollah le mois dernier, le prétexte prétendu pour l’attaque israélienne sur le Liban qui a duré un mois.
Selon les reportages dans la presse libanaise, basés sur les témoins locaux, les commandos israéliens ont atterri en hélicoptère à l’est du Mont-Liban, vêtus d’uniformes de l’armée libanaise, et ont tenté de masquer leur identité en parlant arabe alors qu’ils passaient par les points de contrôle du Hezbollah sur la route menant vers Baalbek. Ils se dirigeaient vers une école qu’ils croyaient appartenir à Yazbeck, qui est né à Boudai mais qui n’y vit plus aujourd’hui.
Toutefois, l’incursion s’est transformée en fiasco. Des combattants du Hezbollah ont démasqué la ruse israélienne — supposément à cause des accents palestiniens des soldats — et ont ouvert le feu sur eux. Bien que seulement dix soldats du Hezbollah étaient impliqués au départ, environ 300 personnes du village se sont mobilisées, ont pris les armes et ont rejoint le combat, forçant les commandos israéliens à retraiter.
Selon le Los Angeles Times, « Les Israéliens dans les VUS avaient apparemment raté la formulation traditionnelle arabe de bienvenue, ont affirmé des combattants. On leur a fait signe de se rendre au prochain point de contrôle, où des combattants du Hezbollah les embusquaient, les faisant ainsi prendre la fuite à travers les champs de tabac. “Lorsque les Israéliens sont venus, tous les ont combattus” a déclaré Faouzat Chamas, 51 ans, un travailleur agricole du gouvernement qui a dit avoir participé à la bataille. Des hélicoptères Apache tiraient au sol, pendant que de plus gros hélicoptères évacuaient les hommes et leurs véhicules, ont déclaré les combattants. »
Suzanne Mazloun, la femme de 22 ans du maire de Boudai, Suleiman Chamas, a déclaré à la presse : « Tous, et pas seulement le Hezbollah, ont combattu. Toutes les personnes du village ont pris leurs fusils pour se battre. Des garçons de 15 ans avaient des fusils. » Un commando israélien a été tué et au moins deux autres blessés, et les hélicoptères ont évacué l’unité après une heure seulement au sol.
Les villageois qui ont parlé à la presse américaine ont dit que l’incursion était un échec total, montrant des indices qui signalaient que les pertes israéliennes étaient plus importantes qu’on l’avait évalué, incluant des bandages sanguinolents et des seringues laissées derrière par les commandos en fuite. « Ils ont échoué complètement », a déclaré Sadiq Hamdi, un marchand de ferraille, au New York Times. « Ils étaient encore sur la route lorsque le Hezbollah leur est tombé dessus. Ils n’ont pas réalisé 1 pour cent de ce qu’ils essayaient de faire. »
Un porte-parole militaire israélien a confirmé le raid et les pertes, ajoutant que les avions de guerre ont joint le combat pour offrit une couverture aérienne pendant qu’on allait chercher le commando pris au piège. Ceci inclut le bombardement et la destruction d’un pont afin d’empêcher les renforts du Hezbollah de rejoindre les combats. Il y a eu des comptes rendus contradictoires quant au nombre de morts du côté du Hezbollah, allant de zéro à trois morts et trois blessés.
Dimanche, visitant la dévastation de Beyrouth Sud, Siniora a qualifié la campagne de bombardement d’un mois d’Israël de « crime contre l’humanité ». S’adressant aux reporteurs, il déclare, « ce que nous voyons aujourd’hui est une image des crimes qu’Israël a commis. Il n’y a pas d’autre description que celui d’un acte criminel qui témoigne de la haine d’Israël. »
Les responsables israéliens continuent à défendre le raid de samedi comme étant dirigé contre les efforts syriens et iraniens d’approvisionner le Hezbollah en armes, sans présenter la moindre preuve. Aucun soldat syrien ou iranien n’a été impliqué dans l’incident, qui a été entièrement mené par des villageois libanais sous la direction du Hezbollah. L’administration Bush, sans surprise, a endossé le raid et les prétextes israéliens.
Le raid contre Boudai est une sorte de métaphore pour toute la guerre : l’arrogance et le contrôle militaire des airs, se heurtant à une féroce résistance dans la forme d’une milice basée et issue de la population locale. Même la notoire presse pro-israélienne américaine, dont les éditoriaux caractérisent invariablement le Hezbollah d’organisation terroriste équivalente à al-Qaïda, est maintenant forcée de reconnaître l’appui de masse à la milice shiite.
Le New York Time de vendredi, par exemple, publiait le texte suivant: « la guérilla du Hezbollah, connue au Liban comme « la résistance », opère dans le Sud depuis des années. Elle est presque entièrement composée d’homme de la région, endurcis par 18 années d’occupation israélienne après l’invasion de 1982. Durant ce temps, ils vivaient et travaillaient dans leur village natal, construisant un réseau de services sociaux complexe, des fortifications souterraines élaborées et des caches entreposant un armement moderne qui abasourdirent Israël au cours d’un mois de combat féroce. « Personne ne savait qu’ils avaient tout cela, ni les militaires, ni les services du renseignement », déclare un général de l’armée libanaise parlant sous le couvert de l’anonymat et pas moins surpris ».
Le résultat de la guerre a été un désastre stratégique autant pour Israël que pour l’administration Bush. Israël et les Etats-Unis avaient préparé la guerre longtemps à l’avance, attendant seulement un prétexte commode pour lancer la soi-disant irrépressible puissance de l’air, de l’artillerie et des blindés israéliens contre les combattants de la guérilla armés uniquement de roquettes et d’armes légères. L’objectif était de créer les conditions permettant de consolider un régime soumis et proaméricain au Liban qui pourrait servir de base contre la Syrie et l’Iran.
Le raid de samedi est un des efforts multiples des gouvernements d’Israël et des Etats-Unis de façonner la perception de la guerre et de retourner son impact dévastateur dans la conscience populaire dans les pays arabes et en Israël même.
Cette préoccupation compte en partie dans l’extraordinaire entrevue accordée par un général israélien haut gradé au New York Times, publiée dimanche, sous le titre, « Israël se consacre à bloquer les armes et a tuer Nasrallah ». Citant ce « commandant israélien senior », le Times rapporte qu’« Israël a l’intention de faire de son mieux… pour tuer le dirigeant de la milice, le cheik Hassan Nasrallah… »
« Il n’y a qu’une seule solution pour lui », a dit l’officier israélien au Times en faisant référence à Nasrallah, « il doit mourir ».
Il n’y a pas un autre pays au monde qui pourrait aussi publiquement annoncer son intention d’assassiner un adversaire politique important et s’attendre à ce que cette très violente déclaration ne rencontre aucune censure aux Etats-Unis ou encore de la majorité des médias européens. On ne peut qu’imaginer l’indignation qu’aurait provoquée la situation opposée où le cheik Nasrallah aurait déclaré sa détermination à assassiner le premier ministre israélien Ehoud Olmert ou le ministre de la Défense Peretz.
Ces commentaires démontrent non seulement l’impunité dont bénéficie un régime qui montre ouvertement son mépris pour la loi internationale, mais aussi le désespoir croissant du régime. Le gouvernement Olmert sent évidemment que l’extermination du dirigeant du Hezbollah serait un substitut adéquat pour l’échec de sa tentative d’exterminer toute l’organisation et lui permettrait de décrire la guerre comme une victoire autant face à son auditoire intérieur qu’international.
Provocation supplémentaire, les forces israéliennes ont arrêté l’adjoint du premier ministre de l’Autorité palestinienne tôt samedi matin. Nasser Shaer a été capturé par les soldats qui ont encerclé sa maison à Ramallah avant l’aube et l’ont arrêté pour être un membre du Hamas. Shaer est le plus important responsable de l’Autorité palestinienne à être arrêté depuis le début de l’assaut contre Gaza deux semaines avant la guerre au Liban.
Il y a plusieurs signes que l’accord vacillant pour un cessez-le-feu qui a été conclu le 11 août par le Conseil de sécurité des Nations unies pourrait voler en éclat d’ici quelques jours. Le principal responsable de l’ONU pour la région, Reje Roed-Larsen, a dit que l’accord pourrait s’effondrer dans « un abysse de violence et de sang » s’il y avait d’autres violations importantes. Il a averti que le raid israélien, et encore plus la menace de futurs raids, pourrait décourager des pays de contributions des soldats à la force agrandie des gardiens de la paix de FINUL.
La France, qui a le plus fait pression pour l’expansion de la FINUL et visait à en prendre la direction, a offert 200 soldats en plus des 200 qui sont déjà stationnés au Sud-Liban. C’est beaucoup moins que les 3000 soldats ou plus auxquels on s’attendait de la puissance européenne qui doit prendre la tête de la force de 15 000 hommes, une situation qui force l’ONU, l’administration Bush et les Israéliens à trouver une autre solution. Le premier ministre Olmert a téléphoné au premier ministre italien Romano Prodi dimanche et a demandé que l’Italie prenne la tête de la force.
Les Israéliens cherchent aussi à exercer un veto sur la composition des forces de paix de l’ONU. Olmert a annoncé dimanche qu’il s’opposait à l’inclusion dans la force de soldats dont le pays ne reconnaîtrait pas l’Etat d’Israël, ce qui exclut l’Indonésie, la Malaysie et le Bangladesh, tous des pays majoritairement musulmans qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël. Les trois pays sont les seuls à offrir des unités blindées de première ligne pour le déploiement de la FINUL pouvant faire obstacle à de futures actions militaires israéliennes.
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