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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Réponse à un lecteur sur la question du conflit des ouvriers du bâtiment de Vaxholm en Suède

7 août 2006

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Le courriel suivant a été envoyé suite à l’article “Sweden: Lessons of the Vaxholm builders’ dispute.” L’auteur de l’article, Steve James y répond.

L’article apportait pas mal d’informations, et donc valait la peine d’être lu, mais il se terminait par pas mal d’âneries. Quels intérêts communs ont donc les ouvriers suédois et lettons ? Je n’en vois aucun. Les ouvriers suédois sont les héritiers des luttes de leurs ancêtres pour obtenir de meilleurs salaires et conditions. Ils ont le droit de préserver ces conditions et c’est bien de voir que dans ce cas précis ils ont gagné. Les ouvriers lettons, quant à eux, n’ont pas lutté pour de meilleurs salaires et conditions et n’ont aucun droit de profiter de ces luttes des générations passées d’ouvriers suédois en venant travailler en Suède pour obtenir des salaires plus élevés qu’ils n’auraient chez eux.

JM

* * *

Cher JM,

Vos remarques chauvines expriment, de façon plutôt rudimentaire et ignorante, les intérêts de ce syndicat même dont nous encourageons vivement les ouvriers à se détacher tant politiquement que d’un point de vue organisationnel.

Ce que vous proposez, ce n’est pas seulement la division des ouvriers suédois et lettons, mais la division des ouvriers partout dans le monde. Vous conseillez, en fait, aux ouvriers de poursuivre leur alliance avec le capital national, en Suède et ailleurs, alliance qui les a conduit à la paralysie politique actuelle face à la guerre et à la spirale qui n’en finit pas de descendre des conditions de vie. Votre perspective est, d’un point de vue historique, totalement en faillite.

La mondialisation de la production capitaliste qui a déclenché l’effondrement des régimes staliniens de l’Union soviétique et de l’Europe de l’est, a miné les perspectives réformistes nationales des sociaux-démocrates du monde entier, y compris du « modèle suédois » tant vanté.

Représentant un énorme pas en avant en termes de productivité du travail, la mondialisation de la production sous le capitalisme permet aux grandes entreprises d’encourager de nouveaux niveaux de concurrence entre ouvriers. Cela conduit directement à un abaissement mondial du niveau de vie des masses de par le monde. Aucun pays, même des plus riches, ne peut attirer et retenir des investissements, circulant librement dans le monde entier, quand des aides sociales, accordées aux gens ordinaires, représentent un frein au profit.

Cela se voit de façon particulièrement aiguë au sein de l’Union européenne. L’expansion prédatrice de l’UE dans l’ancien bloc des pays de l’est a pour but d’ouvrir de nouvelles sources de main-d’œuvre qualifiée bon marché pour les entreprises européennes, permettant une attaque généralisée sur les niveaux de vie et les concessions de l’Etat providence. C’est ce que l’on peut voir dans le conflit de Vaxholm, et de nombreux autres cas où les ouvriers d’Europe de l’est ont été déployés pour miner le niveau de vie des ouvriers de l’ouest.

Ces changements à la racine du processus de production constituent la base objective pour la transformation des partis sociaux-démocrates et des syndicats en instruments visant à accroître l’exploitation de la classe ouvrière. Le Parti travailliste de Tony Blair n’est qu’une des expressions les plus claires de ce processus. Les sociaux-démocrates dans le monde entier ont abandonné toute défense du niveau de vie et se sont rapidement transformés en partis bellicistes des super riches. Les sociaux-démocrates du premier ministre suédois Goran Persson et leurs alliés de gauche sont en train de prendre sans plus tarder la même direction.

Les syndicats, quelle que soit leur couleur politique ostensible, se sont transformés en instruments du patronat. Se présentant comme les outils de la paix sociale et de la stabilité industrielle, les syndicats sabotent toutes les luttes, isolent et divisent les travailleurs tout en défendant leur position et leur alliance avec le gouvernement et les entreprises.

C’est pourquoi à Vaxholm l’objectif premier des syndicats n’était pas la défense des conditions de travail des ouvriers du bâtiment, mais plutôt la défense des conventions collectives. Dans l’article, j’ai expliqué que les principaux bénéficiaires des manoeuvres prolongées autour du conflit de Vaxholm n’étaient pas les ouvriers suédois ou lettons mais la bureaucratie syndicale suédoise. L’accord qu’ils ont conclu en 2005 avec la Fédération des patrons suédois, Svenkst Näringsliv, a mis en place des ententes grâce auxquelles les syndicats et les patrons suédois administreraient ensemble l’importation d’ouvriers d’Europe de l’est pour miner les salaires et conditions en Suède.

Cela exprime certainement l’orientation fondamentale des syndicats qui consiste à apporter leur soutien à « leurs » propres patrons nationaux en se présentant comme le meilleur moyen par lequel organiser la paix sociale et accroître la productivité de la classe ouvrière. C’était la façon de voir du gouvernement suédois, ce qui explique pourquoi il a soutenu les syndicats suédois sur la question de Vaxholm.

Il est clair que c’est aussi votre façon de voir.

L’expérience lettone

Ce qui frappe surtout dans vos remarques c’est le mépris que vous ressentez clairement envers les ouvriers lettons et par extension d’Europe de l’est et des autres régions appauvries du monde.

En réponse à votre calomnie selon laquelle les ouvriers lettons n’ont pas lutté et donc « n’ont pas le droit de profiter » des luttes syndicales passées en Suède, il faudrait faire remarquer que la Lettonie et les autres Etats d’Europe de l’est ont été la scène où les grands événements du vingtième siècle ont pris place. En effet, les ouvriers et l’intelligentsia de Lettonie ont contribué de façon significative aux tentatives pour remplacer le capitalisme à échelle mondiale.

Dès 1904, les sociaux-démocrates lettons avaient fondé un journal, Zihna, qui fut considéré illégal par le gouvernement. Les conférences sociales-démocrates étaient aussi illégales et se tenaient à l’étranger avec des délégués représentant des milliers de membres. En 1905, Riga étant une des villes les plus industrialisées de Russie, les ouvriers se sont soulevés contre le tsar tandis que les paysans se révoltaient contre la noblesse terrienne allemande de la Baltique. Une grande partie de la campagne avait alors été rasée en représailles.  

Durant la Première Guerre mondiale, une partie du front de l’est passait par la Lettonie. La désillusion et le massacre en masse parmi les troupes lettones contribuèrent à l’effondrement de l’armée russe, tandis que la propagande bolchevique était bien reçue.

Un soviet letton fut établi simultanément à la Révolution d’octobre, mais fut écrasé par les armées allemandes. En 1918, un autre gouvernement soviétique fut établi qui s’effondra au milieu de 1919 sous la pression de l’impérialisme allemand et britannique. Un gouvernement bourgeois faible fut établi avec lequel les bolcheviques purent faire la paix. Le régime bourgeois se maintint cahin-caha jusqu’à un coup d’Etat de droite en 1934.

L’Union soviétique, avec maintenant à sa tête une bureaucratie contre-révolutionnaire, occupa la Lettonie en 1940, suite au pacte germano-soviétique. Cependant le pays fut envahi par l’armée allemande le 10 juillet 1941 et dès la fin de l’année la population juive tout entière avait été massacrée de même que tout opposant potentiel au régime nazi. Plus de 100 000 Lettons conscrits dans les deux armées moururent, tandis que la population dans son ensemble déclinait de 300 000, soit 25 pour cent. Staline déporta des milliers de plus après la guerre.

Dans la période d’après-guerre, la Lettonie était largement intégrée dans l’économie planifiée de l’Union soviétique, son industrie consacrée à la production militaire tandis que le pays était lui-même une base militaire. Le niveau de vie se stabilisa et s’améliora pour être parmi les meilleurs de l’Union soviétique. En même temps, et dû en grande partie à la confusion idéologique produite et encouragée par le stalinisme, un nouveau nationalisme letton émergeait. Après l’effondrement de l’Union soviétique, toute l’élite politique du pays s’est mise à se remplir les poches avec ce qui restait de l’économie planifiée tout en promouvant le nationalisme letton et le chauvinisme anti-russe pour dissimuler ses opérations.

Les conditions avancées obtenues en Suède sont inexplicables si on les considère comme des événements avant tout suédois et ne peuvent se comprendre que dans le contexte des luttes révolutionnaires qui ont culminé dans la formation de l’Union soviétique. Bien que les luttes nationales aient joué un rôle, le « modèle suédois » tant vanté de capitalisme providence était en premier lieu un moyen par lequel la bourgeoisie avait essayé avec l’aide de la social-démocratie et de la bureaucratie syndicale d’empêcher que les mouvements révolutionnaires ne s’étendent à la Suède et au reste de l’Europe.

Unité internationale

Vous n’accordez aucune importance à l’histoire réelle de la classe ouvrière lettone ou de la souffrance que le stalinisme et l’impérialisme lui ont infligée. Vous refuseriez même aux ouvriers lettons le droit fondamental de changer de pays à la recherche de meilleures conditions de vie. Comme c’est souvent le cas, une soi-disant défense de la classe ouvrière basée sur le nationalisme finit par des appels au contrôle de l’immigration et autres mesures réactionnaires.

Au contraire, le programme socialiste que nous avançons parle à toutes les sections de la classe ouvrière. La population travailleuse de la planète est objectivement unifiée dans un vaste réseau de production. Les travailleurs de toutes nationalités, religions et bords politiques de tous les coins du monde, sont intégrés dans des relations identiques avec le capital. De plus en plus, des ouvriers de plusieurs continents différents travaillent pour le même patron, ou ses sous-traitants. Les ouvriers peuvent communiquer instantanément avec leurs pairs et homologues à échelle mondiale.

Notre façon de voir c’est que le principe directeur de l’économie mondiale doit être celui du besoin social et non de l’expansion de la richesse privée. Cela ne peut être atteint qu’en remplaçant le système de profit, par une lutte politique consciente de la classe ouvrière internationale.

En Europe, région relativement petite mais immensément productive composée de quelques 45 Etats-nations, de plus encore de langues différentes, d’une histoire très compliquée et d’une classe ouvrière puissante, l’unique forme politique par laquelle le capitalisme, ses instruments d’Etat et institutions transnationales telle l’Union européenne, peut être remplacée est une Europe socialiste unie sous la direction politique et le contrôle démocratique des travailleurs.

C’est la raison pour laquelle nous insistons sur le fait que les ouvriers suédois et lettons, ainsi que les ouvriers de tous les pays ont des intérêts communs et doivent unifier leurs luttes politiques sur une base socialiste. Si cela ne devient pas l’axe essentiel des luttes sociales et politiques des travailleurs partout dans le monde il n’y aura pas d’avancée, mais uniquement encore des reculs  et des défaites.

Cordialement,

Steve James

 

 

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