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Le complot terroriste de Grande-Bretagne : Les questions qui nécessitent une réponse
Par le comité de rédaction
12 août 2006
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L’affirmation selon laquelle les forces de sécurité
américaines et britanniques ont contrecarré un complot terroriste qui visait à
faire exploser des vols commerciaux entre la Grande-Bretagne et les États-Unis
ne doit pas être acceptée sans réserve. Il est impossible de déterminer à ce
point-ci si une telle attaque était prévue ou non, bien que les médias aient,
comme à l’habitude, rapporté les assertions des gouvernements britannique et
américain comme des faits incontestables, sans se donner la peine de demander
des informations précises qui pourraient justifier l’histoire officielle.
La déclaration de la police britannique que les présumés
comploteurs avaient pour but de « causer un massacre d’une ampleur
inimaginable » en faisant exploser en plein vol un nombre non précisé
d’avions est effrayante. Les mesures de sécurité d’une grande portée qui ont
été implémentées, incluant la fermeture de l’aéroport de Heathrow de Londres et
l’interdiction des bagages à main pour une durée indéterminée, augmentent le climat
de peur et d’appréhension.
Dans une période comme celle-ci – au beau milieu
d’affirmations spectaculaires de Londres et de Washington, avec un barrage
médiatique pour les appuyer et une importante perturbation des vols commerciaux
en raison de mesures de sécurité extrêmes — il est encore plus impératif d’user
de sa pensée critique et son jugement politique.
Tôt jeudi matin, des descentes dans des maisons et des
locaux commerciaux de Londres et des Midlands de l’Ouest ont mené à 21
arrestations. Les porte-parole des gouvernements américains et britanniques ont
soutenu que ceux qui ont été arrêtés étaient impliqués dans le plus important
complot terroriste depuis le 11 septembre.
Des rapports subséquents ont affirmé que 24 personnes
avaient été arrêtées en Grande-Bretagne et que plusieurs autres étaient
détenues au Pakistan. Parmi ceux qui ont été arrêtés se trouvaient un musulman
travaillant pour un organisme de charité et un employé de l’aéroport de
Heathrow ayant une carte d’accès universel, selon la chaîne de télévision
britannique Channel 4 News. Cinq suspects du complot sont toujours recherchés,
selon ABC News, mentionnant des sources américaines.
Jeudi soir, BBC News a rapporté que les arrestations
étaient le résultat d’une longue enquête coordonnée entre les gouvernements
américain, britannique et pakistanais. Lors d’une conférence de presse plus tôt
jeudi, le ministre de l’Intérieur, John Reid, a déclaré que le premier ministre
Tony Blair avait mis le président Bush au courant durant le week-end des
arrestations imminentes et des mesures de sécurité qui seraient prises.
Des rapports subséquents ont affirmé que les comploteurs
avaient prévu attaquer simultanément jusqu’à dix avions de trois compagnies
aériennes américaines en transportant à bord des explosifs chimiques liquides
déguisés sous forme de breuvages ou d’équipement électronique.
Des représentants des services du renseignement des
États-Unis ont affirmé que les comploteurs espéraient faire une
« répétition » aujourd’hui (vendredi) et la véritable attaque aurait
eu lieu plusieurs jours plus tard. Une importante source du Congrès a soutenu
que les comploteurs avaient planifié mélanger une boisson pour sportifs avec
une pâte à base de peroxyde pour faire un « cocktail explosif » pouvant
être déclenché par un lecteur MP3 ou un téléphone cellulaire.
Durant la journée de jeudi, le président George Bush a fait
une brève déclaration ayant pour but d’accentuer les craintes de la population
et d’exploiter le présumé complot terroriste pour justifier la panoplie de
politiques réactionnaires menées par son administration depuis le 11 septembre,
au nom de la « guerre au terrorisme ».
S’adressant de la piste de décollage et d'atterrissage de
l’aéroport de Green Bay au Wisconsin, il a dit que le complot démasqué constituait
« un rappel clair que cette nation est en guerre avec le fascisme
islamique qui va utiliser tous les moyens pour détruire ceux d’entre nous qui aiment
la liberté. » Il suggère que le complot justifie les mesures — espionnage intérieur
de masse, les tribunaux militaires, la détention sans procès, — prisent par
l’administration pour « protéger le peuple américain », il poursuit
en lançant l’avertissement que ce « serait une erreur de croire qu’il n’y
a pas de menace contre les Etats-Unis d’Amérique ».
Le World Socialist Web Site n’a aucune information qui
lui permettrait de tirer une conclusion définitive quant à l’existence ou non
d’un complot terroriste à l’échelle alléguée. Cependant, il est de la
responsabilité des gouvernements américain et britannique de produire les faits
qui soutiennent une telle allégation et qui justifieraient les mesures de
sécurité extrêmes qu’ils ont prises, et de présenter ces faits au public de
manière claire et concise.
Ils n’ont pas produit un tel compte rendu factuel.
Ni la Maison-Blanche ni Downing Street, n’ont le droit de
s’attendre à ce que la population accepte leurs prétentions à leur face même,
ou accorde de la crédibilité à leurs déclarations. La guerre contre l’Irak a
été justifiée sur la base de fausses allégations de l’existence d’armes de
destruction massive en Irak et de liens entre Saddam Hussein et al-Qaïda. Ces
mensonges ont à jamais détruit toute la crédibilité de Bush et de Blair.
S’il est vrai qu’un tel crime haineux était planifié, sa
responsabilité repose en fin de compte sur les politiques de Washington et
Londres. Depuis le 11 septembre tant Bush et Blair ont constamment employé le
mantra de la « guerre au terrorisme » pour couvrir leur guerre
prédatrice au Moyen-Orient, intensifié immensément le sentiment antiaméricain
et antibritannique au sein du monde musulman. Au même moment, la « guerre
au terrorisme » a été utilisée sur le plan domestique comme prétexte à un
assaut sans précédent contre les droits démocratiques.
Face à une débâcle qui s’aggrave en Afghanistan et en
Irak, ainsi qu’à une opposition internationale de masse à leur appui à
l’offensive dévastatrice d’Israël au Liban, les deux gouvernements ont intérêt
à perpétuer une atmosphère d’hystérie. Un tel climat sert à intimider leurs
opposants et justifie des mesures encore plus draconiennes au pays comme à
l’étranger.
Sur les questions de fait, le compte rendu officiel
britannique du complot terroriste allégué manque de détails spécifiques
vérifiables. La déclaration présentée par les représentants américains n’est pas
mieux lorsqu’il est question de détails pouvant soutenir les allégations. Ils
sont, cependant, plus précis dans leurs prétentions.
Le secrétaire à la Sécurité nationale, Michael Chertoff,
raconte lors d’une conférence de presse télévisée que le complot était
« un plan et une opération très sophistiqués » et était près de
porter fruit. « Ce n’était pas un cercle de quelques personnes assises en
rond et rêvant », déclare-t-il. « Ils avaient accumulé la
capacité nécessaire et étaient bien engagés sur cette voie. »
Le complot visait apparemment un transporteur
américain, un vol en partance de Heathrow, poursuit-il. C’était
« d’envergure internationale » et rappelle al-Qaïda.
Il n’a pas précisé la date à laquelle le
plan devait être réalisé, mais a dit que ce aurait dû être avant le 11
septembre. « Je ne peux pas vous dire qu’ils avaient une date précise en
tête, a-t-il dit, pas plus que je peux vous dire qu’ils auraient attendu aussi
longtemps. Nous sommes proches de la date de l’exécution du plan. »
Chertoff n’a pas expliqué comment les
services de sécurité savaient que l’attaque terroriste était imminente sans
connaître la date choisie pour son exécution.
Et ce n’est pas l’unique question que soulèvent
les rapports officiels.
Le ministre britannique de l’Intérieur Reid
a donné l’impression dans sa conférence de presse que la preuve qui a précipité
les arrestations venait du Royaume-Uni et CNN a rapporté que des informations
obtenues après des arrestations récentes au Pakistan avaient convaincu les
enquêteurs anglais qu’ils devaient agir de façon urgente pour arrêter le
complot. Toutefois, Channel 4 a rapporté que les autorités britanniques étaient
passées à l’action après avoir obtenu des informations de la CIA.
De plus, si Blair était en discussion avec
Bush durant le week-end sur une attaque terroriste « imminente »,
pourquoi est-il parti en vacances à la Barbade mardi ? Et étant donné que
le complot est supposé prendre des avions pour cible, pourquoi les services de
sécurité l’ont-t-ils laissé prendre son vol ?
Et si la menace posée par le complot était
considérée comme suffisamment dangereuse pour faire passer l’alerte à la
terreur en Grande-Bretagne de « sérieuse » à « critique »
et au code rouge aux Etats-Unis, pourquoi a-t-il fallu cinq jours pour procéder
aux arrestations ? Et pourquoi l’alerte à la terreur n’a-t-elle augmenté
qu’après les arrestations et pas avant ?
Les médias n’ont pas posé de telles
questions. Et pourtant, les derniers mois ont vu bon nombre de soi-disant
complots terroristes — aux Etats-Unis, au Canada, en Australie — qui ont été
prétendument déjoué par les agences sécuritaires. Dans chacun de ses cas, des
groupes ont été arrêtés, selon les actes d’accusation, simplement pour avoir discuté
d’actes terroristes. Aucun plan concret n’a été découvert, aucune arme ou aucun
explosif n’a été saisis. Dans la plupart des cas, les soi-disant complots ont
été amorcés et encouragés par des informateurs du gouvernement qui agissent
comme agents provocateurs et piègent les supposés conspirateurs.
Dans le cas du complot dit « de la
bombe du tunnel » à New York en juillet dernier, les supposés
conspirateurs étaient des étrangers qui n’avaient jamais mis le pied aux
Etats-Unis.
Quant à l’utilité politique de la récente
campagne de peur du terrorisme, il faut noter que quelques heures avant les
raids de mardi, le ministre de l’Intérieur Reid a donné un discours important à
Londres au cours duquel il a accusé les adversaires de la loi antidémocratique
du gouvernement de miner la « guerre au terrorisme ».
Devant ce qu’il a nommé « probablement
la plus longue période de menace sérieuse depuis la fin de la Deuxième Guerre
mondiale », Reid a dénoncé ceux qui « ne comprenaient pas », les
blâmant pour le fait que « nous sommes toujours incapables d’adapter nos
institutions et l’orthodoxie juridique aussi vite qu’il le faudrait ».
Rendant clair que
l’« adaptation » requise signifiait l’éviscération des droits
démocratiques traditionnels, il a ajouté : « Quelquefois, nous
pourrions avoir à modifier certaines de nos libertés dans le court terme dans
le but de prévenir une mauvaise utilisation et un abus par ceux qui sont
opposés à nos valeurs fondamentales et qui détruiraient toutes les libertés du
monde moderne. »
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