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Joschka Fischer et les Verts allemands défendent la terreur
des bombardements israéliens au Liban
par Ulrich Rippert
1 août 2006
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Au début de cette semaine, Jerzy Montag, député Vert au
Bundestag s’est rendu à Haïfa en Israël à la tête d’un groupe parlementaire
germano-israélien. Dans une déclaration à la presse, le cabinet du
parlementaire Vert à Berlin a fait savoir que la « Société germano-israélienne »
elle aussi était du voyage.
Le but de ce voyage était de « faire campagne en faveur
de l’action militaire et de la politique actuelle d’Israël » parce
que, selon la déclaration, cette politique était « critiquée par
beaucoup » en Allemagne et qu’elle se heurtait à « une large
incompréhension ».
Mardi, Jerzy Montag, qui s’était jusque-là fait remarquer par
son battage intensif pour une collaboration plus étroite entre les Verts et les
conservateurs de la CDU/CSU, a répété mot pour mot la propagande de guerre
israélienne. Il a dit au magazine Spiegel Online : « Israël
n’a donné aucun motif à des combattants ennemis d’enlever des membres de
l’armée à partir du territoire libanais et de les tuer. Israël n’a donné aucun
motif pour que des villes israéliennes soient bombardées. Israël a le droit de
protéger ses citoyens et le fait. »
Montag a qualifié le bombardement incessant du Liban sud des
jours durant, la destruction systématique des routes et des ponts, des
centrales électriques, des ports, des aéroports et de quartiers entiers de
Beyrouth, d’« actes de légitime défense ».
Mercredi matin, alors que le monde apprenait que les avions de
chasse israéliens avaient attaqué délibérément un poste des Nations unies au
Liban, tuant quatre collaborateurs de l’ONU, l’ancien ministre des Affaires
étrangères de la coalition SPD-Verts, Joschka Fischer, publiait un commentaire
dans le quotidien Süddeutsche Zeitung. Son article avait paru la veille
dans le quotidien britannique Guardian sous le titre « A présent il
est temps de voir grand ».
Dans cet article, Fischer commençait par rejeter toute
responsabilité de la part d’Israël. Il écrivait : « En envoyant des
missiles sur Haïfa, la troisième ville d’Israël, une limite a été dépassée.
Désormais, la question n’est plus avant tout une question de territoire, de
restitution ou d’occupation : la principale question est bien plutôt la
menace stratégique contre l’existence d’Israël. »
Selon lui, il s’agit d’une « guerre par
procuration », l’action du Hezbollah étant fomentée par ceux qui le
patronnent à Damas et à Téhéran, « d’où proviennent d’ailleurs la plupart
de ses armes ». Un « front radical du refus »,
rejetant toute réconciliation avec Israël et « constituté par le Hamas et
le Jihad islamique du côté palestinien, le Hezbollah au Liban, la Syrie et
l’Iran » aurait, selon lui, attaqué Israël.
Fischer ne dit là rien de nouveau. Chacune de ses déformations
orwelliennes de la vérité a déjà été colportée maintes fois ces jours derniers
par la propagande israélienne et américaine. Ce que propose Fischer pour
résoudre le problème n’est ni nouveau ni original. Il demande que le
« Quatuor du Moyen-Orient » (Etats-Unis, Russie, Nations unies et
Union européenne) s’engage enfin, « sous la direction des Etats-Unis »,
de façon résolue et durable et offre des garanties « politiques,
économiques et militaires » à Israël.
Ce qui revient en fin de compte à exiger une présence
américaine accrue au Moyen-Orient. Mais la guerre actuelle, avec son
bombardement systématique et massif du Liban sud et d’une partie de la capitale
libanaise est précisément le résultat de la collaboration « politique,
économique et militaire » entre Washington et Jérusalem.
Pour tout observateur impartial et objectif de la situation
politique, il est désormais clair que l’enlèvement des soldats israéliens par
le Hezbollah ou le Hamas, était le prétexte rêvé pour commencer une offensive
militaire projetée et préparée depuis longtemps en collaboration avec le Pentagone.
On put voir nettement à quel degré l’armée israélienne agit en
tant qu’instrument des projets guerriers de Washington lorsque le gouvernement
américain s’est efforcé de bloquer toute critique du bombardement d’un poste
militaire des Nations unies par Israël. Le gouvernement américain n’aurait pas
pu exprimer plus nettement son rejet des Nations unies et des efforts de paix
entrepris au niveau international.
Cette guerre est menée à la place des Etats-Unis. L’armée
israélienne attaque les groupes armés du Hamas et du Hezbollah pour le
gouvernement Bush, en discussion avec lui, équipée d’armes américaines et dans
le but de préparer une offensive prochaine de troupes américaines qui sera
dirigée contre la Syrie et avant tout contre l’Iran.
Un regard sur une carte de la région montre que l’Iran est
bordé à l’est par l’Afghanistan et à l’ouest par l’Irak. Les stratèges du
Pentagone développent des plans pour une intervention militaire en Iran indépendamment
du fait que les forces américaines se heurtent dans ces deux pays à une résistance
accrue.
L’importance stratégique de la région est bien connue de la
caste politique aux Etats-Unis. L’ancien conseiller à la sécurité du président
Carter, Zbigniew Brzezinski est bien en désaccord sur de nombreux points avec
l’actuelle façon d’agir du gouvernement Bush, mais c’est lui qui, il y a
quelque dix ans, dans son livre « Le grand échiquier », avait expliqué
le plus clairement l’importance de cette région. Brzezinski insistait alors sur
le fait qu’après la dissolution de l’Union Soviétique en 1991, le gouvernement
américain devait prendre des mesures systématiques pour s’imposer comme
puissance mondiale hégémonique. Dans ce contexte, il expliquait l’importance
stratégique de l’Iran.
Dans les premiers chapitres de son livre il écrivait qu’une telle
position hégémonique exigeait avant tout une domination du « continent
eurasien » et qu’en cela l’Iran jouait un rôle clé de par ses réserves de
pétrole et de gaz naturel, son réseau moderne de pipe-lines et avant tout sa
position stratégique, la partie nord du pays étant situé en bordure du bassin
de la mer Caspienne et sa partie sud s’ouvrant sur le golfe Persique,
c’est-à-dire l’océan Indien.
Brzezinski met l’accent sur le fait que la suprématie russe en
Asie centrale et dans la région de la Caspienne ne peut être éliminée que si un
pipe-line allait de la mer Caspienne en Azerbaïdjan et, traversant la Turquie
rejoignait la Méditerranée, et si un autre pipe-line traversait l’Iran pour
mener au golfe Persique.
Depuis, Brzezinski a été forcé de reconnaître qu’une mise en
oeuvre de ses plans stratégiques pouvait conduire à un désastre. Il y a
quelques jours, il a rejeté l’argument de la secrétaire d’Etat américaine selon
lequel on avait affaire aux « douleurs de l’enfantement » et à la
naissance d’un nouveau Moyen-Orient.
S’adressant à la presse allemande, Brzezinski dit que
« la formule “douleurs de l’enfantement” n’était pas très heureuse.
Ces douleurs se terminent parfois aussi avec des enfants morts-nés. Il faut
savoir exactement ce que ces douleurs produisent. Sinon il s’agit de pure
spéculation, une sorte de roulette russe avec l’histoire. Cela pourrait amener
un désastre pour l’Amérique au Moyen-Orient. »
Joschka Fischer est lui aussi conscient de l’importance
stratégique de la région, bien qu’au début des années 1990 il s’était opposé,
en tant que dirigeant du parti Vert, aux tentatives d’hégémonie américaine au
Moyen-Orient. Lorsque les Etats-Unis avaient commencé la première guerre contre
l’Irak sous Bush père, Fischer avait pris la parole à une manifestation antiguerre
et déclaré : « Pas de sang pour le pétrole ! ». Mais il y a
bien longtemps de cela. Les Verts ont depuis longtemps laissé tomber leurs
prétentions pacifistes et sont devenus des partisans inconditionnels de
l’agression américano-israélienne au Moyen-Orient.
Les raisons qui rendent particulièrement répugnante la
répétition à la façon d’un perroquet par Fischer de la propagande
israélo-américaine sont multiples. Il parle au nom de toute une couche d’ancien
radicaux petits-bourgeois qui, après avoir fait carrière et être monté dans la
société, ont non seulement fait la paix avec une société dont les problèmes
sociaux et politiques ont pris une forme bien plus exacerbée qu’au temps de
leur jeunesse rebelle, mais ont encore une attitude de plus en plus hostile
vis-à-vis des droits démocratiques et sont en faveur de formes de gouvernement
autoritaires.
La glorification par Fischer et Montag des bombardements meurtriers
contre la population libanaise et les territoires palestiniens a à voir avec le
fait que leur parti se rapproche du gouvernement dirigé par Merkel et qu’il
aspire à une alliance avec les conservateurs non seulement sur le plan de la
politique extérieure, mais aussi sur celui de la politique intérieure.
L’ancien ministre des Affaires étrangères illustre le fait
qu’aucune des puissances européennes n’ose défier l’actuelle agression
américano-israélienne. Les limites et la veulerie de l’opposition du précédent
gouvernement allemand à la guerre contre l’Irak, sont de plus en plus
évidentes, mais Fischer était un de ceux qui avaient exprimé, il y a trois ans,
des doutes vis-à-vis de la politique américaine.
Lorsque Fischer avait rejeté les plans de guerre du secrétaire
américain à la Défense Donald Rumsfeld, à la conférence annuelle sur la
sécurité à Munich, il y a trois ans et dit : « Monsieur le
secrétaire, je ne suis pas convaincu ! » cela avait eu un certain
effet.
A présent, il est convaincu et pas seulement parce qu’on lui a
récemment offert une chaire à la fameuse Princeton University, lui, le premier
professeur qui n’a pas de baccalauréat ni n’a poursuivi ses études. La violence
et la brutalité avec lesquelles le gouvernement américain passe outre au droit
international, aux traités, aux accords et à la critique internationale a fait
une impression profonde sur la politique européenne en général et sur les
philistins allemands en particulier.
Le soutien apporté par Fischer à la politique guerrière
israélienne et son estimation selon laquelle seule une intervention accrue du
gouvernement américain au Moyen-Orient pourrait apporter la
« stabilité » est aussi une admission que ses propres conceptions
politiques concernant un rôle accru de l’Europe en matière de maintien de la
paix, ont elles aussi fait faillite.
Au mois de mai 2000, Fischer avait fait, à l’université
Humboldt de Berlin, un discours de fond qui fut à l’époque qualifié
d’« innovateur » sur l’avenir de l’Europe. Fischer avait intitulé son
exposé « Pensées sur la finalité de l’intégration européenne ». La
monnaie commune n’avait pas encore été introduite, mais elle était déjà chose
décidée et les préparatifs en étaient déjà bien avancés. Fischer avait insisté
encore et encore sur le fait que l’intégration européenne s’était « avérée
être un succès phénoménal ».
Mais, comme c’est souvent le cas dans l’histoire, l’euphorie
européenne de Fischer reflétait des conceptions passées et une période
politique qui venait de s’achever. Il en fut de même des efforts des grandes
puissances européennes pour faire, à l’aide de la soi-disant « stratégie
de Lisbonne », de l’unification de l’Europe et de l’élargissement du
marché intérieur, un rempart contre la domination économique et politique des
Etats-Unis. Celles-ci durent constater que dans la période qui venait de
s’écouler la situation à l’intérieur de l’Europe s’était fortement modifiée.
Construire un marché commun en Europe en collaboration avec
les Etats-Unis et avec leur soutien est une chose, mais c’en est une tout autre
que de vouloir faire de l’Europe une forteresse contre les Etats-Unis. Au fur
et à mesure que le gouvernement américain commençait à faire pression,
politiquement et économiquement, sur l’Europe, les conflits au sein de la
communauté européenne augmentaient eux aussi.
Le retour à une politique impérialiste de grande puissance,
accompagnée d’oppression militaire et d’exploitation coloniale, n’est pas le
seul fait des Etats-Unis. L’incapacité des gouvernements européens à s’opposer
à cette politique conduira inévitablement à un accroissement des égoïsmes
nationaux et des conflits entre nations au sein de l’Europe.
La capitulation sordide des puissances européennes et de leurs
principaux politiciens devant l’agression militaire américaine et israélienne
au Moyen-Orient montre clairement la faillite du projet d’unification de
l’Europe sur une base capitaliste.
La seule réponse progressist face au danger que l’Europe se
trouve entraînée dans de nouvelles guerres est l’unification du continent par
la classe ouvrière, dans une lutte pour instaurer des Etats-Unis socialistes
d’Europe.
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