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Pendant que l’on spécule sur la santé de Castro
Les Etats-Unis intensifient les provocations contre Cuba
par Bill Van Auken
4 août 2006
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Après que Fidel Castro eut annoncé qu’il remettait
temporairement les rênes du pouvoir à son frère Raul, avant de subir une
chirurgie d’urgence pour des saignements intestinaux, l’administration Bush a
intensifié ses provocations contre Cuba, posant la menace d’une intervention
directe des Etats-Unis contre la nation insulaire.
C’était la première fois en 47 ans, depuis son arrivée au
pouvoir à la suite d’un soulèvement de guérilla contre la dictaturede Fulgencio
Batista, soutenue par les Etats-Unis, que Castro abandonnait sa position de
chef de tous les principaux organes de l’Etat cubain.
L’annonce a été accueillie par voyantes manifestations des
émigrés cubains de droite à Miami et ailleurs aux Etats-Unis, alors que le
Washington officiel insistait que l’état d’invalidité ou la mort du chef cubain
de longue date n’entraînerait aucun relâchement de la politique américaine
d’agression contre le pays.
Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a souligné
que « Nous ne prévoyons pas tendre la main » et a décrit Raul Castro
comme étant un « gardien de prison ».
Le député cubain-américain Lincoln Diaz-Balart, un républicain
de droite, a exigé lors d’une conférence de presse à Miami que les forces de
sécurité cubaines n’obéissent à aucun ordre demandant de réprimer une
agitation, menaçant qu’autrement « leurs noms se retrouveraient sur une
liste d’infamie ». Il brandit ensuite sa propre soi-disant liste de 56
individus pro Castro qui auraient été identifiés dans des manifestations à Cuba
devant les habitations de « dissidents » appuyés par les Etats-Unis.
Alors qu’en Floride des groupes exilés cubains antiCastro
appelaient à la désobéissance civile de masse et à la mutinerie militaire, des
reportages de Cuba ne montraient aucun signe d’agitation.
Les médias cubains firent la lecture d’une déclaration de
Castro où il se décrivait lui-même comme étant dans un « état stable »,
ajoutant que « pour ce qui est du moral, je me sens parfaitement bien ».
Dans son annonce initiale du transfert « provisoire » du pouvoir à
son frère, Fidel a décrit la chirurgie qu’il devait subir comme étant « complexe »
et a affirmé que par la suite il devrait « être au repos pour plusieurs
semaines ».
Parallèlement aux appels rituels pour une « démocratie »
à Cuba, des représentants du gouvernement américain ont annoncé les plans d’un
important déploiement de la marine et de la garde côtière des États-Unis qui
imposeraient un blocus de l’île et empêcheraient les réfugiés de fuir vers les Etats-Unis
dans le cas où Washington interviendrait militairement ou réussirait à précipiter
une crise majeure dans l’île.
La tentative pour stimuler une crise au sujet de la santé
de Castro n’a été mise de l’avant que quelques semaines après que
l’administration à Washington eut dévoilé un programme de « démocratie »
cubaine de 80 millions de dollars pour financer l’opposition interne au régime
de Castro et préparer la « transition » vers l’installation d’un
régime pro-américain. Cela s’ajoute aux 35 millions de dollars que les Etats-Unis
dépensent annuellement pour financer la diffusion de la propagande de Radio et
TV Marti vers Cuba, ainsi que le budget secret de la CIA pour ses activités de
déstabilisation sur l’île.
Le rapport public émis par la Commission d’assistance à un
Cuba libre, mis sur pied trois ans plus tôt par l’administration Bush en
collaboration avec des groupes exilés de droite, fut accompagné d’une série de
recommandations secrètes, qui comprendraient apparemment des plans pour des
opérations clandestines de la CIA et du Pentagone, sinon des plans pour une
intervention militaire américaine directe visant à provoquer un « changement
de régime » à Cuba.
La banqueroute de la politique de Washington envers Cuba
(qui fut celle de dix administrations américaines consécutives) se résume par
le fait que la principale stratégie américaine consiste à attendre que Castro,
âgé de 79 ans, meure. Un embargo économique de 45 ans, l’invasion manquée de la
Baie des Cochons en 1961, d’innombrables attaques terroristes contre le peuple
cubain appuyées par la CIA aussi bien que des centaines de tentatives
d’assassinats contre Castro n’ont pas réussi à faire tomber le régime.
Les plans de la commission, qui est codirigée par la
secrétaire d’Etat Condoleezza Rice et le secrétaire au Commerce Carlos
Gutiérrez, un Américain d’origine cubaine, consiste largement à exploiter la
mort et l’incapacité de Castro et d’intervenir dans les tentatives de l’Etat
cubain d’organiser une transition de pouvoir dans l’ordre.
Tout en proclamant que l’intervention américaine a pour but
d’aider le peuple cubain à « reprendre sa souveraineté », le plan
dicte essentiellement la forme de gouvernement et les politiques économiques
(« le libre marché ») qu’un futur régime cubain ayant l’appui des
Etats-Unis doit implanter. La tentative de Washington d’établir les termes
d’une « transition démocratique » à Cuba représente une tentative
évidente de rétablir la domination semi-coloniale que les Etats-Unis ont fait
régner sur le pays de la guerre américano-espagnole jusqu’à la révolution de
1959.
La campagne que mènent les Etats-Unis pour imposer de
nouveau leur domination sur Cuba est motivée en bonne partie par la réalisation
croissante qu’ils abandonnent un marché potentiellement profitable à leurs
rivaux en Europe, en Asie et au Canada, qui ont tous réalisé d’importants
investissements dans l’industrie touristique de l’île aussi bien que dans
l’industrie minière du nickel et d’autres secteurs de l’économie. De plus, la
récente découverte de réserves pétrolières en haute mer, suscitant un important
intérêt des pétrolières chinoises et européennes, a accru le désir de
Washington de réclamer le secteur manquant depuis longtemps de sa « propre
cour ».
La passation des pouvoirs à Raul Castro est largement
considérée comme une mesure provisoire qui pourrait être suivie par le
développement d’un nouveau leadership à partir du haut rang du Parti communiste
cubain. Néanmoins, la forme quasi dynastique de la succession passant du vieux
Castro à son frère plus jeune (Raul a 75 ans) souligne le caractère de classe
du régime cubain qui n’est pas arrivé au pouvoir sur la base d’une révolution
socialiste de la classe ouvrière, mais en conséquence d’un mouvement de
guérilla nationaliste petit-bourgeois.
La longévité du régime de Castro (et sa survie à
l’effondrement de l’Union soviétique qui a subventionné l’économie cubaine
pendant une trentaine d’années) est habituellement expliquée à Washington par
la répression politique.
En réalité, la popularité dont Castro continue de jouir à
Cuba est enracinée dans le ressentiment nationaliste du peuple cubain envers
les tentatives des Etats-Unis d’affamer l’île pour la soumettre et dicter son
avenir. Il est aussi nourri pour l’hostilité et la crainte envers les groupes
d’exilés cubains de Miami dont le but est de revenir au pays et de prendre le
pouvoir politique.
On croit largement que cette couche semi-fasciste, qui
bénéficie d’une influence très disproportionnée dans l’établissement de la
politique étrangère américaine cherchera à redonner à l’oligarchie cubaine les
propriétés qui ont été expropriées au cours de la révolution de 1959, à
réprimer la classe ouvrière et à éliminer les gains limités, mais significatifs
réalisés par la révolution de 1959, entre autres un système de santé et un
système d’éducation universel et gratuit.
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