wsws : Nouvelles et analyses : Moyen Orient
Par Rick Kelly
1er novembre 2005
Le premier ministre Ariel Sharon a intensifié de façon spectaculaire l'offensive en cours d'Israël contre le peuple palestinien. La force de défense israélienne, l'IDF, a repris sa campagne d'assassinats contre les militants palestiniens dans tous les territoires occupés, et a lancé des attaques répétées de missiles contre l'infrastructure de Gaza.
La dernière vague d'opérations militaires provocantes et illégales de la part d'Israël souligne la vraie nature du plan de « désengagement unilatéral » de Sharon. Loin d'améliorer la situation désespérée du peuple palestinien, le retrait des colonies sionistes de Gaza a laissé un ghetto ethniquement homogène qui permet à l'IDF de mener ses opérations sans devoir s'inquiéter de la sécurité des 9,000 juifs qui occupaient auparavant de larges étendues de terre palestinienne.
La dernière montée de violence débuta
le 24 octobre, quand Israël assassina
Lu'ay Al-Sa'adi, dirigeant du Djihad islamique de Cisjordanie.
L'exécution dans la ville de Tulkarm faisait suite à
une série d'opérations israéliennes contre
des groupes militants. Au cours du mois dernier, il y eut quelques
800 arrestations de militants palestiniens et plus de 30 furent
abattus.
Les opérations israéliennes ont été conduites en violation flagrante de la « période de calme », négociée et censée durer jusqu'aux élections législatives palestiniennes prévues pour janvier. Selon les termes de cette trêve provisoire, les organisations de la résistance palestinienne s'abstiendraient de mener des opérations contre des Israéliens, et Israël, pour sa part, suspendrait sa campagne d'assassinats.
En réponse aux provocations d'Israël, un kamikaze du Djihad islamique s'est fait exploser dans un marché à Hadera, dans le nord d'Israël, le 26 octobre. Cinq Israéliens ont été tués et des dizaines blessés. Sharon a immédiatement profité de l'attentat pour intensifier ses attaques contre les Palestiniens et a annoncé qu'il mènerait une opération « large et soutenue. »
Le lendemain, deux missiles israéliens ont touché un véhicule qui transportait deux militants du Djihad islamique dans le camp de réfugiés de Jabaliya à Gaza. L'attaque fut lancée dans un quartier populaire au moment où les deux militants quittaient une mosquée du quartier après les prières du soir. Sept personnes furent tuées, dont trois enfants, et 19 blessées, pour la plupart des civils qui se trouvaient là.
Un officier israélien anonyme dit au New York Times que les opérations militaires visent délibérément à « envoyer un message » à la direction et au peuple palestiniens.
Le gouvernement Sharon bloqua toutes les entrées dans Israël de Gaza et de la Cisjordanie et ferma le point de passage de Rafa entre Gaza et l'Egypte après l'attentat de Hadera. Le ministre de la défense Shaul Mofaz rencontra des chefs des armées et il fut reporté qu'il avait envisagé le déploiement de forces terrestres en Cisjordanie.
Des soldats israéliens ont imposé un couvre-feu rigoureux et des barrages routiers et des postes de contrôle supplémentaires ont été établis dans toute la Cisjordanie, coupée en deux d'est en ouest. Au nord de la Cisjordanie, Israël a également complètement interdit l'utilisation de véhicules privés palestiniens.
En dépit de cela, les Palestiniens de Gaza sont les plus touchés par l'attaque de Sharon. Les forces israéliennes se sont regroupées à la frontière du nord du territoire, et l'armée a averti qu'elle est prête à envahir. Une vague d'attaques israéliennes par missiles a frappé le territoire pendant toute une semaine, détruisant routes et ponts et endommageant des canalisations d'eau. Le réseau électrique a été touché à plusieurs reprises causant des pannes de courant.
La plupart des missiles ont visé la partie nord du territoire, mais des sources palestiniennes ont également rapporté des attaques dans le sud. D'après Al Ahram Weekly, des attaques aériennes le 25 octobre ont frappé deux bâtiments occupés par une association caritative islamiste à Rafah, à la frontière sud de Gaza, blessant gravement cinq civils, dont un bébé de quatre mois.
Ces attaques contre l'infrastructure civile sont en violation flagrante des lois internationales. La nature des attaques militaires et le choix des cibles démentent l'affirmation d'Israël selon laquelle ses actions visent à perturber les attaques missiles palestiniennes lancées sur Israël depuis le nord de Gaza. Des militants du Djihad islamique et de la Brigade des martyrs d'Al Aqsa ont lancé plusieurs roquettes Qassam rudimentaires et le plus souvent inefficaces sur des villes du sud d'Israël. Le gouvernement Sharon a utilisé ces attaques (qui n'ont blessé aucun Israélien) pour lancer une large offensive contre la population de Gaza toute entière.
De plus, Israël a utilisé des avions de chasse volant à basse altitude la nuit pour créer des détonations supersoniques sur le territoire palestinien. Sajidra Srour, directrice d'une crèche et d'un jardin d'enfants à Gaza City, a dit au site New Standard que les détonations font hurler de peur les enfants qui font souvent sur eux. « Ça marche », dit-elle de la tactique israélienne. « Les gens sont terrifiés. »
L'utilisation des détonations supersoniques n'était pas possible quand les colons sionistes occupaient le territoire.
Les avions de chasse ont aussi largué des milliers de tracts sur Gaza, accusant des organisations militantes palestiniennes d'être responsables des opérations militaires d'Israël et enjoignant les résidents à appeler un numéro de téléphone spécial pour avertir Israël des activités de résistance.
Sharon rejeta une offre de cessez-le-feu par le Djihad islamique le 30 octobre. L'organisation dit qu'elle suspendrait ses attaques si Israël faisait de même. Quelques heures seulement après cette proposition, les troupes israéliennes lancèrent une opération dans le village de Qabatiyeh au nord de la Cisjordanie et tuèrent au fusil deux militants du Djihad islamique. D'autres roquettes Qassam furent lancées depuis le nord de Gaza en représailles.
Parallèlement à son opération militaire, le gouvernement israélien a lancé une offensive diplomatique internationale concertée. Les attaques contre le Djihad islamique sont liées non seulement aux intérêts expansionnistes du gouvernement Sharon en Cisjordanie mais sont aussi motivées par des intérêts stratégiques géopolitiques plus larges au Moyen Orient.
Le gouvernement israélien a accusé le Djihad islamique et Hamas de recevoir argent et entraînement de l'Iran, par le biais du Hezbollah, groupe libanais de guérilla. Sharon a aussi accusé la Syrie d'aider leurs opérations.
Israël espère depuis longtemps le renversement des gouvernements syrien et iranien, et Sharon fait tout pour encourager les provocations conjointes que mènent dans la région l'administration Bush et le gouvernement Blair de Grande Bretagne.
Israël n'a présenté aucune preuve concrète de la complicité de l'Iran et de la Syrie avec le terrorisme, mais cela n'a pas dissuadé Washington d'utiliser ces affirmations à ses propres fins. Le « Quatuor » des Etats-Unis, de l'Union européenne, de la Russie et des Nations Unies a fait une déclaration le 28 octobre pour réclamer que le gouvernement syrien ferme les bureaux du Djihad islamique qui opèrent à Damas et qu'il empêche que son territoire soit utilisé par des terroristes.
« A ce stade, je ne vais pas faire de lien spécifique entre l'attentat à la bombe d'Hadera et des commandes particulières qui auraient pu émaner de Damas », a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Scott McCormack plus tard. « Je n'essaie pas d'affirmer qu'il y a un lien, pour le moment. Mais je pense qu'il est très clair que vous avez de hauts responsables de certains de ces groupes, dont le Djihad islamique palestinien, résidant à Damas. »
Le gouvernement Sharon a accueilli favorablement cette déclaration. « Dès l'instant que la communauté internationale fait une telle déclaration, ce n'est plus Jérusalem contre Damas, mais maintenant le monde entier est impliqué », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Mark Regev.
Tandis que les grandes puissances se sont précipitées pour condamner l'attentat à la bombe d'Hadera et en ont profité pour intensifier les tensions dans la région, personne n'a condamné la campagne de terreur de Sharon. Washington a lancé son appel rituel à la « retenue » d'Israël, appel que Tel Aviv sait, de longue expérience, pouvoir, sans aucun risque, ignorer. Les Etats-Unis ont aussi à nouveau exigé que le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas désarme immédiatement les groupes militants.
Les efforts d'Abbas, à plusieurs reprises, pour calmer les exigences d'Israël et de l'administration Bush n'ont fait qu'encourager Sharon à poursuivre une offensive politique contre l'Autorité palestinienne. Sharon a annoncé qu'il suspendait indéfiniment toutes réunions avec Abbas après l'attentat d'Hadera. Abbas et l'Autorité palestinienne s'étaient mis d'accord deux fois auparavant pour reporter une réunion prévue avec Sharon, après que Sharon eût dit clairement qu'il ne voulait même pas envisager de faire des concessions, même symboliques.
La marginalisation de l'Autorité palestinienne a toujours été au coeur du plan de désengagement de Sharon, plan qui avait pour but de clore les négociations avec les Palestiniens et de donner à Israël carte blanche à Gaza et en Cisjordanie. Tandis que le premier ministre s'est jusqu'à présent incliné devant l'insistance de Washington pour qu'Abbas ne soit pas complètement évité, son gouvernement espère qu'il pourra enfin se passer de cette mascarade. Comme le ministre de la défense israélienne Mofaz l'exprima avec la plus grande franchise : « Je ne suis pas certain qu'il sera jamais possible d'atteindre un accord de paix avec la direction palestinienne actuelle; nous devrons attendre la prochaine génération. »
Entre-temps, la ruée sur les territoires de Jérusalem
est et de Cisjordanie par Israël se poursuit avec la même
intensité et sans que les grandes puissances s'y opposent.