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France: la CGT trahit la lutte des travailleurs de la SNCMPar Antoine Lerougetel Utilisez cette version pour imprimer Une assemblée générale à Marseille de plus de 500 grévistes, marins et sédentaires, de la SNCM (Société nationale Corse-Méditerranée) décida par vote le 13 octobre, à une majorité de 87%, de mettre fin à leur grève contre la privatisation et les licenciements. Les travailleurs votèrent le retour au travail après 23 jours de grève car leurs syndicats les avaient isolés et mis le dos au mur. La SNCM assure la liaison entre Marseille et la Corse et des ports d'Afrique du nord. La grève avait bloqué tout trafic entre la Corse et le continent. Les salariés de la SNCM furent obligés d'accepter une "solution" où l'entreprise publique sera privatisée et 400 emplois supprimés, avec un plan social proposant des reclassements et des retraites anticipées. L'entreprise va être bradée à la société financière Butler Capital Partners, et à un opérateur de transports privés, Connex-Veolia. L'état gardera une part minoritaire. La CGT (Confédération générale du travail), dirigée par le Parti communiste, principale centrale syndicale industrielle française, est majoritaire à la SNCM. Quand ils soumirent au vote la fin de la grève lors de la réunion du 13 octobre, les dirigeants CGT dirent que le seul choix pour les salariés était soit d'accepter le marché, soit de confronter le dépôt de bilan délibéré par l'Etat de sa propre entreprise avec licenciement de tous les effectifs, sans mesures compensatoires. Jean-Paul Israël, secrétaire général de la CGT des marins de Marseille, dit à la presse, « Autant on peut se battre face au gouvernement, autant on ne peut pas faire face à la justice ». Le marché avait été élaboré entre le premier ministre gaulliste Dominique de Villepin et Bernard Thibault, patron de la CGT et membre du Parti communiste. Il existait, cependant, un autre choix: la mobilisation de la classe ouvrière de Marseille, deuxième ville de France. Ceci aurait pu être le tremplin pour le développement d'une mobilisation politique partout en France contre la politique néo-libérale du gouvernement du président Chirac et de Villepin, politique contestée par une majorité écrasante du peuple français. Le potentiel pour le développement d'un tel mouvement de masse était manifeste le 4 octobre, quand plus d'un million de salariés débrayèrent dans toute la France, la grève nationale la plus importante, de travailleurs du public et du privé, depuis plus de trente ans, si tôt après la rentrée. Avec le soutien le l'immense majorité de la population, salariés, cadres, lycéens manifestèrent contre le chômage et les privatisations et pour la défense des services publics. Plus de cent mille manifestants défilèrent dans les rues de Marseille avec les salariés de la SNCM en tête de cortège. L'intervention de la CGT, seulement neuf jours plus tard, pour mettre fin à la grève de la SNCM démontre l'hostilité du PC et de la bureaucratie syndicale face à tout mouvement de masse de la classe ouvrière contre Chirac et Villepin. En effet, au cours de la grève de la SNCM, deux autres secteurs clés de la classe ouvrière marseillaise, les salariés du port et ceux des transports urbains, se mirent en grève. La Cgt est majoritaire dans ces deux secteurs, mais le syndicat a délibérément maintenu séparées ces trois luttes. Les salariés portuaires se mirent en grève le 27 septembre car, selon le secrétaire de la Cgt du port, Raymond Maldacena, il y avait des projets de privatisation dans plusieurs secteurs. Cependant, il déclara à la presse, « Nous ne sommes pas dans une grève de soutien à la SNCM ». (AFP, 28.9.05). Sur proposition du dirigeant Cgt, Joël Meli, les travailleurs portuaires votèrent la suspension de leur grève le 10 octobre. La grève des salariés des transports urbains se poursuit au moment où ces lignes sont écrites, et en est à son quatorzième jour. Il n'y a quasiment pas de bus dans les rues de Marseille, et il n'y a qu'une rame de métro toutes les vingt minutes. Les salariés s'opposent à « un projet de privatisation des transports en commun marseillais ». Encore une fois, l'opérateur privé en vue est Connex. Au cours de pinaillages avec le gouvernement sur la manière dont la SNCM devait être privatisée, la Cgt s'opposa à la société financière Butler Capital et favorisa la Connex, donnant ainsi le spectacle d'une Cgt qui, en fait, soutenait le projet de Connex de privatiser la SNCM alors qu'au même moment ses adhérents des transports urbains publics faisaient grève contre les attaques de cette même société Connex engageant la privatisation dans leur secteur. La grève de la SNCM fut lancée par la Cgt le 20 septembre, un jour après que le préfet de la région, Christian Frémont, annonça la privatisation à 100% de l'entreprise. Le STC (Syndicat de travailleurs corses) emboîta le pas à la Cgt trois jours plus tard. Les grévistes bloquèrent des bateaux à Marseille et à Bastia, et il y eut de violents accrochages avec les forces de l'ordre. Des militants STC prirent possession du ferry Pascal-Paoli à Marseille naviguèrent vers Bastia. Le 28 octobre, toujours au large, le Pascal-Paoli fut arraisonné par les forces spéciales du GIGN amenées par cinq hélicoptères militaires. Aucun syndicat n'a essayé de mobiliser la classe ouvrière contre cette intervention armée contre une action syndicale entièrement légitime menée par des salariés pour défendre leur travail. La lutte des salariés de la SNCM était de nature politique, puisqu'elle était dirigée contre le projet du gouvernement de privatiser leur industrie. Le gouvernement craignait qu'elle puisse déclencher un mouvement à échelle nationale contre sa politique. Le soir de l'incident du Pascal-Paoli, Villepin invita Bernard Thibault de la Cgt pour des discussions à Matignon, résidence officielle du premier ministre. Le lendemain, Villepin présenta une nouvelle mouture du projet de privatisation, proposant que l'Etat garde 25% de la société, Connex 30%, et Butler Capital Partners 40%. Le soir même Butler et Connex annoncèrent qu'ils réduiraient les effectifs de 400 salariés. L'épisode peut-être le plus sordide de la lutte
fut le meeting de représentants de la gauche le 3 octobre,
place Joliette, pour soutenir les grévistes de la SNCM.
Il serait plus juste de dire « pour soutenir la bureaucratie
syndicale ». Pas un seul mot de critique ne fut prononcé
par les représentants du Parti communiste, de la LCR (Ligue
communiste révolutionnaire) ni de LO (Lutte ouvrière)
sur le marché pourri élaboré par la Cgt. Voir aussi :
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