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Le groupe Alternative électorale travail et justice sociale : une manoeuvre bureaucratiquePar Ute Reissner Utilisez cette version pour imprimer L'Alternative électorale travail et justice sociale qui tiendra son congrès national le 20 juin 2004 à Berlin est un stratagème hypocrite à l'aide duquel des membres de longue date de l'appareil social-démocrate et quelques-uns de leurs conseillers de gauche veulent neutraliser l'opposition croissante à l'encontre du SPD (Parti social-démocrate allemand) dans la population allemande. Le principal souci de la nouvelle formation est d'empêcher qu'un bilan politique et programmatique de la sociale-démocratie ne soit tiré. Après que le SPD ait fait sombrer la barque du social-réformisme, l'alternative électorale appelle à remettre l'épave à flot, monter à bord pour refaire la même expérience toute voile dehors. Elle croit de toute évidence pouvoir ignorer impunément plus de cent ans d'expérience faites avec la sociale-démocratie. D'où vient l'initiative? Ceux qui en ont pris l'initiative ont presque tous derrière eux de longues carrières dans la sociale-démocratie ou dans sa périphérie à savoir les syndicats. Ils sont issus de deux groupes, qui se sont fait connaître au public à peu près en même temps en mars 2004, indépendamment l'un de l'autre. Tous deux ont réagi aux lourdes pertes, tant en adhérents qu'en crédibilité, subies par le SPD actuellement au pouvoir. Ces deux groupes aimeraient annoncer leur fusion au congrès du 20 juin. L'un de ces deux groupes, l'Alternative électorale 2006, est issu de l'aile gauche de la sociale- démocratie ouest-allemande, proche d'Oskar Lafontaine dans les années 1990. Lorsqu'après leur accession au pouvoir en 1998, le SPD et les Verts adoptèrent un cours fermement droitier de démolition sociale, certains de ces sociaux-démocrates rejoignirent le PDS (Parti du Socialisme démocrate). Celui-ci, ayant perdu son groupe parlementaire lors de l'élection législative de 2002 ainsi que ce qui lui restait de crédibilité de par son rôle joué au conseil municipal de Berlin, aimerait bien quitter ce navire en perdition ou du moins n'y rester que d'un pied. Un des dirigeants de ce groupe est Ralf Krämer qui a engagé au début de l'année la discussion sur l'Alternative électorale 2006 au moyen d'un document qui circula dans les syndicats. Krämer, né en 1960, est responsable de la politique économique du syndicat Ver.di (secteur des prestations de services) en tant que secrétaire auprès de sa direction centrale. Originaire de Dortmund, il a été dirigeant de l'organisation des jeunes du SPD (« Jusos ») du Land de Rhénanie-Westphalie et plus tard membre de la direction du SPD de ce Land. Il quitta le SPD en 1999 et rejoignit le PDS en 2001. Il est membre de la direction de la Fondation Rosa Luxembourg (proche du PDS) en Rhénanie-Westphalie. Une autre personalité dirigeante de l'Alternative électorale, Uwe Hiksch, a un parcours similaire. Né en 1964, il est devenu membre du SPD en 1982, il occupa de nombreux postes chez les « Jusos » et au SPD et fut membre de la direction bavaroise de ce parti. En 1994, il entra au parlement fédéral ; en 1998 il obtint un mandat parlementaire direct dans sa circonscription de Coburg. En 1999, il quitta le SPD et rejoignit le PDS en Bavière. Au parlement, il agit comme porte-parole de la fraction parlementaire du PDS. A l'automne 2002, après la perte de son mandat de député, il prit les fonctions d'administrateur national du PDS mais fut démis de ses fonctions à l'été 2003. Une autre figure dirigeante de ce groupe est Joachim Bischoff, né en 1944. Il est co-éditeur du magazine Sozialismus proche des syndicats et publié à Hambourg. Lui aussi entra au PDS dans les années 1990 ; il fit pendant plusieurs années partie de sa direction et il est membre de sa commission programmatique. Parmi les autres initiateurs de l'Alternative électorale 2006 il y a Frieder Wolf, un ex-député européen des Verts, Axel Troost du groupe Politique économique d'alternative, de Brême, de tendance keynésienne, et Sabine Lösing d'Attac. Le deuxième groupe, Initiative travail et justice sociale (sigle allemand ASG - ndlr), est également issu des rangs du SPD. Son porte-parole, Thomas Händel, est membre du comité directeur d'IG Metall pour la région de Fürth et membre du SPD depuis 32 ans. Font aussi partie de ce groupe, Anny Heike, également membre du comité directeur d'IG Metall pour la même région, Peter Vetter, membre du comité directeur d'IG Metall pour la région de Kempten (43 ans au SPD), Klaus Ernst, membre du comité directeur d'IG Metall pour la région de Schweinfurt (30 ans au SPD) et Gerd Lobodda, membre du comité directeur d'IG Metall pour la région de Nuremberg (membre du SPD depuis 38 ans). Lobodda a été vice-président du conseil d'administration du groupe d'électronique Grundig et il témoigne d'une longue carrière dans les hautes sphères des comités d'entreprises et des syndicats. Appartiennent aussi à l'ASG, Günther Schachner, membre du comité directeur d'IG Metall d'IG Metall pour la région de Weilheim (33 ans au SPD) et le professeur Herbert Schui de la Faculté d'économie et de politique de Hambourg (40 ans au SPD). Les membres de l'ASG font actuellement l'objet de procédures disciplinaires de la part du SPD. Point de départ et objectifs Ce qui servit d'impulsion à la formation des deux groupes de l'Alternative électorale pour le travail et la justice sociale fut l'inquiétude éprouvée face à l'aliénation de couches de plus en plus importantes de la population vis-à-vis de la politique officielle. « La participation aux élections, les résultats électoraux et le mouvement des adhérents des partis politiques montrent que beaucoup de citoyens se sentent trompés par la politique de l'Agenda 2010, qu'ils ne voient pas d'alternative et sont résolus à pratiquer l'abstinence politique », peut-on lire dans le premier manifeste de l'Alternative électorale 2006 du 15 mars 2004. « C'est aussi - mais pas seulement - un problème croissant pour les membres qui sont actifs dans les syndicats. » Le professeur de sociologie Arno Klönne qui soutient le projet, fit cette mise en garde: « Le fait que de plus en plus de gens se détournent de toute participation à une activité politique officielle ne constitue pas une aide pour la gauche. » (sopos 4/2004) Dans le premier manifeste « Travail et justice sociale » de Bavière on pouvait lire : « Les nombreux départs du SPD et le nombre important de ceux qui font partie de la mouvance sociale-démocrate et qui n'ont pas voté dans les dernières élections montrent que nombre de citoyens tournent le dos à la politique, se sentent déçus par le SPD sans pour autant avoir l'impression d'être représentés par un autre parti. Nous y voyons un danger pour la stabilité de notre démocratie. » Les déclarations du groupe ASG montrent clairement combien le SPD est allé à droite dans les dernières années. « Le SPD a prit congé de ses principes » lit-on dans son manifeste. « A l'encontre de ses promesses électorales de 1998 et de 2002, qu'il a présenté comme une alternative à la politique néo-libérale du gouvernement précédent, il est devenu le principal agent de la démolition sociale et de la redistribution de la richesse du bas vers le haut ». Cette déclaration était précédée d'une longue liste d'infâmies commises par le SPD dans le cadre de sa politique du Travail, des Retraites, de la Santé et de l'Education. La réaction de ces syndicalistes à la trahison de leur programme réformiste d'antan par le SPD est typique : c'est le réflexe des apparatchiks dont la pire crainte est de ne plus avoir de contrôle sur ce que pensent leurs subordonnés. Ils essaient désespérement de perpétuer l'intégration ideologique des travailleurs dans les structures sociales existantes même si les bases sur lesquelles cette intégration se faisait ont disparu. « Ne pas voter et se replier sur l'immigration intérieure n'est pas une solution" lit-on un peu plus loin (caractères gras dans l'original). « C'est précisement à cause du changement d'orientation du SPD qu'il n'existe pas de groupement politique organisé adéquat qui représentât un contre-pôle à la restructuration néo-libérale de notre société que nous voulons nous engager politiquement et uvrer à la défense de cet Etat social. Nous prenons fait et cause pour une alliance avec toutes forces et personnes politiques qui s'engagent pour le maintien et le développement de l'Etat social et pour une communauté financée de façon socialement juste. A partir de cette alliance pourrait se créer une alternative sociale pour laquelle on pourrait voter à la prochaine élection législative fédérale. Nous comptons fortement sur la possibilité d'une telle évolution. » L'ASG est très claire sur le fait qu'elle ne veut pas faire de tort au SPD. Cela fait des mois qu'elle remet à plus tard la fondation d'un parti : elle a d'abord attendu le congrès annuel du SPD, ensuite les élections européennes, puis il a été question d'attendre les élections parlementaires régionales en Rhénanie-Westphalie l'année prochaine ; depuis, elle a annoncé qu'il ne fallait pas penser à fonder un parti avant 2005 et qu'une participation à l'élection législative de 2006 dépendrait des perspectives de succès. Un manifeste intitulé « Pour une alternative politique électorale 2006 » est également très net sur le fait qu'un projet de pacte électoral d'alternative ne devait pas attaquer le SPD, mais seulement faire pression sur lui. « Cela a déjà un sens en soi pour faire obstacle à une nouvelle évolution droitière du SPD » nous dit-on. Et ailleurs on peut lire : « Plus les résultats du SPD aux élections seront catastrophiques (et peut-être aussi ceux des Verts), plus il y aura de chances d'y repousser un tant soit peu, au sein du parti, les forces qui ces derniers temps ont influencé la politique en faveur du capital et d'affirmer à nouveau avec plus de force des positions sociales face à la CDU-CSU et du FDP. La pression provenant d'une opposition sociale représentée au parlement encouragera ces efforts. » Nulle part les initiateurs de ce groupement ne considèrent leur propre histoire politique. Ce fait à lui seul devrait rendre méfiant un observateur non-averti. Comment prendre au sérieux des gens qui veulent, à un âge décidément mûr, créer de toute pièce une organisation sans rendre aucun compte de leur activité politique précédente, longue de plusieurs décennies? Comment Joachim Bischoff et Ralf Krämer expliquent-t-ils leur engagement pour le PDS et l'évolution droitière de ce parti ? Quelles leçons Thomas Händel tire-t-il de l'évolution du SPD ? De telles questions ne sont pas posées. L'Alternative électorale s'efforce au contraire de détourner l'attention de toute discussion sur l'échec du réformisme social. On donne donc une image non seulement inexacte mais encore délibérément fausse de la réalité afin de justifier un retour à la politique réformiste du début des années 1970, un programme qui n'a aucun avenir. Le document intitulé « A propos de quelques questions et objections » qui fut posté le 22 avril dernier sur un site internet commun à l'ASG et à Alternative électorale 2006 est un bref condensé de cette orientation. Le document résume sous forme (heureusement) abrégée les positions de fond qui sont élaborées par ailleurs dans de nombreux interviews, articles et manifestes. Les citations suivantes sont toutes tirées de ce document. « La question décisive n'est pas de savoir si une force politique veut éliminer le capitalisme, mais quelle politique et quels intérêts elle défend ici et maintenant » peut-on y lire. Dans son premier manifeste l'Alternative électorale avait déjà écrit de façon semblable : « la question n'est pas aujourd'hui 'réforme ou révolution', mais réformisme social ou une nouvelle avancée de la réaction néo-liberale ». Cette représentation des choses constitue une déformation effarante de la réalité. Qui réfléchit un tant soit peu le reconnaîtra. Pourquoi la sociale-démocratie a-t-elle arrêté « ici et maintenant » de représenter les intérêts de la population laborieuse ? Parce que sa défense de principe du capitalisme n'est plus conciliable avec des réformes sociales. La question de savoir « quelle politique et quels intérêts » un parti défend « ici et maintenant », dépend de façon très immédiate de ce qu'il a ou non pour objectif l'abolition du capitalisme. La question de « réforme ou révolution » est par conséquent la question programmatique décisive, à laquelle tout ceux qui cherchent sérieusement une réponse à l'échec du SPD doivent se confronter. Cela est violemment contesté par tous ceux qui participent à l'alternative électorale, en particulier par le groupe de Brême Politique économique d'alternative autour d'Axel Troost, dont se réclament les deux groupes. Celui-ci prône le retour à la politique de réforme des années 1970. Il affirme que la globalisation de la production sous les auspices du capitalisme ne doit pas forcément conduire à une politique économique et sociale néo-liberale. Il s'agirait plutôt selon lui de savoir comment le surplus réalisé par une économie nationale peut être distribué entre ses membres. Le problème ne serait pas à chercher dans la production mais dans la distribution et la solution se trouverait par conséquent dans un retour à la politique keynésienne des années de l'immédiat après-guerre. Cette séparation de la sphère de la production et de celle de la distribution n'est pas défendable si on y regarde d'un peu plus près. On ne peut traiter cette question de façon exhaustive dans le cadre de cet article mais il faut toutefois noter que la globalisation sape effectivement les insitutions politiques nationales. Les entreprises transnationales dont les budgets dépassent souvent de loin ceux de petits Etats, peuvent effectivement dicter leurs conditions aux gouvernements bourgeois nationaux. Cette expérience douloureuse que des millions de travailleurs font tous les jours à leur dépens n'est apparemment pas encore parvenue à la conscience des professeurs de la gauche. La restructuration sociale néo-liberale dont l'Alternative électorale se plaint en termes si éloquents n'est pas due à la mauvaise volonté de la direction du SPD, mais réside dans l'évolution objective de l'économie capitaliste, à laquelle correspond le virage à 180 degrés effectué par l'ancien parti réformiste. Cette restructuration ne peut être combattue que si la classe ouvrière (ceux que Krämer, Bischoff et Cie appellent « les nombreuses personnes affectées par la reconstruction néo-liberale de la société ») rompent avec le social-réformisme du SPD, que si elle se libère de l'énorme boulet historique que ce parti représente et retrouve la voie d'une politique marxiste qui se donne pour tâche l'élimination du capitalisme à l'échelle internationale. Si on fait le bilan du social-réformisme au vingtième siècle, il est clair que le capitalisme s'est avéré impossible à dompter. La sociale-démocratie a assuré la continuation de cet ordre social à chaque tournant décisif, ouvrant la voie aux forces les plus réactionnaires tout en renonçant aux réformes sociales. Ces leçons, qui ne peuvent être que brièvement évoquées ici, ont été tirées au prix de la terrible expérience de deux guerres mondiales. Elles doivent être fermement assimilées par de larges couches de la population travailleuse, afin qu'elle rompent non seulement de manière organisationnelle mais aussi politique avec la sociale-démocratie. C'est là le fondement de toute résistance sérieuse comme du réveil d'un véritable mouvement révolutionnaire. Exprimer cela ouvertement remplit l'Alternative électorale d'épouvante. Elle ne veut même plus entendre parler d'une politique « de gauche ». « Il ne s'agit ni d'un nouveau parti de gauche entre le SPD et le PDS ni d'un parti à gauche du PDS, mais de quelque chose de nouveau, d'autre et de plus large Il ne doit plus s'agir d'imposer des résolutions de préférence radicales et générales à d'autres, mais de formuler à la suite de discussions des positions qui soient si possible d'une large efficacité et acceptables par un grand nombre de gens. Nous n'avons pas à ériger de principes particuliers sur lesquels nous voulons modeler le mouvement ». Cette dernière formule qui, comme le reconnaîtront les initiés, est une référence au Manifeste Communiste rend particulièrement nette la différence entre une politique marxiste et l'entreprise de l'Alternative électorale. Dans le chapitre intitulé « Prolétaires et communistes » du Manifeste communiste de 1848 Marx écrivait: « Ils [les communistes] n'établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement prolétarien Les thèses des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l'expression générale des conditions réelles d'une lutte de classe existante, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux. » (Classiques du marxisme - Editions sociales, p 47-48) Cette compréhension est tout à fait opposée à l'idée de départ de l'Alternative électorale qui présuppose qu'on se bouche totalement les yeux devant l'évolution historique réelle. On déclare que la globalisation, c'est-à-dire le développement qui a le plus révolutionné les forces productives depuis le début du vingtième siecle, n'a pas d'importance et on voit la façon dont y a réagi la sociale-démocratie comme une erreur purement subjective de sa direction qui peut être rattrappée en exerçant sur elle une pression sociale. L'expérience de ces dernières années montre bien que cette appréciation est fausse. Tous les partis sociaux-démocrates d'Europe ont réagi à la pression venue d'en bas non pas en allant à gauche mais par un tournant systématique et d'autant plus marqué à droite. L'Alternative électorale ne pose pas la question des causes objectives de cette évolution et des pertes en adhérents et en voix qui s'en sont suivies pour le SPD. Ce n'est pas là un hasard, car ce n'est qu'ainsi qu'elle peut tenter de maintenir au niveau politique le plus bas possible l'opposition de ceux qui se détournent du SPD. Elle oppose à une discussion ouverte une « pratique politique commune » qui doit d'abors contribuer à « faire bouger les rapports de force sociaux en faveur de ceux qui sont dépendants du travail et des défavorisés sociaux .» Dans le document cité plus haut on dit : « Il s'agit de réfréner l'évolution dominante réactionnaire et agressive du capitalisme et d'imposer une nouvelle politique et une nouvelle direction de développement. La condition préalable en est une modification des rapports de force sociaux qui permette aussi la réalisation de nouveaux compormis sociaux. L'histoire a montré que ceci est possible dans le cadre des rapports capitalistes, mais que cela est également toujours limité et menacé. Une critique fondamentale du capitalisme et une discussion des possibilités de son élimination ont leur place dans le cadre d'une alternative sociale, mais ne doivent pas empêcher la pratique politique commune. » On devrait, nous dit-on encore, traiter de l'aliénation de sections très diverses de la population vis-à-vis des partis officiels « sans effrayer les gens avec du radicalisme verbal ou des contributions incongrues sur la réformabilité ou non du capitalisme. » Et on brode à l'infini sur ce même thème. L'Alternative électorale peut tout supporter sauf du « radicalisme verbal » ou du « sectarisme de gauche », par quoi elle entend la défense d'une politique marxiste. La concession d'une possible discussion en cercle restreint sur la possibilité de vaincre le capitalisme est une invitation codée à tous ceux qui défendent la sociale-démocratie sur sa gauche à participer au nouveau projet. Et ceux-ci ne se font pas prier, comme le montrera en guise d'illustration le World Socialist Web Site dans un article sur le groupe Linksruck. L'argumentation de l'alternative électorale est la suivante: d'abord il faut repousser l'influence de la politique néo-libérale en mobilisant les gens sur la base de leurs intérêts immédiats. Afin de n'effrayer personne dans le processus, il faut remettre à plus tard la discussion sur l'abolition du capitalisme qui, de toute façon, n'est pas possible pour le moment et n'a pratiquement aucune importance. Ensuite, on modifie le rapport de force social en faveur de l'« alternative sociale » et aux dépens du néo-libéralisme par la mobilisation d'un grand nombre de gens de facon à créer un espace supplémentaire qui rende possible une politique du rééquilibrage et du compromis social. Cette logique est fondée sur des hypothèses fausses et illusoires. Une politique qui s'appuye sur une telle logique obtiendra le contraire de ses objectifs déclarés et ce pour la raison suivante : la cause du « rapport de force social défavorable » et la « prédominance du néo-libéralisme » (si l'on veut utiliser ce genre de vocabulaire), n'est pas une mobilisation insuffisante de la population laborieuse et certainement pas un manque de conscience de ses intérêts sociaux. Au contraire, et précisément ces dernieres années, les manifestations de masse contre la guerre en Irak et contre la démolition sociale dans le monde entier ont montré qu'il existait un fort engagement et une forte disposition à se battre. Ce qui empêche jusqu'à présent l'opposition sociale de se développer et de changer réellement le « rapport de force », c'est le manque de clarté sur le caractère de la crise mondiale du capitalisme et sur ses conséquences. Ce qui manque à la classe ouvrière c'est la conscience qu'il n'y a pas d'accord possible entre ses intérêts et le maintien de l'ordre social capitaliste. La logique de l'Alternative électorale c'est précisement de faire obstacle à cette prise de conscience au nom de l' « activité commune » et en cela de défendre encore une fois le SPD, si besoin est, de l'extérieur. Elle empêche que ce mouvement, qui se dessine dans de vastes couches de la société, n'aille à gauche, c'est-à-dire ne prenne la forme d'un développement et d'un essor politique. La logique de ces efforts conduit finalement à ce que les fameuses « activités communes » s'enlisent dans la boue d'un étang de récupération pour y mourir. Si l'on réfléchit à ces choses on ne s'étonne plus du fait que l'Alternative électorale ne s'adresse pas à la population laborieuse ordinaire mais se comprenne comme « un cadre mettant en rapport des personnes qui sont avant tout actives dans les syndicats et d'autres groupements d'intérêts, mouvements, organisations, initiatives et projets sociaux, politiques, scientifiques et culturels. » C'est là une formation pour les médiateurs du compromis social pour qui le fait que la sociale-démocratie soit séparée de son ancienne base menace de les priver non seulement de leur rôle politique mais en partie aussi de leurs postes et de leurs sources de revenu. A y regarder de plus près, la soit disante mobilisation « pour un changement des conditions sociales qui rendent aussi possible de nouveaux compromis sociaux » pourrait bien s'avérer être la nostalgie de fonctionnaires en rade pour un retour aux mangeoires de la politique officielle. Quelqu'un pourrait-il s'en apercevoir ? Peut-être que non, dans la mesure où celui-ci se précipite dans des « activités » au lieu de rechercher la clarté sur les questions fondamentales. Dans ce contexte, la façon dont s'exprima, il y a exactement un an, l'un des initiateurs de l'Alternative électorale, Ralf Krämer, le secrétaire auprès de la direction centrale du syndicat Ver.di mentionné ci-dessus, est révélatrice. En mai-juin 2003, dans une contribution au débat interne à son parti le PDS, il protesta contre la participation du PDS au conseil municipal de Berlin; selon lui, son parti avait, avec sa rigoureuse politique d'austérité, franchi le Rubicon. Ses paroles montrent toutefois clairement que son opposition n'est pas de nature fondamentale : « En tant que syndicaliste et ancien social-démocrate de gauche je ne peux que dire ceci : je n'ai aucune tendance à l'opposition par principe. Je suis tout à fait pour lutter pour des majorités et des responsabilités gouvernementales dans le capitalisme et bien entendu aussi dans des coalitions avec d'autres partis, dans le but de faire avancer une politique qui s'oriente vers des objectifs socialistes et de faire reculer des positions de pouvoir du Capital. » (« De quel genre de parti la gauche socialiste et syndicale a-t-elle besoin », publié sur le site internet de la Fondation Rosa Luxemburg) Cette orientation est identique à ce que voulaient
les Verts à leurs débuts. Au cas où l'Alternative
électorale irait jusqu'au stade où elle se
constituerait en parti, elle parcourera en très peu de
temps le même chemin que ces derniers : elle renoncera
aux modestes objectifs de réformes qu'elle proclame et
elle participera directement ou indirectement à des attaques
sociales contre la population.
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