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Les politiques qui soutiennent la dernière campagne de peur terroriste
Par Barry Grey
16 août 2006
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Cinq jours après que les autorités britanniques eurent
arrêté 24 musulmans d’origine britannique et annoncé qu’ils avaient, avec leurs
collègues américains, contrecarré un complot qui visait à faire exploser des
vols transatlantiques entre Londres et les États-Unis, aucun des deux
gouvernements, britannique ou américain, n’a fourni de faits qui pourraient justifier
leurs sinistres affirmations.
Aucun détail du supposé complot n’a été fourni, tout comme
l’absence de preuves tangibles qui pourraient justifier l’arrestation de tant
de personnes ou l’imposition d’effrayantes mesures de sécurité qui ont
complètement bouleversé les aéroports aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Pendant ce temps, des vols commerciaux voient leur trajet
modifié en plein vol, et de folles annonces de nouveaux complots surgissent
dans les journaux. Le plus récent événement est l’arrestation de trois
Américains d’origine palestinienne qui ont été emprisonnés après avoir acheté
80 téléphones cellulaires d’un magasin Wal-Mart. La police locale avait
découvert que l’un d’entre eux possédait une caméra numérique avec une photo du
pont Mackinac, qui relie les péninsules inférieure et supérieure du Michigan.
Cela a suffi pour les accuser de conspiration visant à attaquer le pont,
utilisant les téléphones cellulaires comme détonateurs.
La crédibilité de ce « complot » invraisemblable
a été sérieusement ébranlée lundi, lorsque le FBI a émis une déclaration
affirmant qu’aucun des trois hommes n’était relié à des groupes terroristes
connus, qu’acheter des téléphones cellulaires n’était pas un crime, et que le
pont Mackinac n’était pas en danger. Des parents des trois hommes ont expliqué
qu’ils achetaient et vendaient des téléphones cellulaires pour gagner leur vie.
Toutefois, l’incident est représentatif de l’atmosphère d’hystérie qui est
encouragée par l’administration Bush. (De plus, au moment d’écrire ces lignes,
les trois suspects sont toujours en prison).
Jusqu’à ce que des faits concrets soient présentés, le
complot terroriste ciblant des vols commerciaux doit éveiller les plus sérieux
doutes.
Lundi matin, à l’émission « Today » sur NBC, Lisa
Myers, faisant un reportage de Londres, a affirmé que les autorités
britanniques se plaignaient de ne pas avoir autant de preuves qu’ils l’auraient
souhaité contre les présumés comploteurs, car l’administration Bush avait
insisté pour que le moment des arrestations soit devancé d’une semaine. Les
Britanniques, selon Myers, avaient prévu attendre que les supposés
conspirateurs fassent une « répétition » de leur complot.
Le fait que, dans le privé, des représentants britanniques
soient inquiets d’un manque de preuves soulève de sérieuses questions quant à
l’existence de faits clairs et convaincants pouvant prouver que ceux qui ont
été arrêtés étaient reliés d’une quelconque façon au complot, ou qu’un tel
complot a bel et bien existé.
La révélation de Myers vient renforcer les précédents
reportages qui avaient affirmé que le gouvernement britannique s’était opposé
aux affirmations des représentants américains selon lesquelles le présumé
complot était relié à al-Qaïda. Ces développements suggèrent que, loin d’avoir
contrecarré un vil complot à la veille de sa réalisation, le gouvernement
britannique a subi la pression de Washington pour participer à une immense
provocation, et a encore une fois cédé aux demandes des États-Unis.
Le manque de faits n’a pas empêché les médias
traditionnels, et particulièrement aux États-Unis, d’accepter sans réserves les
assertions officielles et de les embellir de commentaires « d’experts sur
le terrorisme » à propos des liens avec Al-Qaida, des cellules terroristes
au pays et d’autres hypothèses semblables, qui sont toutes calculées pour créer
un climat de peur et d’intimidation.
Néanmoins, enfouies dans l’énorme quantité d’articles de
journaux et de commentaires télévisuels peuvent être trouvées des bribes
d’information qui mettent davantage en doute la crédibilité des affirmations
officielles. Ainsi le USA Today de lundi, dans un article intitulé
« Craignant un plus large complot américain, les enquêteurs ont fait une
course contre la montre » a noté ceci : « Il n’y avait pas
non plus de preuve immédiate qu’au moins un des suspects avait acheté des
billets pour des vols futurs, même si les autorités britanniques avaient
indiqué que certains des suspects avaient prétendument étudié les horaires de
vols et se préparaient pour des vols précis. »
Pourtant, les représentants britanniques et américains
déclaraient la semaine dernière au moment des arrestations qu’une attaque
contre les lignes aériennes était « imminente ».
Pour rendre toute cette affaire encore plus suspecte, les
émissions de nouvelles du lundi soir rapportaient que les autorités
britanniques avaient découvert « de nouvelles preuves » qui les
menaient à changer leur approche à l’enquête toujours en cours. Quelle était
cette « nouvelle preuve ? » Et comment pouvait-elle
significativement changer une enquête qui, prétendument, avait contrecarré une
attaque imminente ? Ces questions n’ont pas été soulevées.
Malgré l’absence de preuve factuelle substantielle, les
niveaux d’alerte ont été augmentés et de soi-disant mesures de sécurité ont été
introduites créant le chaos dans le système de transport aérien et soumettant
les citoyens britanniques et américains aux méthodes policières de type
militaire, violant leur vie privée et leurs droits démocratiques..
23 citoyens britanniques sont toujours en prison, dans des
conditions, selon leurs avocats, qui bafouent l’équité procédurale et les
droits démocratiques. Les contacts avec les membres de leur famille leur ont
été niés, et ils n’ont eu virtuellement aucun contact avec leurs conseillers
juridiques, ils font l’objet de traitement abusif, incluant le confinement
dans des cellules glaciales. Ils n’ont été accusés d’aucun crime, et, en vertu
des nouvelles lois antiterroristes britanniques, peuvent être gardés en
détention sans accusation pendant 28 jours.
Les noms et photos de la plupart des prisonniers ont été publiés
dans les journaux et leurs biens ont été saisis par le Trésor britannique,
prouvant que la présomption d’innocence est lettre morte tant en Angleterre
qu’aux Etats-Unis.
Ce sont là le type de méthodes que les forces de police emploient
pour terroriser un suspect et en obtenir des confessions incriminantes qui sont
alors citées pour « prouver » que les allégations de l’Etat et
poursuivre des accusés.
Une chose est claire: le supposé complot à été utilisé
clairement à des fins politique d’un caractère profondément réactionnaire.
Lundi, le ministre de l’Intérieur, John Reid, annonçait que le
niveau d’alerte en Angleterre avait été réduit du niveau « critique »
à « sévère, » et cela même s’il admettait qu’il y avait toujours
plusieurs cellules terroristes opérant en Grande-Bretagne. Il a relancé par la
même occasion l’appel des travaillistes pour une prolongation de la durée de la
détention préventive à 90 jours.
Le jour précédent, le secrétaire à la sécurité nationale,
Michael Chertoff, faisait la tournée des talk-shows du samedi et demandait que
des changements soient apportés aux lois américaines pour autoriser à une
échelle encore plus poussée l’espionnage gouvernemental et pour permettre une
période de détention préventive selon les lignes britanniques.
Pourquoi l’administration Bush a-t-elle autant insisté pour
que le complot allégué soit rendu public jeudi ? La réponse n’a rien à voir
avec des considérations de sécurité. Cela avait plutôt à voir avec les
machinations de la clique de gangsters politiques — Dick Cheney, Karl Rove,
entre autres — qui dirige le gouvernement américain.
Après que leur démocrate préféré, le sénateur fanatiquement
pro-guerre et ancien candidat vice-présidentiel, Joseph Lieberman eut perdu les
primaires démocrates au Connecticut devant un débutant politique qui s’est
opposé à la guerre en Irak, Ned Lamont, il était urgent que cette expression de
sentiment de masse antiguerre et antiBush soit poussé hors des premières pages
et supplanté par une nouvelle ronde de campagne de peur et d’hystérie.
Tout comme les révélations de crimes de guerre américains
en Irak et de torture des prisonniers américains à Guantanamo.
Alors que Cheney était en discussion avec le gouvernement
du premier ministre britannique Tony Blair sur la campagne de peur qui se
préparait, il a tenu une rare conférence de presse pour dénoncer le vote pour
Lamont comme un grand service à al-Qaïda. Cette pièce de collection de chasse
aux sorcières a ensuite été reprise par Lieberman lui-même, qui a décrit
l’opposition à la guerre en Irak et à lui-même comme revenant à un appui au
terrorisme.
Il y a indéniablement une conspiration. C’est un complot d’utiliser
les menaces terroristes, réelles ou imaginaires, pour terroriser le peuple
américain, l’intimider, le désorienter et l’habituer à accepter la
militarisation de tous les aspects de sa vie et la destruction de ses droits
démocratiques. Le centre de cette conspiration est le gouvernement américain
lui-même.
Voilà ce que sera, pour autant que Cheney et compagnie aient
leur mot à dire dans l’affaire, l’atmosphère dans laquelle les élections de
novembre auront lieu.
Quel est le contexte politique dans lequel la dernière
panique à la terreur a eu lieu ? L’Irak descend dans la guerre civile sous
la botte de l’occupation militaire américaine, l’Afghanistan devient hors de
contrôle, la guerre israélo-américaine au Liban s’est terminée par une faillite
politique, de nouveaux sondages d’opinion montrent que les taux d’approbation
de Bush encore une fois brisent des records d’impopularité et le sentiment antiguerre
augmente toujours.
Dans un article publié dans le Washington Post de
lundi, il est noté que les titulaires de sièges républicains du Nord-Est
craignaient être balayés lors des élections de novembre en conséquence de la
haine populaire envers Bush et envers la guerre.
La réponse des conspirateurs du clan Cheney-Rove est de manufacturer
une nouvelle vague de panique et d’hystérie dans une tentative de rallier les
électeurs en masse encore une fois derrière la « guerre au
terrorisme » de Bush. C’est ce qu’ils ont fait en 2004, lorsque dans la
campagne électorale battait son plein, ils ont soudainement annoncé qu’il y
avait un complot pour attaquer les principales institutions financières de New
York, Washington et Newark (au New Jersey) — un complot qui a été révélé n’être
que de l’air. Et il y a eu, au moment opportun du calendrier électoral, la
soudaine réapparition d’Oussama ben Laden avec un message enregistré qui
rappelait au peuple américain qu’il était déterminé à l’anéantir.
Les personnages fascisants du gouvernement secret américain
se basent sur la couardise et la complicité du Parti démocrate et les services
de médias entièrement serviles et corrompus, qui sont eux-mêmes largement peuplés
par des agents des services du renseignement américains. Pas un seul quotidien
ou média de masse n’a défié les prétentions du gouvernement en ce qui concerne
le supposé complot terroriste aérien.
Qu’en est-il du supposé 24e conspirateur, qui a
tranquillement été relâché de prison par les autorités britanniques la semaine dernière ?
Qui est-il ? Pourquoi a-t-il été libéré ? Etait-il l’agent du service
du renseignement britannique MI5 qui a prétendument infiltré le groupe des
présumés conspirateurs? Ces questions ne sont même pas soulevées, encore bien
moins répondues.
Pourquoi les médias croient-ils toujours ce que leur disent
les dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne? Ils ont tous traîné
leur population dans une guerre sur la base de mensonges. Bush a fait des
discours devant le Congrès, la Cour suprême et le peuple américain dans son
adresse à la nation en 2003 et a menti sur la présumée tentative de l’Irak
d’acheter de l’uranium du Niger. Le secrétaire d’Etat américain, devant les
Nations unies, a prononcé un long plaidoyer qui était un tissu de mensonges.
Cheney est un fabulateur en série.
Quant à Tony Blair, non seulement a-t-il menti sur la
question des armes de destruction massive, mais il a approuvé une politique
secrète de tirer pour tuer qui a résulté dans le meurtre d’un travailleur
innocent, Jean Charles de Menezes, après les attentats à la bombe dans le métro
de Londres l’an dernier.
La leçon la plus importante qui doit être tirée de
l’actuelle campagne de peur est combien avancées sont les conspirations d’Etat
policier aux Etats-Unis et combien criminelles sont les méthodes de ceux qui
dirigent le pays.
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