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Référendum français: Nicolas Sarkozy amorce un virage à droite abrupt dans le parti au gouvernementPar Antoine Lerougetel Utilisez cette version pour imprimer Nicolas Sarkozy, rival du président Jacques Chirac pour la direction du parti conservateur au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire) et pour la candidature aux élections présidentielles de 2007, s'est ouvertement opposé à l'approche de son président dans la campagne en faveur de la Constitution européenne pour le référendum qui se tiendra le 29 mai. C'est la deuxième fois que Sarkozy lance un défi important à la politique de Chirac : le conseil national de l'UMP, fin 2004 avait soutenu Sarkozy contre Chirac sur la question de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne une majorité de 90,8% avait voté contre l'adhésion de la Turquie. Prenant un brutal virage à droite, l'ancien ministre de l'intérieur et ministre des finances avant d'accéder au poste de président de l'UMP, s'en est pris violemment au refus de Chirac de défendre sans complexe le libéralisme. Lors d'un meeting de campagne pour le oui au référendum à Montpellier le 13 avril, utilisant un langage proche de celui de l'extrême droite, il compara le président et ses amis à des moutons atteints de la tremblante, version ovine de la maladie de la vache folle. Un article du quotidien le Figaro du 7 mai fait un tour d'horizon des personnalités de l'UMP qui rejettent l'argument de Chirac selon lequel le oui à la Constitution maintiendra « le modèle social français ». « Qu'ils soient ou non proches de Nicolas Sarkozy, un nombre significatif de députés de la majorité en campagne pour le oui se démarquent ouvertement des diatribes de Jacques Chirac contre le libéralisme. Lors de son débat télévisé du 14 avril, il s'était félicité que la Constitution européenne réponde à «une logique non libérale». L'argument, censé rassurer les Français tentés par le non [plutôt les travailleurs et les électeurs de gauche], est relayé par des ministres de poids. «Ce traité est tout sauf libéral», affirmait Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, dans une interview accordée au Figaro. «Cette Constitution porte en elle le modèle social français», renchérissait Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et porte-parole du gouvernement ». Le 13 avril, Sarkozy accusa les chiraquiens de trembler de peur à l'idée de soutenir l'économie de marché et par conséquent le démantèlement de l'état providence français. Il abandonna le langage du débat public poli. L'article déclare: « Dans sa campagne, Nicolas Sarkozy prend soin de se distinguer nettement du discours chiraquien. «Notre modèle social, c'est deux fois plus de chômeurs que les autres. Heureusement que le ridicule ne tue pas !...Je ne pense pas que ce soit un excès de libéralisme qui menace la France.. Je ne m'inscris pas dans cette tremblante de l'ultralibéralismeLe libéralisme est une idéologie qui n'a jamais assassiné personne dans le monde !» Pierre Lellouche, député UMP de poids pour la ville de Paris, président de la commission militaire au parlement et partisan convaincu d'une Europe militairement forte capable de rivaliser avec les Etats-Unis, appelle à soutenir la constitution : «La France a tout à y gagner. La modernisation de l'économie française a été imposée par la Commission de Bruxelles. L'Europe est l'aiguillon de la réforme: notre pays a une tendance à l'immobilisme et seule la pression extérieure le contraint à évoluer.» Le député UMP de la Drôme, Hervé Mariton reproche aussi au camp de Chirac de ne pas défendre le marché libre : «Les réformes libérales dues à l'Europe n'ont jamais vraiment été assumées par la droite, de peur de déplaire » Le partisan le plus acharné du marché libre dans la politique française, Alain Madelin, quelque peu marginalisé pendant un temps, se trouve sur la même longueur d'ondes que le président de l'UMP et fustige Chirac qui «épouse les rhétoriques les plus à gauche sur la mondialisation alors qu'il devrait faire une pédagogie de la modernité libérale et des changements nécessaires». Un journaliste du Figaro résuma ainsi la situation : « Il y a le oui de Chirac basé sur l'exaltation du « modèle social français » et le oui de Sarkozy qui voit l'Europe comme un levier pour réformer la France ». Dans le contexte de ce durcissement flagrant, voire même provocateur, de la Droite contre les aspirations de la classe ouvrière, François Fillon, qui en tant que ministre de la fonction publique imposa en 2003 une réduction draconienne des droits à la retraite malgré une opposition de masse et qui à présent impose des changements impopulaires dans le système éducatif malgré la résistance déterminée d'un grand nombre de lycéens, déclara : «Plutôt que du faux dialogue social avec des minorités qui essaient de regagner dans la rue ce qu'ils ont perdu dans les urnes il faut des hommes politiques déterminée. Quand cela secoue il faut mettre sa ceinture de sécurité et y aller » L'éruption de ce conflit entre Chirac et Sarkozy au sein de l'UMP n'est pas sans rappeler la rupture de Margaret Thatcher avec Edward Heath et les Tories "représentants de la nation toute entière", alors qu'elle se préparait à une guerre ouverte avec la classe ouvrière. Elle n'avait que mépris pour les Tories consensuels qu'elle appelait les «wets » (les poules mouillées) image peut-être moins brutale que celle de Sarkozy sur la tremblante, mais tout aussi méprisante. Il n'a pas été fait grand cas de ce nouveau tournant significatif, qui déchire le masque Gaulliste social de l'UMP, pas plus qu'il n'a provoqué de riposte ouverte de la part de Chirac ou de son entourage. Seul le quotidien de droite Le Figaro en a rendu compte. Dans son éditorial du 13 mai on peut lire : «Désormais, les choses sont claires. Derrière les querelles d'hommes, ce sont aussi deux modèles qui s'opposent. Logique de mouvement contre impératif de rassemblement. Volonté de rupture ou souci des équilibres. Libéralisme ou gaullisme. Sarkozy face à Chirac, ou Villepin. Entre ces deux modèles, dit Sarkozy, «les Français veulent voir le match». Sous l'angle de l'efficacité électorale, la chose peut se discuter. Mais nul ne contestera que le débat autour duquel la droite française tourne depuis des années doit un jour être enfin tranché » Il semble qu'une crise ouverte au sein de l'UMP a été évitée de justesse. Lors d'un meeting de campagne le 17 mai dans le fief de Chirac, en Corrèze, il semble que l'on a procédé à des réconciliations de toute urgence. Le Figaro déclare : « A Brive, dans son discours prononcé devant près d'un millier de personnes, le président de l'UMP a évoqué ses relations personnelles avec Jacques Chirac depuis leur rencontre en 1975. Sans faire l'impasse sur les moments de tension depuis trois ans et demi. Mais dans cette période, «il y a une personne qui m'a tendu la main, qui m'a respecté, qui m'a écouté, c'était vous, Madame», a-t-il dit en regardant Bernadette Chirac. «Et si les choses n'ont jamais dépassé l'irrémédiable, c'est parce qu'il y avait une bonne fée qui veillait pour que cela ne dépasse pas les limites de la liberté et du respect.» Il poursuivit en se présentant comme le « garant » de la « continuité » de sa famille politique « Je sais parfaitement que cette famille politique n'existerait pas si Jacques Chirac n'avait pas gagné l'élection présidentielle de 2002.» Un hommage au chef de l'Etat inhabituel dans sa bouche. Il est clair que les pressions du marché mondial rendent
de plus en plus difficile la tâche des représentants
politiques français des grandes entreprises de dissimuler
la nécessité qu'ils ont et les plans qu'ils font
pour dépouiller la classe ouvrière de ses droits
sociaux afin d'être compétitifs sur le marché
mondial. Le mensonge consistant à dire qu'il est possible
de maintenir des relations de propriété capitalistes
dans un univers mondialisé tout en conservant les services
sociaux et le niveau de vie, est colporté par quasiment
toutes les autres tendances Sarkozy, qui représente d'importantes sections des grandes entreprises françaises et dont le frère Guillaume brigue en ce moment la direction de la principale association d'employeurs, le MEDEF (Mouvement des entreprises françaises), semble ne plus pouvoir se retenir de déclarer que le mythe du marché social et de la politique consensuelle n'est plus viable et que l'imposition brutale de mesures qui vont appauvrir la classe ouvrière est à l'ordre du jour. Sa dénonciation de la démagogie de ces revendications pour une économie sociale de marché, malgré le rafistolage, est un service et un avertissement donné à la classe ouvrière. En effet, le recours accru au racisme pour détourner l'attention de la classe ouvrière et pour la diviser est au programme. La proclamation d'hostilité absolue à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est partagée par le fasciste Jean-Marie Le Pen, l'ultra nationaliste catholique Philippe de Villiers, l'ancien premier ministre socialiste et chef de campagne pour le non, Laurent Fabius, ainsi que Sarkozy. Ils envoient clairement un message islamophobe codé. Les opposants à l'entrée de la Turquie ne cherchent même pas à argumenter ; le seul fait qu'il s'agisse de Turcs suffit. Dominique de Villepin, apporte, à point nommé, sa contribution au oui dans le débat sur le référendum, en annonçant des mesures répressives énergiques à l'encontre des immigrés clandestins avec une législation qui rendra plus difficile l'obtention du statut d'immigré. Le WSWS appelle à voter non au référendum
mais sur la base du rejet d'une Europe capitaliste et de la construction
par la classe ouvrière des Etats Unis socialistes d'Europe.
Voir aussi :
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