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La « Gauche européenne » réclame une intervention européenne au Liban
Par Lucas Adler et Peter Schwarz
16 août 2006
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Le Parti de la Gauche européenne (GE) a lancé
un appel aux dirigeants de l’Union européenne (UE) et aux chefs de
gouvernements européens pour jouer un rôle plus actif dans le présent conflit au
Proche-Orient.
Dans une déclaration adoptée le 1er
août par le comité exécutif de la Gauche européenne, l’organisation se dit
« déconcertée par la position faible et irresponsable détenue par l’Union
européenne et les gouvernements européens siégeant au Conseil de sécurité des
Nations unies face à la nécessité d’exercer la plus grande pression possible
pour amener tous les partis impliqués dans le conflit à accepter un
cessez-le-feu immédiat et durable qui ouvrirait la voie à une solution
politique aux conflits complexes et étroitement liés entre eux. »
Lothar Bisky, le président du Linkspartei.PDS
(Parti de la Gauche.PDS, parti du socialisme démocratique) s’est empressé de
transmettre cette déclaration à la chancelière Angela Merkel (Union
chrétienne-démocrate, CDU) et au ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter
Steinmeier (Parti social-démocrate, SPD).
La déclaration appelle les institutions de
l’UE et les gouvernements européens à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu
immédiat et d’un programme d’aide humanitaire entrepris sous les auspices de
l’ONU. Elle culmine par un appel en faveur de « l’établissement d’une zone
tampon contrôlée par l’ONU entre Israël et le Liban, » du
« déploiement d’une force internationale de maintien de la paix placée sous
mandat des Nations unies » et d’une « conférence internationale pour relancer
à nouveau le processus de paix au Proche-Orient. » De plus, selon la
déclaration, les gouvernements européens devraient assister le gouvernement
libanais dans le désarmement du Hezbollah et s’engager à faire reconnaître les
zones des fermes Sheebba comme faisant partie du territoire libanais.
La déclaration souligne une fois de plus le
rôle joué par le Parti de la Gauche.PDS et ses quatorze partis frères regroupés
dans la Gauche européenne : ces partis ne représentent nullement une
alternative de gauche aux partis établis mais donnent une caution de
« gauche » à leur politique.
D’une part, ils
soutiennent verbalement l’opposition croissante à la guerre au Proche-Orient et
à la destruction des acquis sociaux à l’intérieur de leur pays réciproque.
D’autre part, ils s’appliquent à faire tout leur possible pour intercepter
cette opposition en la ramenant dans le cadre de la politique officielle en
empêchant qu’elle se développe en un mouvement véritablement indépendant. Certains
représentants de ces partis, par exemple le parti italien Rifondazione
Comunista, occupent même des postes de ministres.
L’idée même que les
puissances européennes seraient capables de servir la paix est erronée. Si l’on
examine les racines historiques du présent conflit et les forces qui le
sous-tendent, il est évident que l’Europe n’est pas une partie de la solution,
mais une des causes du problème.
L’on ne peut
comprendre le bombardement actuel du Liban par l’armée israélienne, qui est
approvisionnée en armes de précision par les Etats-Unis, que dans le contexte de
l’assujettissement colonial durant des décennies de l’ensemble de la région qui,
en raison de ces ressources de pétrole, a toujours revêtu une importance stratégique
pour les puissances impérialistes. Ce fut tout d’abord la Grande-Bretagne et la
France qui ont joué le rôle principal ; vers le milieu du siècle dernier,
ils ont été remplacés par les Etats-Unis dont l’ambition rapace a atteint un
nouveau stade avec la conquête de l’Irak.
L’invasion de l’Irak,
lancée sur la base de mensonges, devait assurer la suprématie des Etats-Unis
dans la région. L’occupation de l’Irak a abouti à une débâcle et le
gouvernement Bush a réagi en préparant d’autres agressions contre l’Iran et la
Syrie. A cette fin, il a lâché Israël, son chien de garde, contre le Liban. La
destruction de l’infrastructure libanaise et la terreur imposée à la population
chiite ont pour objectif de transformer la petite nation en un instrument
docile aux mains des puissances impérialistes en supprimant toute éventuelle
opposition qui se dresserait contre l’agression américaine.
La guerre actuelle
a été planifiée et préparée de longue date. Elle a été déclenchée avec l’accord
et le soutien total des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. L’enlèvement des
deux soldats israéliens par le Hezbollah qui envisageait les échanger contre
plusieurs milliers de prisonniers détenus illégalement par Israël, n’était que
le prétexte tant attendu.
Dénué de sa
rhétorique de paix, la déclaration de la GE met l’accent sur la nécessité de
l’impérialisme européen de défendre ses propres intérêts au Proche-Orient en faisant
jouer son influence sur les Etats-Unis et sur Israël sans pour autant vraiment
s’opposer à eux.
L’appel lancé en
faveur d’une force de maintien de la paix le montre clairement. Dans les
circonstances actuelles, une telle force que tous, les Etats-Unis, l’UE et
Israël préconisent, aurait pour mission de consolider la mainmise sur les
territoires acquis suite à l’agression d’Israël. Une telle force serait
stationnée au Liban Sud pour empêcher la réémergence d’une opposition contre
Israël et les Etats-Unis. Elle libérerait de toute entrave les Etats-Unis qui
pourraient alors organiser de nouvelles provocations contre la Syrie et l’Iran.
Sa mission pourrait être comparée à celle de la Force internationale
d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan qui, en maintenant au pouvoir le
régime fantoche d’Hamid Karzai, facilite aux Etats-Unis leur intervention
militaire en Irak.
Une condition
fondamentale à toute paix au Proche-Orient est le retrait de toutes les troupes
impérialistes de la région et en premier lieu le retrait des troupes
américaines de l’Irak. Mais, plutôt que d’appeler à un tel retrait, la Gauche
européenne exige le déploiement de troupes supplémentaires.
Le soutien de
l’appel de la GE par le Parti de la Gauche.PDS montre ce qu’il faut penser de
ses affirmations de rejeter toute intervention de l’armée allemande à
l’étranger. Il n’y a qu’un petit pas d’un appel pour une force internationale
de maintien de la paix au déploiement de soldats allemands au Liban au sujet
duquel les médias s’échauffent déjà. Le Parti de la Gauche.PDS aurait du mal à
rejeter la participation militaire de l’Allemagne à une opération qu’il avait
auparavant défendue à cor et à cri au parlement fédéral.
Ce faisant, il est
pleinement conscient de la véritable nature de telles opérations militaires. A
l’occasion de la visite de Bush à Stralsund (Nord-Est de l’Allemagne), Tobias
Pflüger, un député européen du Parti de la Gauche.PDS, a expliqué
dernièrement : « A l’ombre de la politique impérialiste américaine,
l’Union européenne cherche également à devenir une puissance militaire
mondiale. L’UE copie les erreurs de la politique américaine. Entre-temps, 19
soi-disant Battle groups (groupements tactiques), les troupes d’élite de l’UE
seront capables d’être déployées d’ici le 1er janvier 2007 partout
dans le monde. A ceci s’ajoute une troupe d’intervention européenne de 60.000
hommes. L’UE investit dans sa capacité militaire et nous devons payer
l’addition au vrai sens du terme. »
Le Parti de la
Gauche.PDS met ses espoirs dans le fait que les gouvernements européens sont
capables d’exercer une pression sur les Etats-Unis afin d’arriver à un changement
de trajectoire. Dans un communiqué issu par leur groupe parlementaire on peut
lire : « Il s’agit avant tout de presser le gouvernement américain
d’user de son influence sur le gouvernement d’Israël afin de cesser les
opérations militaires et de reprendre des négociations. »
Oskar Lafontaine
qui, au côté de Gregor Gysi, conduit le groupe parlementaire du Parti de la
Gauche.PDS est sur la même longueur d'onde. Dans une interview accordée à la
radio allemande, Deutsche Welle, Lafontaine a fait l’éloge de la
politique étrangère allemande, lui reprochant seulement de se positionner trop
près de Washington. « Bien sûr, le gouvernement veut contribuer à apaiser
la situation, » a-t-il affirmé, « mais il risque toujours, et c’est
ce que nous critiquons, de trop s’aligner sur la politique américaine. »
Et ceci est dit dans
une situation où les gouvernements européens, et en premier lieu Berlin,
affichent quotidiennement leur subordination à la politique militaire agressive
des Etats-Unis et d’Israël au Proche-Orient ! Alors que la France et
l’Allemagne s’étaient discrètement opposées à l’invasion de l’Irak, pas la
moindre critique n’est formulée ni par Paris ni par Berlin à l’encontre des
attaques d’Israël contre le Liban.
La France, en tant
qu’ancienne puissance coloniale au Liban, y a des intérêts économiques
substantiels et collabore depuis longtemps avec les Etats-Unis pour éliminer
l’influence exercée par la Syrie sur ce pays. Elle considère la guerre actuelle
comme une occasion de prendre pied dans la région en y envoyant ses propres
troupes. L’Allemagne fait fonction de « médiateur » pour surmonter la
résistance du gouvernement libanais contre la résolution franco-américaine de
l’ONU qui transformerait pratiquement le pays en un protectorat des grandes
puissances.
De par leurs
agissements agressifs dans la région, Washington et Tel-Aviv font clairement
comprendre que rien ne pourra les détourner de leurs objectifs politiques, ni des
accords internationaux ni la pression exercée par d’autres puissances. Ils
considèrent le déploiement à grande échelle de l’intervention militaire comme
un moyen légitime pour la défense de leurs intérêts politiques. Les
gouvernements européens ont réagi à ce développement en appliquant une
politique d’apaisement, en acceptant sans critiques tous les mensonges employés
pour justifier la guerre au Liban et se positionner carrément derrière les
Etats-Unis. En acceptant et en justifiant même une rupture ouverte avec la loi
internationale, les gouvernements européens ont démontré que celle-ci n’avait,
à leurs yeux, plus aucune signification.
Seul un mouvement
indépendant de la classe ouvrière internationale basé sur une perspective
socialiste peut mener à un règlement progressiste de la crise au Proche-Orient.
Il n’existe aucune autre force politique dans le monde qui peut réaliser cette
tâche.
La lutte contre la
guerre est indissolublement liée à la défense des acquis sociaux et des droits
démocratiques. Les contradictions internes au capitalisme et avant tout les
contradictions existant entre l’économie mondiale et le système basé sur
l’Etat-nation ont coupé l’herbe sous les pieds pour toute politique de
réformisme social tout en intensifiant les tensions internationales et en confrontant
une fois de plus l’humanité à la barbarie des guerres impérialistes.
Dès que les
intérêts impérialistes des grandes puissances sont en jeu, celles-ci ne sont plus
disposées à accepter ni accords et traités internationaux ni l’Etat social mis
sur pied après la Deuxième Guerre mondiale dans le but sauvegarder la paix
sociale et qui, dans tous les pays du monde, subit aujourd’hui des attaques de
toutes parts.
C’est dans ce
contexte que le Parti de la Gauche.PDS s’efforce à tout prix d’empêcher le développement
d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière. En Allemagne, il s’applique à
créer de nouvelles illusions dans le réformisme social en dirigeant l’agitation
sociale croissante dans des canaux inoffensifs. En politique étrangère, ses
seules réponses à la crise au Proche-Orient consistent à adresser des appels et
des revendications aux gouvernements européens.
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