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La politique de l'opportunisme : l'extrême gauche en France

Sixième partie ­ La démoralisation de Lutte Ouvrière

Par Peter Schwarz
26 mai 2004

La résolution par laquelle le 33e congrès de Lutte ouvrière a justifié, en décembre 2003, sa décision de présenter des listes communes avec la LCR aux élections en dit long sur l'état d'esprit de cette organisation. (1) Derrière la rhétorique révolutionnaire se cachent scepticisme, pessimisme et une bonne dose de fatalisme. LO explique sa campagne commune avec la LCR par le fait que les électeurs seraient démoralisés et qu'une candidature séparée de l'extrême gauche les démoraliserait plus encore. Les mots « démoralisé » et « déçu » reviennent plusieurs fois dans un petit texte ne comportant qu'une dizaine de paragraphes.

La résolution débute en disant qu'elle met en doute les résultats encourageants de sondages effectués à l'automne dernier qui estimaient que les listes de LO et de la LCR pouvaient obtenir un score semblable à celui de la présidentielle de 2002 ­ c'est-à-dire aux alentours de 10 pour cent. Il est « impossible de prévoir quelle sera la réponse de l'électorat à l'évolution de la situation lors des élections 2004 » peut-on lire dès le premier paragraphe ; mais un « raisonnement politique » amène LO à tenir pour plus vraisemblable un score de l'ordre de 3 pour cent.

« Ce n'est paradoxal qu'en apparence et c'est ce raisonnement qui nous a amenés à proposer un accord électoral à la Ligue au mois de juin dernier, » la résolution continue. « En effet, on ne peut se cacher que l'électorat populaire est démoralisé. C'est dû à la situation sociale, économique et, aussi, aux attaques ouvertes et aux discours cyniques du gouvernement Chirac-Raffarin. »

Dans ces conditions, poursuit la résolution, deux facteurs peuvent entrer en jeu : « d'abord un maintien, voire une montée des scores du Front national, lequel se retrouvera certainement au deuxième tour un peu partout aux régionales, avec peut-être 20 % des suffrages si ce n'est plus par endroits. » Beaucoup de travailleurs pauvres, ulcérés par la gauche comme par la droite voteraient pour le FN.

Le deuxième facteur éventuel est un renforcement du Parti socialiste. LO écrit : « Le gouvernement actuel est tellement honni dans les classes populaires que pas mal d'électeurs populaires peuvent se dire qu'au premier tour de l'élection présidentielle, ils ont eu tort de voter pour les listes PC, Verts ou extrême gauche qui ont dispersé les voix et fait chuter Jospin. Il y aura donc, peut-être, un fort courant d'électeurs qui préféreront voter pour le PS afin de donner au moins une gifle à la droite et ramener la gauche socialiste aux affaires. »

Il n'y a qu'un cas de figure que LO exclut totalement ­ celui d'un soutien accru pour ses propres listes électorales. Les deux phénomènes mentionnés ci dessus, explique-t- elle, « risquent de laminer l'extrême gauche ».

Faire une campagne séparément de la LCR « n'aurait sans doute pas diminué le nombre total de nos suffrages » explique la résolution, «mais si ce total était faible, nombreux seraient ceux de nos électeurs respectifs qui, ayant encore voté pour nous, pourraient se dire que c'est à cause de nos divisions que nous avons déçu et perdu une grande partie notre électorat. Ensemble, notre mauvais résultat serait une donnée objective et non le résultat de notre comportement. ». Il ne fallait pas oublier « qu'un mauvais résultat ­ surtout apparemment dû à notre division ­ ajoutera à la démoralisation de nos propres électeurs en leur laissant penser qu'il n'y aurait rien à attendre ni de la gauche gouvernementale ni de l'extrême gauche pour laquelle ils auraient malgré tout voté. »

Et s'il se trouvait encore des gens pour s'enthousiasmer, malgré ces sombres prédictions, de la campagne électorale de LO, la résolution leur donne pour finir cette douche froide : «Notre démarche n'est donc pas inspirée par l'espoir d'avoir des élus, notre démarche est, en sens inverse, de pouvoir aborder dans de meilleures conditions un score très négatif. »

La culture de l'opportunisme

Cette résolution contient deux choses remarquables. D'abord elle présente une vue déformée du réel état d'esprit de la classe ouvrière, ensuite il y manque toute espèce d'initiative politique de sa part. LO se montre convaincue que sa propre activité est sans effet, qu'elle ne peut rien faire et qu'elle ne peut qu'éviter une autre « démoralisation » en allant avec la LCR ­ sur le caractère opportuniste de laquelle elle ne se fait pas d'illusions.

L'affirmation selon laquelle la classe ouvrière serait démoralisée et tendrait dans sa majorité vers la droite est de toute évidence fausse. Les travailleurs français ont dans les années passées à maintes reprises prouvé qu'ils étaient prêts, malgré le rôle pernicieux des syndicats et de la gauche officielle, à résister aux attaques des gouvernements de gauche comme de droite ­ du mouvement de grève de novembre et décembre 1995 jusqu'au récent mouvement de grève du printemps de 2003. Les trois millions de voix obtenues par les candidats de l'extrême gauche à la présidentielle de 2002 ne peuvent guère être interprétés comme un signe de démoralisation. Même le résultat des élections régionales qui se sont tenues cette année, fut malgré l'attitude défaitiste de LO nettement plus favorable qu'elle ne l'avait prédit. Les listes communes de LO et de la LCR obtinrent plus d'un million de voix, ce qui constitue une moyenne nationale de 4,6 pour cent. Et cela malgré le fait qu'elles n'avaient, du fait de la règle récemment introduite des dix pour cent, que peu de chances d'être présentes au deuxième tour et d'avoir des élus.

La démoralisation que LO décrit en termes si éloquents, se trouve moins dans la classe ouvrière que dans les milieux syndicaux, staliniens et sociaux-démocrates qui voient tous leurs espoirs réduits à néant avec l'éruption d'une lutte ouverte entre les classes. Ce sont les milieux vers lesquels LO s'oriente. De ce point de vue, elle ne se distingue pas de la LCR, même si son opportunisme prend des formes légèrement différentes.

En public, LO fait toujours étalage du fait qu'elle est proche de la classe ouvrière. Elle pratique un véritable culte ouvrier. Les mots « travailleuses et travailleurs » par lesquels Arlette Laguiller commence invariablement chacun de ses discours est devenue une sorte de marque de fabrique de l'organisation. De nombreux membres ont arrêté leurs études et ont travaillé pendant des années dans les entreprises afin d'être proches des travailleurs.

Cette orientation vers les entreprises est marquée par une adaptation aux formes les plus primaires de conscience syndicale. Les bulletins d'entreprise, dont la distribution aux portes de l'entreprise constitue depuis cinquante ans le travail central du parti, ne contiennent que rarement une phrase politique. Ils consistent en informations sur l'entreprise concernée et en un éditorial d'Arlette Laguiller commun à tous les bulletins. Cet éditorial explique aux ouvriers, en général sur le ton de l'indignation, qu'ils sont exploités par les patrons et trompés par le gouvernement qui ­ ô scandale - est du côté des patrons. Les évènements internationaux ou les thèmes politiques qui dépassent l'horizon immédiat du « monde du travail » n'y trouvent que rarement accès.

L'hebdomadaire Lutte Ouvrière lui aussi, qui sert de nom à l'organisation, ne dépasse guère ce niveau. La plupart des articles sont écrits dans une langue banale et s'efforcent rarement de discuter un thème en profondeur. Les ouvriers qui veulent s'informer soigneusement et se faire un jugement politique, ne peuvent pas s'appuyer sur ce journal.

On cherche en vain une quelconque critique des syndicats dans les publications et les déclarations de LO. Durant le mouvement de grève de novembre et décembre 1995, David Walsh le rédacteur de la rubrique culturelle du World Socialist Web Site eut l'occasion d'observer de près l'activité des membres de LO dans plusieurs assemblées de grévistes. Le mouvement de grève fut finalement étouffé par la bureaucratie syndicale, mais les membres de LO se comportèrent toujours vis-à-vis d'elle en aides loyaux. L'un d'entre eux déclara à Walsh : « Les travailleurs ne vont pas au-delà des questions immédiates. Les syndicats les devancent, c'est eux qui ont la direction ».

A l'époque, Walsh résuma ses impressions sur LO et d'autres organisations de l'extrême gauche en ces mots : « Une caractéristique tout à fait remarquable de ce milieu est ce qu'on pourrait appeler la culture de l'opportunisme. Il était impossible de rencontrer un membre de Lutte Ouvrière ou de la LCR ou un de leurs sympathisants qui pût ne serait-ce qu'imaginer devoir soulever une question ou défendre un principe qui ne fut déjà dans l'air et plus ou moins accepté par la majorité des travailleurs.» (2)

Quelques années plus tard Arlette Laguiller confirma cela dans une interview. Lorsque nous lui avons demandé pendant l'élection présidentielle de 2002 pourquoi LO n'avait pas entrepris une offensive politique et n'avait pas soutenu la revendication d'un boycott du deuxième tour, elle répondit : « Et nous avançons toujours des solutions qui nous paraissent être à la hauteur du rapport de forces et de ce que la classe ouvrière est prête à faire dans un pays donné.» (3)

Cette formule revient à sanctifier les conditions existantes. Une organisation qui ne revendique jamais que ce que la majorité des ouvriers a déjà accepté n'est pas révolutionnaire mais conservatrice, au sens littéral du mot. LO ne croit pas qu'une perspective courageuse et qui montre la voie puisse trouver un écho dans la classe ouvrière, développer sa conscience politique et de cette manière changer la situation objective. Elle ne cesse jamais de justifier sa propre inaction et sa propre passivité en invoquant le prétendu manque de maturité des masses : « Le rapport de forces n'est pas favorable » « il n'y a pas de mobilisation de la classe ouvrière sous forme de luttes » « notre organisation est trop faible » - telle est sa réponse lorsqu'elle est appelée à prendre des initiatives.

Trotsky n'avait que du mépris pour ce genre d'explications, car elles servent à justifier par le « rapport des forces » l'inaction. Dans un article qui examinait des arguments de ce type, il écrivit : « car le développement des forces ne cesse de se modifier rapidement sous l'impact des changements dans la conscience du prolétariat, du fait que les couches avancées attirent les plus arriérées, que la classe prend confiance en ses propres forces. L'élément principal, vital, de ce processus, c'est le parti, de même que l'élément principal et vital du parti, c'est sa direction. Le rôle et la responsabilité de la direction dans une époque révolutionnaire sont d'une importance colossale. » (4)

LO rejette ce rôle et la responsabilité de la direction. Cette attitude se dégage de toute l'histoire de cette tendance et on la retrouve dans de nombreux documents.

C'est ainsi qu'une résolution sur les « fondements programmatiques de notre politique » qui fut votée au congrès du parti en décembre dernier s'élève résolument contre la revendication d'un « parti ouvrier de masse ». On justifie cela de la manière suivante : «Un parti oeuvrant pour la transformation révolutionnaire de la société ne pourrait être un parti de masse que dans un contexte de montée révolutionnaire lorsque la grande majorité de la classe ouvrière elle-même est convaincue de la nécessité de s'emparer du pouvoir politique. [] L'ensemble des travailleurs n'est pas révolutionnaire en temps normal. Les masses sont au contraire réformistes et ce n'est que dans des périodes critiques que la nécessité d'un changement radical de politique s'empare des masses. En dehors de ces périodes, on ne peut gagner aux idées révolutionnaires qu'une minorité du monde du travail. » (5)

A nouveau, LO met ici la charrue avant les boeufs et ignore totalement sa propre responsabilité. Le processus vivant de la révolution est remplacé par des spéculations abstraites sur l'absence de « montée révolutionnaire », LO justifie sa propre inaction par le fait que les masses sont « réformistes ». LO rejette la perspective d'un parti révolutionnaire de masse avec cet argument que la classe ouvrière n'est pas encore convaincue de la nécessité de prendre le pouvoir. Mais comment la classe ouvrière peut-elle jamais se convaincre de cette nécessité si LO ne prend pas fait et cause pour elle?

Naturellement LO se réclame « d'idées révolutionnaires ». Elle s'engage pour une société socialiste sans exploitation, sans oppression et sans guerre et tient encore, à l'encontre de la LCR, à la « dictature du prolétariat ». Mais il n'y a pas de rapport interne entre ce programme maximum et son activité quotidienne. Le socialisme est pour elle une perspective d'avenir lointaine, tandis que l'activité quotidienne a comme condition préalable que « les masses sont réformistes » et que seules sont permises des revendications « que la classe ouvrière est prête à faire» ­ c'est-à-dire qu'elle reste limitée à une perspective purement syndicale et réformiste.

Cette perspective s'avère de plus en plus être une impasse. Le déclin général des syndicats et des organisations réformistes en est la preuve vivante. Les contradictions du capitalisme mondial, dont l'expression la plus violente est l'explosion de l'impérialisme américain, ont pratiquement éliminé tout espace pour des réformes sociales. Les travailleurs, surtout dans le secteur privé, sont de moins en moins prêts à lutter pour des revendications économiques limitées, parce que les chances de succès sont minimes par rapport aux sacrifices et aux risques et qu'ils n'ont pas confiance dans les syndicats. Par contre, ils sont d'autant plus prêts à soutenir de grandes initiatives politiques ­ comme l'a montré la forte participation aux manifestations contre le Front national et contre la guerre en Iraq.

LO, dont la conception de la lutte des classes se réduit à des formes économiques extrêmement étriquées ne peut y voir que de la démoralisation. Elle fait porter la responsabilité de l'échec de la politique réformiste aux masses et non pas aux partis et aux syndicats qui paralysent et sabotent la lutte de ces masses. C'est ce qui nourrit son pessimisme. Quand elle parle de la démoralisation des électeurs, elle a en tête sa propre démoralisation. La rupture du consensus de classe a fait que le sol s'est dérobé sous ses propres conceptions opportunistes.

LO se rapproche du pouvoir étatique

Comme la LCR, LO réagit elle aussi à l'échec du réformisme social et à la rupture du compromis de classe en se rapprochant du pouvoir étatique. Ceci apparaît très clairement dans son attitude sur la question qui fut au centre du débat politique en France, ces derniers mois ­ la loi qui interdit aux filles musulmanes de porter le voile dans les écoles.

LO soutient expressément cette loi. Elle s'est déclarée favorable à une interdiction du port du voile dans plusieurs articles et commentaires et elle a même reproché au gouvernement de ne pas s'engager de façon suffisamment tranchée pour cette interdiction. Le 6 mars, journée de la manifestation pour les femmes, Arlette Laguiller participa avec Nicole Guedj (UMP), secrétaire d'Etat dans le gouvernement Raffarin et conseillère de Chirac pour les questions de Jeunesse dans la campagne électorale de 2002, à une manifestation contre le port du voile.

La loi interdisant le port ostensible de symboles religieux dans les établissements scolaires fut votée à une forte majorité à l'Assemblée nationale en février et entre en vigueur en septembre ; elle renforce les pouvoirs de répression de l'Etat, restreint la liberté religieuse et diminue la liberté pédagogique des enseignants dans leur approche aux différences culturelles.

Le gouvernement s'efforce de présenter la loi comme une mesure destinée à protéger le principe de la laïcité, c'est-à-dire la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Cet effort est tout à fait risible du fait qu'il tente en même temps de se servir des institutions religieuses comme d'instruments de renforcement du contrôle social. Ainsi l'ex-ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, lui même catholique pratiquant, créa l'année dernière le Conseil Français du Culte Musulman afin d'intégrer davantage l'Islam à l'Etat. L'Eglise catholique, qui joue un rôle prépondérant dans l'éducation non publique, jouit elle aussi du soutien sans faille du gouvernement.

C'est lorsque l'on examine les questions sociales qui se cachent derrière la polémique sur le port du voile que le caractère réactionnaire de la loi est le plus net. Etant donné les conditions déplorables qui règnent dans les banlieues des grandes villes où vivent beaucoup d'immigrés et du fait que ceux ci ont été complètement abandonnés par les organisations ouvrières officielles, une partie des jeunes s'est tournée vers l'Islam dans lequel ils voient une alternative en apparence radicale à la société existante. Certains groupes parmi ces jeunes ont essayé d'obliger des jeunes filles à observer des comportements et un code vestimentaire islamique réactionnaires. Si celles-ci refusaient de porter le foulard islamique elles devaient s'attendre à être intimidées et subir des violences ­ des faits auxquels on fit une grande publicité dans le cadre du débat sur le port du voile.

De tels préjugés religieux rétrogrades ne peuvent pas être vaincus par des mesure étatiques coercitives et surtout pas si elle viennent d'un gouvernement qui porte la principale responsabilité des conditions sociales lamentables existant dans les banlieues. Parmi des jeunes qui sont confrontés presque tous les jours à la police et à l'oppression étatique, une loi discriminatoire produit plutôt l'effet contraire. En fin de compte, il n'est possible de vaincre l'arriération et les préjugés religieux que dans le cadre d'une offensive socialiste de la classe ouvrière.

Pour le gouvernement il ne s'agit pas du tout de vaincre des préjugés religieux. La loi sert à détourner l'attention de sa politique sociale réactionnaire ainsi qu'à diriger l'opposition à sa politique contre la population musulmane. Ses efforts ont eu un certain succès. A l'Assemblée nationale, presque tous les députés socialistes et de nombreux députés communistes ont voté pour la loi ; le « Front républicain » qui avait permis à Chirac de remporter une victoire électorale écrasante a refait surface. A l'extérieur du parlement, de nombreux groupements libéraux et féministes ont soutenu le projet de loi du gouvernement en arguant qu'il protégeait les droits des femmes. Parmi ces groupes LO se trouvait au premier rang.

En septembre 2003, l'organe du parti expliquait : « Ce qui est en question, ce n'est pas le 'droit' pour certaines de porter le voile, mais le droit pour des milliers de jeunes filles et de jeunes femmes de s'appuyer sur l'interdiction du voile pour riposter aux contraintes réactionnaires que voudrait leur imposer leur milieu. » (6)

Le mois suivant, LO s'inquiéta de ce qu'une circulaire interdisant les « signes religieux ostentatoires » n'allait pas assez loin : « Mais qu'est-ce qu'un voile 'discret'? Même un 'petit voile' dégageant la chevelure et les oreilles est une étiquette, une marque d'infériorité des femmes ». LO insista pour dire qu'une interdiction était nécessaire : « Alors oui, il faut interdire le port du voile à l'école. ». Une telle interdiction, demanda-t-elle, devait aussi garantir que « le port du voile, même 'petit', même 'discret' dans l'enceinte de tous les établissements scolaires » soit interdit et que les enseignants soient tenus d'imposer cette interdiction. « Tous les enseignants devraient alors le faire respecter et ce règlement devrait d'ailleurs alors prévoir cette obligation d'application ». (7)

On ne peut pas s'aligner plus clairement sur le gouvernement Chirac et sa loi répressive!

LO réagit à la résistance de la population irakienne contre l'occupation anglo-américaine de la même façon qu'elle avait réagi au débat sur le port du voile. Tandis que la montée de la résistance plongeait les gouvernements de Washington et de Londres dans une crise sévère, LO dénonça une des figures symboliques de cette résistance, l'imam chiite Moqtada al Sadr comme le « pire ennemi » des masses irakiennes. La politique de l'impérialisme est selon LO « en train de pousser les masses dans les bras d'un imam réactionnaire comme al-Sadr, c'est-à-dire de leur pire ennemi. ». (8)

Toutes ses prises de position sur ce sujet sont dans la même veine. L'occupation et la résistance à l'occupation sont condamnées à part égale. Le principal reproche contre les forces d'occupation est toujours qu'elles renforcent et promeuvent l'intégrisme islamique. Un article dit ainsi : « Que l'occupation occidentale continue ou qu'elle cesse, les masses irakiennes risquent de se trouver prises entre deux feux ­ entre les bandes armées de l'impérialisme et celles de ses avatars intégristes. » (9)

Cette réaction à la résistance irakienne en dit plus long sur la véritable orientation politique de LO que tous ses aveux peu sincères en faveur du socialisme. La population irakienne a réagi à la guerre impérialiste criminelle par une résistance héroïque aux forces d'occupation. Elle se sert des moyens idéologiques et politiques dont elle dispose. Etant donné le fait que l'Irak fut dominé pendant des décennies par le pouvoir despotique du régime nationaliste du Parti Baath et le rôle traître joué par le Parti communiste irakien en le soutenant, il n'est pas surprenant que ce soit l'aile la plus radicale du clergé chiite qui joue le rôle prépondérant.

La réaction de LO à cette situation n'est pas celle de révolutionnaires mais celle de libéraux effarouchés. Les révolutionnaires, eux, soutiennent la résistance irakienne, ils exigent le retrait immédiat et inconditionnel des troupes impérialistes d'occupation, ils mobilisent la classe ouvrière internationale y compris la classe ouvrière américaine dans ce but et ils sapent de cette manière l'influence des islamistes, dont l'attitude est nécessairement inconséquente et indécise. LO réagit en revanche à la montée de la résistance armée en dénonçant sa figure de proue et explique qu'il est indifférent pour les masses irakiennes que « l'occupation occidentale continue ou qu'elle cesse». LO ne va pas encore jusqu'à exiger le remplacement des troupes d'occupation par des troupes de l'ONU, mais peu s'en faut.

La même attitude de libéraux effarouchés a caractérisé leur conduite dans le conflit sur le port du voile. Lorsque éclatent les contradictions sociales dans les banlieues ­ qui, dû au rôle pernicieux qu'y ont joué le Parti socialiste et plus encore le Parti communiste, prend des formes contradictoires et partiellement réactionnaires ­ elle réagit en appelant à un Etat fort. Le Front uni de Laguiller avec la politicienne UMP Guedj a, de ce point de vue, un caractère symbolique. Ici aussi, une offensive politique courageuse saperait l'influence de l'islamisme qui n'a, lui, pas de réponse à apporter aux grands problèmes sociaux.

Ce virage à droite de LO n'est pas un hasard. Comme dans le cas de la LCR, sa physionomie sociale et politique s'est constituée sur une période de plusieurs décennies. Nous traiterons de cette question dans la dernière partie de cette série qui sera aussi notre conclusion.