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Attentats de Londres : pourquoi ici?Par Chris Marsden Utilisez cette version pour imprimer Le gouvernement travailliste a répondu aux attentats du 7 juillet à Londres par un mélange d'angoisse et d'hypocrisie. On nous a ressassé que quatre et peut-être même cinq jeunes Britanniques d'origine immigrée se sont fait exploser juste parce qu'ils avaient une haine irrationnelle de la civilisation occidentale qui leur aurait été inculquée par l'intégrisme islamique. On ne nous donne aucune raison pour expliquer pourquoi ces jeunes ont été, comme des centaines d'autres jeunes Asiatiques, attirés par l'intégrisme islamique et pourquoi ils sont prêts à tuer et à se tuer. Le seul fait de soulever la question du rôle joué, dans la colère éprouvée par de jeunes musulmans, par la participation de la Grande-Bretagne à la guerre en Irak rend susceptible d'être dénoncé comme apologiste des atrocités terroristes. Mais, expliquer ne veut pas dire excuser. L'apparition du fondamentalisme islamique et des attentats terroristes est la manifestation d'un profond malaise de la société et de la politique. Les dénonciations virulentes ne changeront rien à cette réalité. Celle-ci doit être comprise. Il est évident que les attentats de Londres étaient une réaction aux guerres menées en Iraq et en Afghanistan et à l'occupation permanente de ces deux pays. Il ne fallait pas beaucoup de discernement social ni être doué d'un instinct politique extraordinaire pour prévoir que parmi les réactions à la participation de la Grande-Bretagne à une guerre prédatrice et illégale il y aurait des actes terroristes. Le mélange hautement toxique constitué par l'alliance de Blair avec les militaristes de la Maison Blanche et du Pentagone et ses invocations hypocrites de la démocratie ne pouvait manquer d'avoir des conséquences mortelles dans ce pays. Seuls le nient des gens comme les porte-parole du gouvernement et les défenseurs officiels de la guerre. Mais, indiquer comme une cause la colère engendrée par la guerre chez les musulmans britanniques ne constitue en soi qu'un début d'explication. Il n'y a pas de lien direct et inévitable entre une indignation extrême vis-à-vis de la guerre et la décision de commettre un acte terroriste dirigé contre la population civile. L'apparition de kamikazes en Grande-Bretagne est une indication de l'état pathologique des rapports sociaux dans ce pays. Nous n'avons pas affaire ici à des psychopathes pour lesquels il serait possible de démontrer l'existence d'une tragédie familiale ou d'une autre expérience qui, dans la vie de l'individu, aurait entraîné un désordre de la personnalité. Les trois kamikazes présumés identifiés initialement étaient des étudiants et un père de famille qui ont agi par conviction religieuse. Shehzah Tanweer, 22 ans est né a Bradford mais a vécu la plus grande partie de sa vie avec ses parents dans le quartier de Beeston à Leeds. C'était un bon étudiant; il était diplômé en sciences et en sport. Son père, d'origine pakistanaise, possède une friterie et c'est un membre respecté de la communauté locale. Hasib Hussain, 18 ans, un ami de collège de Tanweer, venait lui aussi de Beeston. Son père travaille dans une usine locale. Mohammed Sadique Khan, 30 ans, était lui aussi de Beeston. Il était marié et avait une fille. Il travaillait comme mentor dans une école primaire pour enfants à scolarité difficile. Son père travaillait dans une fonderie. Sa femme, dont il était séparé, est une responsable locale de l'environnement. L'année dernière, la belle-mère de Khan, Farida Patel, avait été invitée à une garden party à Buckingham Palace où elle reçut une médaille pour son travail en tant qu'enseignante spécialisée dans les études bilingues. L'identité du quatrième auteur présumé de l'attentat, un homme d'une trentaine d'années né à la Jamaïque et résidant en Grande-Bretagne, Lindsey Germaine, ne fut révélée qu'hier. Ces hommes jeunes sont présumés avoir planifié et exécuté un acte véritablement horrible. Considérez un instant ce que cela représente que de monter dans une rame de métro ou un bus, de regarder les gens autour de vous, des hommes, des femmes et des enfants qui ne portent aucune responsabilité pour les actes du gouvernement Blair, puis de faire sauter vingt kilos de matière hautement explosive, sachant que la bombe tuera tous ceux qui sont autour de vous. Un acte de cette nature exprime un niveau extraordinaire d'aliénation sociale. Il est trop facile d'attribuer cela au "lavage de cerveau" ou aux "doctrines perverties et empoisonnées" de l'extrémisme musulman comme le fit le premier ministre Tony Blair au parlement le 13 juillet. De telles déclarations évitent les vraies questions. Pourquoi quatre jeunes hommes éduqués ont ils été attirés par les visions millénaires d'un paradis pour martyrs dont les fondamentalistes font le colportage. Comment ce genre de doctrine réactionnaire a-t-elle pris pied et pu obtenir du soutien? La capacité de groupes qui sympathisent avec Al-Qaïda à gagner de l'influence est liée à des changements sociaux, économiques et politiques au sein de la société britannique. Et lorsque nous parlons de "société britannique", il nous faut rappeler que ce fut l'ancienne dirigeante du Parti conservateur, Margaret Thatcher qui, pour promouvoir sa philosophie politique et économique du chacun pour soi, insista pour dire "la société, ça n'existe pas". Elle déclara à cet effet: "Je pense que nous sommes passé par une période où on a laissé entendre à trop de gens que s'ils avaient un problème, c'était au gouvernement de s'en occuper. ,J'ai un problème, je vais prendre une bourse d'études'. ,Je suis sans abri, le gouvernement doit me loger'. Ils projettent leur problème sur la société. Et bien, savez-vous, la société, ça n'existe pas. Il y a des individus, hommes ou femmes et puis il y a des familles". L'arrivée au pouvoir de Thatcher en 1979 marqua une rupture définitive de la part de l'élite dirigeante britannique avec la politique de l'après-guerre consistant à garantir un consensus social par le maintien d'un Etat social. Au lieu de cela, Thatcher transforma la Grande-Bretagne en une plate-forme de travail à bon marché pour les principales sociétés transnationales en mobilisant toute la force de l'appareil d'Etat contre la classe ouvrière. Le mépris de Thatcher pour le sort des travailleurs ordinaires et sa promotion d'une richesse fabuleuse pour une petite minorité commença il y a un quart de siècle. Cela aboutit à la désintégration de tout l'agencement complexe et des institutions qui par le passé avait permis l'appartenance à une communauté plus large. L'élévation et la glorification de l'individu puissant l'homme d'affaires milliardaire, la "célébrité" super riche en tant qu'incarnation du succès, s'est accompagné de l'appauvrissement de millions de gens en Angleterre comme dans le monde entier. Les quatre auteurs présumés de l'attentat de Londres n'étaient peut-être pas tous issus des couches les plus pauvres de la population, mais ils reflètent dans leur être social les conditions affectant une grande partie de la population laborieuse et qui se sont développées dans les quinze dernières années en Angleterre. Ils vivaient dans une partie du pays, le Yorkshire, qui a été dévasté par la fermeture massive des mines, des usines et des filatures. Un petit nombre sont peut-être devenus prospères, mais la plupart des nouveaux emplois créés n'offrent que des emplois à bas salaires dans le secteur tertiaire. Beeston est un exemple type de la pénurie urbaine ainsi créée. Un rapport publié en juillet 2004 par la municipalité de Leeds déclare que Beeston n'a "pas bénéficié de la croissance ayant eu lieu dans l'économie de la ville, avec de grandes disparités entre les riches et les pauvres". Les communautés immigrées n'y représentent que 22 pour cent de la population. La plupart des habitants sont des blancs pauvres qui luttent pour survivre. Le chômage se chiffre à près de 8 pour cent et seul un tiers de la population travaille à plein temps. Près d'un habitant sur six est en longue maladie. Deux tiers des habitants louent plutôt qu'ils ne possèdent leur domicile. Cette polarisation sociale s'est accompagnée du développement de toute sorte d'arriération sociale et intellectuelle où l'on trouve aussi l'influence croissante de la religion, en particulier de ses formes les plus apocalyptiques. Pour expliquer cela, il faut identifier un autre facteur clé ayant conduit chez de nombreux jeunes à une extrême aliénation vis-à-vis de la société, la désintégration du mouvement ouvrier et sa disparition en tant que facteur influent de la société anglaise. Il n'est pas nécessaire ici de répéter les critiques faites par le mouvement marxiste du programme réformiste avancé par le parti travailliste et les syndicats. Malgré leur caractère extrêmement limité et en fin de compte funeste, ces organisations de masse reflétaient, même si c'était de façon inadéquate, une solidarité de classe et des aspirations socialistes profondément ressenties par des millions de travailleurs et même par une portion significative de la classe moyenne. Il existait une véritable confiance dans le fait que l'oppression capitaliste était en voie de disparition et que l'Angleterre et le monde allaient vivre un renouveau. On ne se demandait pas si le capitalisme allait être remplacé, mais quand et comment il le serait. La jeunesse répondait à cet optimisme en s'engouffrant dans les organisations se réclamant du socialisme existant à gauche du Parti travailliste. Dans un tel climat intellectuel et social, les jeunes désabusés à la recherche d'une meilleure société se tournaient vers l'étude du marxisme et adoptaient la philosophie la plus progressiste qui fut jamais élaborée, une philosophie caractérisée par l'optimisme, la solidarité humaine et un grand idéalisme. Cela fut vrai jusqu'à la fin des années 1980. Il fallut une suite ininterrompue de trahisons de la part du Parti travailliste et de la bureaucratie syndicale à commencer par la grève des mineurs de 1984-1985, puis une énorme campagne de propagande proclamant la "mort du socialisme" après l'effondrement des régimes staliniens en Union soviétique et en Europe de l'Est pour changer cet état des choses. Aujourd'hui, le Parti travailliste n'est plus qu'un bastion de la réaction politique. Son premier ministre fonctionne comme le porte-parole de l'empire médiatique de Rupert Murdoch. Au nom de "New Labour", Blair impose la philosophie économique dont Thatcher s'est faite la pionnière et il recommande d'en faire un modèle pour l'Europe et le monde. Il présente la guerre et la conquête coloniale comme la grande mission civilisatrice de l'Occident apportant la "démocratie" aux peuples du Moyen-Orient et de l'Afrique. Quand aux syndicats, leurs organisations impuissantes et sans volonté ne sont plus prises au sérieux. On ne donne à la nouvelle génération aucun moyen d'influencer la société et de la changer. On leur a bloqué toute voie allant dans ce sens. En février 2003, plus d'un million de personnes a défilé à Londres pour s'opposer aux plans d'invasion de l'Iraq par les Etats-Unis et l'Angleterre. La réponse de Blair à cette démonstration d'opposition sans précédent fut de déclarer que l'essence d'un gouvernement démocratique était la disposition des dirigeants politiques à défier la volonté populaire. L'Angleterre contemporaine est une société qui a des problèmes sévères et qui est profondément disloquée. Au cours de vingt-cinq années de réaction politique, les contradictions sociales du pays, qu'on a ignorées et laissées se putréfier, ont pris un caractère malsain. La seule cure possible à cet état des choses
se trouve dans la politique, mais dans une politique d'une nature
très différente de celle qui prédomine aujourd'hui.
Ce n'est qu'à travers une renaissance du véritable
socialisme qu'on peut trouver une issue à l'impasse actuelle.
Les grands principes de l'internationalisme, de l'égalité
sociale et de la véritable démocratie populaire
agiront comme un antidote puissant vis-à-vis de l'obscurantisme
religieux et fournira la base de l'unité des travailleurs
et des jeunes dans la lutte pour un avenir meilleur. Voir aussi:
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