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Déclaration du comité de rédaction du
WSWS
6 septembre 2005
La dévastation en Louisiane et au Mississippi après le passage du cyclone Katrina transformera à jamais le regard porté par de larges masses de travailleurs américains sur leur gouvernement et leur société. Le choc de l'ouragan suivi par l'inondation de la Nouvelle-Orléans ont révélé la pourriture de l'ordre social actuel. Ce ne sont pas seulement les digues qui ont cédé; ce sont les institutions sociales et politiques dont dépendent des millions de gens qui ont également lâché.
Des reportages indiquent maintenant que le nombre d'êtres humains, de compatriotes, qui auraient péri la semaine dernière risque d'atteindre les dix mille. Ce sont l'incompétence, la négligence et l'indifférence du gouvernement qui ont entraîné ces décès. Ces gens ont péri parce que aux Etats-Unis des millions de gens vivent sur ou sous le seuil de pauvreté. Ils sont morts parce que dans cette société capitaliste, l'accumulation d'énormes fortunes par un faible pourcentage de la population vaut mieux que le bien-être de la population dans son ensemble.
Avant même que l'ampleur de la catastrophe ne soit connue, l'administration Bush et les différentes autorités locales et d'Etat se montrent du doigt, cherchant à faire porter sur l'autre la responsabilité. Mais du point de vue de la classe ouvrière, ils sont tous coupables: le président républicain, le gouverneur et le maire démocrates, les législateurs des deux partis à tous les niveaux. Tous soutiennent le système capitaliste qui est la cause fondamentale de la catastrophe.
L'organisation de la société américaine est fondée sur l'accumulation du profit. Dans aucun autre pays l'économie, la structure politique et la culture toute entière ne sont si complètement soumises au principe que l'accumulation de richesses personnelles est le but le plus noble. La destruction de la Nouvelle-Orléans, par une catastrophe prévisible et dont on avait été averti bien à l'avance, démontre que le principe de l'accumulation de richesses personnelles est incompatible avec une société rationnelle et humaine.
La société moderne est une société de masse. En dépit de l'idéologie dominante de l'individualisme-que l'on nomme aujourd'hui "la responsabilité individuelle"-des centaines de millions de gens aux Etats-Unis dépendent de systèmes sociaux complexes pour les nécessités de la vie: production et distribution de nourriture, eau, électricité, chauffage, transports en commun, éducation, soins médicaux. Le dysfonctionnement de ces systèmes, surtout dans une région urbaine importante, réduit rapidement la population à des conditions de vie barbares.
Ce sont des travailleurs qui maintiennent en état de marche l'infrastructure sociale, mais en aucun cas ils ne sont les décideurs en ce domaine. La plupart du temps, ces systèmes sociaux sont la propriété de grandes entreprises, pour lesquelles c'est le profit, plutôt que le besoin humain, qui est le critère déterminant. Les systèmes pour lesquels le gouvernement est responsable à divers niveaux, tels les digues et les canaux autour de la Nouvelle-Orléans, sont également soumis aux intérêts du profit, du fait de la domination de la politique américaine par les riches.
La région de la Nouvelle-Orléans joue un rôle crucial dans l'économie américaine. C'est non seulement une des plus grandes sources de pétrole et de gaz-tant pour la production intérieure que l'importation, mais c'est aussi le centre de transport pour le Sud maritime et pour les cargaisons de fret dans tous les Etats-Unis.
Maintenant des millions de travailleurs paient cher, non seulement en terme de souffrances de la masse des rescapés de la catastrophe à la Nouvelle-Orléans ou dans la région plus étendue de la côte du golfe, mais aussi sur le plan national, où les coûts se feront sentir en pertes économiques, prix de l'essence et du fioul qui montent en flèche, et perturbation économique qui se propage.
Pourquoi le système politique américain s'est-il montré incapable d'attribuer les ressources nécessaires pour éviter cette catastrophe?
Les reportages des médias indiquent maintenant que la dépense d'une somme relativement modeste aurait pu éviter la destruction de la Nouvelle-Orléans et la mort de milliers de gens innocents. Le renforcement et l'amélioration des digues et des canaux auraient nécessité à peu près $2 milliards, et la restauration de l'écosystème du delta du Mississippi, qui assurerait une protection à plus long terme contre l'impact des ouragans, aurait coûté dans les $14 milliards. Mais l'obsession de Washington à réduire les impôts et à déréguler a rendu une telle dépense, minuscule par rapport au coût de la catastrophe, impensable aux yeux des politiques.
A plusieurs reprises, l'administration Bush a réduit le financement de l'entretien et de l'amélioration du système de digues, en dépit des demandes de fonctionnaires locaux et de l'Etat, à la faveur de priorités plus urgentes: le budget militaire énorme, y compris le coût de la guerre en Iraq-à ce jour au-dessus des $200 milliards- et la réduction d'impôts pour les riches, qui se chiffre en milliers de milliards de dollars.
Ce n'est pas un hasard si au moment où les digues s'effondraient, le Congrès rentrait de ses vacances d'août pour s'attaquer à un projet de loi prioritaire qui prolongerait ou rendrait permanente l'élimination quasi-totale de l'impôt sur l'héritage, mesure qui acheminerait des centaines de milliards de dollars à seuls quelques milliers de familles, les plus riches parmi les riches.
Ce manque d'entretien des travaux publics indispensables est le résultat final de trois décennies durant lesquelles la classe dirigeante américaine s'est systématiquement employée à démanteler les éléments extrêmement limitées de l'infrastructure sociale ainsi que le filet de sécurité sociale datant des programmes du New Deal des années trente. C'est Franklin Roosevelt qui les avait mis en place en réponse à la plus grande crise sociale et économique du vingtième siècle, dont l'effondrement financier qui produisit la grande dépression, mais aussi une crise écologique aiguë touchant les grandes plaines et les transformant en déserts de poussière (le "Dust Bowl").
Le New Deal créa non seulement des systèmes de services sociaux, tels la sécurité sociale, et des agences de réglementation, mais aussi des programmes de travaux publics tel la Tennessee Valley Authority, qui fit construire des barrages et des digues pour limiter les inondations et fournir une source fiable et peu coûteuse d'énergie électrique.
En dépit des hurlements de protestation des ennemis de Roosevelt au sein de la classe dominante, ces mesures n'étaient pas de nature socialiste. Elles empiétaient parfois sur les intérêts de profit à court terme de certains groupes de capitalistes, et même de la classe capitaliste toute entière, mais seulement dans le but d'éviter un bouleversement social issu des couches populaires et qui menacerait le système capitaliste dans sa totalité.
Par contre, ce qui domine aujourd'hui le système politique américain c'est une campagne frénétique pour lever toute contrainte à l'accumulation de richesses personnelles. On a vu l'élimination quasi-totale des impôts sur les sources principales de revenus des super riches, tels les gains en capital et autres formes de spéculation financière.
C'est la polarisation économique de la société américaine qui provoque le virage à droite dans la politique des deux grands partis, tant chez les démocrates que les républicains. La grande majorité de la population s'est trouvée prolétarisée, essayant de joindre les deux bouts mois après mois à travailler pour des sociétés, grandes ou petites. L'importante classe moyenne de l'époque de Roosevelt, propriétaire de fermes familiales et de petites entreprises, s'est vue en grande partie absorbée dans la classe ouvrière, qui comprend aujourd'hui la grande majorité de la population. Même les travailleurs les mieux rémunérés sont confrontés à la précarité grandissante, sont menacés, et un licenciement ou une maladie grave risque de les plonger dans l'abîme.
A l'autre pôle de la société, on assiste à l'accumulation de richesses personnelles d'une ampleur sans précédent. Dans le pays le plus riche du monde, moins d'un pour cent de la population possède plus de 40 pour cent des richesses. Si on ne tient pas compte de l'immobilier, cette élite privilégiée possède presque 90 pour cent des richesses-valeurs mobilières, obligations et d'autres avoirs financiers, ainsi que des entreprises commerciales. Cette classe contrôle les deux partis, démocrate et républicain, et le gouvernement à tous les niveaux-local, d'Etat et fédéral.
Dans d'autres circonstances, et sous un autre système politique, la performance abominable de la Federal Emergency Management Agency (Agence fédérale de la gestion des situations d'urgence) et des autres agences fédérales remettrait en question la survie du gouvernement. C'est un fait établi que des événements beaucoup moins graves ont fait tomber des gouvernements.
Mais le système politique américain, plus qu'aucune autre soi-disant "démocratie" est complètement autistique aux sentiments des masses. Le seul "public"qui compte pour les partis démocrate et républicain, pour les "experts" médiatiques et pour le reste de l'establishment politique est l'élite dirigeante et ses parasites dans les tranches les plus fortunées de la société. Leurs revenus de presque un million et plus, ainsi que leurs gros avoirs privés les séparent des travailleurs par un fossé social infranchissable.
C'est cela qui explique les expressions de mépris à l'égard des familles ouvrières qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas quitter la Nouvelle-Orléans avant l'arrivée de la tempête. L'establishment politique et les médias sont incapables d'envisager les conditions de vie de ceux qui n'avaient pas de voiture, n'avait nulle part où aller, n'avait pas l'argent, ou attendait le chèque de fin de mois.
Même si Bush démissionnait demain de la présidence, c'est Cheney ou quelque autre homme politique républicain ou démocrate qui le remplacerait, et le système continuerait à l'identique. Aucune alternative sérieuse pour les travailleurs ne peut voir le jour de cette manière. De même, le remplacement éventuel des républicains par les démocrates lors des élections pour le Congrès en 2006 ou l'élection présidentielle en 2008 ne changerait rien à l'essentiel.
Il n'y a pas de réponse toute faite ou simple à la crise qui confronte la classe ouvrière parce qu'il s'agit de questions tellement fondamentales. Il faut que les travailleurs tirent des conclusions de fond sur la nature du système social et économique qui a produit la guerre impérialiste, les attaques contre les droits démocratiques, l'inégalité croissante et maintenant la faillite totale devant une catastrophe naturelle.
L'humanité est entrée dans le vingt-et-unième siècle avec une science et une technologie en constante révolution et porteuses d'un potentiel capable d'abolir la pauvreté, la faim, la maladie et tous les autres maux de la société. Mais cela est impossible tant que la société est contrainte par un système économique et une structure de classes sociales qui se sont développés au dix-huitième et dix-neuvième siècles: la propriété privée des capitaux productifs de la société aux mains d'une petite minorité de capitalistes, qui se préoccupent uniquement de leurs profits individuels.
Le choix qui s'offre au peuple américain est soit de s'accrocher à un individualisme anti-social et égoïste, obsédé par l'accumulation avide de richesses personnelles, soit de créer un mouvement politique nouveau fondé sur la lutte pour l'égalité sociale et le bien-être commun.
Pour la classe ouvrière, cela veut dire reconnaître que les grandes questions auxquelles la société américaine est confrontée nécessitent une lutte pour le pouvoir politique. Il ne s'agit pas d'exercer de la pression sur l'élite dirigeante, ni d'en remplacer une section par une autre. La classe ouvrière doit s'organiser en force politique et se faire maître de la société. Cela nécessite la création d'un nouveau parti de la classe ouvrière, indépendant des démocrates et républicains et opposé à eux, établi sur une plate-forme socialiste.
La majorité du peuple doit décider, non pas uniquement du nom du prochain président-après que l'élite dirigeante ait mené une enquête approfondie et approuvée deux "choix" à placer sur les bulletins de vote-mais de la manière dont la société doit être organisée. Les travailleurs doivent se demander quelles doivent être les priorités de la société: les intérêts sociaux des masses ou l'accumulation de richesses personnelles par le petit groupe des privilégiés? Pourquoi y a-t-il des centaines de milliards disponibles pour une guerre pour le pétrole, alors qu'il n'y a rien pour maintenir des services publics qui se sont révélés être littéralement une question de vie ou de mort pour des dizaines de milliers de gens?
Il faut trouver une nouvelle voie politique. La prochaine étape
indispensable dans cette lutte est la construction du Socialist
Equality Party et l'expansion du nombre de lecteurs du World
Socialist Web Site. Nous invitons tous ceux qui voient maintenant
le besoin de construire un mouvement politique puissant de la
classe ouvrière, aux Etats-Unis et internationalement,
à se mettre en contact avec le SEP et à adhérer.
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