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Le rêve brisé de la classe moyenne chinoise: des millions de diplômés acculés au chômage Par John Chan Utilisez cette version pour imprimer Cet été, des millions de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur chinois connaîtront une énorme déception. Après avoir dépensé une fortune, en règle générale, l’argent de leurs parents, en frais scolaires, et passé des années à travailler dur, la plupart d’entre eux ne trouveront même pas de travail. Un bon nombre de services gouvernementaux ont reconnu le mois dernier cet état de fait. Un compte-rendu de la Commission d’État au développement et à la réforme, anciennement la planification centrale, a averti que la Chine aura à faire face cette année à de sérieux défis parce qu’il n’y aura pas de travail pour 60 pour cent des 4,13 millions de nouveaux diplômés. Seuls 1,6 millions d’emplois leur seront disponibles, soit 22 pour cent de moins que l’année précédente. De plus, un grand nombre des diplômés de 2005 n’ont toujours pas trouvé de travail. Zhang Xiaojian, ministre-adjoint du Travail et de la Protection sociale a déclaré le 7 mai à l’agence de presse officielle Xinhua : «Il est difficile de créer de nouveaux emplois en grand nombre en raison des capacités de production excédentaires, des frictions commerciales accrues et de la réévaluation du yuan. En conséquence, il sera moins facile de s’attaquer à la pression de l’emploi.» Pour des millions d’étudiants, la probabilité d’être chômeur ou d’être obligé d’accepter des emplois à bas salaires ne fera que s’aggraver dans les années à venir. L’année dernière, 5,04 millions d’étudiants s’étaient inscrits dans des universités ou des instituts universitaires technologiques, soit 4,7 fois plus qu’en 1998. Le nombre d’étudiants inscrits dans l’éducation supérieure a atteint 23 millions, le plus haut total mondial. Faute d’une amélioration escomptée dans les prochaines années, la plupart des étudiants iront gonfler les rangs d’une classe ouvrière chinoise extrêmement exploitée. Ceux qui trouvent du travail sont confrontés à des salaires bas. Une étude gouvernementale rapporte qu’en 2005, le salaire mensuel moyen des diplômés universitaires n’atteignait que 1.551 yuan (194 dollars) contre 1.58 yuan (198 dollars) en 2003. Entre-temps, le coût de la vie a augmenté plus rapidement de sorte que les salaires réels ont chuté ou stagné. Un article du China Daily du 9 mai, attire l’attention sur le sort terrible des nouveaux diplômés: ils passent quasiment toute la journée à chercher un emploi et il leur reste peu de temps pour dormir, alors que leurs parents se saignent aux quatre veines. «Comme étudiants en lesquels les parents placent de grands espoirs, aucun d’entre eux n’est très à l’aise, de mettre fin à des années d’étude et de vie admirables à l’université pour se retrouver chômeur une fois de retour», pouvait-on y lire. Zhan Yue, diplômé de la Faculté d’économie et de finances en juillet dernier, dit avoir envoyé des centaines de demandes d’emploi et d’avoir participé à de nombreuses foires au travail à Pékin, Shanghai et dans d’autres villes, mais n’avoir reçu que peu de réponses. «En raison de la couverture médiatique, je m’attendais à des difficultés dans la recherche d’un emploi, mais je n’avais jamais imaginé que cela pourrait être aussi difficile. Seules quelques unités de recrutement m’ont accordé des entretiens d’embauche,» dit Zhang. Une entreprise privée à Pékin lui a offert un salaire mensuel inférieur à 1.500 yuan (185 dollars) et Zhang a été extrêmement déçu. La situation de Zhang est typique de celle de millions d’étudiants. Il vient d’une famille rurale de la province d’Anhui, dont les revenus s’élèvent à peine quelques milliers de yuan par an. Lorsqu’il a été admis à l’université en 2002, sa famille avait dû emprunter l’argent pour payer les 10.000 yuan (1.250 dollars) de frais de scolarité à l’université et autres dépenses. «Avec un salaire aussi bas dans la capitale, j’estime n’être même pas en mesure de régler mon minimum quotidien, sans parler de rendre à mes parents ce qu’ils ont fait pour moi et de pouvoir rembourser mes énormes prêts bancaires, » a déclaré Zhang au China Daily «Le savoir à vendre» L’introduction de systèmes d’utilisateurs payeurs dans le domaine de l’enseignement public parallèlement à ceux du logement et de la santé, a écarté de l’enseignement supérieur des millions d’enfants issus de familles ouvrières et paysannes. Même ceux qui arrivent à entrer en faculté et à obtenir des diplômes se voient être les perdants dans cette compétition sauvage et féroce où tous les coups sont permis. La Chine fonctionne essentiellement comme une vaste armée de réserve de main-d’oeuvre bon marché au service du capital mondial, censée aider à faire baisser les salaires dans tous les domaines à travers le monde. Un article paru le 14 mai dans le Financial Times était consacré au vaste réservoir potentiel de main-d’oeuvre bon marché et instruite existant en Chine et en Inde. «Les étudiants occidentaux qui sont suffisamment intelligents pour réussir dans les sciences et l’ingénierie, sont suffisamment intelligents pour savoir qu’ils auront à se mesurer à des armées mondiales grandissantes d’adversaires instruits et formés à travailler dur pour moins d’argent. Les alarmistes peuvent bien dénigrer cette compétition et la traiter d’‘ateliers de misère du savoir’. Les pragmatistes, eux, voient cette compétition comme un marché acheteur de cerveaux» L’article poursuit: «Les réseaux haute performance augmentent davantage la capacité des entreprises à externaliser plus facilement leurs processus scientifiques et d’ingénierie. Les entreprises innovatrices feront aussi impitoyablement la chasse aux ‘cerveaux bon marché’ qu’aujourd’hui les transnationales soucieuses des coûts recherchent des capacités de production manufacturières et de centres d’appel moins chers. Essayez donc de faire valoir un avantage de post-doctorant sur cette place de marché. Savoir n’est pas pouvoir; le savoir est à vendre» (souligné dans l’original). Durant des décennies, après la révolution chinoise de 1949, le fameux slogan de Sir Francis Bacon, philosophe matérialiste britannique de l’époque de la Renaissance, «savoir, c’est pouvoir», était inscrit dans les écoles chinoises, dans les campus et les manuels scolaires. Il encourageait les étudiants à croire qu’apprendre ne servait pas juste à trouver un emploi, mais était lié aux idées progressistes du siècle des Lumières, à surmonter la superstition et la religion par la raison et la science. Le régime stalinien, cependant, qui ne s’est jamais fondé sur le socialisme authentique, gère à présent l’économie capitaliste à la plus forte croissance du monde. «Le savoir à vendre» décrit plutôt bien la politique éducative du gouvernement. Pékin, comme de nombreux gouvernements capitalistes de par le monde, a transformé les institutions d’enseignement en usines à diplômes. Les universités chinoises, jadis respectées, sont devenues tristement célèbres pour corruption en matière de bourses d’étude et imposture dans la recherche. Cette atmosphère supprime la pensée critique et indépendante chez les étudiants tout en encourageant des illusions sur les «opportunités» et le «succès individuel» dans l’économie de marché. La réalité, toutefois, est que seul le haut du panier de l’élite des diplômés réussit à obtenir des postes bien payés dans des entreprises et des professions libérales. Quelques-uns des plus chanceux rejoignent la bureaucratie privilégiée de l’État, dans la mesure où ils disposent de relations personnelles ou familiales avec le régime. La plupart doivent patienter dans des queues interminables avant d’accéder à des entretiens d’embauche avec des employeurs. Leur statut social n’est guère différent de celui de dizaines de millions d’ouvriers d’usine, de domestiques et de migrants ruraux qui s’échinent pour gagner misérablement leur vie. Le 10 mai, le premier ministre Wen Jabao a organisé une réunion du conseil d’État pour débattre de la question. Les dirigeants chinois ont décidé d’abaisser les niveaux d’inscription, à la fois dans le but de réduire le nombre d’étudiants sans emploi et en raison de la baisse du financement des enseignants et autres ressources destinées à l’enseignement supérieur public. Le régime est parfaitement conscient qu’il est assis sur une bombe sociale à retardement. En 1989, les étudiants avaient initié à Pékin des protestations de masse contre le gouvernement qui s’étaient étendues rapidement aux communautés ouvrières dans l’ensemble du pays. Compte tenu de l’inégalité sociale qui s’est aujourd’hui aggravée et est plus flagrante qu’en 1989, les autorités craignent que la frustration des jeunes ne nourrisse un mécontentement plus large Durant les années 1990, alors que l’agitation rurale croissante ébranlait le soutien traditionnel au régime parmi des sections de la paysannerie, Pékin s’efforçait de cultiver une base de soutien parmi la classe moyenne urbaine montante. Mais le marché pousse, à présent de plus en plus, des éléments prétendument de la «classe moyenne», particulièrement les jeunes gens instruits, vers le bas de la société.
Des couches
d’intellectuels mécontents sont déjà devenues des dissidents politiques,
formulant des critiques envers le gouvernement. Les dirigeants à Pékin
craignent que des courants aux idées politiques «dangereuses»
n’apparaissent qui pourraient déclencher un mouvement d’ouvriers, de
paysans et de jeunes luttant pour les droits démocratiques, l’égalité
sociale et un socialisme authentique. Voir aussi :
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