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A la veille du cessez-le-feu au Liban : les Etats-Unis et Israël font face à un fiasco politique
Par le comité de rédaction
15 août 2006
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Un cessez-le-feu au Liban ordonné par l’ONU doit entrer en
vigueur aujourd’hui [lundi] à 7h du matin, heure locale. La résolution a été
approuvée par le Conseil de sécurité vendredi soir, après que les Etats-Unis et
Israël eurent accepté les révisions apportées à une précédente ébauche proposée
par l’administration Bush. Il n’est nullement clair quelles seront les
conséquences immédiates de la cessation des hostilités et si le cessez-le-feu,
s’il est réalisé, tiendra. Toutefois, il n’y a pas de doute que le résultat
politique est un important fiasco pour Israël et les Etats-Unis.
Seulement quelques heures avant le vote de l’ONU, les
Forces de défense israéliennes (FDI) ont lancé une offensive majeure afin de
s’emparer du territoire au sud du fleuve Litani et causer davantage de
destruction à travers le Liban. L’armée a triplé le nombre de soldats dans le
sud à 30.000, et a bombardé des cibles à travers le pays, incluant Beyrouth.
Mais, comme durant tout le mois où la guerre a fait rage, les FDI font face à
une violente résistance du Hezbollah. Samedi fut le jour de combat le plus
sanglant pour l’armée israélienne, avec 24 morts, de nombreux autres blessés
et, pour la première fois, un hélicoptère de combat fut abattu.
L’agression continue d’Israël, menée avec l’appui déclaré
des Etats-Unis, ne laisse aucun doute que tout cessez-le-feu ne sera qu’une
pause dans le projet américano-israélien de détruire le Hezbollah, réduire le
Liban à un statut de protectorat et créer ainsi les conditions pour une guerre
plus large contre la Syrie et l’Iran.
Et ceci, malgré le fait que l’attaque sur le Liban
constitue un revers pour les objectifs guerriers américano-israéliens, et a
isolé davantage les deux pays, alimentant l’opposition populaire à leurs
gouvernements au Moyen-Orient et à travers le monde.
Les Etats-Unis et Israël ont passé la majeure partie du
dernier mois à argumenter que tout cessez-le-feu ne pourrait être réalisé
qu’après la destruction du Hezbollah par les FDI. Maintenant, toutefois, il est
clair que les attentes israéliennes d’une campagne courte et décisive n’ont
rien donné. L’armée israélienne a été incapable de prendre le contrôle de
territoires libanais significatifs, malgré une violente offensive d’un mois
lors de laquelle plus d’un millier de civils ont été tués et un million
transformé en réfugiés.
Durant plusieurs semaines, les forces israéliennes n’ont
pas réussi à capturer les villes et les zones stratégiques à la frontière entre
Israël et le Liban. Bien que l’armée affirme maintenant occuper le territoire
libanais au sud du Litani, les villes stratégiques sont encore des champs de
bataille entre les combattants israéliens et du Hezbollah. Les affirmations
israéliennes selon lesquelles des centres urbains tels que Bint Jbeil avaient
été capturés n’ont pas tenu longtemps car les troupes ont dû se retirer à cause
d’une résistance déterminée. Le Hezbollah continue à lancer des roquettes du
Sud-Liban; dimanche, au moins 250 ont été lancées — le plus grand nombre de
roquettes du Hezbollah à frapper Israël en une seule journée.
Cette situation a forcé l’administration Bush à abandonner
son opposition initiale à tout cessez-le-feu. Comme l’a rapporté le New York
Times samedi, « Un important représentant de l’administration à
Crawford au Texas, où M. Bush est en vacances, a déclaré qu’il apparaissait de
plus en plus qu’Israël ne serait pas en mesure de réussir une victoire
militaire, une constatation qui a conduit les Américains à se ranger derrière
un cessez-le-feu. »
Les conditions de la résolution de l’ONU n’ont pas accédé
aux précédentes demandes d’Israël et des Etats-Unis. Une force combinée de
15.000 soldats de l’armée libanaise et 15.000 soldats d’une force
multinationale doit être déployée au Sud-Liban en tant que FINUL (Force
intérimaire des Nations unies au Liban). Le gouvernement Olmert avait
précédemment insisté pour que toute force multinationale soit assemblée sous
les auspices de l’OTAN, indépendamment de la FINUL qui a soulevé la colère de
plusieurs gouvernements israéliens pour ne pas avoir réussi à supprimer le
Hezbollah.
De plus, la coalition internationale dirigée par la France
ne sera pas déployée sous l’autorité du chapitre 7 de la Charte de l’ONU, qui
aurait permis le désarmement par la force du Hezbollah et le respect du cessez-le-feu
par l’utilisation de la force militaire. Au lieu de cela, les termes moins
coercitifs du chapitre 6 ont été choisis. Dans une autre version révisée, les
troupes israéliennes devront être retirées « parallèlement » à
l’introduction de la force multinationale. Les Etats-Unis et Israël avaient
initialement insisté pour qu’aucune demande pour le retrait des troupes ne soit
incluse dans la résolution.
Cependant, la résolution pour le cessez-le-feu n’établit en
aucune façon les bases pour une paix véritable. Elle ne restitue pas la
souveraineté libanaise pas plus qu’elle ne condamne Israël pour les crimes de
guerre. Les FDI pourra continuer son occupation dans le Sud tant que la force
multinationale ne sera pas assemblée, un processus qui peut prendre des
semaines.
Dans la manifestation la plus flagrante de l’adaptation méprisable
de l’ONU vis-à-vis d’Israël, la résolution demande que le Hezbollah cesse
toutes attaques, alors qu’elle n’appelle que pour l’arrêt « des opérations
d’offensive militaire » d’Israël. Ceci donne effectivement à les FDI main
libre pour continuer ses opérations, qui ont toujours été justifiées au nom de
la « défense nationale ».
La résolution a exacerbé les divisions amères qui existent au
sein du gouvernement d’Olmert et de les FDI. L’élite dirigeante israélienne n’a
pas confiance dans la possibilité qu’une force conjointe de l’ONU et du Liban
va avoir la volonté ou la capacité de désarmer le Hezbollah et empêcher sa
réémergence dans le Sud-Liban. Tous sont conscients qu’un retrait israélien
dans les conditions actuelles sera compris au Liban et à travers le Moyen-Orient
comme une défaite de l’Etat sioniste.
L’incapacité d’Israël d’écraser le Hezbollah a détruit le
mythe de l’invincibilité des FDI, un mythe qui a joué un rôle critique dans
l’histoire d’Israël. Son érosion envoie une onde de choc à travers l’élite
dirigeante. Selon les rapports émanent des médias, il y maintenant un
effondrement complet de la confiance entre le gouvernement et les commandants seniors
des FDI.
Les tensions ont explosé après qu’Olmert eut retiré le
commandement de l’offensive au Liban au major général Udi Adam. Ce congédiement
est survenu après que Adam a publiquement critiqué le gouvernement de ne pas
lui permettre de mener la guerre de la manière dont elle avait été préparée
depuis des années. Selon les reportages israéliens, les FDI avaient planifié
une attaque massive contre le Liban, débutant par un bref bombardement aérien
se terminant par une invasion terrestre et maritime visant à couper le pays en
deux et d’attaquer les positions du Hezbollah au sud de la rivière Litani à
partir du nord.
Ces plans ont été échafaudés longtemps avant la capture des
deux soldats israéliens par le Hezbollah le 12 juillet, prétexte invoqué par le
gouvernement Olmert pour justifier la guerre. Dans un article publié
aujourd’hui sur le site Internet du New Yorker, le journaliste vétéran,
Seymour Hersh a révélé toute l’étendue de l’implication américaine.
« L’administration Bush était étroitement impliquée
dans la planification des attaques de représailles israéliennes, écrit-il. Le président
Bush et le vice-président Dick Cheney étaient convaincus, selon les sources
provenant d’actuels et d’anciens membres des services du renseignement et des
cercles diplomatiques, qu’une campagne de bombardement réussit menée par les
forces aériennes israéliennes contre les complexes fortifiés souterrains de
missile et de commandement du Hezbollah au Liban pourrait rassurer Israël sur
les questions de sécurité et servir de prélude à une attaque préventive
potentiel des Etats-Unis pour détruire les installations nucléaires en Iran,
dont certaines sont également sous terre. »
Les récriminations ont aussi entraîné un conflit ouvert au
sein de la coalition de Kadima avec les travaillistes qui forme le gouvernement
israélien. Haaretz a décrit la situation lors de la dernière réunion du
conseil des ministres mercredi passé : « Divisions entre le
premier ministre Ehoud Olmert et le ministre de la Défense Amir Peretz.
Divisions entre le ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni et le chef
d’état-major des FDI Dan Halutz. Et aussi celles entre la tête du Mossad, Meir
Dagan et la tête des services du renseignements, Amos Yadlin. Egalement entre
Peretz et son prédécesseur, Shaul Mofaz et entre Mofaz et Avi Dichter. Un des
participants a résumé la situation en disant « Chacun a été impliqué dans
au moins une querelle. »
L’appui populaire pour la guerre a faibli après que la
situation militaire se fut détériorée. Selon un sondage du Haaretz,
Olmert a un taux de satisfaction de seulement 48 pour cent, de 75 pour cent
qu’il était au début de la guerre. Même des groupes sionistes libéraux
pro-guerre comme le Parti meretz et Paix maintenant demandent maintenant une
solution diplomatique à la crise. Le Likoud et les autres partis de la droite
ont déclaré que leur appui au gouvernement cesserait au même temps que les
hostilités. Des sections de la presse israélienne ont spéculé que la coalition
au pouvoir s’effondrerait bientôt.
Pendant ce temps, l’image internationale d’Israël et des
Etats-Unis a pris un dur coup. Israël est vu plus que jamais comme un régime hors-la-loi
et meurtrier, responsable d’avoir commis plusieurs crimes de guerre au Liban.
Les Etats-Unis sont perçus comme un régime criminel qui tire les ficelles. Rien
n’effacera les images de Rice à Beyrouth proclamant la naissance d’un
« nouveau Moyen-Orient » alors que les bombes et les missiles
israéliens fournis par les Etats-Unis détruisaient le pays.
Les implications de cette aventure ratée sont énormes pour
Israël, le Moyen-Orient, les Etats-Unis, et le reste du monde. Les plus
profondes conséquences ne se feront pas sentir immédiatement. Mais, elles
déstabiliseront profondément la société israélienne, encourageront la
croissance de la résistance antisioniste et anti-impérialiste, affaiblissant
les régimes arabes alliés des Etats-Unis, comme l’Egypte, la Jordanie et
l’Arabie saoudite, et discréditeront encore plus les politiques globales
militaristes de l’administration Bush et de toute l’élite dirigeante
américaine.
Cela ne signifie pas que le danger pour de nouvelles et
plus importantes guerres ait diminué. Les Etats-Unis, confrontant déjà une
situation qui se détériore en Afghanistan et en Irak, est coincée dans sa
conquête pour l’hégémonie mondiale et il doit être anticipé que son objectif
essentiel de remplacer le régime en Syrie et de préparer la guerre contre
l’Iran va aller de l’avant. Israël, quant à lui, peut répondre en intensifiant
sa violence, particulièrement contre les Palestiniens.
Mais un certain point a été dépassé, celui où la
banqueroute morale et politique de l’Etat sioniste ainsi que des Etats-Unis a
été exposé aux yeux du monde.
Ceux qui ont planifié cette guerre sauvage au Liban doivent
rendre compte de leurs crimes. Cela ne peut être fait et ne sera fait par
aucune des grandes puissances, par l’ONU ou par toute autre institution dominée
par l’impérialisme. Les Etats-Unis, l’Union européenne, la Ligue arabe et l’ONU
ont tous conspiré pour justifier l’agression d’Israël et pour retarder un
cessez-le-feu pour donner le temps à Israël d’infliger encore plus de morts et
de destruction au Liban, démontrant ainsi de la façon la plus nette l’essence
brutale de la domination impérialiste sur le Moyen-Orient.
La seule force pouvant amener les criminels de guerre de
Tel-Aviv et de Washington devant la justice est la classe ouvrière
internationale. Et la seule base pour une résolution démocratique et pacifique
de la crise au Moyen-Orient est la lutte unifiée des masses travailleuses pour
la réorganisation socialiste de la région en opposition aux forces de
l’impérialisme et du sionisme.
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