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"Laïcité" et hypocrisie: la France officielle rend hommage au pape mais interdit le foulard islamiquePar Barry Grey et Antoine Lerougetel Utilisez cette version pour imprimer La réponse du gouvernement et des médias français au décès du pape Jean Paul II a démontré, entre autre, la complète hypocrisie de la campagne menée par tout l'establishment politique contre le droit des jeunes Musulmanes à porter le foulard dans les établissements scolaires publics. Cette croisade réactionnaire, menée au nom de « la laïcité » culmina il y a tout juste un an avec le vote d'une loi interdisant le port du foulard dans les écoles publique. Les éléphants politiques et médiatiques de la Gauche, autant que de l'establishment de droite, du président Jacques Chirac jusqu'à la direction du Parti socialiste, s'indignèrent du fait que des jeunes musulmanes ternissaient les traditions laïques qu'ils prétendaient chérir. La présence de foulards dans les écoles menaçait de miner les fondements mêmes de la République française, déclarèrent-ils. Cette façade laïque de la campagne anti-musulmane fut étayée par un appel au sentiment féministe. En criminalisant l'observation des règles de la religion musulmane, les opposants au voile prétendaient mener une lutte contre l'oppression de la femme, symbolisée par ce foulard. Cet angle féministe fournit un argumentaire supplémentaire aux opportunistes de 'l'extrême gauche', dont Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire, pour se joindre à la croisade. Ils ont ainsi donné de la crédibilité à l'idée absurde et réactionnaire selon laquelle les droits des femmes peuvent être défendus par des lois répressives dirigées contre certaines observances religieuses. Il fut convenu d'oublier totalement que cette campagne concordait parfaitement avec les attaques de l'extrême droite non seulement en France, mais partout en Europe, contre tout ce qui est musulman. Oubliée aussi fut la position privilégiée et bien ancrée de l'église catholique dans la République française. On perdait tout sens des réalités tandis que le principe démocratique et laïc de liberté de pensée et d'expression, y compris d'observance religieuse, était piétiné. De plus, avec cette loi, l'état établit un précédent dangereux, celui de s'arroger le droit d'intervenir dans les affaires les plus personnelles et privées des individus. Mais c'était l'année dernière, et il était question des Musulmans. Quand sa sainteté catholique le pape Jean Paul II décéda ce mois-ci, le président Chirac et le premier ministre Jean-Pierre Raffarin sautèrent sur l'occasion pour arroser sa dépouille mortelle d'eau républicaine. Chirac et Raffarin, accompagnés de leurs épouses et de ministres du gouvernement, assistèrent à la messe à Notre-Dame de Paris en l'honneur du pontife. Raffarin déclara : «Le gouvernement s'associe solennellement à l'hommage rendu au pape Jean Paul II ». On ordonna la mise en berne des drapeaux sur les bâtiments publics, y compris les établissements scolaires ; ordre fut donné aux préfets d'«assister au service funèbre organisé dans (leur) département par l'autorité ecclésiastique à la mémoire de sa Sainteté» et s'ils le jugeaient opportun d' «effectuer une visite de condoléances auprès de l'évêque». Les présentateurs de télévision n'en finissaient pas d'appeler le pape « le saint père ». Personne n'essaya de faire le lien entre ces génuflexions envers l'Eglise catholique et la croisade précédente pour "la laïcité ». A quoi bon, puisque tous les gens « qui comptent » savaient pertinemment que les déclarations d'hier pour la défense de la laïcité étaient parfaitement insincères ? Même avant le décès du pape, des personnes importantes du gouvernement ou de son entourage avaient, de façon ostentatoire, mis en avant leurs convictions catholiques. Ainsi, Nicolas Sarkozy, ancien ministre des finances et actuel président de l'UMP, fit, au vu et au su de tous, le signe de croix lors de la cérémonie de mise en mer d'un bateau. Il n'y eut pas non plus de protestation significative du côté du Parti socialiste, qui seulement quelques mois auparavant dénonçait à tue-tête le poison religieux que les filles voilées injectaient dans la vie politique nationale. Il y eut des protestations provenant de quelques organisations, dont celles qui signalèrent la contradiction plus qu'évidente entre papolâtrie et interdiction du foulard islamique. La FCPE (Fédération de conseils de parents d'élève), association la plus importante de parents d'élèves, émit un communiqué de presse le 4 avril déclarant : « Un an après la promulgation de la loi du 15 mars 2004 sur le port des signes religieux dans les écoles, collèges et lycées publics, les militants laïques sont scandalisés par le déferlement médiatique qui a anticipé - souvent de façon indécente - puis accompagné le décès du pape, et ceci particulièrement dans le service public de l'audiovisuel.. Que signifie, en particulier, la mise en berne exceptionnelle des drapeaux au fronton des écoles ? Comment les jeunes comprendront-ils, sinon, cette laïcité à deux vitesses qui interdit le port du voile mais autorise des débordements politiques et médiatiques à la mort du pape ? » La revue du principal syndicat d'enseignants du secondaire, le Snes (Syndicat national des enseignements de second degré), demanda : « comment, quand le gouvernement impose aux lycées et collèges de mettre leurs drapeaux en berne un an après le vote de la loi interdisant aux élève le port de signes religieux, ne pas voir une provocation dans cette volonté de donner des signes d'allégeance à une religion ? » Les chaînes de télévision, les stations de radio et la presse écrite reçurent de nombreux messages critiquant la quantité ainsi que la teneur de leurs reportages sur le pape. Le quotidien Libération fit état d'« une avalanche de mails et de courriers » qui s'en plaignaient. Si la loi qui interdit le foulard ne fut pas motivée par les principes de la laïcité, de quoi s'agissait-il alors ? Ce fut une attaque discriminatoire contre les sections les plus pauvres et les plus opprimées de la société française. Toute la campagne pour la loi fut mise en place pour faire délibérément diversion face à la crise sociale grandissante en France, où la population laborieuse est confrontée à un chômage de masse, à la baisse du niveau de vie, et aux attaques gouvernementales contre l'état providence. La loi a exacerbé les tensions ethniques et religieuses et a facilité une répression étatique accrue. A ce jour, 47 filles ont été exclues de leurs établissements scolaires. Environ 550 ont, sous la pression, enlevé leur foulard, et des centaines d'autres ont choisi de quitter l'école pour essayer de poursuivre leur scolarité avec des cours par correspondance. D'autres, pour lesquelles il n'existe pas de statistiques, ont tout simplement renoncé. Trois garçons sikhs ont été exclus car ils s'obstinaient à couvrir leurs cheveux. On a interdit à des mères d'élève voilées d'accompagner les enfants en excursion scolaire. Des femmes voilées se sont vues interdire l'entrée dans des bâtiments publics. Leur droit à travailler dans des établissements publics, et même privés, est de plus en plus remis en cause. De telles attaques, cela va sans dire, ne font qu'encourager
l'obscurantisme religieux ainsi que l'intolérance et la
bigoterie. Voir aussi:
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