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Réunion du comité de rédaction international du WSWS

Le désastre économique, social et politique du projet sioniste

Par Jean Shaoul
14 août 2006

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Ce qui suit est la première de deux parties d’un rapport sur Israël et la Palestine présenté par Jean Shaoul lors d'une réunion du Comité de rédaction international du WSWS qui a eu lieu du 22 au 27 janvier 2006. Shaoul est une correspondante du WSWS et membre du Parti de l’égalité socialité en Grande-Bretagne. La deuxième partie sera publiée cette semaine.

La présente situation économique, sociale et politique en Israël et en Palestine est une condamnation du projet sioniste et de l’Etat-nation comme la solution à l’oppression des Juifs. L’Etat sioniste a été conçu comme la réponse à la persécution européenne des Juifs — un Etat où les Juifs trouveraient un refuge sûr, la justice sociale et l’égalité.

Il fut réalisé en tant qu’Etat capitaliste créé par la dépossession d’un autre peuple et maintenu par la guerre et la répression ainsi que par l’inégalité sociale à l’intérieur du pays. En fait, c’est impossible, en présentant ce document, de passer sous silence le fait que le peuple juif, dont des sections ont une longue histoire dans chaque mouvement progressif dont le mouvement socialiste international, est maintenant considéré comme un oppresseur avec du sang sur les mains.

La Quatrième Internationale et la Palestine en 1948

Je crois qu’il est important de rappeler ce que la Quatrième Internationale a dit sur la Palestine en 1947-48. On ne peut qu’être frappé en lisant sa déclaration « Contre le courant », écrite il y a 60 ans, et se rendre compte de l’extraordinaire intuition de ses mises en garde. Elle insistait sur le fait que le sionisme était autant utopique que réactionnaire et dénonçait la décision de 1947 de l’ONU qui consistait à partitionner la Palestine en deux minuscules Etats.

« Par la partition, les travailleurs arabes et Juifs se sont brouillés. L’Etat sioniste, par ses lignes de démarcations provocatrices, provoquera le développement de mouvements de revanche des deux côtés. Il y aura des luttes pour une « Palestine arabe » et un « Etat juif » à l’intérieur des frontières historiques d’Eretz Israël (la terre d’Israël). L’atmosphère chauvine conséquemment créée empoisonnera le monde arabe au Moyen-Orient et accélérera les luttes anti-impérialistes des masses, pendant que les sionistes et les arabes féodaux rivaliseront pour obtenir les faveurs des impérialistes. »

La Quatrième Internationale déclarait : « L’Etat juif, ce cadeau de Truman et Bevin, donne à l’économie capitaliste des sionistes un répit. Cette économie repose sur des bases très fragiles. Ces produits ne peuvent être concurrentiels sur le marché mondial. Son seul espoir est le marché intérieur dans lequel les produits arabes sont interdits. Le flux continu des immigrants juifs, qui arriveraient avec les restants de leurs avoirs, est apte à faire augmenter la circulation des produits. Cela permettra aux producteurs bourgeois de se défaire de leurs biens coûteux. L’immigration de masse serait aussi un moyen très utile pour faire baisser les salaires qui « pèsent si lourd » sur l’industrie juive. Un Etat engagé dans d’inévitables conflits militaires signifierait des commandes provenant de l’armée juive, une source juive de profit à ne pas sous-estimer. Un Etat signifierait des milliers de retraites douillettes pour les fonctionnaires vétérans sionistes. »

Les travailleurs juifs auraient à en supporter le coût sous la forme de prix élevés et de lourdes taxes. Séparés de leurs frères et sœurs arabes et empêchés de lutter comme une classe unie, ils seraient à la merci de leurs ennemis de classe, de l’impérialisme et de la bourgeoisie sioniste. Comme Chaim Weitzmann, qui allait devenir le premier président de l’Etat, l’a dit : « L’Etat juif contiendra l’influence communiste. »

En réponse aux questions « Quelles sont les promesses de l’Etat juif ? Est-ce qu’il contient en lui des éléments de progrès visant à résoudre le problème juif ? », la Quatrième Internationale mit en garde : « La partition ne fut pas mise de l’avant pour résoudre la misère juive et elle ne le fera jamais. Cette parcelle d’Etat, qui est trop petite pour absorber les masses juives, ne peut même pas résoudre les problèmes de ses citoyens. L’Etat hébreu ne peut qu’empoisonner l’Est du monde arabe par l’antisémitisme et pourrait bientôt s’avérer être — comme Trotsky l’a dit — un piège sanglant pour des centaines de milliers de Juifs. »

Pour les leaders féodaux arabes, le vote de l’ONU pour un Etat sioniste fut un cadeau du ciel, leur permettant de détourner l’attention des masses d’une lutte de classe unie et de toute possibilité d’une solidarité de classe internationale, en déclarant la guerre au nouvel Etat sioniste. Le conflit militaire et tout le sang qui a coulé par la suite — tout au nom de l’anti-impérialisme — a aussi servi à briser les mouvements ouvriers des deux côtés, affaiblissant ainsi la classe ouvrière et renforçant l’impérialisme.

La Quatrième Internationale insista que le sionisme était un mouvement réactionnaire et utopiste. C’était utopique de croire que :

1.       Un développement harmonieux dans une économie isolée et fermée au beau milieu d’un monde capitaliste est possible. Sans l’expansion de l’économie, des millions d’immigrants juifs ne pourraient être intégrés.

2.       Un Etat juif peut exister malgré l’hostilité ouverte de dizaines de millions d’Arabes et en face d’une population arabe qui croît au moins aussi vite que l’immigration juive.

3.       Israël puisse manœuvrer avec succès entre les puissances impérialistes rivales, qui utilisent toutes Israël pour défendre leurs propres intérêts stratégiques dans la région.

4.       L’antisémitisme pourrait être éradiqué simplement en donnant une nationalité aux Juifs, ignorant ses causes sociales historiques et idéologiques.

C’était réactionnaire parce que le sionisme :

1. offre un appui à la domination impérialiste en lui donnant carte blanche en tant qu’arbitre entre les Juifs et les Arabes.

2. produit une réaction nationaliste de la part des masses arabes créant ainsi une division raciale dans la classe ouvrière internationale et renforçant l’« unité » nationale des Juifs et des Arabes.

3. en tant que force nationaliste, agit comme une rupture de la participation des travailleurs juifs à la lutte des classes dans le reste du monde, les sépare du prolétariat mondial, leur donne leurs propres et différents buts à atteindre, et, par-dessus tout, crée des illusions dans la possibilité d’améliorer leur sort dans les cadres du capitalisme.

La Quatrième Internationale mit en garde que la guerre dans le conflit entre les Arabes et les sionistes, ni l’un ni l’autre des partis n’avait un caractère progressiste : elle servait seulement à obscurcir les antagonismes de classe et à faire reculer les limites des excès nationalistes, affaiblissant ainsi le prolétariat et renforçant l’impérialisme dans les deux camps. Elle appelait les travailleurs des deux peuples à s’unir dans un front commun contre l’impérialisme et ses agents. Elle avertit les travailleurs juifs qu’ils ne seraient pas libérés et protégés tant et aussi longtemps qu’ils n’en auraient pas fini avec la discrimination nationale, l’isolationnisme et la loyauté impérialiste.

Quelles sont les conditions à l’intérieur de l’Etat sioniste aujourd’hui ?

Laissez-nous faire de l’avance rapide de presque 60 ans et demander : quel a été le résultat du projet sioniste concernant la sécurité du peuple juif ? Quelles ont été les principales tendances du développement qui éclairent notre travail sur les perspectives ?

Premièrement, Israël a, depuis le début, fait face à une crise économique, sociale et politique.

Il a été découpé selon les frontières de l’un des cinq Etats (Israel, Palestine, Jordanie, Liban et Syrie) de l’ancienne province syrienne de l’Empire Ottoman. Le capitalisme, à l’intérieur d’un si petit Etat, entouré par des Etats hostiles, avec peu de ressources naturelles, peu d’eau et non-intégré dans une économie régionale plus large, ne fut jamais économiquement viable. Depuis le début, les régimes arabes ont refusé de commercer avec Israël et ont boycotté les compagnies qui le faisaient.

C’est cela, au moins en partie, qui a forcé les gouvernements successifs à chercher à étendre les frontières d’Israël et, par le fait même, à augmenter les dépenses de l’armée et des colonies. C’est pourquoi Israël est passé, tout au long de son existence, d’une crise économique à l’autre et aussi pourquoi il a été autant dépendant du soutien extérieur. Cela a inévitablement affecté son rôle internationalement et à l’intérieur du pays.

Dans ses premières années, Israël a été maintenu à flot par la diaspora, qui a donné 200 millions de dollars par année avant 1967 et 700 millions pendant les six années qui ont suivi. Encore aujourd’hui, Israël reçoit 1,5 milliard par année provenant de dons privés américains. Dans les années 1950, l’argent des réparations allemandes fournissait une autre importante source de finance : 125 millions de dollars par année avant 1966. Même après que l’argent des réparations soit venu à terme, l’aide provenant de l’Allemagne de l’Ouest a continué à arriver à un niveau plus élevé qu’avant.

Mais, la plus importante source d’aide économique a été, de loin, le gouvernement américain. Pendant qu’avant 1967, les Etats-Unis fournissait très peu d’aide (50 millions par année), celle-ci a augmenté jusqu’à 3 milliards par année en 1986 (1,2 milliard pour l’aide économique et 1,8 milliard pour l’aide militaire) en plus d’une aide de 500 millions par année provenant d’autres sections du budget ou dans certains cas, hors budget. Depuis ce temps, l’aide a continué au même niveau, faisant d’Israël le plus important récipiendaire per capita de l’aide américaine dans le monde.

Mais cette aide à Israël diffère de la plupart de l’aide américaine ailleurs. Premièrement, l’aide américaine est normalement liée à des projets spécifiques et à l’achat de biens et de services américains et elle est supervisée par l’agence gouvernementale USAID. Une grande partie de l’aide américaine à Israël va directement à son ministère des Finances en tant que transfert d’argent. Deuxièmement, l’aide n’est pas vraiment le mot approprié. Elle vient habituellement sous la forme de prêt avec intérêt et des obligations de remboursement. Mais, une grande part des prêts militaires a été convertie en subventions et le reste des prêts militaires a été « gracié » par le Congrès. Seulement l’aide économique a dû être repayée avec intérêt.

Afin de mettre l’aide américaine à Israël en perspective, l’aide directe à Israël correspond à six fois plus que l’aide accordée à l’Afrique sub-saharienne. Mais, même ces 3,5 milliards de subventions étaient insuffisants. De 1992 à 1996, les Etats-Unis sont intervenus pour fournir 10 milliards en garanties de prêts et un montant similaire en 2002-2003. Sans de telles garanties, Israël aurait été en faillite. Sa dette extérieure est maintenant beaucoup plus grande que son PIB.

En plus de secourir l’économie, les Etats-Unis ont aussi permis l’expansion des colonies. Même si Clinton a officiellement déduit le coût des colonies de l’aide, il a simplement rendu des montants équivalents disponibles sous forme de subventions à partir d’autres sources. Conséquemment, les Etats-Unis, concrètement, subventionnent les colonies.

99 pour cent de l’aide militaire américaine à Israël sont venus seulement après qu’Israël soit devenu plus fort que toutes les armées arabes et qu’il écrasa la population palestinienne. L’aide a augmenté après chaque intervention militaire et la suppression des Palestiniens. Elle augmenta après les Accords de paix d’Oslo et elle augmenta après qu’ils aient échoué. Elle continue aujourd’hui alors qu’Israël ne fait face à aucune menace militaire. En fait, l’aide américaine a pour but d’assurer la supériorité militaire d’Israël. De façon similaire, les Etats-Unis fournissent de l’assistance économique à un pays qui a un PIB beaucoup plus grand que les PIB réunis de ses voisins arabes, incluant l’Egypte, malgré une population de 6 millions comparativement à 100 millions.

En plus de l’assistance économique, les Etats-Unis ont fourni une couverture politique à Israël à l’ONU. Entre 1972 et 2001, les Etats-Unis ont utilisé leur veto sur 39 résolutions du Conseil de sécurité dans le but de bloquer les critiques des politiques et les actions israéliennes dans les territoires occupés. Ils ont aussi utilisé leur veto en de nombreuses autres occasions afin de faire retirer les résolutions ou de les affaiblir. Conséquemment, les Etats-Unis se sont assurés qu’aucune action ne serait prise contre Israël pour sa défiance des résolutions de l’ONU ou le développement de ses armes nucléaires.

Quel a été la contrepartie d’Israël envers les Etats-Unis ?

Israël a empêché des victoires par les Palestiniens et leurs partisans à l’extérieur même des frontières d’Israël : En Jordanie en 1970, au Liban en 1976-82 et aussi dans les territoires occupés. Il a donc aidé à défaire la classe ouvrière arabe et à maintenir des régimes corrompus au pouvoir. Il a gardé la bureaucratie stalinienne de Moscou en respect pendant la Guerre froide : en 1967 et plus tard en 1973, il a défait l’Egypte et la Syrie, les deux étant armés et aidés par l’Union soviétique. En fait, Israël a remplacé la Grande-Bretagne après son retrait « Est de Suez » en tant que policier du Moyen-Orient sous l’égide de l’impérialisme américain.

Ses fréquentes guerres ont fourni aux Etats-Unis des occasions de tester leurs armes, souvent contre l’artillerie soviétique. Avec son arsenal nucléaire, Israël avait des armes capables d’atteindre l’Union soviétique. Il a empêché l’émergence de l’Irak comme une puissance nucléaire avec le bombardement des réacteurs nucléaires irakiens en 1981.

Israël a aussi rendu de précieux services en tant que sous-traitant pour les Etats-Unis. Il a servi de conduit pour les armes américaines à des régimes que les Etats-Unis ne pouvaient pas assister directement : l’Apartheid en Afrique du Sud, l’Iran de Khomeyni durant la guerre Iran-Irak ainsi que plusieurs dictatures et forces rebelles de droite, particulièrement en Amérique latine. Les services secrets israéliens, le Mossad, ont approvisionné Washington en renseignements et ce dernier a pu compter sur lui pour réaliser sous l’égide des Etats-Unis des opérations en sous-main et illégales que les Américains ne voulaient pas ou ne pouvaient pas commettre. Il essaya de nouvelles formes d’interrogations et de tortures qui seraient utilisées plus tard en Irak.

En d’autres mots, Israël agit comme un mercenaire de l’impérialisme américain, une situation que ses propres commentateurs ont comparée au « messager du parrain » parce qu’Israël accompli le « sale boulot » du parrain qui « essaie toujours de paraître comme étant le propriétaire de quelques grandes entreprises respectables ». Un intellectuel israélien nota que l’Etat avait rassemblé trois millions de Juifs en Israël et les a transformés en « parasites de l’Amérique ».

Croissance de l’antisémitisme

Parmi les plus puissants facteurs qui ont contribué à raviver l’antisémitisme aujourd’hui sont les méthodes brutales adoptées par le gouvernement israélien. Ce facteur a été utilisé de façon très efficace par un régime du Moyen-Orient après l’autre afin d’attiser l’antisémitisme et de s’en servir comme une diversion pour obscurcir leur propre banqueroute politique. En partie, cela a été l’un des éléments qui a, dans la présente confusion politique, encouragé la montée des fondamentalistes islamistes qui emploient un populisme antisémite pour manipuler le mécontentement politique.

Deux ans auparavant, un rapport de l’Union européenne montrait une augmentation dans le nombre d’attaques des jeunes musulmans européens sur les Juifs. Elle établissait un lien entre la montée des attaques sur les Juifs et les évènements au Moyen-Orient, particulièrement depuis le début de l’Intifada en septembre 2000 et de l’attaque d’Israël sur Jénine en Cisjordanie en avril 2003. Reconnaître ces faits ne signifie pas endosser les points de vue antisémites ou défendre ceux qui les mettent de l’avant. Cependant, la base politique pour une réémergence dangereuse de l’antisémitisme parmi une deuxième génération d’immigrants arabes et africains souvent sans éducation politique ne peut être ignorée.

Israël, lui-même, met, de façon routinière, tout le monde dans le même panier en taxant d’antisémite tous ceux qui critiquent légitimement son traitement des Palestiniens. Toute approche objective de ce qu’Israël a fait est dépeint comme de l’antisémitisme. Cela sert des buts politiques bien précis, en obscurcissant la compréhension politique.

Sortant d’une autarcie nationale

La solution du sionisme à ses problèmes économiques — repousser les frontières d’Israël — s’est avérée ne pas être une solution du tout. Cela est arrivé non seulement parce que ça a transformé Israël en un paria international et parce que ça a entraîné des coûts miliaires massifs. Pendant que dans la période de l’après-guerre, Israël évolua comme une économie régulée nationalement, le développement de la mondialisation à la fin des années 1970 a rendu cette façon de gérer l’économie impossible. Israël avait à rechercher une intégration économique dans l’économie, plus large, du Moyen-Orient.

Les politiques de privatisations, de libéralisme économique et de dévaluations drastiques mises de l’avant par le gouvernement Likoud après 1985 ont dévasté une grande partie des entreprises traditionnelles israéliennes, ont brisé l’économie régulée nationalement et l’ont ouvert à l’économie internationale. Les investisseurs institutionnels étrangers ont commencé à posséder une part de plus en plus grande des compagnies du marché boursier de Tel-Aviv. Plusieurs des compagnies de haute technologie d’Israël ont commencé à avoir leurs actions listées à la Bourse de New York et à opérer en dehors d’Israël.

Ces mesures ont aussi changé la composition sociale des cercles d’affaires d’Israël. Le changement de cap vers l’internationalisation brisa le vieil équilibre qui avait existé entre les grandes entreprises et l’establishment militaire à la faveur d’une nouvelle élite basée sur le secteur de haute technologie israélienne, l’IT et la pharmaceutique. La paix avec les voisins arabes d’Israël mènerait à la fin de son isolation. Elle promettait plus de nouveaux marchés que l’Etat de garnison d’Israël ne pourrait jamais en donner. Mais le prix à payer pour un rôle régional plus grand et des marchés qui feraient d’Israël une puissance économique régionale était une sorte d’entente avec Arafat et les Palestiniens, même si ce n’était pas le retrait complet des territoires occupés et Jérusalem réclamait par les conventions internationales et les résolutions de l’ONU.

Ce prix était les Accords d’Oslo. Comme le chef du parti travailliste Shimon Peres l’a expliqué dans un journal lors d’une interview en 1992 : « Le monde entier est organisé comme une maison avec deux étages : dans le sous-sol, il y a les accords régionaux. Et, au rez-de-chaussée : des groupes de compagnies multinationales. » Il a ensuite parlé plus clairement : « Nous ne voulons pas la paix entre les nations. Nous voulons une paix entre les marchés. »

En d’autres termes et ce qui tend à être oublié, derrière toute la rhétorique et le remaniement du Parti travailliste comme le parti de la paix se cache les ambitions d’Israël de devenir la puissance économique du Moyen-Orient. Faire de la sous-traitance à un mini-Etat palestinien permettrait l’accès aux marchés arabes et de l’Union européenne tout en excluant les Palestiniens de la main-d’œuvre israélienne et préservant la majorité juive en Israël.

Mais une telle « paix » fameusement proclamée sur le parterre de la Maison-Blanche en septembre 1993 ne pouvait pas être plus qu’une chimère. Elle ne pouvait améliorer les conditions sociales épouvantables des Palestiniens. En fait, elle n’était pas conçue pour une telle tâche. Israël ferma ses frontières aux travailleurs palestiniens et a simplement remplacé les travailleurs bon marché palestiniens par des travailleurs asiatiques. Ces travailleurs immigrants coûtent moins cher et ont même moins de droits que les travailleurs palestiniens. Même si leur nombre peut sembler faible, ils sont proportionnellement les plus nombreux dans le monde. Ils ont eu un impact considérable, forçant les salaires et les dépenses sociales en Israël à diminuer et augmentant la pauvreté en Palestine.

Ainsi, Oslo était destiné à être résisté, malgré la capitulation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). De plus, en Israël, Oslo était opposé par les réelles forces sociales déclenchées par l’expansion d’Israël — les colons et les ultrareligieux autant que Sharon, Netanyahu et le Likoud. A leur insistance, les colonies furent étendues.

L’effondrement du cadre d’Oslo, le soulèvement de l’Intifada qui a suivi en septembre 2000, le coût de la suppression militaire des Palestiniens — qui coûte actuellement 1,4 milliard par année — et l’expansion continue des colonies furent un désastre absolu pour le capital sioniste et le Parti travailliste. Israël plongea dans la plus profonde récession de son existence pendant que le tourisme, sa clé pour embaucher et recevoir des devises étrangères, et l’investissement étranger chutèrent.

La plus importante politique d’Israël — l’expansion des colonies et la guerre meurtrière contre les Palestiniens — a coûté très cher à la classe ouvrière israélienne. Premièrement, Sharon embaucha l’ancien employé du Fond monétaire international, Stanley Fischer, pour diriger la banque centrale et son rival par excellence, Netanyahu, pour diriger le ministère des Finances. Ensemble, ils ont introduit plusieurs « réformes » du marché :

*privatisations

*ouverture du système bancaire israélien à la concurrence

*coupure dans les avantages sociaux comme l’assurance-chômage, l’assurance-enfant et autres assurances sociales et aussi dans l’aide aux revenus.

*gel des seuils d’assistance qui sont liés à l’index des prix à la consommation, pas aux salaires, depuis 2006

*élévation de l’âge des pensions

*coupure dans les impôts aux entreprises et les impôts sur le revenu pour les riches.

*lois anti-syndicales, restrictions sur le droit de faire la grève et interdiction de faire la grève dans le secteur public.

Tout cela avait pour but non pas tant de réduire le déficit du gouvernement que d’affaiblir la sécurité sociale et augmenter la « flexibilité de la main-d’œuvre ». Les dépenses pour les forces armées et les colonies, incluant les routes et les infrastructures, ont augmenté. Ces mesures ont amené de la misère constante, du chômage et de la pauvreté à des nombres croissants de travailleurs et à leurs familles.

Le prix pour l’appui américain à l’accaparement de territoire de Sharon — incluant le territoire supplémentaire saisi par le mur de sécurité, même s’il n’a pas été aussi important que Sharon l’aurait souhaité — était que Sharon devait être vu comme faisant des concessions mineures aux Palestiniens. Cela explique le « désengagement » unilatéral de Sharon de Gaza — imposé à l’opposition des ultranationalistes et des forces religieuses — pour lequel il a été présenté par les médias internationaux comme un « pacifique ».

En réalité, du point de vue d’une perspective économique, le retrait fait partie d’un plan pour approfondir l’isolement des Palestiniens et pour assurer leur séparation absolue d’Israël dans un ghetto militarisé et glorifié. Les exportations de Gaza ont chuté de moitié. Sharon avait l’intention de restreindre massivement l’utilisation de la main-d’œuvre palestinienne dans Israël. Cela doit en retour mener à de futures attaques sur les salaires des Israéliens et sur les conditions sociales si Israël veut être concurrentiel sur le marché mondial.

En conséquence de tous ces facteurs — une petite économie autarcique et non viable, l’échec de la perspective économique qui sous-tendait Oslo, le soulèvement, le coût de l’armée et des colonies, la main-d’œuvre étrangère bon marché, le chômage et l’étranglement de la sécurité sociale — les travailleurs israéliens et leurs familles ont vu leur niveau de vie chuter. Le rêve sioniste d’un domicile national pour les Juifs et d’un échappatoire à l’oppression et à la persécution dans les frontières d’Israël a pris une direction opposée.

A suivre

 

 

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