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et analyses : Moyen-Orient
La guerre israélo-américaine a pour but l’anéantissement du Liban
Par le comité de rédaction
8 août 2006
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La multiplication des attaques contre le Liban depuis vendredi
rendent clair que l’objectif de la guerre d’agression américano-israélienne est
la démolition du Liban en tant que pays souverain et indépendant.
La guerre a pour but de transformer le pays en un territoire
occupé sous contrôle des États-Unis et d’Israël, peut-être au moyen d’une force
de « maintien de la paix » de l’OTAN. La destruction du Liban est
entreprise très délibérément et avec des objectifs précis. Pour Israël, il
s’agit encore une fois d’annexer plus de territoires. Et pour Washington, il
s’agit de préparer d’autres guerres encore plus sanglantes, surtout contre la
Syrie et l’Iran.
L’affirmation que cette guerre est menée pour défendre Israël
contre le terrorisme ou même pour détruire le mouvement chiite Hezbollah est
démentie par les bombardements israéliens qui frappent et font des victimes
loin des centres chiites du Sud-Liban et des banlieues sud de Beyrouth.
Dans une des pires atrocités depuis le début de la guerre, une
frappe aérienne israélienne a tué plus de 33 travailleurs agricoles alors
qu’ils chargeaient des prunes et des pêches dans des camions, à un entrepôt
tout au nord de la vallée de la Beckaa, près de la frontière syrienne. Au moins
20 autres personnes ont été blessées lors de l’attaque. La plupart des victimes
étaient des Syriens kurdes. Les victimes ont été amenées dans des hôpitaux
syriens de l’autre côté de la frontière, car de précédents bombardements
avaient démoli les routes menant aux hôpitaux libanais.
Ce massacre de travailleurs agricoles est survenu après que des
frappes aériennes eurent systématiquement démoli les ponts de la principale
autoroute côtière reliant Beyrouth et le Sud-Liban à la partie nord du pays. Constituant
les premières attaques importantes sur le nord à prédominance chrétienne, ces
attaques ont eu pour but de séparer le pays en deux et de couper la seule voie
restante pour les secours venant de l’étranger. Au moins cinq personnes ont été
tuées dans ces bombardements, qui ont été menés durant l’heure de pointe du
début de journée, incluant des automobilistes qui sont morts écrasés alors que
les ponts étaient bombardés sous eux.
Vendredi, au sud du Liban, près de la frontière israélienne,
on rapporta une autre horreur après que des frappes aériennes israéliennes
eurent détruit deux maisons où des civils avaient trouvé refuge contre
l’offensive militaire. Selon des représentants libanais, environ 57 personnes
ont été coincées sous les décombres des bâtiments, et on savait pas combien
étaient mortes et s’il y avait des survivants.
Pendant ce temps, des avions israéliens ont repris leurs
bombardements des quartiers urbains chiites du sud de Beyrouth, détruisant les
bâtiments résidentiels, les routes et d’autres structures. Des avions ont lâché
des tracts demandant que tous les résidents des zones urbaines densément
peuplées fuient s’ils ne voulaient pas mourir.
Après presque quatre semaines d’attaques israéliennes, le
premier ministre libanais Fouad Siniora a déclaré, lors d’un discours diffusé à
une séance d’urgence de l’Organisation de la conférence islamique tenue en
Malaisie, que 900 civils avaient été tués au Liban, 3.000 blessés, un plus d’un
million, le quart de la population libanaise, étaient maintenant des réfugiés
intérieurs. Un tiers des morts, affirma-t-il, sont des enfants de moins de 12
ans.
La campagne israélienne visant à couper le Liban du monde
extérieur tout en isolant une partie du pays de l’autre menace d’entraîner une
catastrophe humanitaire qui pourrait causer encore plus de morts que les bombes
et les obus qui sont largués sur la population civile.
Israël impose depuis la mi-juillet un blocus total des voies
aériennes et maritimes du Liban, ce qui a pour conséquence que les réserves de
carburant ont baissé à un seuil critique, menaçant de plonger le pays dans la
noirceur. Les pétroliers ont été forcés de faire demi-tour par les navires de
guerre israéliens. L’impact catastrophique immédiat que cela entraîne est que
les grands hôpitaux, et même ceux qui étaient demeurés ouverts durant la guerre
civile des années 70, sont obligés de fermer à cause d’un manque de carburant
et de médicaments, et parce que le personnel est incapable de se rendre au
travail. Le personnel médical a averti que les patients en état critique vont
probablement mourir à cause du blocus.
Dans Beyrouth et à travers le reste du pays, les pannes
d’électricité deviennent courantes, alors que certaines régions n’obtiennent
que deux heures d’électricité par jour. Pendant ce temps, les commerces
commencent à manquer de produits alimentaires essentiels.
Le président du Liban Emile Lahoud a émis une déclaration
accusant Israël de mener une « guerre de la faim » contre le peuple
libanais. « C’est une agression qui a dépassé les objectifs déclarés
d’Israël. Israël a maintenant décidé de détruire le Liban », a-t-il déclaré.
L’effet qu’aura le bombardement de vendredi des ponts
stratégiques reliant le nord et le sud du pays sera d’accélérer cette
destruction en coupant la dernière route qui permettait à l’aide de se rendre
au pays.
Le sabotage délibéré de toutes tentatives visant à soulager
les souffrances du peuple libanais menace d’entraîner des conséquences
catastrophiques. L’UNICEF a émis l’avertissement que la contamination de l’eau
potable due à la destruction des infrastructures et à la coupure des
approvisionnements en carburant menaçaient le Sud-Liban et sa population
déplacée d’épidémies mortelles.
La déclaration de Lahoud n’est pas qu’une dénonciation émotive
de la violente attaque israélienne sur le Liban; elle constitue une évaluation
juste des véritables objectifs de cette guerre.
L’administration Bush à Washington et le gouvernement du
premier ministre Ehoud Olmert en Israël ont déclenché une guerre dont
l’objectif est d’écraser le pays qu’est le Liban, en employant un terrorisme à
grande échelle pour expulser des populations entières et transformer la nation
au complet en un protectorat semi-colonial, subordonné entièrement aux intérêts
de Washington et du régime sioniste.
Annexion et « changement
de régime »
Les objectifs de guerre ressortent à travers les méthodes
barbares employées contre le peuple du Liban. Pour Israël, il apparaît de plus
en plus probable que l’objectif est l’annexion d’une partie significative du
territoire libanais, après l’avoir vidé de sa population civile par des
massacres et du terrorisme. Le ministre de la Défense israélien Amir Peretz a
ordonné à l’armée de se préparer à avancer jusqu’à la rivière Litani, 25
kilomètres au nord de la frontière. Le contrôle de cette rivière a été un
objectif stratégique pour les sionistes depuis même avant la création de l’État
israélien.
L’expérience des 40 dernières années a démontré qu’Israël
était un État sans frontières fixes. Chaque nouvelle guerre lui permet
d’étendre son contrôle à un nouveau territoire pour répondre à ses supposés
besoins de sécurité. Au Liban, l’État israélien mène l’équivalent de ce que
l’on qualifiait de lebensraum sous le Troisième Reich de Hitler: tuer ou
expulser les populations qui sont vues comme inférieures afin de repeupler leur
territoire.
Pour Washington, l’offensive israélienne a un sens beaucoup
plus grand. La destruction du Liban est vue comme un préalable au lancement de
nouvelles guerres d’agression pour arriver à des changements de régime en Syrie
et en Iran. Les États-Unis appuient inconditionnellement Israël dans sa guerre
criminelle contre le Liban essentiellement parce qu’ils considèrent que cela va
dans le sens de l’objectif stratégique de l’impérialisme américain: la
domination sans partage du Moyen-Orient et de son pétrole.
Le même objectif a sans aucun doute motivé l’appui des
États-Unis pour la soi-disant « Révolution du cèdre » de l’année
dernière. Le fait que cet événement et les élections qui ont suivi n’ont servi
qu’à renforcer l’influence politique du Hezbollah a été perçu par Washington
comme un obstacle intolérable à ses ambitions, qui devait être surmonté par
l’utilisation de la force militaire meurtrière.
Les véritables objectifs de l’impérialisme américain ont
été exprimés dans un article publié vendredi par Charles Krauthammer du Washington
Post, un des partisans les plus constants de la politique militariste de
l’administration Bush au Moyen-Orient. « Le feu vert qu’a obtenu Israël
des États-Unis pour se défendre est vu comme une faveur faite à Israël »,
a-t-il écrit. « Mais cette analyse est tendancieuse et injuste. Le feu
vert, l’encouragement même, est un acte d’intérêt personnel évident. Les
États-Unis veulent et les États-Unis ont besoin d’une défaite décisive du
Hezbollah. »
Krauthammer a critiqué Israël, non pas pour
le caractère meurtrier de sa guerre contre le peuple libanais,
mais pour ne pas avoir employé assez de force.
Washington, a-t-il écrit, avait « compté sur la capacité
d'Israël à faire le boulot. Il a été déçu. Le premier ministre Olmert a
fait preuve d'un leadership instable et incertain. Comptant bêtement sur la
seule force aérienne, il a refusé à ses généraux l'offensive au sol qu'ils
voulaient, pour ensuite revenir sur sa décision.»
Ce sont là les véritables sentiments qui
règnent au sein de l'administration Bush. Celle-ci veut qu’Israël s'attelle à
la tâche des tueries en masse au Liban, faisant grimper le nombre des
victimes à des dizaines, voire des centaines de milliers, afin de réaliser les
objectifs américains.
Il ne fait aucun doute que le caractère
brutal de cette stratégie provoque des soulèvements de masse partout
au Moyen-Orient, qui sont dirigés en large mesure contre la vile
hypocrisie et la criminalité des États-Unis dans la préparation et le soutien
de cette entreprise sanglante. Il faut se rappeler qu'il y a quelques
années à peine, les milieux officiels et les mass media américains ont
mené une vaste campagne autour du « nettoyage ethnique » au Kosovo en
tant que prétexte pour faire la guerre dans les Balkans. Maintenant,
Washington achemine en toute hâte des bombes et des missiles en Israël afin de
faciliter le nettoyage rapide du Sud-Liban de toute sa population chiite par le
bombardement aveugle de zones civiles.
Plus de 100.000 personnes
ont manifesté dans le quartier principalement chiite de Sadr à Bagdad
vendredi, dénonçant Israël et les États-Unis pour leur rôle dans
la guerre au Liban et s'engageant à combattre l'occupation américaine. Des
régimes arabes de droite tels que la Jordanie et l’Égypte ont été forcés
de prendre leurs distances envers Washington.
Le journal de Beyrouth Daily Star a
averti dans un éditorial vendredi que la guerre exacerbe « le
désenchantement apparent de larges sections – peut-être majoritaires – de
l'opinion publique arabe envers la politique menée par leurs propres gouvernements ».
Il a ajouté : « Il y a des conséquences sinistres pour une région
possédant une si grande portion des réserves énergétiques mondiales, et
tant de gouvernements et de citoyens ordinaires prêts à employer la violence la
plus terrible pour atteindre leurs objectifs. Les signes de radicalisation
qui continuent à se manifester dans divers pays arabes, suite à la guerre entre
le Liban et Israël, ne peuvent être passés sous silence. »
L'administration Bush semble indifférente à
ce conseil plutôt sage. Ayant mené le pays dans le désastreux bourbier de l'Irak,
elle accueille la possibilité de nouvelles guerres et de nouvelles attaques
terroristes comme un moyen de redonner vie à sa « guerre globale au terrorisme ».
On va mettre l’opposition montante aux
politiques d'Israël et de Washington sur le compte du « terrorisme »
et trouver les prétextes pour de nouvelles et bien plus terribles guerres.
Quant au soi-disant parti d'opposition
à Washington, il rivalise avec l'administration à qui se montrera le
défenseur le plus enthousiaste de la guerre israélienne contre le Liban.
Un parfait représentant de ce parti se
trouve en la personne de Hillary Clinton, sénatrice démocrate de New York et
principale candidate du parti à la nomination présidentielle de 2006.
Prenant la parole mardi à Buffalo, New
York, seulement quelques jours après qu'un tas de gens, la plupart des
enfants, aient été massacrés dans le village de Cana, Clinton a réitéré son
soutien inconditionnel à l'État israélien. Les États-Unis, a-t-elle a dit,
« doivent être en tête quand il s'agit de protéger Israël. Ils doivent
garantir la sécurité d'Israël… que cela implique l'envoi de troupes ou non, je
ne le sais pas. »
Pas un mot de sympathie ou d'inquiétude
pour une population libanaise en train de saigner n'est sorti des
lèvres de Clinton. Cette attitude n'est pas l'exception, mais la règle, pour
tout l'establishment politique américain ainsi que les mass media. Des
atrocités qui ne rappellent rien de moins que les crimes commis par les fascismes
allemand et italien dans les années trente – l’Éthiopie, Guernica, l'écrasement
de la Pologne – sont traitées comme des gestes parfaitement acceptables et
compréhensibles de « légitime défense » de la part d'Israël.
Ce qui sous-tend ce manque total de
moralité, ce sont les intérêts de classe de l'oligarchie dirigeante
américaine, qui en est arrivée à la conclusion qu'elle peut mieux faire valoir
ses intérêts mondiaux en faisant usage d'un militarisme débridé.
En fin de compte, les travailleurs
américains seront forcés de faire les frais de cette politique apparemment
marquée du sceau de la folie. Les coûts du militarisme américain se feront de
plus en plus sentir au pays dans l'abaissement du niveau de vie et la
destruction du peu qui reste des programmes sociaux.
En outre, la guerre qui s'installe de plus
en plus dans le Moyen-Orient ne peut être soutenue beaucoup plus longtemps sans
l'imposition de la conscription. Il est hautement probable qu'une fois passées
les élections de mi-mandat 2006, on verra un effort coordonné des deux partis –
sous l'impulsion certaine des démocrates – pour embrigader une fois de plus la
jeunesse américaine dans les forces expéditionnaires qui sont mises en place
pour mener la prétendue « longue guerre » visant à assurer
l'hégémonie impérialiste américaine.
La lutte contre la guerre ne peut aller de
l'avant que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière
sur la base d'un programme socialiste qui cherche l'unification
internationale des travailleurs de tous les pays dans une lutte commune contre
les intérêts financiers et corporatifs mondiaux qui dominent la planète.
Le Parti de l'égalité socialiste intervient dans les élections 2006 afin
de mettre de l'avant une telle alternative.
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