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Le rapport du Pentagone sur la Chine met l’accent sur le danger de guerre nucléaire Par John Chan 27 juin 2006 Utilisez
cette version pour imprimer Un aspect sinistre du rapport 2006 du
département de la Défense américain sur l’armée chinoise, publié le mois
dernier, est sa discussion de la politique nucléaire. Dans l’ensemble, le document intitulé
«Rapport annuel au Congrès: la puissance militaire de la République populaire
de Chine» marque une attitude plus agressive des États-Unis envers la Chine que
lors des années précédentes. Il caractérise le régime chinois de rival
militaire et met l’accent sur ses dépenses militaires croissantes,
particulièrement ses investissements dans les technologies de pointe (voir: «Un
rapport du Pentagone pointe du doigt la Chine en tant que menace militaire»). Pour la première fois depuis le début de sa
publication en 2001, le rapport annuel a tenté d’insinuer que le Chine était une
menace nucléaire croissante pour les États-Unis. Dans le contexte de la
doctrine de «guerre préemptive» de l’administration Bush, le changement indique
que l’administration Bush et le Pentagone se préparent eux-mêmes à une guerre
nucléaire. Selon le Pentagone, la «menace» est une
soi-disant discussion en cours dans les sphères militaires au sujet d’un
abandon de la politique chinoise de longue date qui dicterait de ne «pas
attaquer en premier», c’est-à-dire de n’utiliser l’arme nucléaire qu’en réponse
à une attaque nucléaire. Le 23 mai, Peter Rodman, secrétaire adjoint
à la Défense des États-Unis pour la sécurité internationale, a déclaré au
Service de presse des Forces américaines: «Nous attirons l’attention cette
année sur leurs forces stratégiques. Nous croyons qu’ils entreprennent une
modernisation importante de leurs forces stratégiques totales... Nous les
prenons au mot lorsqu’ils disent adhérer à la doctrine de ne pas "attaquer
en premier", mais nous percevons ces commentaires occasionnels comme le
signe qu’un débat est en cours parmi les stratèges chinois.» Le rapport du Pentagone a mis l’accent sur
une déclaration du général chinois Zhu Chenghu en juillet 2005 en la qualifiant
d’un des «principaux développements» de la politique stratégique de la Chine.
Zhu a déclaré que si les États-Unis menaçaient d’attaquer la Chine dans un
conflit impliquant Taiwan, la Chine «répliquerait à l’aide d’armes nucléaires». Le Pentagone a concédé que Pékin avait
rejeté les commentaires de Zhu, affirmant que c’était son «opinion personnelle»,
et avait réitéré sa politique de «ne pas attaquer en premier» durant la visite
en Chine du secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, en octobre
dernier. Il a conclu néanmoins en déclarant: «Toutefois, la remarque de Zhu
montre que la sphère des professionnels de la sécurité nationale, militaires et
civils, discutant de la valeur de l’actuelle politique nucléaire chinoise de
"ne pas attaquer en premier" est plus grande que par le passé.» Le rapport a cité plusieurs universitaires
chinois. Chu Shulong, un érudit de l’Université Qinghua, aurait déclaré aux
médias d’État en juillet 2005 que «si des pays étrangers déclenchaient une
guerre totale contre la Chine et déployaient toutes sortes d’armes de pointe
sauf nucléaires, la Chine pourrait renoncer à cet engagement [ne pas attaquer
en premier] à un moment où l’avenir du pays serait en jeu». L’année dernière, un autre universitaire,
Shen Dingli, a écrit dans le China Security: «Si les forces
conventionnelles de la Chine étaient anéanties, et si Taiwan en profitait pour
déclarer son indépendance de jure, la Chine ne laisserait jamais ses armes
nucléaires être détruites par une attaque de précision à l’arme conventionnelle
plutôt que de les utiliser en tant que véritable moyen de dissuasion.» Aucun de ces commentaires ne montre que Pékin
se prépare à abandonner sa politique du «pas le premier à les utiliser» que la
Chine a adoptée lorsqu’elle a construit ses armes nucléaires dans les années
1960. De plus, loin d’être une indication de force militaire, les remarques sur
la possibilité d’utiliser l’arme nucléaire pour contrer une attaque
traditionnelle des États-Unis soulignent la faiblesse de la Chine face à ces
derniers. Malgré ses efforts pour moderniser son
armement et sa doctrine stratégique, la plus grande partie de son équipement
est vieux. Pour la majorité de sa technologie militaire avancée, la Chine
dépend toujours en bonne part de l’étranger, spécialement de la Russie. L’armée
chinoise est importante numériquement parlant, mais n’est qu’une armée
semi-mécanisée. Ses commandants n’ont pas d’expérience et les soldats chinois
principalement d’origine paysanne sont mal entraînés. Le fait que le rapport du Pentagone ait
choisi de mettre en exergue quelques commentaires isolés révèle beaucoup plus
sur la politique nucléaire de l’administration Bush que sur celle de la Chine.
Il faut noter que même au milieu de la guerre froide, les États-Unis n’ont
jamais abandonné leur prérogative d’utiliser l’arme nucléaire les premiers. En
fait, ils ont déployé des armes nucléaires tactiques en Europe et en Corée du
Sud, alléguant précisément ce que l’on trouve dans les commentaires
chinois : l’impossibilité pour les États-Unis et les forces alliées de
soutenir une offensive traditionnelle concertée de l’armée soviétique et
chinoise. Souligner une possible menace chinoise est
un prétexte pratique pour justifier les efforts importants du Pentagone pour
améliorer et moderniser son propre arsenal pour établir une hégémonie nucléaire
sans partage. Un essai paru dans le numéro de mars-avril du Foreign Affairs
intitulé «La montée de la prééminence nucléaire américaine» offrait une
estimation donnant à réfléchir sur la direction que prend la politique
nucléaire américaine. Durant la guerre froide, la doctrine
militaire dominante était dénommée Destruction mutuelle assurée (DMA). Avec des
milliers d’armes nucléaires basées sur une variété de plateformes, y compris
les sous-marins, les avions et les missiles à longue portée, aucun côté n’était
en position d’anéantir l’armement de son adversaire lors d’une première frappe.
Le fait qu’il subsiste même une partie de l’arsenal nucléaire après une attaque
signifiait une riposte dévastatrice sur l’agresseur. Les auteurs de l’article du Foreign
Affairs ont souligné que des sections de l’establishment américain
n’avaient jamais accepté la doctrine de destruction mutuelle assurée et que le
Pentagone cherche apparemment à atteindre la «prééminence nucléaire»,
c’est-à-dire la possibilité d’enlever à tout ennemi possédant l’arme nucléaire
la possibilité de riposter à une première frappe des États-Unis. La plus grande
partie de l’article est consacrée à faire une analyse méticuleuse, utilisant
des sources disponibles publiquement, de la possibilité pour la Russie de
soutenir et de riposter à une première frappe américaine. Il conclut qu’avec le
déclin des défenses de la Russie, de sa flotte sous-marine avec des armes
nucléaires et de ses missiles à longue portée depuis l’effondrement de l’Union
soviétique en 1991, les États-Unis ont probablement atteint la «primauté
nucléaire». L’article de Foreign Affairs indique
aussi clairement que les armes nucléaires de la Chine sont encore plus vulnérables
à une attaque américaine. «Une première frappe américaine pourrait réussir,
qu’elle soit lancée par surprise ou en pleine crise durant une alerte chinoise.
La Chine a un arsenal nucléaire limité. L’Armée populaire de libération ne possède
à présent aucun SSBN [sous-marin capable de lancer des missiles balistiques] ou
bombardier de longue distance. Sa marine disposait autrefois de deux
sous-marins à missiles balistiques, mais un a coulé, et l’autre, qui était si
mal en point qu’il ne s’est jamais aventuré à l’extérieur des eaux chinoises,
n’est plus opérationnel. «La force de bombardiers à portée moyenne
de la Chine n’est pas plus impressionnante : les bombardiers sont
obsolètes et vulnérables. Selon des estimations non classifiées du gouvernement
américain, tout l’arsenal nucléaire inter-continental de la Chine consiste en
18 MBIC [missile balistique inter-continental] à une tête. Ils ne sont pas
prêts à être lancés en urgence : leurs têtes de guerre sont entreposées et
les missiles eux-mêmes n’ont pas de carburant. (Les MBIC de la Chine utilisent
du fioul liquide, qui corrode les missiles après 24 heures; on estime à deux
heures le temps nécessaire pour faire le plein.) L’absence d’un système avancé
de détection ajoute à la vulnérabilité des MBIC. Il semble que la Chine ne
serait nullement avertie d’une attaque de missiles tirés d’un sous-marin
américain ou d’une frappe utilisant des centaines de missiles de croisière
furtifs à têtes nucléaires.» Foreign Affairs a des liens étroits
avec l’establishment politique américain. L’article indique que des discussions
et des préparatifs exhaustifs prennent place au plus haut échelon de
l’administration Bush et du Pentagone sur la possibilité d’une première frappe
contre des ennemis des États-Unis – que ce soit la Russie, la Chine ou d’autres
pays possédant l’arme nucléaire. Les compte rendus exagérés de la «menace»
chinoise sont utiles pour justifier l’élargissement de l’arsenal nucléaire des
États-Unis. Le plus grand danger de guerre nucléaire ne
vient pas de la Chine, mais des États-Unis. Depuis l’effondrement de l’Union
soviétique, Washington cherche à utiliser sa supériorité militaire de manière
de plus en plus agressive pour compenser son déclin économique à long terme,
particulièrement pour établir sa domination sur les régions riches en
ressources du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. L’invasion de l’Afghanistan
et de l’Irak par l’administration Bush, et ses menaces contre l’Iran,
nourrissent les antagonismes avec les rivaux des États-Unis en Europe et en
Asie. La préoccupation américaine pour la Chine
reflète de profondes inquiétudes à propos de l’expansion économique de Pékin et
son influence politique grandissante en Asie et à l’échelle globale. La
concentration du Pentagone sur la Chine en dit plus sur les préparatifs
américains en vue d’un éventuelle guerre, y compris une possible attaque
nucléaire, contre le régime de Pékin, que sur la capacité militaire
relativement limitée de la Chine.
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