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et analyses : Moyen-Orient
Intensification de l’attaque américano-israélienne sur le Liban
par Mike Head
5 août 2006
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Soutenu par l’administration Bush, Israël a envoyé des
milliers de soldats de plus au Liban et intensifié ses bombardements aériens dans
sa tentative d’écraser toute résistance et prendre le contrôle du sud du pays. Avec
les USA bloquant tous les appels à un cessez-le-feu immédiat – afin de donner à
l’armée israélienne plus de temps pour finir le travail – des dirigeants
israéliens ont ouvertement déclaré que l’offensive se poursuivra pendant des
semaines.
Le manque total d’opposition de la part de l’ONU et de l’Union
européenne aidant, les objectifs fixés par les USA et Israël dès le début de la
guerre se poursuivent de façon méthodique et causant une dévastation barbare.
La capture de deux soldats des Forces de défense israéliennes (FDI) par le
Hezbollah est utilisée comme prétexte pour essayer de tuer ou de déplacer la
population du sud Liban et mettre le pays tout entier sous son emprise
politique.
Jusqu’à 20 000 soldats des FDI ont envahi le Liban sur de
multiples fronts, soutenus par des tanks, des bulldozers militaires et une
puissance aérienne féroce. Rien n’indique que l’offensive va obligatoirement
s’arrêter au fleuve Litani, frontière nord de la « zone de sécurité »
proclamée par Israël. L’infanterie des FDI a déjà traversé le fleuve en divers
endroits, dépassant le territoire qu’Israël a occupé pendant 18 ans de 1982 à
2000.
Dans tout le sud Liban, le sud de Beyrouth et la Vallée de la Bekaa
à l’est, les FDI poursuivent une politique de terre brûlée, réduisant villes et
villages en tas de décombres, laissant les habitants qui restent là – ceux qui
sont trop vieux ou trop faibles pour s’enfuir – sans eau ni nourriture. On est
bien loin des « incursions chirurgicales » pour démanteler les postes
de commandement du Hezbollah, comme le prétend Israël, en fait l’opération
bombarde systématiquement et fait passer sous le bulldozer maisons, appartements,
équipements et services essentiels pour rendre inhabitables des zones entières.
Après la fin de l’arrêt des frappes aériennes pendant 48
heures, les avions de guerre israéliens ont procédé à des vagues de
bombardements sur tout le Liban mercredi. Les frappes aériennes ont repris sur
la banlieue dévastée de Beyrouth aux premières heures de jeudi. Les habitants
ont entendu l’impact de grandes explosions à peu près toutes les cinq minutes à
partir de 2h30 du matin lorsque des missiles ont touché Dahieh, banlieue
musulmane chiite qui a été bombardée de façon répétée par Israël depuis le
début des hostilités il y a trois semaines.
Hier, des commandos de la FDI ont atterri de façon provocante
près de la ville orientale de Baalbeck, 100 km à l’intérieur du Liban et à
proximité de la frontière syrienne. Ils ont saisi un hôpital dirigé par le
Hezbollah, capturé plusieurs militants allégués du Hezbollah sous couverture
d’un bombardement israélien qui a tué au moins 19 civils, dont cinq enfants. Le
général de corps d’armée Dan Halutz, directeur de la FDI, a dit aux reporters
lors d’un point de presse que le raid avait pour but de montrer qu’Israël
pouvait frapper partout au Liban.
On spécule ouvertement dans les médias américains sur le fait
que la guerre au sol ne se limitera pas au sud du Liban, mais pourrait conduire
à une opération militaire de plus grande envergure si Israël décide de pousser
vers Beyrouth. Le général de brigade Shuki Shahar, chef adjoint du commandement
militaire du nord, a dit : « Plus nous pourrons les pousser vers le
nord, et moins il y aura de citoyens israéliens menacés par leurs
roquettes. »
Plus au sud, à Tyr, les funérailles collectives prévues des 90
victimes du massacre de Cana et d’autres atrocités ont dû être reportées du
fait de l’intensité du barrage de missiles israéliens. Des dizaines de milliers
de personnes s’enfuient de l’ancienne ville méditerranéenne. Ces derniers jours,
la population de la ville avait atteint les 100 000 du fait de l’arrivée
de réfugiés de villages de l’intérieur du pays. Dès mardi, il ne restait que quelque
15 000 personnes.
Il est à présent évident que la tuerie d’innocents à Cana
faisait partie d’un projet plus vaste de terroriser les gens et de les forcer à
fuir. Avec le bilan officiel de décès de civils libanais approchant déjà les
1 000 et le nombre de personnes déplacées 1 000 000 – soit un
quart de la population du pays – le premier ministre israélien Ehoud Olmert
s’est vanté hier que c’était là une marque de succès dans la guerre. « Toute
la population, qui est la base du pouvoir du Hezbollah au Liban a été déplacée »,
a-t-il déclaré.
En d’autres termes, la stratégie – mise en place avec
Washington dès le début – est la dépopulation systématique du sud Liban, où
l’attaque qui dure depuis trois semaines n’a fait qu’accroître le soutien
populaire pour le Hezbollah considéré comme mouvement de résistance nationale.
Avec les soldats de la FDI rencontrant une opposition plus féroce et le
Hezbollah lançant plus de roquettes sur Israël mercredi qu’aucun autre jour de
cette guerre qui dure depuis 22 jours, Olmert a déclaré que l’armée ne
s’arrêterait pas de combattre ni se retirait tant qu’une force internationale
« robuste » n’entrerait au sud Liban selon les conditions posées par
Israël.
Son gouvernement est sûr que cela pourrait prendre des
semaines, voire plus, du fait de l’insistance des USA, avec le soutien de la
Grande-Bretagne et de l’Allemagne, qu’aucune trêve ne soit permise tant qu’Israël
n’aura pas conquis la région. Un ministre du cabinet, Binyamin Ben-Eliezr, a
dit à la radio de l’armée qu’il s’attendait à ce que l’offensive prenne jusqu’à
deux semaines. Des généraux israéliens prédisent publiquement une guerre encore
plus longue. Le général de brigade Alon Friedman du commandement nord d’Israël
a dit que la prise de contrôle du sud Liban pourrait prendre une semaine et que
la préserver « pourrait prendre de trois à huit semaines, suivant l’étendue
de la région. »
Israël est résolu à garder carte blanche pour procéder aux
opérations militaires dans tout le Liban même après qu’une force de maintien de
la paix soit mise en place. L’analyste militaire israélien a fait le
commentaire suivant dans le journal Haaretz d’aujourd’hui : « Entre-temps,
une situation délicate émerge sur la question du mandat de la future force
multinationale… Le danger c’est que des sanctions s’appliqueront aux deux
parties. Cela rend très difficile pour Israël de se défendre, même s’il use de
l’argument de la légitime défense. »
Quelles que soient les différences tactiques existant avec la
France sur la question du moment opportun et de la composition de la « force
de stabilisation » prévue, il n’existe pas de désaccord sur sa fonction
fondamentale, qui va complètement détruire toute opposition à la à ce que le Liban
soit réduit en un protectorat complètement servile aux intérêts des Etats-Unis
et d’Israël.
Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow a dit qu’un
cessez-le-feu immédiat au Liban n’était pas au programme et a minimisé les
différends avec la France sur l’urgence de mettre fin aux hostilités. « Un
cessez-le-feu immédiat est quelque chose, qui à ce stade, ne semble pas être au
programme. Aucune des deux parties ne va dans ce sens », a-t-il dit à une
conférence de presse.
La vérité c’est que Washington presse les Israéliens de
poursuivre le massacre aussi rapidement que possible, comme Schiff y a fait
allusion dans son commentaire d’hier dans Haaretz. Fervent partisan de
la guerre, il s’est plaint que le gouvernement Olmert n’avait pas encore fourni
aux Etats-Unis les « cartes militaires » dont ils avaient besoin pour
garantir l’éradication permanente du Hezbollah.
« La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice est la personnalité
qui est à la tête de la stratégie de changement de situation au Liban, et non
le premier ministre Ehoud Olmert ou le ministre de la Défense Amir Peretz. Elle
a jusqu’à présent réussi à résister à la pression internationale pour un
cessez-le-feu », écrit-il.
Le gouvernement libanais a continué à dénoncer les crimes de
guerre d’Israël. Le ministre des Affaires étrangères Fawzi Salloukh a appelé
mardi à un cessez-le-feu immédiat et à la création d’un tribunal international
pour y juger les fonctionnaires israéliens. Prenant la parole à Cana, le
ministre de la Justice Charles Rizk a dit :« Israël a commis un crime
hideux contre des enfants, des femmes et des personnes âgées et [il devrait y
avoir] un comité indépendant et international pour enquêter sur ce crime. »
A Beyrouth, le Haut comité de secours (HRC) du Liban a dit
qu’il avait dénombré jusqu’à présent 828 personnes tuées et 3 200 blessés.
« Il s’agit de corps identifiés, et ce bilan ne compte pas les gens que
l’on croit ensevelis sous les décombres », a dit un porte-parole du HRC.
Le nombre de personnes déplacées s’élève à 913 760. Les pertes économiques
causées par la destruction de l’infrastructure du pays sont à présent estimées
à 4 milliards de dollars.
Tel est le « nouveau Moyen-Orient» promis par la Maison-Blanche.
La guerre barbare au Liban, ainsi que la saignée qui empire dans l’Irak occupé
par les Etats-Unis sont le produit d’une politique néocoloniale dont le but est
de supprimer toute résistance à la domination américaine sur les réserves
massives en pétrole et gaz de la région et l’objectif plus large de
l’impérialisme américain de devenir la puissance hégémonique mondiale
incontestée.
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