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Le gouvernement sri lankais justifie le massacre de lycéens
Par Vilani Peiris
18 août 2006
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Le gouvernement sri lankais a répondu aux
preuves croissantes concernant le massacre commis lundi par l’armée de l’air
d’un grand nombre d’enfants lors d’attaques aériennes sur le district de
Mullaitivu par davantage de mensonges et une justification pour davantage de
crimes.
Après que des avions de guerre aient mitraillé
un orphelinat tôt dans la matinée de lundi, le LTTE (Tigres de Libération de
l’Eelam tamoul) a déclaré que 61 lycéens, la plupart des filles, ont été tués
lors d’une attaque et 129 ont été blessés. Il s’agissait de lycéens des écoles
environnantes qui avaient passé la nuit dans des sites à Vallipunam, une région
contrôlée par le LTTE, après avoir participé à un atelier d’entraînement aux
soins médicaux d’urgence.
L’armée a immédiatement nié les affirmations
en déclarant que l’armée de l’air avait mitraillé un camp d’entraînement du
LTTE tuant des combattants du LTTE. Toutefois, le même jour, Ulf Henricsson, le
chef de la mission de contrôle du cessez-le-feu au Sri Lanka (SLMM) a précisé
que son équipe a visité la région et a confirmé que les morts étaient des
écoliers. Il a dit n’avoir vu ni installations militaires ni armes.
Le personnel d’un bureau du Fonds des Nations
unies pour l’Enfance (UNICEF) tout proche s’est immédiatement rendu sur les
lieux pour évaluer la situation et pour fournir du carburant, des médicaments
et des conseils. Dans un communiqué, l’UNICEF a précisé mardi que quarante
adolescentes avaient été tuées et que 100 enfants sont blessés, dont certains
très gravement. La représentante de l’UNICEF, Joanna van Gerten, a dit à la
presse : « Pour l’instant, nous n’avons aucune preuve qu’il s’agissait
de cadres du LTTE. »
Soucieux de contenir l’indignation croissante,
le ministre de la Planification, Keheliya Rambukwella, qui fait également
office de porte-parole du gouvernement pour les questions de Défense, a tenu
mardi une conférence de presse à Colombo. Sans exprimer la moindre sympathie
pour les victimes ou présenter ses condoléances à leur parents, Rambukwella,
qui est également un ministre du gouvernement, a répété l’affirmation que
l’ancien orphelinat servait de camp d’entraînement au LTTE, en ajoutant que les
enfants qui s’y entraînaient avaient été impliqués durant le weekend dans de
récentes attaques contre les forces armées sri lankaises à Muhamalai.
Ni Rambukwellla ni le porte-parole militaire,
le brigadier Athula Jayawardena, ont offert la moindre preuve pour ces
affirmations. Des photos aériennes du site avant et après le bombardement ont
été présentées aux journalistes présents. Le site internet japonais Kyodo
a fait le commentaire suivant : « Des séquences de film pris après la
frappe ont montré des silhouettes qui couraient. Les porte-parole
gouvernementaux les ont décrites comme étant des cadres du LTTE. »
Le brigadier Jayawardena a dit aux média que
« le camp qui a été touché se trouvait dans une région de jungle avec un champ
de tir. » L’armée, a-t-dit, a surveillé la zone durant des années et n’a
attaqué le site qu’après avoir recueilli des semaines durant des renseignements,
y compris ceux fournis par des espions et après avoir analysé l’objectif. Il ne
s’est pas préoccupé des preuves produites par les représentants de la SLMM et
de l’UNICEF ; il n’expliqua pas non plus pourquoi, si les renseignements
étaient tellement précis, l’armée a tué délibérément des écoliers.
Du reste, dans sa précipitation à démontrer la
précision du travail des services de renseignement de la défense, le brigadier
confirma par inadvertance le fait que l’armée avait préparé des semaines
durant, si ce n’est plus, ses frappes contre le LTTE, et donc bien avant que
les combats aient eu lieu près du « camp d’entraînement ». Dès le
départ, le gouvernement a affirmé que son offensive contre le LTTE, lancée le
26 juillet, était une opération « humanitaire restreinte » ayant pour
but d’ouvrir la vanne de Mavilaru qui approvisionne en eau les paysans. En
réalité, l’armée avait déjà élaboré des projets pour une guerre à une échelle
plus vaste en attaquant d’autres cibles du LTTE, y compris l’orphelinat de
Vallipunam.
Les commentaires les plus effrayants,
cependant, sont venus du ministre qui s’est lancé dans des tirades contre le
LTTE pour avoir recruté des enfants soldats. « Une fois qu’ils sont formés
aux armes, l’on ne peut plus les considérer comme des enfants normaux, » a
déclaré Rambukwella. « Si un enfant arrive avec un fusil pour abattre un
soldat vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’il reste là pour le serrer dans
ses bras. A une époque comme celle-ci nous ne pouvons pas tenir compte de leur
âge mais plutôt de ce qu’ils ont l’intention de faire. »
Le point le plus important est qu’aucune des
filles massacrées de sang-froid lundi n’a attaqué des troupes sri lankaises.
Pas plus qu’il n’existe des preuves que les lycéens suivaient une formation
militaire. Dénudé de superflu, l’argument de Rambukwella est le suivant :
le LTTE forme des enfants soldats, l’orphelinat de Vallipunam abritait des
enfants, donc c’était une cible légitime. En d’autres termes, la population
entière, des enfants tout comme des hommes et des femmes, est traitée comme
ennemi.
C’est la même logique qui est employée par le
gouvernement israélien pour justifier ses crimes de guerre au Liban Sud. Sur la
base de la destruction de « l’infrastructure du Hezbollah », l’armée
a aplati des villages, des villes et des cités, tuant des centaines de civils.
Après avoir bombardé la ville de Cana, tuant au moins 28 personnes, y compris
des enfants, les autorités israéliennes ont continué à affirmer que le bâtiment
était utilisé par le Hezbollah pour des tirs de rockets et ce malgré la preuve
du contraire fournie par les journalistes et les travailleurs de l’aide
humanitaire.
L’armée sri lankaise manque peut-être de la
puissance de feu dont dispose la machine de guerre israélienne, mais les
méthodes sont les mêmes : des attaques à l’artillerie et des frappes aériennes
aveugles contre des prétendues cibles LTTE dans le but d’intimider et de
terroriser la population dans son ensemble. Après que le LTTE ait pénétré début
août dans la ville de Muttur dans l’Est, en menaçant de couper les voies
d’approvisionnement en direction de la région de Mavilaru, l’armée a répondu par
un tir de barrage de rockets et d’artillerie, tuant des civils et forçant entre
20.00 et 40.000 résidents à fuir la région.
La réponse de Rambukwella aux preuves de l’UNICEF
a été de citer un précédent rapport de l’UNICEF qui accusait le LTTE de
recruter des enfants soldats. « L’UNICEF ne peut pas nous dire qu’elles [les
victimes] sont des enfants et qu’il ne faut pas les attaquer, » a-t-il dit
en ajoutant stupidement que si la SLMM et l’UNICEF avaient des doutes, le
gouvernement les emmènerait dans la région. Mis à part le fait que le
gouvernement n’est pour le moment pas en mesure d’emmener qui que ce soit en
territoire LTTE, des représentants de la SLMM et l’UNICEF ont déjà visité le
site et délivré leur verdict.
Les atrocités ont non seulement exposé la
nature criminelle du gouvernement, mais aussi le soutien servile que les média
de Colombo apportent à sa guerre. La presse droitière sert de porte-parole au
gouvernement et à l’armée, ressassant sans critique leurs mensonges en dénonçant
régulièrement le LTTE comme des « Tigres terroristes ». Le Island
a déclaré hier, « Le gouvernement rejette l’affirmation de la SLMM au
sujet du bombardement de Mullaitivu ». Le journal Lakbima a
rapporté l’incident comme « Une frappe aérienne sur un camp d’entraînement
d’enfants soldats. »
Le Daily Mirror, qui s’efforce de
s’afficher comme une alternative libérale, a publié mardi un article intitulé
« Un mystère englobe la mort de plus de 60 jeunes à Mullaitivu », en faisant
un rapport sur une spéculation non confirmée que les victimes étaient des
« enfants soldats ». Même après que la déclaration de l’UNICEF ait
été publiée, le journal a négligé de prendre position dans un article publié
hier disant « Des enfants tués sous le feu croisé UNICEF-Gouvernement ».
Personne dans les média n’a essayé de réaliser une évaluation indépendante du
massacre.
Même des reportages limités sur les
commentaires du LTTE et ceux d’organisations telle l’UNICEF ont poussé le
gouvernement à brandir la menace de la censure. Le Daily Mirror a
rapporté que le président Mahinda Rajapakse a rencontré des directeurs de la
presse privée et de la presse d’Etat pour les informer de projets concernant
« l’introduction de directives s’appliquant à toutes les organisations de
presse. » La proposition a été faite à la suite d’une réunion sécuritaire
tenue le mois dernier et lors de laquelle des officiers gradés de l’armée se
sont plaints auprès de Rajapakse sur la « désinformation du LTTE » de
la couverture de presse.
Personne au sein de l’establishment politique
et médiatique à Colombo a nommé le bombardement de Mullaitivu par son vrai
nom : un crime de guerre pour lequel les responsables du gouvernement et de
l’armée devraient être accusés et poursuivis.
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