wsws : Nouvelles et analyses : États-Unis
Par Bill Van Auken
9 septembre 2005
Parmi les nombreuses offres d'aide aux victimes de l'ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans et dans le Golfe du Mexique à avoir été bloquées, ajournées ou retardées figure celle d'une aide substantielle de Cuba sous la forme d'une brigade médicale d'urgence.
Le gouvernement cubain du Président Fidel Castro a proposé,
immédiatement après la catastrophe de l'ouragan
Katrina, d'envoyer 1000 médecins et 36 tonnes de médicaments
et d'équippements médicaux dans la région
sinistrée. Dix jours après,
l'administration Bush n'a toujours pas gratifié de la moindre
réponse la proposition cubaine, qui est passée entre-temps
à 1500 médecins après l'arrivée massive
de volontaires.
L'offre cubaine concerne une aide concrète, hautement nécessaire et pouvant être rapidement mise en place. Cuba est situé à une heure d'avion à peine des régions frappées par l'ouragan. L'île est beaucoup plus proche de Miami, et elle est deux fois moins éloignée que New-York. En outre, les médecins cubains ont une renommée internationale et figurent parmi les plus expérimentés et les plus qualifiés en secours durgence, et ceci, non seulement dans le cas d'ouragans dans leur propre pays, mais également dans l'octroi de secours à des populations frappées par des catastrophes en Amérique, en Afrique ou sur d'autres continents.
Les médecins cubains figurent parmi les médecins les compétents et les plus expérimentés pour les maladies infectieuses, comme le choléra, dont les premiers cas ont été déclarés dans la zone de la catastrophe.
Plusieurs médecins américains de premier rang ayant participé à un projet de formation médicale destiné aux étudiants en médecine à Cuba ont vivement critiqué le refus par Washington de l'offre cubaine d'aide.
Peter Bourne, ancien conseiller en santé à la
Maison blanche sous l'administration Carter et ancien Secrétaire
général adjoint aux Nations-Unies a déclaré:
«Jusqu'à présent, il y a un besoin évident
d'une aide médicale supplémentaire pour les victimes
de
l'ouragan. Les médecins cubains sont habitués à
travailler dans des conditions du tiers-monde sans avoir le matériel
ni les ressources auxquels nous sommes habitués. C'est
une honte qu'ils n'aient pas encore été autorisés
à rejoindre notre propre corps médical».
Le Président du MEDDIC (Medical Education Cooperation with Cuba), Peter Bourne, a reçu l'appui de formateurs médicaux, d'experts internationaux en médecine et d'autres médecins, dont un ancien ministre américain de la Santé, lesquels ont tous exprimé leur inquiétude que ce refus d'une brigade cubaine n'entrave les tentatives d'éviter une deuxième vague de maladie et de mort.
Cedric Edwards, un jeune Américain de la Nouvelle-Orléans, est un des volontaires à Cuba. Il est tout fraîchement sorti de la Latin American Medical School de Cuba. Cette école forme des milliers d'étudiants en médecine du monde entier. Soixante-cinq pour cent de ces étudiants viennent des comunautés pauvres et minoritaires des États-Unis.
Edwards a déclaré au journal Juventud Rebelde: «Je suis pratiquement certain que le gouvernement de mon pays refuse cette aide pour des raisons essentiellement politiques». Il a dit avoir appris que sa propre famille avait été évacuée de sa maison en Nouvelle-Orléans, à présent sous les eaux.
Il a continué en disant: «Malheureusement les vies de nombreuses personnes comptent bien moins que la politique. Mais ceci n'a pas beaucoup d'importance pour moi. Je veux aller là-bas afin de pouvoir aider mon peuple. Je suis certain qu'ils ne pensent pas aux gens, ni à la majorité de la population. Ceux qui ont le plus besoin d'aide sont les plus démunis et c'est eux qu'aiderait le plus l'offre cubaine.»
Edwards a ensuite ajouté: «Il ne rime à rien que mon pays parte en guerre dans le but de protéger le monde du terrorisme s'il n' est pas capable de protéger ses propres citoyens.»
Dans une tentative maladroite d'ironie, l'attaché de presse de la Maison blanche, Scott McClellan, a éludé une question sur la réponse de son administration à l'offre de Cuba en déclarant: «Nous pourrions très certainement espérer que Castro puisse offrir la liberté à son peuple.»
Il y a peu de chances que beaucoup de Cubains veulent connaître la «liberté» proposée aux victimes de la catastrophe de la Nouvelle-Orléans, qu'on a d'abord laissé périr dans les rues et qui sont maintenant évacués de force de leurs maisons pour être relogés dans des abris qui ont toutes les caractéristiques de centres de détention. Les Cubains, horrifiés comme le reste du monde, ont pu voir des images de bébés et de personnes âgées mourir dans l'indifférence générale dans un des pays les plus riches du monde.
Cuba, une île pauvre qui subit un blocus économique depuis 45 ans de la part des gouvernements américains successifs, se démarque fortement des États-Unis quant à la prévention des catastrophes et l'organisation des secours après celles-ci. Alors que les autorités de Washington répètent sans cesse que personne ne pouvait prévoir l'ouragan et laissent entendre que ceux qui n'ont pas quitté la Nouvelle-Orléans et d'autres endroits touchés par la catastrophe portent l'entière responsabilité de leur propre mort, les autorités cubaines ont prouvé en pratique que de telles tragédies peuvent en large mesure être évitées.
Cuba a récemment été frappé par deux ouragans: Dennis en juillet dernier et Ivan en septembre 2004, deux des ouragans les plus puissants qui aient frappé les Caraïbes depuis un siècle. En ce qui concerne Dennis, 16 personnes sont décédées alors que les dégâts matériels sur l'île étaient très importants, tandis que pour Ivan aucune victime n'a été à déplorer. Dans ces deux cas, Cuba est parvenu à évacuer plus de 1,5 million de personnes, vidant entièrement des zones côtières innondables. Des autobus étaient proposés aux évacués et les emmenaient soit vers des abris préparés où les attendait du personnel médical ainsi que de la nourriture et de l'eau, soit vers des habitations privées qui les accueillaient.
Cuba est fier de son vaste et très bien organisé système de défense civile, de son système de santé gratuit, et de son riche programme d'éducation et de prévention pour les ouragans. Tous ces atouts font défaut aux États-Unis, comme l'a cruellement montré Katrina dans le Golfe du Mexique.
Alors même que Cuba élargissait son offre de secours, Washington intensifiait ses hostilités contre l'île. La semaine où cet article était publié, La Havane a déposé une protestation officielle suite à la violation de traités internationaux par les États-Unis, qui avaient refusé un visa à des représentants cubains invités à assister au Congrès des présidents de parlement qui devait se tenir dans les locaux des Nations-Unies à New York.
Et à peine quelques jours après l'ouragan, le juge des services de l'Immigration, William Abbot pour El Paso, au Texas, a annonçé que le gouvernement américain ne voulait pas expulser le notoire terroriste cubain anti-castriste Luis Posada Cariles vers le Venezuela, pays où il doit répondre de l'accusation d'avoir posé une bombe à bord d'un avion cubain et provoqué la mort de 73 personnes. Posada, agent de longue date de la CIA, a reconnu avoir commandé une attaque terroriste contre Cuba au cours des années 1990 et il a été mêlé à de nombreuses tentatives d'assassinats contre Fidel Castro. Il a été poursuivi pour avoir enfreint la loi sur l'immigration en Floride en mai dernier.
Le juge a précisé que l'avocat de Posada avait déposé une requête recevable qui avancait que son client pouvait être soumis à la torture s'il était expulsé vers le Venezuela. Ceci est ironique quand on sait que Washington livre régulièrement des détenus à des pays étrangers dans le but délibéré de les faire subir des tortures, et que Posada a lui-même orchestré des tortures d'opposants politiques au Venezuela dans les années 70 alors qu'il faisait partie de la police secrète sous le régime de droite de l'époque.
Le juge Abbot a reconnu: «Si Adolf Hitler lui-même demandait à ne pas être expulsé parce qu'il craignait d'être toturé, je serais contraint de déclarer cette demande recevable».
Le gouvernement du Venezuela, qui a été diabolisé comme faisant partie de l'«axe du mal» en Amérique Latine, a également proposé une aide aux Américains. Washington a été contraint d'accepter cette offre, parce qu'elle comprend l'envoi de millions de barils supplémentaires d'essence par la compagnie pétrolière vénézuélienne nationale, CITGO. Cette compagnie a été achetée aux États-Unis par le Venezuela en 1990. Dans ce domaine, l'administration américaine n'a pas voix au chapitre. Le Venezuela a également accordé une aide monétaire supplémentaire de 5 millions de dollars. Il n'a pas été précisé si les États-Unis autoriseront l'entrée d'une équipe médicale vénézuélienne.
Dans son émission radiophonique hebdomadaire, le président Hugo Chavez a condamné les États-Unis en faisant ce commentaire: «Le gouvernement américain essaie de dominer le monde et n'est pas capable de subvenir aux besoins de son peuple.»
En déplorant l'échec de l'administration Bush à fournir une aide d'urgence aux habitants de la Nouvelle-Orléans et à évacuer la ville avant l'arrivée de l'ouragan, Hugo Chavez a déclaré: «Combien d'enfants sont morts alors qu'ils auraient pu être évacués? Aucun helicoptère n'a été mobilisé avant l'arrivée de l'ouragan, ni aucun bus, ni aucun camion. Rien. Pendant ce temps-là, monsieur Bush est en vacances à Crawford.»
Alors que le Venezuela commençait à envoyer du carburant et de l'argent aux États-Unis, l'Agence Fédérale de Secours affichait une note sur son site web qui précisait que les dons devaient être envoyés à plusieurs organisations charitables, pour la plupart confessionnelles. En tête de liste, on pouvait voir Operation Blessing, une organisation du politicien d'extrême droite et fondamentaliste chrétien, Pat Robertson. Une semaine avant l'arrivée de l'ouragan dans le Golfe du Mexique, Robertson a appelé à l'assassinat du président vénézuélien, Hugo Chavez, incitation au terorisme que Washington s'est bien gardé de condamner.
Copyright
1998 - 2012 |
|