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France: Première journée d'action de la rentrée scolaire

Par Antoine Lerougetel
17 Septembre 2003

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Le 10 septembre, lors de la première journée d'action de la rentrée scolaire, des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes partout en France. L'action représentait la continuation du mouvement massif de grèves et de manifestations du printemps qui mobilisèrent quelques 6 millions de gens contre le programme gouvernemental de diminution des droits à la retraite et contre la décentralisation ou démantèlement du service public de l'éducation nationale.

La journée d'action fut appelée par l'intersyndicale de cinq fédérations syndicales (FSU, UNSA, SGEN-CFDT, CGT, FAEN). Le nombre de manifestants fut relativement réduit : 4000 à Paris, 800 à Lille, 600 à Toulouse, 550 à Marseille et des centaines d'autres dans d'autres villes.

Les manifestations furent rejointes par des délégations d'intermittents du spectacle qui s'étaient battus tout au long de la saison des festivals cet été contre un agrément qui réduit leur droit aux allocations chômage entre deux périodes de travail. L'agrément fut signé par le gouvernement, l'association des patrons ­ le Medef et des syndicats minoritaires dont la CFDT, qui avait aussi soutenu la réforme des retraites du gouvernement.

Ces attaques contre les droits et les conditions de travail des salariés, qui seront suivies par des attaques contre la sécurité sociale, 'la sécu ' (l'assurance maladie) ­ font très clairement partie intégrante d'un projet calculé du gouvernement qui vise à attaquer l'état providence lui-même. Cependant, les directions syndicales, soutenues par toutes les tendances de la gauche, refusèrent de s'en prendre en bloc au gouvernement conservateur de Chirac/Raffarin, mais se limitèrent à l'expression de désaccords sur certains éléments de sa politique.

Le 10 juin, deux jours avant le commencement des épreuves écrites du baccalauréat, examen national de fin d'études de lycée, les syndicats sont arrivés à un accord avec le gouvernement sur la décentralisation. L'accord 'sauva' du transfert vers les collectivités locales les 20.000 salariés les plus diplômés du personnel non enseignant mais abandonna les 90.000 agents les moins bien payés. Ceci devait servir à amadouer les grévistes et servir de cache-sexe pour les syndicat qui, en contrepartie, garantirent au gouvernement le bon déroulement du 'bac' . Cette démarche détruisit toute perspective de grève générale.

Les syndicats déclarèrent que la lutte continuerait après les vacances au moment même où le gouvernement faisait voter le projet de loi au parlement en juin et juillet.

Les assemblées générales, tenues avant la rentrée et pendant la première semaine de la rentrée dans des réunions de ville et dans les établissements scolaires partout en France, donnèrent des compte-rendu qui exprimaient non seulement un sentiment de frustration par rapport à la façon dont le mouvement avait été effrité, mais aussi un désir de trouver un moyen de continuer la lutte. A ces assemblées, les bureaucrates syndicaux, aussi bien que des militants du PCF (Parti Communiste Français) et du PS (Parti Socialiste) bien épaulés par les pseudo trotskystes de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), LO (Lutte Ouvrière) et le PT (Parti des Travailleurs) ­ prétendirent qu'il avait eu une victoire morale sur le gouvernement, disant que la loi sur les retraites avait été imposée de force contre la volonté du peuple. Ils firent tout pour éviter que se tienne un débat sur leur part de responsabilité dans la défaite infligée aux salariés du public ainsi que du privé.

Une équipe du WSWS a interviewé des enseignants et des intermittents du spectacle lors d'une manifestation d'environ 150 personnes devant le rectorat de l'académie d'Amiens. Roger Bontemps, professeur de physique, et Denis Goeringer, professeur de biologie, travaillent dans un lycée d'Amiens. Denis exprima sa déception sur le fait « qu'un mouvement d'une telle ampleur n'a abouti vraiment à rien. Donc on est un petit peu, je dirais, désespérés de rentrer et de se demander ce qu'on pourra faire pour que ça bouge maintenant. Nous avons déjà vu un mouvement d'ampleur qui n'a pas abouti, on est un peu déçus. »

Denis n'a pas su dire exactement pourquoi le mouvement avait échoué et suggéra qu'une raison serait peut-être « le manque de solidarité entre les différentes catégories de salariés, même à l'intérieur de l'éducation. Tout le monde essaie de défendre sa catégorie ». Il pensait aussi que les syndicalistes de la base avaient fait leur boulot, mais les directions ne les avaient pas relayés, « ce qui entraîne un manque de cohésion. », dit-il.

Interrogé sur son opinion du rôle joué par les partis de la Gauche Plurielle (la coalition du Parti socialiste, du Parti Communiste, des Verts et des Chevènementistes du gouvernement de Lionel Jospin ), Denis répondit qu'il avait le sentiment qu'ils ne présentaient pas d'alternative : « on a l'impression que tout est fondé sur l'économique : ils ont un peu la même logique que la droite. Tant que l'économie va primer sur le politique je pense qu'on ne peut pas aboutir à une vraie réforme. Finalement c'est la même logique libérale pour la droite et pour la gauche. Evidemment la gauche est un peu plus sociale, mais fondamentalement je pense que c'est la même politique : il n'y a pas volonté de changer les choses politiquement ».

Denis se montra sceptique sur la capacité des syndicats à freiner le gouvernement. Il ajouta : « Jusqu'à présent ils ont montré leur inefficacité ».

Roger dit que les salariés avaient l'impression d'être devant un mur : « On a fait un mois et demi de grève, on n'a rien obtenu. Qu'est-ce qu'on va faire ? On ne va pas recommencer une grève reconductible qui ne mènera à rien. Je pense que personne n'est prêt à ça. J'ai très mal réagi le soir du 10 juin quand j'ai vu Aschiéri qui était tout content, qui semblait avoir tout gagné, tout sourire à côté du ministre. J'ai très mal réagi. On est en colère.»

Audrey et Virginie, deux enseignantes contractuelles sans emploi, participaient à la manifestation à Amiens avec leur collègue Agnès qui bénéficie d'un poste fixe. Virginie expliqua qu'un contrat de 'contractuel' pouvait, au mieux, être renouvelé chaque année, et que souvent ils faisaient des petites missions d'un mois seulement. Puis, le 31 août, elles n'ont pas été reprises. « Ici, sur l'académie, moi, j'ai lu que sur 1130, il y avait plus de 650 qui n'ont pas retrouvé d'emploi. On a besoin de nous, on nous prend. Après on nous jette dès qu'il n'y a plus besoin de nous ­ pour être clair », lança Virginie.

Le WSWS a interviewé deux comédiens, Frédéric et Marianne du théâtre du Lin. Ils étaient accompagnés de leur amie Véronique, une enseignante qui s'intéresse au théâtre. Ils ont expliqué que les intermittents du spectacle ont on régime d'assurance chômage qui permet aux artistes et techniciens du spectacle vivant et audiovisuel de percevoir des indemnités compensatoires pour les jours où ils ne travaillent pas.

Marianne a signalé que "le changement de régime va nous faire diminuer très nettement nos revenus, qui proviennent, en partie, pour nous, de ces indemnités. Ce régime compensatoire reconnaît que nous ne sommes pas tous les jours en public et que, entre deux représentations, nous avons beaucoup de travail mais nous ne sommes payés de fait que les jours où nous sommes devant le public. N'importe quel être humain est mal à l'aise quand il doit serrer la ceinture à 30% ».

"C'est une colère sociale, aussi," a-t-elle ajouté. Pour moi, ça s'inscrit dans une volonté très libérale de rentabiliser toute activité humaine et de couper tous les 'points morts'. Moi, je ne me sens pas 'un point mort' et donc les artistes qui ne font pas gagner d'argent à un producteur ou à un organisateur sont considérés comme des parasites. »

"Ceci rejoint complètement ce qui se passe à l'école, à l'hôpital, avec les retraites ».

Frédéric ajouta: "Je viens d'entendre dire qu'on va créer une branche spéciale pour les personnes âgées à la sécurité sociale. Je crains le pire parce que précisément comme pour les intermittents, ils commencent par créer une branche spécialisée pour garantir les droits particuliers pour une population particulière, plus fragile que l'autre et ensuite, plus tard on va déclarer que tous ces gens-là font perdre beaucoup d'argent. »

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