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Derrière le plan de «trêve» de Bush : la campagne pour l’expansion de la guerre au Moyen-Orient
Par Bill Van Auken
9 août 2006
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Lundi, le président américain George W. Bush a déclaré
qu’il appuyait totalement une résolution américano-française des Nations Unies
qui impose les conditions d’Israël au peuple libanais tout en permettant à
l’armée israélienne de poursuivre son occupation et sa dévastation du Liban
indéfiniment.
Ce document, loin d’être un accord de paix, représente une
étape de plus dans l’expansion de la guerre commencée par l’administration Bush
avec l’invasion de l’Irak en 2003 en une conflagration régionale qui pose une
immense menace aux travailleurs non seulement du Moyen-Orient, mais aux Etats-Unis
et à travers le monde.
A son ranch de Crawford au Texas, Bush a clairement indiqué
que son administration ne prévoyait accepter aucun changement important à la
résolution de l’ONU, et qu’elle était particulièrement opposée à un amendement,
avancé par le gouvernement libanais et appuyé par le monde arabe en entier,
spécifiant que toute entente devrait entraîner le retrait immédiat des 10.000
soldats israéliens présentement au Liban.
A ses côtés, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, qui a
oeuvré au cours du dernier mois à systématiquement empêcher un cessez-le-feu et
assurer la continuation de la tuerie au Liban, a déprécié les objections des
Libanais. « Nous comprenons à quel point cette situation doit affecter les
Libanais », a-t-elle déclaré. « Ils ont vécu une guerre très
difficile. »
Le document de l’ONU ne condamne pas en aucune façon la
guerre éclair d’Israël contre le Liban – supposément en réaction à la capture
de deux soldats israéliens — qui a causé la mort de plus d’un millier de civils
libanais, qui en a blessé des milliers de plus, qui a expulsé un million de
Libanais de leurs maisons et qui a décimé les infrastructures du pays.
Ce document ne demande pas plus à Israël d’abandonner le
contrôle du territoire libanais des fermes Shebaa, une occupation qui, d’après
le droit international, fait de la résistance armée du Hezbollah une forme de
lutte légitime.
La résolution de l’ONU équivaut à la sorte de paix du
vainqueur imposée traditionnellement à une nation vaincue de manière décisive
dans une guerre. En fait, malgré le carnage qu’a fait Israël au Liban, en
grande partie au moyen de missiles, d’obus et de bombes à fragmentation fournis
par les Etats-Unis, Israël n’a pas réussi à atteindre ses objectifs militaires
ni à assurer son emprise sur un quelconque territoire libanais. Les revers
militaires d’Israël au sol sont le résultat de la violente opposition des
combattants du Hezbollah.
Israël n’a pas non plus été en mesure de stopper les
attaques de roquettes du Hezbollah, dont la plus meurtrière est survenue
dimanche, tuant 12 soldats israéliens qui se préparaient à joindre l’invasion
du Liban.
Les demandes mises de l’avant dans l’ébauche de résolution
— que le Hezbollah soit désarmé et cesse toutes opérations militaires pendant
qu’Israël continue d’occuper le territoire libanais et de conduire des frappes
aériennes « défensives » contre des civils sans défense — sont
complètement inacceptables et pas seulement pour le Hezbollah, mais aussi pour
le peuple libanais et le gouvernement libanais, ainsi que pour les
gouvernements de la Syrie et de l’Iran.
Après avoir bloqué les efforts visant à provoquer un
cessez-le-feu immédiat afin de permettre à son allié israélien de poursuivre
son offensive, Washington repousse maintenant toutes les objections des
Libanais, au nom de la « paix ». Ainsi, à sa conférence de presse de
lundi, Bush a-t-il déclaré hypocritement : « Tous veulent que la
violence cesse ».
Cela n’est que mensonge. Washington ne souhaite pas plus
une fin de la violence qu’il ne le souhaitait un mois plus tôt.
Nabih Berri, le président du parlement libanais, a évalué
correctement l’ébauche de résolution de l’ONU, déclarant qu’en légitimant
l’occupation par Israël, cela « ouvrirait la voie à une guerre sans
fin ». Nous avons toutes les raisons de croire qu’une « guerre sans
fin » est précisément la stratégie de l’administration Bush au
Moyen-Orient.
Voilà la véritable signification de la déclaration de Bush,
lundi, que la résolution de l’ONU était conçue pour s’attaquer « aux
causes premières du conflit ». Par cela, il ne voulait pas dire soulager
les plaintes, qui remontent à près de six décennies, du peuple palestinien, qui
a été expulsé de sa patrie par la création de l’Etat israélien en 1948, et
ensuite soumit à presque quatre décennies d’occupation illégale et brutale
après qu’Israël se fut emparé de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967.
Les « causes premières » que Bush à en tête
n’incluent pas non plus la domination de la région, vieille d’un siècle, par
l’impérialisme occidental — d’abord britannique, ensuite américain — maintenue
avec l’objectif résolu de mettre au pouvoir des régimes arabes malléables, qui
assureraient un apport régulier de pétrole à des taux lucratifs tout en
réprimant les aspirations de leur propre peuple.
Pour Bush et les couches de la droite qui dirigent les
affaires du gouvernement américain, le problème « premier » est la
résistance populaire à la saisie de territoires par Israël et à la campagne des
Etats-Unis visant à établir une hégémonie incontestée sur cette région
stratégique du globe.
Le caractère pervers et frauduleux de la résolution de
l’ONU est parfaitement illustré par le fait que ce qui était sensé être une
entente de trêve a été essentiellement négocié entre un des combattants,
Israël, et son principal appui, les Etats-Unis.
Les termes de la résolution, que l’administration Bush et le
gouvernement français ont concoctée, sont intentionnellement inacceptables pour
le Hezbollah et le gouvernement libanais. L’objectif est de leur imposer
l’odieux de la politique poursuivie par Israël et les Etats-Unis, soit la
poursuite et l’intensification de la guerre menée contre le peuple libanais.
La réaction du gouvernement israélien démontre clairement le
caractère fallacieux des soi-disant efforts pour l’obtention d’une trêve. Le
ministre de la Défense israélien, Amir Peretz a dit à un comité parlementaire
lundi dernier : « J’ai donné l’ordre que si au cours des
prochains jours, le processus diplomatique ne donne pas de résultat, les forces
armées israéliennes vont menées les opérations nécessaires pour prendre le contrôle
de Katyusha et des sites de lancement de roquettes dans toutes les
localités. » Les forces de défense israéliennes (FDI), a-t-il ajouté,
« vont opérer partout au Liban ».
Ceci est un signal clair que les FDI seront envoyées pour
éliminer la population et occuper le territoire du Liban jusqu’au fleuve Litani
et peut être au-delà. La logique de cette campagne militaire est encore une
autre annexion territoriale par Israël.
« Pas de limite » à l’attaque israélienne
Le premier ministre
israélien Ehoud Olmert a déclaré qu’il n’imposerait aucune limite aux FDI quant
à l’utilisation de la force.
Le quotidien israélien Haaretz a cité un officier
militaire senior non identifié qui affirme qu’Israël se prépare maintenant
« à attaquer les infrastructures stratégiques et les symboles du
gouvernement libanais ». Un autre officier raconte au journal, « il
se pourrait qu’à la fin de l’histoire, le Liban soit dans le noir pour
plusieurs années ».
L’escalade de l’agression israélienne était déjà évidente
lundi suite au bombardement d’une zone commerciale achalandée dans la banlieue
sud de Beyrouth située aux abords du district majoritairement chrétien de la
ville. Le bilan des morts a été établi à 20 par les agences de nouvelles
officielles libanaises, bien qu’on soupçonne fortement que d’autres victimes
sont enterrées sous les décombres. Les frappes aériennes ont démoli un édifice
résidentiel près du centre commercial dans lequel plusieurs personnes avaient
trouvé refuge.
Pendant ce temps, dans le sud du Liban, les FDI ont annoncé un
couvre-feu à 22 heures, avertissant que quiconque sera dans la rue après
l’heure dite sera considéré comme un terroriste et abattu.
Washington a érigé en principe sa position selon laquelle il
n’aurait aucun contact avec le Hezbollah ou l’une des deux nations ayant les
liens les plus étroits avec le Liban et sa population chiite — la Syrie et
l’Iran. Il a plutôt persévéré à calomnier les trois, jetant les bases
idéologiques pour de prochaines guerres d’agression.
Donc, Bush parle de la résolution de l’ONU servant à
« empêcher les milices comme celle du Hezbollah et ces supporteurs en Iran
et en Syrie de provoquer une autre crise »
Questionné par un journaliste sur la raison pour laquelle
Washington refusait de parler tant à la Syrie qu’à l’Iran, il a répliqué :
« J’apprécie les gens qui se concentrent sur la Syrie et l’Iran, et nous
devrions, parce que la Syrie et l’Iran soutiennent les activités du Hezbollah –
toutes centrées sur la création du chaos, sur l’utilisation de la terreur pour arrêté
l’avancé de la démocratie. » Il ajoute, pour faire bonne mesure :
« Les actions du Hezbollah à travers l’appui de ses supporteurs au sein de
l’Iran et de la Syrie essaient d’arrêter cette avance de la démocratie. Le
Hezbollah a lancé cette attaque. Le Hezbollah tente de créer le chaos
nécessaire pour arrêter l’avancée de la paix. »
Il n’y a pas de raison de croire que Bush en sait beaucoup
plus sur le Liban qu’il en savait sur l’Irak. (Selon un compte rendu publié
récemment, il ne savait pas avant la guerre qu’il y avait deux branches de
l’Islam, les chiites et les sunnites). Mais la réalité est que le Hezbollah
n’est pas une sorte de marionnette pour la Syrie ou l’Iran et ni l’un ni
l’autre de ces gouvernements ne contrôle ses actions.
C’est un mouvement qui est né de la résistance de la
population chiite à l’occupation de leur territoire par Israël durant de 18
ans. Le Hezbollah a gagné un prestige immense en expulsant les troupes
israéliennes du territoire libanais, en un mouvement puissant, il a émergé en
en appelant aux aspirations de la population chiite, historiquement la plus
pauvre du pays et politiquement laissé pour compte.
Dans la section la plus effrayante de ses commentaires
de lundi, Bush liait les événements au Liban à la politique plus large de son
administration au Moyen-Orient et de sa soi-disant « guerre globale au
terrorisme. »
Il a déclaré : « Ce que le peuple
américain doit savoir, c’est que nous avons une stratégie, une stratégie pour
la paix au Moyen-Orient qui protégera le peuple américain à long terme. Et nous
avons une stratégie qui s’adresse aux situations qui se produisent au
Moyen-Orient — premièrement le Liban, naturellement, la question de l’arme
nucléaire iranienne. »
Il a continué : « Le défi du 21e
siècle est de rappeler aux gens quels sont les enjeux et de rappeler aux gens
que dans les moments de paix, il y a encore un groupe fasciste islamiste qui
complote, qui planifie et qui tente de répandre son idéologie. Et une des
choses qui — une des choses qui sont apparues c’est que cet incident malheureux
au Moyen-Orient est un fort rappel qu’il y a ceux qui veulent arrêter
l’avancement de la liberté… »
La « stratégie » de Bush est
d’élargir les guerres pour des « changements de régime » au
Moyen-Orient qui ont commencé avec le renversement de Saddam Hussein en Irak.
Lorsque le président américain — dont les alliés les plus proches dans la
région sont les Etats policiers et les monarchies absolues de l’Egypte, de
l’Arabie saoudite et de la Jordanie — utilise le mot « liberté », il
parle de la liberté des banques et des sociétés américaines d’exercer une
domination exclusive sur le Moyen-Orient et son pétrole.
Confronté à la catastrophe de son
occupation en Irak (avec des milliers de soldats américains maintenant envoyés
vers Bagdad pour y accroître la sécurité et pour mâter la population chiite
récalcitrante), l’administration Bush a décidé que la solution n’est pas de se
retirer, mais plutôt de lancer de nouvelles guerres, non seulement contre le
Liban, mais finalement, contre la Syrie et l’Iran.
Il y a indubitablement un élément de folie
dans cette stratégie d’accroissement du militarisme, mais ce n’est pas
seulement la folie d’un président américain idiot et de ses conseillers.
Plutôt, cela reflète un système social irrationnel basé sur la propriété privée
des forces productives et des ressources vitales de la planète et sur la
division d’une économie mondialement intégrée en Etats-nations rivaux.
La politique américaine consiste
essentiellement à utiliser son pouvoir militaire pour affirmer sa domination
sur les ressources pétrolifères du Moyen-Orient et de l’Asie centrale et ainsi
assurer au capitalisme américain une sécurité dans l’approvisionnement
énergétique et d’augmenter son pouvoir face à ses rivaux économiques.
Le virage vers un militarisme croissant est
aussi poussé par les profondes contradictions internes de la société
américaine, dominée par une polarisation sans précédent entre une élite riche
et les masses des travailleur, faisant face à la perspective d’un
ralentissement économique combinée à une augmentation de l’inflation — une
recette pour les explosions sociales.
Une attaque militaire contre la Syrie et
l’Iran aura les plus sérieuses implications. Avec des forces militaires
américaines déjà surutilisées dans l’aventure impérialiste banqueroute en Irak,
une nouvelle guerre va inévitablement entraîner le retour de la conscription,
forçant la jeunesse américaine à servir de chair à canon pour la conquête des
champs de pétrole iraniens.
De plus, une guerre contre l’Iran aura les
plus funestes implications. Une attaque américaine provoquera une réponse
iranienne contre Israël et, en réaction, une possible riposte nucléaire par
Israël. La voie qu’empruntent maintenant les Etats-Unis mène à des millions de
morts.
Le carnage au Liban fait la démonstration
qu’il n’existe aucune opposition à ce virage vers la guerre à travers le globe
au sein de l’establishment politique américain, alors que le soi-disant parti
d’opposition, le Parti démocrate, cherche à dépasser le Parti républicain dans
son appui à Israël. Au même moment, la proposition de résolution écrite par la
France et les Etats-Unis rend clair, encore une fois, que la bourgeoisie
américaine est incapable de s’opposer au militarisme américain et que l’ONU
elle-même n’est qu’un outil dans la politique impérialiste.
La menace d’une guerre bien plus large et
plus dévastatrice ne peut être contrée que par la mobilisation indépendante de
la classe ouvrière, aux Etats-Unis et internationalement, basée sur un
programme socialiste commun.
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