WSWS : Nouvelles
et analyses : Canada
Montréal : importante manifestation contre la guerre d’Israël au Liban
Par Guy Charron
12 août 2006
Utilisez
cette version pour imprimer
Ce dimanche, 60.000 personnes ont marché
dans les rues de Montréal pour s’opposer à la guerre israélienne au Liban. La manifestation
avait été appelée par les grandes centrales syndicales au Québec et par une
grande section de l’élite politique québécoise, dont les partis
indépendantistes québécois (les deux partis frères, le Parti québécois et le
Bloc québécois) et même le Parti libéral du Canada auxquels se sont joints
plusieurs organisations contre la guerre, des organisations de défense des
droits démocratiques et des mouvements représentants les Arabes.
La manifestation était composée
principalement de jeunes et de familles, beaucoup avec de jeunes enfants. Une
grande quantité de drapeaux libanais, quelques drapeaux palestiniens ainsi que québécois
flottaient sur la foule. La tension était palpable et les émotions étaient à
vif. Les Libanais présents à la manifestation étaient des écorchés vifs.
L’ensemble des manifestants était révulsé par la barbarie de l’attaque
criminelle d’Israël, les morts parmi les civils, dont de nombreux enfants, et
l’étendue de la destruction au Liban.
Même si des organisations libanaises
chrétiennes ont refusé de participer à cette manifestation parce qu’elles la
jugeaient trop associée avec le Hezbollah, près de la moitié des manifestants
étaient originaires du Liban. Parmi les Canadiens d’origine libanaise, autant
chez les chrétiens que chez les musulmans, l’indignation était grande d’avoir
été abandonnés par les grandes puissances.
La presque totalité des pancartes étaient faites
main. Plusieurs pancartes et banderoles arboraient des images d’enfants tués
par les bombardements et plusieurs personnes avaient réalisé des reproductions
de cercueils d’enfants qu’elles ont portés tout au long de la marche. Un thème
récurrent était l’identification d’Israël avec le nazisme.
Le président des Etats-Unis, George W.
Bush, était dénoncé pour être un criminel de guerre alors que le premier
ministre canadien, Stephen Harper, a été vilipendé pour appuyer
inconditionnellement Bush et Israël.
Harper et son gouvernement conservateur ont
répété les affirmations du gouvernement israélien que le Hezbollah a commencé
le conflit et porte la responsabilité de toutes les morts de civils résultant
des bombardements israéliens. Harper appuie entièrement la campagne
diplomatique américaine visant à bloquer toute demande de cessez-le-feu pour
laisser le temps à Israël de continuer son opération militaire visant à vider
le sud du Liban de la population chiite de laquelle le Hezbollah est né.
De plus, Harper a fait la démonstration de
son mépris pour les victimes de la guerre au Liban. Même si le Canada a
peut-être plus de ressortissants au Liban que tous les autres pays occidentaux
combinés, le gouvernement canadien a mis du temps à organiser le rapatriement
et l’a fait de façon désorganisée. Et lorsque les bombes israéliennes ont tué
des Canadiens au Liban, que ce soit une famille visitant la maison de leur
ancêtre au Liban Sud ou bien un membre des Forces armées canadiennes là-bas en
tant qu’observateur des Nations unies, Harper s’est empressé d’exonérer Israël
de tout blâme.
La foule scandait « Solidarité avec le
peuple libanais », « Olmert assassin, Harper complice »,
« Israël terroriste » et « Pas de justice, pas de paix ».
Un drapeau américain a été brûlé par des manifestants à la fin de la marche.
Des juifs hassidim opposés au sionisme qui
portaient un immense drapeau libanais avec des Arabes ont été chaudement
applaudis par les participants à la manifestation et par la foule qui regardait
le défilé.
Le Parti québécois (PQ), Québec solidaire,
le Nouveau parti démocratique (section canadienne et section québécoise) et la
Centrale des syndicats du Québec avaient des banderoles, mais leurs délégations
étaient manifestement peu importantes.
Les demandes avancées par les organisateurs
de la manifestation étaient en ligne avec la politique de la protestation,
basée sur l’illusion que les gouvernements soi-disant démocratiques,
c’est-à-dire les puissances impérialistes, sont mal inspirés d’écouter les
marchands d’armes et pas les pacifistes et que l’ONU, l’outil des grandes
puissances qui l’ont créée, pouvait être une force pour la paix dans le monde.
Les organisateurs demandaient de
« protester contre la position unilatéralement
pro-israélienne et pro-Bush du gouvernement Harper » en exigeant « l'arrêt
des bombardements et un cessez-le-feu immédiat et sans condition »,
« le respect des conventions internationales et de « toutes »
les résolutions de l'ONU reliées à ce conflit », « que le
gouvernement Harper se dissocie de la politique des États-Unis et fasse plutôt
la promotion de la justice et de la paix au Proche-Orient ».
André Boisclair, le chef du PQ, a pris la
parole à la manifestation, appelant pour un Québec indépendant « dont les
voix […] s’envoleront pour la paix partout dans le monde », sans
prononcer un mot sur Israël ou sur le rôle des Etats-Unis qui appuient
l’agression d’Israël contre le Liban parce qu’elle va dans le sens de ses
propres plans pour la consolidation de son contrôle sur les ressources en
pétrole du Moyen-Orient.
Que la participation des partis
indépendantistes, le BQ et le PQ, dans le mouvement antiguerre soit une posture
politique est montrée avant tout par le rôle que le BQ joue pour maintenir au
pouvoir le gouvernement Harper, le gouvernement fédéral le plus à droite depuis
la Grande Dépression. Pour satisfaire l’élite du monde des affaires du Québec,
le BQ a fourni au gouvernement minoritaire conservateur les votes dont il avait
besoin pour faire accepter son budget le printemps dernier et a depuis indiqué
qu’il continuera à appuyer les conservateurs en automne, espérant obtenir un
plus grand financement et une plus grande autonomie pour le gouvernement
québécois.
Même si le chef du BQ, Gilles Duceppe, a
critiqué le gouvernement Harper pour ne pas avoir pris une position plus
« nuancée » ou plus « équilibrée » sur la question de
l’agression israélienne au Liban, son parti a été un défenseur inconditionnel
de l’intervention néocoloniale du Canada en Afghanistan en tant que partie de
la « guerre au terrorisme » depuis son début en octobre 2001.
Quant à la question du Québec indépendant
en tant que « défenseur de la paix », le PQ et le BQ ont souvent
répété que l’Etat-nation capitaliste qu’ils proposent serait un allié loyal des
Etats-Unis, un partenaire entier de l’OTAN, de NORAD et de l’ALENA.
Dans une entrevue à La Presse, l’ancien
président du centre islamique libanais de Montréal, Hatem Hariri, a exprimé sa
confiance que la manifestation convaincrait Harper de revenir sur sa décision. « Cette
fois, c'est la bonne, a-t-il dit. Toutes les manifestations sont importantes,
mais celle-là est spéciale : elle rassemble vraiment du monde de partout
et de haut calibre », a-t-il continué. « Ça va faire sonner l'alarme.
M. Harper ne peut pas oublier qu'il y a six millions de
Québécois et plusieurs Canadiens qui ne partagent pas les mêmes valeurs que lui »,
a dit Ehab Lotayef, l'un des organisateurs de l'événement.
Toutefois, l’appui que donne Harper à Israël
et à l’administration Bush lui a valu un fort appui au sein de ce qui constitue
sa véritable base : l’élite canadienne du monde des affaires.
Devant la monté de l’unilatéralisme et du
militarisme, particulièrement chez leur plus proche allié et partenaire
économique crucial, les Etats-Unis, et devant l’émergence de nouveaux rivaux
économiques en Asie, les sections les plus puissantes de la bourgeoisie
canadienne croient qu’elles vont le mieux défendre leurs intérêts en s’assurant
que le Canada participera entièrement à la Forteresse nord-américaine dirigée
par les Etats-Unis et en répudiant irrémédiablement la notion que les Forces
armées canadiennes sont des « gardiens de la paix » plutôt qu’un
outil de guerre.
Les médias de masse et les grandes
entreprises ont salué Harper pour ses annonces de dépenses de 18 milliards pour
l’armée canadienne, pour sa prolongation et l’expansion de la mission coloniale
canadienne en Afghanistan et pour son appui inconditionnel au terrorisme d’Etat
israélien contre le peuple libanais.
En février et en mars 2003, d’importantes
manifestations ont eu lieu au Québec comme à travers le Canada contre la guerre
américaine en Irak. Le BQ et le PQ sont restés sur les lignes de côté, ne
participant aucunement dans ces manifestations et leurs alliés de la
bureaucratie syndicale n’y ont joué qu’un rôle mineur.
Depuis cette époque, les indépendantistes
ont été frappés par une série de crise, y compris la perte du pouvoir du PQ
lors des élections provinciales de 2003 et la « résurgence » des
conservateurs au Québec lors des dernières élections fédérales de janvier
dernier. Quant à la bureaucratie syndicale, son autorité a été encore plus
minée après qu’elle ait étouffé les manifestations de masse contre le
gouvernement Charest en 2003-2004 et sa capitulation abjecte en décembre
dernier lorsque les libéraux ont imposé un contrat de sept années avec toutes
ses concessions au demi-million de travailleurs du secteur public et parapublic
par décret gouvernemental.
Le BQ, le PQ, avec l’aide de leur principal
allié, la bureaucratie syndicale tente de redorer leur image de
« gauche » en utilisant l’immense opposition à la guerre en Israël
pour se distinguer du gouvernement conservateur et tenter de faire oublier
qu’ils l’appuient.
Les partisans du Parti de l’égalité
socialiste au Canada sont intervenus dans la manifestation pour avancer une
perspective politique indépendante pour les travailleurs. Nous avons diffusé
des centaines de copies d’un tract qui se concluait ainsi :
« C’est une
illusion de croire que les pressions de l’opinion publique, aussi importantes
soient-elles, sur le gouvernement Harper pour qu’il adopte une position
« plus neutre », ou pour qu’Israël et les Etats-Unis se soumettent à
la loi internationale mettront fin à la barbarie de la guerre au Moyen-Orient
et en Asie centrale. Ces gouvernements bénéficient de l’appui quasi-unanime des
élites possédantes. Tout au plus, les pressions forceront un léger détour dans
la politique de la barbarie internationale.
« La seule force sociale ayant la
puissance d’arrêter et de changer les conditions responsables des guerres de
rapine est la classe ouvrière internationale. C’est pourquoi nous exhortons
tous ceux qui sont sincèrement opposés à la guerre criminelle d’Israël au Liban
et à Gaza à se joindre à nous pour la construction d’un nouveau mouvement
politique de la classe ouvrière, indépendant des partis actuels de la grande
entreprise et basé sur la perspective de l’unification des travailleurs
internationalement, y compris les travailleurs arabes et juifs du Moyen-Orient,
dans une lutte commune pour la transformation socialiste de la société.
« C’est là l’unique alternative à la
barbarie. »
|