L’Organisation socialiste internationale et les élections de 2006
Par Bill Van Auken, candidat du Parti de l’égalité socialiste au Sénat américain dans l’État de New York
26 juin 2006
L’Organisation socialiste internationale (International Socialist Organization) tenait ce week-end une conférence à New York sous le slogan «Socialisme 2006: Bâtir la gauche, lutter contre la droite».
Cependant, un examen de la perspective sous laquelle ce rassemblement a été organisé montre que son objectif était de défendre une variante «de gauche» de la politique bourgeoise, sous la forme du Parti vert, qui ne peut servir qu’à détourner le mouvement de masse qui surgit contre la politique de droite des deux principaux partis et à le mener dans un cul-de-sac politique.
La conférence de l’OSI n’avance aucune politique indépendante pour la classe ouvrière pour les élections de mi-mandat de 2006 qui auront lieu dans moins de cinq mois. Le journal de l’organisation, Socialist Worker, met régulièrement en garde contre l’orientation des mouvements de protestation, auxquels participent l’OSI, vers le Parti démocrate. Pourtant, l’OSI ne monte aucune opposition directe contre les démocrates.
L’édition du Socialist Worker du 16 juin contient un article du journaliste Joshua Frank sur la sénatrice Hillary Clinton, qui mentionne que je m’oppose à elle en tant que candidat du Parti de l’égalité socialiste au Sénat américain de l’État de New York, sur la base d’un programme socialiste qui exige entre autres le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les troupes américaines d’Irak.
Notre parti intervient dans ces élections pour lutter pour une rupture avec les démocrates et le système biparti et pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. Il insiste que la guerre, ainsi que les attaques sur les droits démocratiques et l’assaut sur les conditions de vie, sont un produit du système économique et politique capitaliste qui est caractérisé par un gouffre entre la richesse et la pauvreté qui s’élargit sans cesse.
La campagne du PES affirme clairement que le but de notre parti n’est pas de réformer le capitalisme, mais de le remplacer par un système socialiste organisé pour répondre aux besoins des travailleurs, la vaste majorité de la population, plutôt qu’à la soif de profits de l’élite financière. Nous insistons que cet objectif ne peut être atteint que par une lutte commune des travailleurs aux États-Unis et de par le monde.
Il est évident que les dirigeants de l’OSI rejettent cette perspective internationaliste et socialiste fondamentale. Durant une conférence de trois jours remplie d’ateliers sur diverses formes de politiques de protestation et d’identité, une seule séance abordant directement la question des élections avait été prévue. Elle s’intitulait «Rouge, Noir, Bleu, Vert: l’opposition électorale des démocrates».
Ce titre était mal choisi, car les quatre conférenciers qui avaient été prévus étaient des membres ou des candidat du Parti vert, dont Peter Camejo, candidat à la vice-présidence aux côtés de Ralph Nader aux élections de 2004, et Howie Hawkins, le candidat des verts pour la course au Sénat de New York, qui est appuyé par l’OSI.
Voilà la véritable nature de l’orientation politique de l’OSI. Ses activités servent à fournir une couverture de «gauche», et même «socialiste», au Parti vert, dont le programme le définit comme un parti bourgeois.
Nous ne doutons pas que certaines personnes, cherchant véritablement une alternative aux politiques communes de guerre et de réaction des démocrates et des républicains, vont se tourner vers les verts. Mais cela indique qu’il est encore plus important pour les socialistes d’expliquer le caractère de classe de cette organisation et la nécessité de bâtir un nouveau parti, fondamentalement différent: un parti basé sur la classe ouvrière et luttant pour la réorganisation socialiste de la société. La politique de l’OSI sert à obscurcir ces questions et à empêcher cette nécessaire clarification politique.
Le parcours politique de Peter Camejo
Le fait que la conférence ait Peter Camejo comme un des principaux conférenciers a une signification politique qui ne laisse aucun doute. En tant que candidat à la vice-présidence de Nader en 2004 et en tant que candidat des verts au poste de gouverneur dans l’élection de destitution de 2003 en Californie, Camejo est identifié à la poussée pour développer le Parti vert comme un troisième parti capitaliste pouvant influencer les démocrates et les républicains.
En Californie, Camejo s’est allié à la droite des républicains en appuyant un référendum pour la destitution du gouverneur démocrate Gray Davis et a ensuite fait campagne pour le poste de gouverneur, avec l’appui de l’OSI, sur une plateforme insistant sur la «responsabilité fiscale», ignorant pratiquement la guerre en Irak et toute autre politique de l’administration Bush et rejetant toute mesure radicale, sans parler de mesure socialiste. Il a réussi au cours de sa campagne à se rapprocher des démocrates en déclarant qu’il «comprendrait» si les propres membres du Parti vert votaient pour le candidat démocrate dans le but de battre le candidat républicain Arnold Schwarzenegger.
En 2004, le ticket Nader-Camejo s’est présenté comme étant très proche politiquement des démocrates, où on a vu les soi-disant candidats «indépendants» conseiller John Kerry sur la meilleure façon de battre Bush et proclamer que leur campagne aiderait le Parti démocrate à stimuler sa base. La ligne de leur campagne n’était pas la construction d’un mouvement politique indépendant des démocrates, mais seulement de pousser les démocrates vers la gauche.
Nader et Camejo ont établi une certaine division du travail dans laquelle Camejo offre au ticket son visage de «gauche», travaillant avec des éléments comme l’OSI alors que Nader devait se charger des manoeuvres sordides non seulement avec la campagne de Kerry, mais aussi avec le Parti réformateur, l’ultradroitier Patrick Buchanan et divers éléments du Parti républicain. Alors que Camejo déclarait représenter les intérêts des hispanophones, Nader se tournait vers les xénophobes de la droite républicaine, déclarant son opposition à une amnistie pour les travailleurs sans papiers, appuyant la diminution de l’immigration et avertissant que les immigrants menaçaient l’environnement.
L’évolution de Camejo lui-même est un avertissement pour tous ceux qui seraient tentés d’adopter la perspective qu’un appui aux verts contribuera à la lutte pour le socialisme. Il a adhéré au Socialist Workers Party (SWP) en tant qu’étudiant radical précisément au moment où le SWP brisait avec le trotskysme et la lutte pour le socialisme dans la classe ouvrière pour se tourner vers le castrisme, la protestation de la classe moyenne et différentes formes de la politique de l’identité.
Camejo a passé plus de vingt ans dans le SWP et a été leur candidat présidentiel en 1976. Se dissociant du SWP au début des années 1980, sans jamais expliquer les raisons de son départ ou ses différends politiques, il est réapparu comme politicien libéral de gauche et entrepreneur financier, travaillant pour transformer les verts en un parti respectable aux yeux de l’establishment politique américain.
Si de tels efforts devaient réussir, il existe déjà un modèle clair de ce qui en résulterait – en Allemagne. C’est un exemple auquel les partisans de l’OSI encouragés à faire campagne pour les verts devraient sérieusement réfléchir.
Là, un autre ancien étudiant radical devenu politicien bourgeois au sein du Parti vert – Joschka Fischer – a gravi les échelons pour se voir nommer au poste de ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de coalition des sociaux-démocrates et des verts. Une fois au gouvernement, le parti vert allemand a abandonné son programme avec une rapidité à couper le souffle, jetant au rancart ses positions précédentes sur la guerre, l’environnement et la politique sociale afin d’appliquer la politique de militarisme et d’austérité exigée par l’élite financière allemande.
En tant que figure principale des verts au pouvoir, Fischer a organisé le soutien de l’Allemagne à la guerre de l’OTAN contre la Serbie, sa participation directe dans l’occupation de l’Afghanistan, et son intime collaboration avec Washington dans la «guerre globale contre la terreur», y compris la guerre en Irak.
Étant retournés dans l’opposition après leur défaite aux dernières élections allemandes, les verts n’ont nullement ressuscité leurs slogans pacifistes d’autrefois. Au contraire, ils demeurent les promoteurs d’opérations militaires impérialistes, critiquant de la droite le gouvernement mené par les démocrates-chrétiens. Dans les dernières semaines, ils sont devenus les plus fervents avocats du déploiement de troupes allemandes au Congo, dans ce qui pourrait aisément devenir la plus importante opération militaire étrangère de l’Allemagne depuis la chute du troisième Reich. Au niveau des Länder allemands, ils sont entrés en coalition avec le parti démocrate-chrétien de droite.
Telle est l’organisation sœur du parti vert américain. Étant donnée la puissante pression politique exercée dans le centre de l’impérialisme mondial, les États-Unis, dans la mesure où les verts enregistrent un certain succès politique ici, on ne peut qu’anticiper que leur trajectoire politique sera encore plus vers la droite.
Ceux qui se réclament du socialisme et facilitent un tel développement en aidant à appliquer un vernis socialiste sur la politique bourgeoise «de gauche» préparent une immense trahison des intérêts de la classe ouvrière.
Le Parti de l’égalité socialiste, quant à lui, a confiance dans le fait qu’un mouvement de masse de la classe ouvrière américaine va surgir contre la guerre et contre les inégalités sociales. Notre parti va utiliser son intervention dans l’élection de mi-mandat de 2006 pour se préparer à ce mouvement à venir, luttant pour une rupture politique non seulement avec les démocrates, mais avec tous les partis qui, comme les verts, défendent le capitalisme. Seule une telle lutte peut frayer la voie à l’apparition d’un nouveau parti de masse de la classe ouvrière capable de lutter pour le pouvoir politique et mettre fin au militarisme et aux inégalités sociales au moyen de la transformation socialiste de la société.
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