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Le démocrate proguerre Joseph Lieberman défait aux primaires du Connecticut
Par Patrick Martin
10 août 2006
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Mardi, la défaite du sénateur du Connecticut Joseph
Lieberman lors des primaires du Parti démocrate a causé une onde de choc qui
s’est propagé à travers l’establishment politique américain. Moins de six ans
après avoir été le candidat démocrate à la vice-présidence, sur la liste qui
avait obtenu le plus de votes en 2000, Lieberman a été renié dans une élection
au taux de participation record alimentée par un important sentiment
anti-guerre parmi les électeurs du Connecticut.
Le taux de participation a été évalué par les responsables
de l’élection à 45-50 pour cent des démocrates enregistrés, le double du taux
habituel et de loin la plus importante proportion de l’électorat à avoir
participé récemment aux primaires, et particulièrement au beau milieu des
vacances d’été.
L’intérêt était si grand que près de 30.000 personnes se
sont enregistrées comme démocrates durant la période préparatoire aux primaires
afin de pouvoir voter. La moitié de celles-ci étaient enregistrés avant comme
indépendants et se sont apparemment enregistrées de nouveau afin d’exprimer
leurs sentiments anti-guerre en votant contre le sénateur démocrate qui
appuyait la guerre avec la plus grande constance.
La campagne aux primaires du Connecticut a déjà démontré
l’énorme gouffre entre l’establishment du Parti démocrate et la vaste majorité
des électeurs démocrates ainsi que la population américaine au complet. Selon
un sondage réalisé à la fin juillet, 94 pour cent des démocrates du Connecticut
qui ont décidé de voter contre Lieberman ont donné comme première justification
la guerre en Irak. Le même sondage a révélé que, nationalement, 80 pour cent de
ceux qui s’identifiaient comme démocrates s’opposaient à la guerre en Irak, et
75 pour cent croyaient que toutes les troupes américaines devraient être
retirées immédiatement ou au cours de la prochaine année.
La question de l’Irak a dominé toutes les autres, malgré
les efforts de plus en plus désespérés de l’establishment du Parti démocrate et
de Lieberman lui-même pour empêcher les primaires de devenir un référendum sur
la guerre. Des dizaines de chefs et de membres importants du Parti démocrate,
dont l’ancien président Bill Clinton et de nombreux sénateurs et députés, ont
incité les électeurs du Connecticut à mettre de côté leurs émotions à propos de
la guerre et à voter pour Lieberman malgré sa politique proguerre. Ils ont fait
cette demande particulière, car il est de plus en plus impossible de défendre
publiquement la guerre sauf devant un public définitivement de droite.
Même Lieberman lui-même, dans son dernier discours
important, le 6 août, a admis qu’il était futile d’essayer d’obtenir des votes
sur la base de sa position sur l’Irak. Il a déclaré devant le public d’un
centre pour personnes âgées : « Je comprends qu’un grand nombre de
démocrates au Connecticut sont en désaccord avec moi et très en colère à propos
de la guerre. Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit que je puisse dire
qui pourrait vous faire changer d’avis au sujet de la question de la guerre ou
du retour des troupes, et à ce point-ci je ne vais pas vous insulter en
essayant.
Malgré l’opposition de masse à la guerre en Irak parmi les
électeurs de la classe ouvrière du Connecticut, la grande majorité de la
bureaucratie syndicale a donné son appui à Lieberman aux primaires. La
convention de l’AFL-CIO du Connecticut a appuyé la campagne de Lieberman aux
primaires à la fin de juin.
Même ceux qui se sont tournés vers Lamont ne l’ont pas fait
à cause de la guerre, mais en raison de désaccords avec Lieberman sur d’autres
questions, particulièrement celles qui affectaient leurs intérêts économiques
particuliers, ou celles à propos de l’appui de Lieberman pour des ententes
commerciales comme l’ALENA [Accord de libre-échange de
l'Amérique du Nord] et l’ALECA [Accord
de libre-échange entre l'Amérique centrale et les Etats-Unis].
Même avant que les primaires ne soit terminée, les médias
américains et leurs experts de droite ont pris à la légère la recrudescence de
sentiments antiguerre en insinuant que les primaires du Connecticut avaient été
prises en otage par des extrémistes de gauche et des bloggers sur l’Internet.
Tout observateur objectif doit concéder, au contraire, que les primaires du
Connecticut est une des rares occasions où le sentiment des masses a pu
véritablement s’exprimer, quoique de manière limitée, dans la politique
officielle.
Joseph Lieberman est devenu une figure nationale en s‘abreuvant
à l’aune des éléments le plus à droite tant au sein du Parti républicain que du
Parti démocrate. Ce sénateur secondaire du Connecticut est pour la première
fois apparu sur la scène nationale en septembre 1998 lorsqu’il a prononcé son
discours au Sénat américain condamnant le président Bill Clinton pour sa
conduite dans l’affaire Monica Lewinsky. Il s’alignait ainsi derrière
l’enquête de Kenneth Starr et de la campagne de la droite visant à déstabiliser
la présidence de Clinton. .
Sa condamnation moraliste du « mensonge prémédité »
de Clinton par rapport à sa vie sexuelle privée n’a jamais été suivie par une
quelconque condamnation d’un mensonge beaucoup plus grand et significatif de
George W. Bush : la fiction des armes de destruction massive en Irak et
les liens allégués entre Saddam Hussein et al-Qaïda, ainsi que la suggestion
selon laquelle l’Irak était d’une certaine manière responsable des attaques
terroristes du 11 septembre.
Au contraire, Lieberman est devenu le sénateur démocrate le
plus aimé de l’administration Bush, défendant sa politique de guerre et
légitimant son programme intérieur de droite, particulièrement l’assaut contre
la sécurité sociale.
Lieberman est allé aussi loin que de suggérer, dans un
commentaire publié dans le Wall Street Journal de novembre dernier, que
ceux qui attaquaient Bush sur la question de la guerre étaient coupable de
conduite antipatriotique minant l’effort de guerre américain et sapant
l’autorité de Bush en tant que commandant en chef. Sa façon d’attaquer les
opposants à la guerre à la manière de McCarthy a été citée avec approbation par
les porte-parole de la Maison-Blanche et du Parti républicain ainsi que par les
médias de droite tel que Fox News.
Dans une des rares analyses sérieuses des événements du
Connecticut à paraître dans un journal à grand tirage, le Guardian, quotidien
britannique, notait que ce n’était pas seulement Lieberman qui était isolé
mais la direction du Parti démocrate dans son ensemble :
« Ce que cette course a réellement exposé, ce n’est pas
un conflit entre lui et l’establishment démocrate, qui a maintenant serré les
rangs pour le soutenir, mais entre l’establishment du parti d’un côté et de
l’autre, sa base et la nation dans son ensemble.
« La division partisane sur la question de la guerre est,
de mémoire d’homme, plus profonde que dans toutes les autres guerres, à
l’exception de celle de la Grenade. Les démocrates s’opposent majoritairement à
la guerre et sont favorables à la détermination d’une date fixant le retrait
des troupes ; les républicains sont à l’opposés. Selon le centre
indépendant Pew Research Centre, la différence entre la perception qu’avaient
les deux partis sur la guerre du Vietnam n’a jamais dépassé 18 pour cent. Le
sondage le plus récent sur l’Irak suggère un fossé partisan de 50 pour cent.
« Et alors que l’administration Bush est le porte-parole
des sympathies pro-guerre de ses partisans, les démocrates trouvent rarement
leurs vues exprimées au sein du parti. Un sondage par Quinnipiac le mois
dernier a montré que 93 pour cent des électeurs démocrates du Connecticut étaient
en désaccord avec la façon dont Bush menait la guerre ; 86 pour cent pensaient
que la guerre était une erreur. Sur cette question clé, leur représentant ne
les représente pas. »
Le vote du Connecticut montre la grande profondeur et ampleur
de l’opposition à la guerre. Mais au même moment, les primaires montrent pourquoi
il est impossible pour le Parti démocrate de devenir le véhicule d’un sentiment
antiguerre de masse. Environ 29 sénateurs démocrates ont voté pour la
résolution d’octobre 2002 autorisant la guerre en Irak ; pratiquement tous
les sénateurs démocrates ont voté pour les crédits qui permettent sa poursuite.
Mais de tous ces sénateurs, un seul, Lieberman, a dû faire face à une
opposition de calibre pour être candidat de nouveau. Hillary Clinton, peut-être
la plus fervente partisane de la guerre en Irak, si l’on fait exception de
Lieberman, parmi les principaux sénateurs démocrates, est actuellement la favorite
pour la nomination présidentielle des démocrates pour les élections de 2008.
L’appui presque unanime pour la guerre en Irak chez les
dirigeants du Parti démocrate n’est pas un accident ou le résultat d’une erreur
de calcul politique. Cet appui est la manifestation du caractère de classe
essentiel du Parti démocrate, un des deux principaux instruments politiques de
l’élite dirigeante des Etats-Unis. Comme les républicains, le Parti démocrate
est un parti capitaliste ; il défend le système de profit et les intérêts
mondiaux des sociétés et des banques colossales qui forment les institutions de
base du capitalisme américain.
Même les politiciens démocrates qui, comme Ned Lamont,
déclarent s’opposer à la guerre en Irak, le font du point de vue de la défense
de l’impérialisme américain. Ils disent que la guerre est devenue une diversion
de tâches plus fondamentales à l’étranger, comme les préparatifs pour une
guerre avec la Syrie, l’Iran et la Corée du Nord. Lamont, comme Lieberman, est
un fervent défenseur de l’agression israélienne au Liban, dans laquelle des
bombes et des missiles fabriqués aux Etats-Unis sont lancés à partir d’avions
construits aux Etats-Unis et ont massacré des milliers de personnes.
Lamont est un multimillionnaire, l’arrière-petit-fils d’un des
membres fondateurs de J.P. Morgan et lui-même le propriétaire d’une société
dans la télévision par câble qui vaut des centaines de millions de dollars. Sa
femme est une capitaliste spécialisée dans le capital de risque dont la fortune
personnelle est aussi importante que celle de son mari. Sa candidature est le
produit de divisions aiguës au sein de l’élite dirigeante américaine sur la
question du désastre de l’aventure en Irak, mais s’il devait gagner l’élection
et devenir sénateur en novembre, il serait rapidement et facilement intégré
dans une nouvelle majorité démocrate qui continuera à financer et appuyer la
guerre en Irak et les nouvelles guerres au nom des intérêts des impérialistes.
Les primaires du Connecticut ont confirmé que des dizaines de
millions d’Américains sont farouchement et profondément opposés à la guerre en
Irak. Ces sentiments ne peuvent trouver de véritable expression au sein du
système politique actuel. Une lutte sérieuse contre la guerre impérialiste
demande la construction d’un parti politique des travailleurs, de masse et
indépendant, basé sur un programme qui s’adressera à la cause fondamentale de
la guerre, le système de profit capitaliste et qui offrira une alternative
socialiste.
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