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Déclaration du Parti de l'égalité sociale (Allemagne) aux élections européennes

Pour les Etats Unis Socialistes d'Europe

Le 20 mars 2004

1. Objectifs du PSG

Le Parti de l'égalité sociale se présente avec un programme socialiste international aux élections européennes du 13 juin.

L'objectif de notre participation aux élections est de poser les fondements pour un nouveau parti représentant les intérêts des travailleurs, sans oublier les retraités, les chômeurs et les jeunes.

Des millions de personnes sont profondément alarmées par la situation politique et cherchent une solution. La guerre contre l'Iraq a montré de façon évidente que tous les problèmes non résolus du siècle passé refont surface. La pauvreté et le chômage croissants vont à nouveau de pair avec la destruction des droits démocratiques et la croissance du militarisme comme s'il n'y avait pas eu l'expérience de 1914 à 1945.

Les partis sociaux-démocrates ont laissé tomber tous leurs scrupules et sont devenus les sbires d'une petite élite qui s'enrichit de façon éhontée et pille la société. Leur politique ne se différencie plus de celle des partis bourgeois de droite. Nous opposons à la faillite politique de la social-démocratie un principe fondamentalement différent. Pour nous, les besoins de la population sont notre préoccupation principale. Nous aspirons à une société qui repose sur le principe de l'égalité sociale et de la justice sociale. Nous défendons tous les acquis sociaux ­ les retraites, le système de sécurité sociale et d'assurance-maladie, l'éducation, les emplois et un revenu sûr ­ qui sont menacés par les coupes budgétaires effectuées dans les dépenses sociales. Nous nous opposons aux attaques contre les droits fondamentaux et rejetons la guerre et le militarisme.

La réalisation de ces objectifs requiert un programme politique qui se différencie fondamentalement de celui de la social-démocratie.

_ Ils ne peuvent pas être réalisés dans un cadre national. Ils requièrent, au contraire, un mouvement mondial contre l'impérialisme.

L'intégration et l'interdépendance de l'économie mondiale ont enlevé les fondations qui constituaient le cadre de la politique réformiste de la social démocratie. Face aux compagnies transnationales et aux institutions financières internationales qui dominent la vie économique moderne, l'orientation des anciennes organisations ouvrières ­ défense de l'industrie nationale et du marché national du travail - se révèle impuissante. C'est aussi ce qui explique leur virage à droite. Alors qu'elles exerçaient jadis des pressions sur les entreprises et le gouvernement pour obtenir des concessions pour les ouvriers, elles font aujourd'hui subir ces pressions aux ouvriers pour obtenir des concessions pour les entreprises et attirer, ainsi, le capital.

Les efforts du gouvernement des Etats-Unis pour assujettir le monde par la force sont l'expression la plus nette de l'incompatibilité de l'économie mondiale et de l'état nation. L'économie mondiale est incompatible avec la souveraineté nationale. La conquête de l'Iraq fut la première tentative d'un nouveau partage du monde dans l'intérêt de l'impérialisme américain et de la construction d'un nouvel ordre mondial basé sur les formes les plus brutales de pillage capitaliste et d'exploitation.

L'isolement national et la défense des intérêts nationaux ne sont pas une réponse à la mondialisation et au danger de guerre. Ils sont tout aussi irréalisables que réactionnaires. Ils empoisonnent l'atmosphère entre les peuples, attisent les tensions nationales et ethniques et mènent à une guerre commerciale et à la guerre.

Le PSG soutient une autre solution. Il veut mettre en place un mouvement mondial des travailleurs qui conjugue la lutte contre l'impérialisme et la guerre avec la résolution des questions sociales. Il s'oppose à toute division de la population selon des critères nationaux, ethniques ou religieux. Nous opposons à l'Union européenne (UE) ­ Europe des banques et des entreprises ­ les Etats Unis Socialistes d'Europe. Même si nous ne nous présentons qu'aux élections en Allemagne, notre campagne électorale s'adresse à la population de l'Europe toute entière.

En tant que section allemande d'un parti mondial, le Comité International de la Quatrième Internationale, le PSG travaille étroitement avec ses organisations soeurs en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le Parti de l'égalité sociale américain se présente aux élections présidentielles avec son propre candidat contre les Républicains et les Démocrates.

_ La défense des acquis sociaux et des droits démocratiques exige une réorganisation de la vie économique selon des principes socialistes.

Une bonne décennie après la fin de la RDA et de l'Union soviétique, il est manifeste que le marché libre n'offre pas de réponse aux problèmes pressants de l'humanité. La subordination de chaque aspect de la vie sociale aux lois du marché et du profit entraîne partout des conséquences catastrophiques.

En Europe de l'Est et dans l'ancienne Union soviétique même, l'introduction des relations capitalistes a provoqué un déclin culturel et social sans précédent en temps de paix. Alors que l'infrastructure sociale se désagrège et que des millions de personnes végètent à la limite du minimum vital, une poignée d'oligarques contrôle des richesses fabuleuses. En Afrique et en Asie, des pays entiers sombrent dans la pauvreté et le chaos. Dans les pays capitalistes dirigeants, les acquis sociaux des dernières décennies subissent des attaques incessantes. Le clivage entre riches et pauvres ne cesse de croître.

La social-démocratie a toujours fondé sa défense du capitalisme sur l'argument que ce dernier pourrait à la fois être réformé dans l'intérêt des travailleurs et organisé socialement. Mais, de tout cela, il ne reste plus rien. Aujourd'hui, le SPD et les autres partis sociaux-démocrates d'Europe prennent la tête du classement en matière d'attaques contre les acquis sociaux et les droits démocratiques et ne se différencient plus de leurs adversaires conservateurs.

Le PSG fait campagne pour une transformation socialiste de la vie économique. Elle doit s'orienter sur les besoins de la société et non pas sur les profits d'entreprise d'une riche minorité de possédants. Les énormes progrès technologiques réalisés dans l'informatique moderne ont créé toutes les conditions pour résoudre des problèmes fondamentaux ­ comme la pauvreté, le sous-développement et la destruction de l'environnement. Mais cela présuppose qu'ils soient consciemment mis en oeuvre dans l'intérêt commun et non pas abandonné au principe chaotique de la maximalisation du profit. Dans ce but, les leviers de commande de l'économie moderne ­ banques et grands groupes ­ doivent être transformés en propriété sociale et mis sous contrôle démocratique.

Le PSG se fonde sur les leçons de l'échec de l'Union soviétique. Ce qui a échoué ce n'est pas le principe de planification mais la tentative d'une bureaucratie privilégiée de construire une société prétendument socialiste avec des méthodes despotiques dans un cadre national. Une démocratie des travailleurs et l'accès aux ressources de l'économie mondiale sont les conditions préalables indispensables pour construire une société socialiste. Ce n'est pas seulement depuis la fin de l'Union soviétique que le PSG défend ce point de vue, il l'a fait pendant toute son histoire. Il se place dans la tradition de l'Opposition de Gauche qui se battit sous la direction de Léon Trotsky dès 1923 contre la bureaucratie stalinienne et ses vues nationalistes.

_ La réalisation d'un programme socialiste nécessite un mouvement politique conscient de larges couches de la population laborieuse.

Le socialisme est incompatible avec une tutelle bureaucratique. Un progrès social véritable n'est possible que si la grande masse de la population participe activement à l'organisation des relations sociales et les contrôle démocratiquement. Non seulement le stalinisme, mais aussi la social-démocratie, représentent au contraire une tradition dans laquelle la force créatrice du mouvement des travailleurs, dont l'histoire porte l'empreinte, fut étouffée par des appareils bureaucratiques. Même au temps des réformes sociales, les partis sociaux-démocrates ont mis sous tutelle, du point de vue politique, leurs propres bases. Aujourd'hui, ces partis sociaux-démocrates ne sont plus composés que par des appareils autocratiques de fonctionnaires qui ne se sentent nullement tenus par le devoir démocratique de rendre des comptes.

Le but du PSG consiste à surmonter cet effet paralysant qu'exerce la social-démocratie sur le mouvement des travailleurs. Nous rejetons toute conception consistant à faire pression sur les partis réformistes pour qu'ils se réforment ou pour faire quitter leurs adhérents soi-disant plus progressistes. Un but de ce genre ne leur servirait que de caution de gauche et ne servirait qu'à prolonger artificiellement leur influence démoralisante.

Des millions de personnes en Europe ont le sentiment que la politique des partis officiels a conduit à une impasse dont ils ne savent comment sortir. Elles ont donné libre cours à leur indignation au cours d'innombrables protestations, de grèves et de manifestations. Cependant, seule une perspective politique claire peut souder cette opposition de masse en un mouvement politique efficace. Cela présuppose une compréhension des origines et des forces motrices de la crise actuelle et des leçons politiques du 20ème siècle.

L'objectif de notre campagne électorale est d'enclencher une large discussion sur ces questions. Nous appelons tous ceux qui sont d'accord avec nos objectifs à soutenir la campagne électorale du PSG. Distribuez notre manifeste, organisez des réunions pour discuter avec les candidats du PSG, soutenez financièrement la campagne électorale pour en garantir le succès.

2. Leçons de la guerre contre l'Iraq

La guerre contre l'Iraq a tout à coup porté à la connaissance publique deux choses : la première, que les Etats-Unis qui étaient un facteur de stabilité international se sont transformés en facteur le plus important d'instabilité et, la seconde, que les gouvernements européens sont tout à fait incapables de s'opposer sérieusement à l'impérialisme américain.

Les institutions internationales et les normes du droit international de l'après-guerre furent largement prises à l'initiative des Etats-Unis. Ceux-ci n'agirent nullement de façon désintéressée. La libération du monde occidental servit à l'expansion du capitalisme américain et au renforcement du camp occidental pendant la guerre froide contre l'Union soviétique. Néanmoins, cette libération procura une certaine stabilité et prévisibilité des relations internationales.

Avec la guerre contre l'Iraq, les Etats-Unis ont fait très clairement comprendre qu'ils ne respectent plus ces normes et ces institutions et, dans la poursuite de leurs propres intérêts, ils comptent exclusivement sur leur propre puissance militaire. Parallèlement, ils ne laissent aucun doute sur le fait que la soumission de l'Iraq n'est qu'une première étape. Le but final est la réorganisation de l'ensemble de la région et la construction d'un nouvel ordre mondial en fonction des besoins du capital américain. Tel est le contenu essentiel de la nouvelle doctrine américaine de guerre préventive.

L'Europe réagit en intensifiant de son côté son réarmement. Indépendamment de leur attitude vis-à-vis de la guerre contre l'Iraq, les gouvernements européens sont d'accord sur le fait qu'ils doivent disposer d'une industrie d'armement indépendante et de leur propre force de frappe leur permettant d'intervenir partout dans le monde et de mener des guerres préventives à leur propre compte.

Le début du vingt et unième siècle ressemble ainsi de plus en plus à celui du vingtième, lorsque deux guerres mondiales dévastèrent l'Europe et de vastes régions du monde. La cause des deux guerres mondiales résidait dans l'incompatibilité entre une organisation en états nations et un système économique englobant le monde entier. Les grands marxistes de l'époque comprirent ceci très bien. C'est ainsi que Léon Trotsky écrivit au début de la première guerre mondiale : « La véritable signification objective de la guerre est l'effondrement des centres économiques nationaux actuels, et la substitution d'une économie mondiale à la place. Mais la façon dont les gouvernements proposent de résoudre ce problème de l'impérialisme ne passe pas par la coopération intelligente et organisée de tous les producteurs de l'humanité, mais par l'exploitation du système économique mondial par la classe capitaliste du pays victorieux; ce pays qui doit être transformé par la guerre de grande puissance à puissance mondiale ».

Il n'y a, en effet, que deux possibilités de résoudre la contradiction entre l'économie mondiale et l'état nation : la manière capitaliste qui consiste à réorganiser le monde par la force en le plaçant sous la suprématie de la puissance impérialiste la plus forte, et la manière socialiste qui consiste à surmonter l'état nation par une collaboration planifiée de tous les peuples sur une base socialiste.

En 1914, l'Allemagne, en tant que puissance économique la plus dynamique du continent, avait essayé de réorganiser l'Europe et plongea le continent dans un bain de sang. L'autre possibilité fut démontrée par la Révolution d'Octobre en Russie. Les bolcheviques vainqueurs se retirèrent immédiatement de la guerre et gagnèrent une énorme popularité parmi les ouvriers de l'Europe toute entière. Mais l'Union soviétique était isolée et dégénéra sous le régime de Staline. Ceci et les défaites du mouvement ouvrier allemand permirent à l'Allemagne de tenter une deuxième fois en 1939 d'assujettir l'Europe ; les conséquences en furent encore plus catastrophiques.

Sur les ruines de la seconde guerre mondiale, un nouvel ordre mondial relativement stable naquit sous la direction de la puissance victorieuse, les Etats-Unis. Mais la contradiction fondamentale entre économie mondiale et état nation n'en fut pas surmontée. La guerre froide avec l'Union soviétique amortit certes longtemps les conflits entre puissances impérialistes mais, suite à l'effondrement de l'Union soviétique, ces conflits réapparaissent avec une violence accrue. La guerre contre l'Iraq marque, dans ce sens, un tournant.

La crise du capitalisme américain

La responsabilité immédiate de la guerre contre l'Iraq est portée par la clique de droite qui entoure et conseille le président Bush, cependant, la source sociale et économique de cette guerre remonte bien plus loin. L'élite gouvernementale réagit à une crise fondamentale du capitalisme américain et international. C'est pourquoi un changement de personne à la Maison blanche ne changerait pas fondamentalement le cours de la politique américaine ­ comme l'a prouvé le soutien presque unanime à la guerre de la part des démocrates. Derrière la guerre se cache la tentative du capital américain de surmonter son déclin économique en faisant appel à la force militaire.

A la fin de la Guerre Froide, les Etats-Unis devinrent l'unique super-puissance militaire. Ils représentent actuellement près de 40 pour cent des dépenses militaires mondiales. Leur poids relatif dans l'économie mondiale, par contre, ne cesse de diminuer depuis longtemps. Alors qu'après la seconde guerre mondiale ils produisaient encore entre un et deux tiers des biens industriels les plus importants, depuis lors l'UE, le Japon, l'Asie orientale et la Chine sont devenus de sérieux concurrents . Dans le même temps, les Etats-Unis dépendent plus que jamais des ressources de l'économie mondiale. Un déficit commercial annuel de 400 milliards de dollars, une dette extérieure de près de 3 billions de dollars et un déficit budgétaire de 500 milliards de dollars témoignent du caractère de plus en plus parasitaire du capitalisme américain. Ce dernier risque l'infarctus si l'afflux de capitaux neufs s'interrompt.

L'administration Bush poursuivait trois objectifs avec la guerre contre l'Iraq: Prendre le contrôle du pays disposant des secondes plus grandes réserves pétrolières du monde ; installer de nouvelles bases militaires au Moyen-Orient, ce qui leur fournit des avantages stratégiques incontestables face aux rivaux européens et asiatiques et faire diversion aux tensions sociales et politiques intérieures croissantes.

Ces tensions ont atteint une intensité colossale. Il y a peu de pays au monde où le clivage entre riches et pauvres est aussi prononcé qu'aux Etats-unis. Les classes supérieures avaient accumulé d'énormes richesses pendant le boom boursier des années 1990, alors qu'en bas de l'échelle sociale, la pauvreté, la famine et le nombre des sans-abri augmentent, l'éducation publique s'effondre et 44 millions de personnes n'ont pas d'assurance-maladie. Une personne appartenant au un pour cent le plus riche de la société gagne aujourd'hui 75 fois plus qu'une personne appartenant au cinquième le plus pauvre. Son revenu net a augmenté au cours des vingt dernières années de deux fois et demie et celui des plus pauvres a diminué de 7 pour cent.

La classe ouvrière américaine ressemble à un géant enchaîné qui deviendra l'adversaire le plus dangereux de l'impérialisme américain dès qu'il s'éveillera à la vie politique. Il est de plus en plus difficile de la contrôler au moyen du système politique bipartite ­ Républicains et Démocrates ­ qui tous deux sont dominés par le grand capital. Ce qui explique le besoin permanent de diversion de l'attention publique au moyen d'aventures en matière de politique étrangère, ainsi que la suppression systématique des droits démocratiques. Ces deux éléments constituent en fait la soi-disant « guerre contre le terrorisme ».

Le dilemme européen

Les agissements agressifs de l'impérialisme américain placent les gouvernements européens devant un dilemme insoluble : S'ils suivent les Américains, il ne leur reste que le rôle de vassal américain à jouer. S'ils s'opposent aux Etats-Unis, ils risquent de diviser l'Europe et, à long terme, vraisemblablement une confrontation militaire catastrophique. Dans un cas comme dans l'autre, les tensions sociales et politiques à l'intérieur des pays s'aggraveront.

Ce dilemme, tout comme la rivalité entre les puissances européennes a déchiré l'Europe au commencement de la guerre contre l'Iraq. La Grande-Bretagne qui considère depuis longtemps sa « relation spéciale » avec Washington comme un contrepoids à la domination franco-allemande en Europe, se jeta aux pieds des Etats-Unis. L'Espagne fit de même, tout comme l'Italie et les pays d'Europe de l'Est prêts à intégrer l'UE en mai 2004. Les gouvernements très à droite et très impopulaires de ces pays considèrent les Etats-Unis comme une puissance protectrice ­ capable aussi de les protéger de leur propre population.

La France et l'Allemagne s'opposèrent tout d'abord au projet de guerre car ils craignaient pour leurs propres intérêts au Moyen-Orient. Ce refus fut mitigé dès le début. C'est ainsi que le gouvernement allemand n'a jamais envisagé d'interdire l'utilisation de son espace aérien ni de fermer les bases militaires américaines en Allemagne. Sitôt Bagdad tombée, Paris et Berlin abandonnèrent leur opposition. Alors que des millions de personnes protestaient contre cette guerre illégale, Paris et Berlin cautionnèrent à l'ONU l'occupation de l'Iraq. Depuis, les divergences sur la guerre ont été réduites à des « divergences d'opinion entre amis » et ce en dépit du fait que de nouveaux éléments ne cessent d'être révélés quant à l'ampleur de l'énergie criminelle avec laquelle Washington et Londres se sont adonnés à la préparation de cette guerre ­ allant de mensonges les plus éhontés sur les armes de destruction massive irakiennes jusqu'à l'espionnage du secrétaire général de l'ONU. On envisage même, pendant ce temps, la possibilité d'envoyer des troupes en Iraq avec un mandat de l'ONU.

Il y a plusieurs raisons à cette capitulation lâche. D'une part, Berlin et Paris ont dû se rendre à l'évidence qu'ils n'étaient pas prêts à une confrontation avec Washington. Les Etats-Unis ont exercé de façon impitoyable leur influence sur le vieux continent dans le but de diviser l'Europe et d'isoler les opposants à la guerre.

D'autre part, ni Paris ni Berlin ne souhaitaient s'identifier de trop près au puissant mouvement contre la guerre qui s'était développé à travers l'Europe pour culminer les 15 et 16 février 2003 dans la plus importante manifestation mondiale de l'histoire. Même s'il a pu exister, lors de ces manifestations, des illusions quant à la politique des gouvernements allemand et français, ces manifestations renfermaient néanmoins la possibilité de devenir un mouvement de masse contre la politique antisociale des gouvernements européens. C'est sous l'effet de cette pression que Berlin et Paris décidèrent de régler leurs différends avec Washington.

Cette expérience montre clairement que l'on ne peut pas compter sur les gouvernements européens pour s'opposer à la guerre car ceux-ci poursuivent leurs propres objectifs impérialistes. La question de la guerre est indissolublement liée à la question sociale. Seul un mouvement qui s'attaque aux racines de la guerre ­ la société capitaliste ­ peut combattre victorieusement le danger de guerre.

L'actuel relâchement de la tension entre Washington, Paris et Berlin ne signifie d'ailleurs pas que les causes des conflits passés soient surmontées. La lutte pour obtenir des marchés, des investissements, des matières premières et de la main-d'uvre bon marché est de plus en plus féroce. Les conflits commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis augmentent. Ils doivent forcément mener à des confrontations nouvelles et plus virulentes.

3. L'Union européenne ­ un instrument des groupes économiques les plus puissants

Comme les Etats-Unis, l'Europe aussi a changé fondamentalement depuis l'effondrement de l'Union soviétique.

Après la seconde guerre mondiale, le processus d'unification européenne s'était basée sur deux conditions préalables: l'alliance transatlantique et la guerre froide. Les USA soutenaient les efforts pour unifier économiquement et politiquement l'Europe de l'Ouest afin de construire un rempart stable pendant la guerre froide. C'est par une reconstruction économique et en surmontant les rivalités intereuropéennes, qu'il fallait empêcher que ne se reproduise une éruption révolutionnaire comme celle d'après la première guerre mondiale. Bien que le processus d'unification fût principalement dominé par les intérêts des entreprises, pendant longtemps, il fut aussi lié à la mise en équilibre des contrastes sociaux et régionaux les plus aigus. Les fonds agricoles, régionaux et autres marmites d'argent de Bruxelles servirent à apaiser les disparités les plus flagrantes.

La fin de l'Union soviétique et le Pacte de Varsovie ont éliminé ces conditions. Depuis ce temps, les tensions avec les Etats-Unis et au sein de l'Europe se sont intensifiées. Le rôle des institutions européennes a énormément changé. La commission de Bruxelles est devenue synonyme de déréglementation, de libéralisme et de démantèlement des droits des travailleurs. Au lieu d'équilibrer les contrastes sociaux et régionaux, elles les intensifient. Le colosse bureaucratique de 40 000 employés - qui n'est sujet à aucun contrôle démocratique mais est assujetti aux chuchoteries de nombreux lobbyistes - agit de plus en plus comme instrument manifeste des grandes puissances européennes et des intérêts des entreprises les plus influentes.

Le projet pour une constitution européenne est censé codifier ces conditions. Il subordonne tous les aspects de la politique économique et sociale aux intérêts des entreprises. Il rattache les termes de « liberté, sécurité et justice » à l'obligation de protéger « un marché intérieur où la concurrence s'exerce librement et sans entrave », et stipule la circulation libre « des marchandises, des services et des capitaux » comme « liberté fondamentale ». L'Union européenne devra jouir « de l'autorité exclusive » sur la politique financière dans la zone euro et coordonner la politique économique, de l'emploi et sociale. Ceci est une charte en vue d'attaques étendues contre les prestations sociales, du financement de baisses d'impôts et d'autres stimulants économiques. Le projet de constitution souligne aussi le rôle de l'appareil d'état de l'armée et de la police pour «la protection du droit et de l'ordre et la sécurité intérieure ». Ce n'est qu'après que le projet énumère quelques modestes droits civils.

Jusque-là, ce projet n'a pas réussi à devenir réalité en raison des intérêts contradictoires des états membres. Ce sont surtout les gouvernements qui s'étaient rangés du côté des Etats-Unis pendant la guerre contre l'Iraq qui craignent d'être dominés par l'Allemagne et la France. En ce qui concerne les objectifs de politique économique et sociale de la constitution il y a accord. Malgré la controverse sur la constitution, le clivage social en Europe s'accentue. Il ne reste plus grand chose du modèle si loué de l'état providence européen.

L'accroissement de l'inégalité sociale

Plus de 20 millions d'hommes et de femmes sont actuellement au chômage dans l'UE. Ce chômage est pourtant réparti de façon inégale. Selon les chiffres publiés par l'Office statistiques de l'Union européenne, le taux de chômage varie de 3,7 pour cent au Luxembourg à 11,4 pour cent en Espagne. Parmi les pays prêts à intégrer l'Union européenne à part entière en mai, c'est la Pologne qui, avec 19,2 pour cent soit 3,3 millions de chômeurs, enregistre le taux le plus élevé. Les jeunes de moins de 25 ans sont les plus durement touchés. Officiellement, 15 pour cent des jeunes sont sans emploi dans l'UE, l'Espagne, avec 23 pour cent, prend la tête du peloton des anciens états-membres, en Pologne le taux de chômage des jeunes s'élève à 41 pour cent.

Le chômage croissant s'accompagne d'une pauvreté croissante. Selon le dernier rapport social de la commission européenne le revenu total se répartissait comme suit en 1998: 8 pour cent revenait au cinquième le plus pauvre de la population de l'UE, contre 36 pour cent au cinquième le plus riche. La même année, quelque 68 millions de personnes étaient touchées par la pauvreté, notamment les enfants et les personnes âgées, mais aussi les femmes jeunes. Ces chiffres ne tiennent pas encore compte des conséquences des « réformes » mises en oeuvre au cours de ces six dernières années. Durant cette période, on a assisté à des réductions de salaire et de prestations sociales draconiennes, et à la déréglementation du temps de travail. Il en fut de même pour les programmes d'investissement public, les mesures de recyclage, de formation continue, les créations d'emploi ou toute autre forme d'aides à l'emploi qui ont tous vu le couperet tomber.

La crise des caisses de retraite et de sécurité sociale n'est nullement due à l'évolution démographique mais bien à l'orientation politique appliquée par le gouvernement. L'accroissement des emplois précaires officiellement encouragés, emplois à temps partiel et peu payés et diverses formes de travail à son compte qui n'en sont pas réellement, ainsi que des salaires en baisse et un chômage à la hausse privent la sécurité sociale des cotisations indispensables à son financement paritaire. A ceci s'ajoute que les revenus élevés et les prélèvements sur la fortune et autres formes de richesse ne sont plus mis à contribution pour financer l'état providence tandis qu'un nombre croissant de main-d'uvre bon marché, de petits travailleurs à leur propre compte et de chômeurs ne peuvent pas y contribuer. Ainsi, les mesures gouvernementales ont mis en branle un cercle vicieux en créant les conditions qui leur donneront ensuite le prétexte pour attaquer davantage les retraites et le système de santé.

L'attaque contre les droits démocratiques

Parallèlement à l'attaque contre les acquis sociaux, les droits démocratiques sont également remis en cause. Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont également fourni aux gouvernements européens le prétexte pour une atteinte directe aux droits fondamentaux. Rien qu'en Allemagne, plus d'une centaine de lois furent amendées dans le cadre de deux législations anti-terroristes adoptées en toute urgence au parlement.

Alors que la raison invoquée officiellement est « la lutte contre le terrorisme », la plupart de ces amendements ciblent la population dans son ensemble ; ils peuvent également servir à réprimer toute contestation sociale et opinion politique dissidente. Les pouvoirs de l'état ­ renseignements généraux, police, police des frontières ­ sont élargis et les moyens financiers mis à leur disposition sont augmentés. Une grande partie de la population se trouve sous surveillance permanente du fait du fichage par biométrie et du fait que les banques de données sont moins protégées.

Le traitement inhumain des réfugiés et des immigrés est le fer de lance de l'attaque contre les droits démocratiques. Des centaines meurent tous les ans en essayant d'entrer en Europe. Placement en centre de rétention sans jugement préalable, internement en camp de concentration, séparation des familles et transgressions notoires des droits politiques et sociaux sont monnaie courante en Europe.

Les conséquences de l'élargissement communautaire

L'élargissement, le 1er mai 2004, de l'UE en passant de 15 à 25 états-membres exacerbera la crise sociale. Le fossé entre les pays les plus riches et les plus pauvres se creusera sans que des mesures compensatoires notables soient envisagées pour autant comme ce fut le cas par le passé. Les salaires extrêmement bas payés en Europe de l'Est serviront de levier pour dégrader le niveau social dans les pays plus riches.

Du fait de l'élargissement, le chiffre de la population de l'UE augmentera de près de 20 pour cent pour passer à 451 millions d'habitants. La superficie du marché intérieur s'agrandira de 23 pour cent. Le produit intérieur brut (PIB) par contre ne s'accroîtra que de 5 pour cent. L'ensemble du PIB des dix nouveaux pays adhérents correspond approximativement à celui de la Hollande alors que le chiffre de leur population est cinq fois supérieur. Le PIB par habitant n'atteint même pas la moitié de celui des anciens pays membres.

Alors que les brochures sur papier glacé publiées par Bruxelles annoncent une croissance économique et culturelle en Europe de l'Est, les chiffres disent tout à fait autre chose. Au cours des deux prochaines années, l'UE projette de subventionner les nouveaux pays membres à raison de 20 milliards d'euros par an. Face à la crise économique et sociale dans ces pays, une telle somme n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. C'est ce que révèle la comparaison avec le coût de la réunification allemande. Depuis 1991, plus de 50 milliards d'euros furent transférés chaque année par la caisse fédérale vers la moitié Est du pays dont la population de 17 millions d'habitants est bien inférieure à celle de 75 millions d'habitants des nouveaux pays de l'Europe de l'Est, adhérents à l'UE. Et malgré cette aide substantielle, le taux de chômage dans l'est de l'Allemagne est deux fois plus important qu'à l'ouest.

En même temps, l'élargissement de l'UE vers l'est portera un coup à l'économie des régions plus pauvres de l'Europe de l'Ouest qui, en conséquence, recevront autant de subventions en moins du fonds régional.

Avant l'élargissement de l'UE, la commission européenne avait déjà entrepris des mesures visant à intensifier les contradictions sociales dans les nouveaux pays adhérant à l'UE. Au moyen d'innombrables critères, de conditions et de modalités elle a fait en sorte qu'il règne dans les pays de l'ancien bloc de l'est, un climat « favorable à la libre concurrence de marché ». Concrètement cela signifie des coupes massives dans les dépenses sociales de l'état, la privatisation d'entreprises nationalisées et la fermeture de pans entiers de l'industrie et de l'agriculture considérés comme non rentables. Les conséquences sont désastreuses pour de larges couches de la population. Alors que dans certaines villes, profitant d'investissements étrangers et de subventions, des petits centres prospères ont pu voir le jour garantissant un revenu relativement substantiel à une petite minorité, le reste du pays sombre toujours plus dans la misère et le désespoir.

C'est tout particulièrement le cas pour la Pologne dont les 39 millions d'habitants dépassent la population de l'ensemble des neuf autres pays adhérents. Dès la fin des années 1980, une soi-disant « thérapie de choc » avait déjà précipité dans la faillite une grande partie de l'industrie lourde (sidérurgie et docks) ainsi que du secteur de la mine et de l'énergie. La production industrielle du pays diminua de près de la moitié entre 1988 et 1992. Dans le même temps, le gel des salaires concernant les employés des entreprises nationalisées conduisit à une perte réelle de salaire de 25 pour cent. La commission européenne entend à présent accélérer le processus de privatisation et exige la fermeture des autres entreprises non rentables.

A la campagne, la situation sociale est tout aussi explosive. Près de 20 pour cent des salariés polonais travaillent dans l'agriculture dont le niveau de productivité est faible. Selon des estimations de l'UE, seules cent mille fermes polonaises sur les deux millions existant présentement survivront l'adhésion à l'UE. Après l'adhésion à l'UE, les paysans polonais ne pourront espérer percevoir que quarante pour cent des aides agricoles versées aux paysans de l'ouest. Ces aides vont surtout à des paysans plus riches ou à des entreprises agricoles installées aux frontières, afin d'exploiter la terre polonaise par des méthodes industrielles. De plus, on s'attend à ce que, une fois les barrières commerciales levées, des importations d'aliments bon marché en provenance de l'ouest inonderont les marchés de l'est, ce qui signifie qu'il n'y a plus rien pour empêcher la liquidation en masse des intérêts des agriculteurs polonais.

L'ouverture vers l'est intéresse tout particulièrement l'économie allemande. Elle utilise déjà l'est comme un débouché pour ses produits et comme réservoir de main-d'uvre qualifiée mais bon marché. La part détenue par les exportations allemandes vers les nouveaux pays adhérents de l'Europe de l'est est presque égale à celle des Etats-Unis, à savoir près de dix pour cent. L'activité commerciale de l'Allemagne avec ces pays représente quelque 40 pour cent de l'ensemble du commerce communautaire. Les groupes allemands ont lourdement investi en Europe de l'Est. En Pologne, en République tchèque et en Hongrie pas moins de 350 000 personnes sont employées par des entreprises allemandes. Le groupe Siemens à lui seul dispose de plus de 95 filiales et succursales qui emploient 25 000 personnes. En 1991, Volkswagen rachetait le constructeur automobile tchèque Skoda.

Les coûts de main-d'uvre d'un ouvrier qualifié ne représentent dans les pays adhérents qu'à peine un huitième de ceux de son homologue allemand. Un réajustement des salaires vers le haut ne se produira pas de si tôt, et ce n'est pas uniquement en raison du taux de chômage élevé mais aussi à cause d'une règle communautaire selon laquelle la libre circulation des travailleurs d'Europe de l'est n'entrera en vigueur que sept ans après l'adhésion.

4. Les Etats Unis Socialistes d'Europe

Le PSG rejette catégoriquement l'Union européenne, ses institutions, son projet de constitution ainsi que le processus d'élargissement vers l'est sous l'égide de l'Union européenne. Notre rejet n'a cependant rien à voir avec la position de ceux qui veulent rendre les frontières étanches à l'est ou qui refusent l'adhésion de la Turquie au motif que son entrée coûterait « trop cher ».

Le règlement du problème des frontières européennes et l'utilisation commune des énormes ressources techniques et culturelles ainsi que les richesses matérielles du continent créeraient les conditions préalables pour surmonter rapidement les problèmes de pauvreté et de retard économique, permettant ainsi une amélioration du niveau de vie à travers l'Europe tout entière. Mais ceci reste impossible tant que le processus d'unification est déterminé par la recherche du profit industriel. Dans sa forme actuelle, l'unification garantit au capital une liberté totale de mouvement alors que la grande masse de la population européenne est divisée par des différences énormes de salaire et de niveaux de vie, que les immigrés sont soumis à la discrimination , et que les droits démocratiques sont supprimés.

Une unification progressiste de l'Europe n'est possible que sous la forme des Etats Unis Socialistes d'Europe. Elle présuppose l'unification politique de la classe ouvrière. Les travailleurs d'Europe de l'Est et de Turquie sont les alliés les plus importants dans la lutte contre les intérêts du capital qui déterminent le cours de l'Union européenne.

Le PSG rejette toute forme de nationalisme et de régionalisme. La revendication de souveraineté nationale ou d'autonomie régionale ­ que ce soit en Ecosse, en Catalogne ou Padoue - n'est pas une réponse au dictat de Bruxelles. De telles revendications ne feraient que remplacer une grande prison par de multiples petites cages. Elles divisent la population selon des critères nationaux, ethniques et religieux et facilitent ainsi son oppression. Elles entraîneraient inévitablement une balkanisation du continent entraînant toutes les horreurs auxquelles on a assisté après la division de la Yougoslavie ­ nationalisme meurtrier, expulsion de groupes ethniques et déclin économique. Le PSG rejette toutes mesures qui reviennent à ériger de nouvelles barrières et frontières, qu'elles soient de nature économique ou politique.

Pour la réorganisation socialiste de l'Europe nous proposons le programme suivant :

_ Pour l'égalité et la justice sociale

L'emploi, la retraite, l'assurance-maladie et l'éducation sont des droits sociaux fondamentaux. Ils doivent avoir la priorité sur les profits des entreprises. Le problème du chômage appelle un vaste programme de travaux publics afin de créer des millions de nouveaux emplois dans des secteurs essentiels tels que l'éducation, les soins aux malades, personnes âgées et handicapées, la culture et les grands projets d'infrastructure, notamment en Europe de l'Est. Tout citoyen doit avoir droit à une retraite garantie par l'Etat lui permettant de vivre ses vieux jours à l'abri de soucis financiers, à une assurance-maladie couvrant largement les soins de santé ainsi qu'à l'éducation gratuite jusqu'à l'examen universitaire final.

Selon l'argument habituel, les caisses publiques sont vides et il n'y a pas d'argent pour de tels projets. En fait, les moyens existent, ils sont néanmoins très inégalement distribués. Un vaste programme social présuppose que l'économie soit organisée de façon rationnelle dans l'intérêt de la société et non pas assujettie aux profits des grands groupes capitalistes. Les grands groupes et les institutions financières doivent être nationalisés et placés sous contrôle démocratique. Les petites et moyennes entreprises qui luttent pour leur survie doivent pouvoir bénéficier de taux de crédits très bas qui leur permettent de payer régulièrement leurs employés. Les revenus élevés, provenant de gains de dividende, de capital et de la fortune devront être soumis à une forte imposition pour contribuer au financement des dépenses sociales.

_ Pour la démocratie et les droits des immigrés

La défense des droits démocratiques et de l'égalité politique pour tous est une composante essentielle de la lutte pour une Europe socialiste. Les restrictions imposées aux droits démocratiques au nom de « la lutte antiterroriste » doivent être rejetées.

La lutte pour les droits démocratiques ne doit pas se limiter à repousser les attaques. Parler de démocratie authentique n'a pas de sens tant que la richesse sociale se concentre entre les mains d'un petit nombre, tandis que la grande majorité est exclue de toute décision dans son travail, que la presse et les média sont le monopole des grandes entreprises et que la culture et l'éducation demeurent le privilège d'une toute petite élite. Les coupes budgétaires en matière de culture et de formation artistique ont un effet terriblement dévastateur pour la société. Il y a un lien indéniable entre la glorification du militarisme, de la brutalité, de l'égoïsme et le rejet de l'héritage artistique et culturel du passé.

La classe ouvrière européenne ne sera capable de défendre ses propres droits démocratiques qu'à condition d'assumer la responsabilité des millions de réfugiés et d'immigrés qui vivent sur le continent. Derrière la traque des immigrés il y a la tentative de diviser la classe ouvrière d'un point de vue ethnique, religieux et racial et, de ce fait, de retenir et étouffer cette classe dans sa globalité. Réfugiés et immigrés représentent une part importante de la classe ouvrière et joueront un rôle important dans les luttes à venir.

_ Contre la guerre et le militarisme

Les salariés doivent apporter leur propre réponse indépendante au danger que représente l'impérialisme américain. Ils ne peuvent pas se permettre de se laisser berner par le ton conciliant des gouvernements européens à l'égard de Washington ces derniers temps. L'explosion de l'impérialisme américain menace de plonger l'humanité tout entière dans une catastrophe. Il s'agit de la menace la plus grave qui soit à la paix.

Nous sommes pour la dissolution immédiate de l'OTAN et la fermeture de toutes les bases américaines sur le sol européen.

Tandis que les gouvernements européens s'efforcent de faire la paix avec Washington, ils poursuivent en même temps sans relâche leurs propres projets impérialistes. A cette fin, ils construisent une force de frappe européenne et une industrie d'armement européenne indépendante. Nous rejetons ces développements et exigeons un retrait immédiat des troupes européennes de l'Iraq, des Balkans, d'Afghanistan et d'Afrique.

La lutte pour les Etats Unis Socialistes d'Europe et la résistance à l'impérialisme et à la guerre sont intimement liées et sont la responsabilité de la classe ouvrière. Une Europe socialiste serait un contrepoids fondamental à l'impérialisme américain. Une Europe socialiste soutiendrait la lutte des peuples opprimés du monde entier contre l'impérialisme et l'oppression et minerait ainsi l'influence d'idéologies rétrogrades telles que l'Islamisme politique. Ce serait tout particulièrement un pôle d'attraction pour la classe ouvrière américaine et un soutien à cette dernière dans ses efforts pour se défaire de la camisole de force qu'est le système politique bipartite aux USA et pour se développer comme force indépendante contre l'impérialisme américain.

5. La faillite des vieilles organisations ouvrières.

La social-démocratie et la bureaucratie syndicale réformiste ont réagi à la crise internationale du capitalisme en se plaçant complètement dans le camp de la bourgeoisie. Alors que dans la période d'après-guerre, la social-démocratie considérait que sa tâche était d'étouffer les larges élans anticapitalistes de la classe ouvrière, la réconciliant avec le marché au moyen de réformes, à présent, ces mêmes sociaux-démocrates ont décidé de défendre le capitalisme au détriment des anciennes réformes.

En 1998, onze gouvernements sur les quinze que comptait l'Union européenne étaient entre les mains des sociaux-démocrates. Leur accession au pouvoir était surtout le résultat de la déception causée par la politique de leurs prédécesseurs conservateurs. Cependant, la politique de ces gouvernements sociaux-démocrates ne se différenciait de celle de ses prédécesseurs qu'en ce sens qu'elle était souvent encore plus à droite. Le « New Labour » de Tony Blair adopta le programme de Margaret Thatcher. Et, avec son « Agenda 2010 », le SPD de Gerhard Schröder a entrepris l'attaque la plus complète de l'état providence qui ait jamais été faite depuis l'introduction au dix neuvième siècle par le chancelier Bismarck de formes de sécurité sociale.

Le SPD est soutenu dans cette voie par le Parti des Verts. La poussée à droite des Verts est encore plus spectaculaire que celle du SPD. Emergeant des restes du mouvement de contestation de 1968, ils revendiquaient au départ la protection de l'environnement, la démocratie de base, le pacifisme et, jusqu'à un certain point, la justice sociale. Ils rejetaient néanmoins toute identification avec les intérêts de la classe ouvrière. Aujourd'hui, ils représentent cette couche étroite de la classe moyenne qui a réussi à gravir l'échelle sociale. Ils réagissent avec une hostilité croissante aux revendications de progrès sociaux venant d'en bas. Pour eux, la contre réforme de l'état providence est encore trop lente à venir. Les pacifistes d'hier sont maintenant favorables à une armée de métier et à l'intervention des troupes allemandes partout dans le monde.

La politique des sociaux-démocrates et des Verts au gouvernement a ouvert la voie à un retour au pouvoir de la droite. En Italie, Silvio Berlusconi fut contraint de démissionner suite aux manifestations massives contre les réductions des droits à la retraite en 1994. Il est à présent de retour au pouvoir, après la désillusion générale causée par cinq années de gouvernement de centre gauche. En France, le gouvernement de Lionel Jospin joua le même rôle dans l'élection de Jacques Chirac.

Les forces d'extrême droite qui sont directement ou indirectement impliquées dans le gouvernement de nombreux pays européens, les néo fascistes et la Ligue du Nord en Italie, le Parti de la liberté de Haider en Autriche, le Parti populaire danois au Danemark, ne jouissent pas d'une base importante et ne sont venus au pouvoir que grâce au soutien de cliques fortunées parmi l'élite au pouvoir ayant accès aux média. Ainsi un homme comme Berlusconi, milliardaire et magnat des média entretenant des relations avec la pègre, est la règle et non l'exception. Ces éléments d'extrême droite ne se maintiennent au pouvoir que parce qu'ils ne sont pas menacés par la gauche.

Face à ces expériences, tous ceux qui soutiennent que les vieilles organisations ouvrières en déroute sont « un moindre mal » qu'on peut les forcer à défendre les intérêts des ouvriers, ou que de leurs rangs sortiront des couches progressistes sous la pression de la rue, ne rendent nullement service à la classe ouvrière. De nombreuses expériences, ces dernières années, ont montré que de telles idées sèment l'illusion et ne servent qu'à enchaîner la classe ouvrière à l'ordre bourgeois. La tâche ne consiste pas à rassembler les forces de la soi-disant « gauche » qui se trouvent dans ces organisations ou gravitent autour d'elles mais plutôt de donner à la classe ouvrière, qui a longtemps été privée du droit de représentation politique, un rôle indépendant, une voix politique. Ceci nécessite la construction d'un nouveau parti permettant à la classe ouvrière d'intervenir comme force indépendante dans les événements politiques.

6. Le PSG et l'extrême gauche

Cette orientation différencie fondamentalement le PSG de toutes les autres organisations de gauche. Bien qu'il y en ait beaucoup qui se disent socialistes, elles se bornent à faire pression sur les appareils bureaucratiques des syndicats et des partis réformistes. Le PSG considère qu'une rupture totale avec ces organisations est le pré requis de base pour le développement d'un vaste mouvement socialiste.

Les organisations d'extrême gauche tendent à glorifier les luttes syndicales sans entreprendre de critique des lignes d'action de leur direction. Elles encouragent l'illusion qu'il est possible de raviver les méthodes de type réformiste des années 60 et 70 et jubilent quand un politicien social-démocrate exprime un point de vue légèrement différent. De tels groupes représentent un obstacle sur le chemin conduisant à une nouvelle perspective socialiste, fait qui a été confirmé par une série d'expériences récentes.

Pendant cinq ans, Rifondazione Comunista (Refondation communiste, PRC) en Italie a cherché à combler le vide entre la combativité de la classe ouvrière et le gouvernement de centre gauche au pouvoir. Tandis que le PRC mobilisait en dehors du parlement et critiquait le gouvernement sans mâcher ses mots, il faisait tout pour que le gouvernement dispose de la majorité nécessaire pour imposer un programme d'austérité draconien et que l'Italie respecte les critères de Maastricht afin de rejoindre la monnaie unique européenne. Cela n'empêcha pas cependant de nombreuses organisations à rejoindre les rangs du PRC, en présentant l'organisation comme un modèle pour la gauche en Europe. Entre-temps, le PRC a clairement signifié qu'il rejoindra la coalition de centre gauche aux prochaines élections et qu'il serait prêt à entrer au gouvernement en cas de victoire.

En Allemagne, de nombreux partis de gauche ont adopté une attitude similaire envers le Parti du socialisme démocratique, PDS. Malgré le passé stalinien de ce parti qui gouvernait l'Allemagne de l'Est, ils le décrivent comme « un parti qui a élaboré une politique pour tous les opprimés, exploités et déshérités du capitalisme ». Depuis, le PDS a fait de son mieux pour dissiper cette vision: Il a imposé, avec le concours du SPD, à la mairie de Berlin tout un programme de coupes budgétaires draconiennes.

En Grande-Bretagne, un certain nombre d'organisations de gauche se sont unies pour créer un nouveau groupe appelé « Respect » sous l'égide du député travailliste de longue date, George Galloway. Galloway fut expulsé du Parti travailliste pour s'être opposé, sur la base de ses relations avec plusieurs régimes arabes, à la guerre contre l'Irak. C'est un opportuniste notoire qui rejette personnellement le terme « socialiste » pour décrire sa propre politique.

En France, deux organisations qui se prétendent, à tort, trotskystes - Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) - ont une position semblable. Suite à la désillusion généralisée avec les Partis socialiste et communiste, ils ont récemment recueilli un soutien électoral considérable. Ils ont récolté à eux deux dix pour cent des voix au premier tour des élections présidentielles de 2002 mais n'étaient pas prêts à prendre la responsabilité d'une perspective indépendante. Entre les deux tours, à un moment où des millions descendaient dans les rues pour manifester contre le néo fasciste Le Pen, la LCR appela à voter pour le gaulliste Chirac tandis que LO restait totalement passive. Les deux organisations rejetèrent l'appel à boycotter activement les élections, ce qui aurait retiré aux élections toute légitimité et aurait préparé la classe ouvrière aux luttes à venir.

Le PSG se base sur une longue tradition marxiste ayant pour but l'émancipation politique et culturelle de la classe ouvrière. Cette tradition comprend les premières années de la social-démocratie qui éduquèrent des générations entières à l'esprit de Marx et Engels, de Lénine, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, qui s'opposèrent à la dégénérescence de la social-démocratie et à sa capitulation à la bourgeoisie au début de la première guerre mondiale. Cette tradition comprend aussi l'opposition de gauche conduite par Léon Trotsky qui combattit les crimes de Staline et, en 1938, mit en place les bases pour un renouveau du mouvement international des travailleurs en fondant la Quatrième Internationale.

Tant que la social-démocratie et les partis communistes staliniens dominaient le mouvement ouvrier, il était possible d'isoler cette tradition marxiste. Mais la faillite politique de ces organisations ouvre une nouvelle ère historique dans laquelle la Quatrième Internationale trouvera une audience grandissante. Avec le World Socialist Web Site, elle possède l'instrument qui a établi un vaste lectorat de par le monde et qui est de plus en plus reconnu comme la voix authentique du marxisme.