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France: grève nationale et manifestation massive contre la privatisation

Par Antoine Lerougetel
Le 9 octobre 2002

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Environ 80% des salariés d'Electricité de France (EDF) et de Gaz de France (GDF) ont fait grève à échelle nationale le 3 octobre avec une grande manifestation à Paris contre le projet du gouvernement gaulliste de Jean-Pierre Raffarin de privatiser des entreprises nationalisées.

La manifestation parisienne d'environ 60 à 80 000 personnes comprenait des salariés d'Air France opposés à la privatisation et manifestant aux côtés des cheminots, des salariés d'EDF-GDF, de la RATP, des transports parisiens, de la Poste, de France Télécom et d'autres organisations d'usagers et d'associations.

Le journal Libération a rapporté: « Les représentants de la gauche, Parti communiste ou socialiste, sont d'ailleurs restés discrets dans le défilé. Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon se sont fait une petite place au coeur du cortège de la CGT (confédération générale du Travail). Le long du parcours, ils reçoivent plus de quolibets que d'applaudissements. « On vous a pas beaucoup vus pendant trois ans », leur crie un agent d'EDF en tenue bleue. « On vous a attendus pour contrer les projets de [Laurent] Fabius [ministre des Finances de Jospin] ».

Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste, exprima « sa solidarité avec les salariés de chez moi et ceux d'ailleurs, tous ceux qui défendent leur statut et s'opposent aux privatisations du service public ». Mais son parti resta dans la coalition gouvernementale de la Gauche Plurielle de Lionel Jospin tout au long de l'application de sa politique libérale.

Les dirigeants syndicaux comme Marc Blondel de Force Ouvrière (FO) et Bernard Thibault de la Confédération Générale du Travail (CGT) se firent un devoir de rejeter toute suggestion selon laquelle la mobilisation représente un « troisième tour des élections », c'est-à-dire l'expression des intérêts de la classe ouvrière indépendamment de résultats électoraux, et ainsi ont rejeté toute remise en cause de la légitimité du gouvernement et d'un président qui a à peine obtenu 20% des voix au premier tour des présidentielles.

Un article affirmant « ni troisième tour social ni réplique de décembre 1995 » d'Olivier Franchon dans le quotidien communiste l'Humanité, essaya vainement d'exorciser le spectre qui hante le gouvernement Raffarin et la bureaucratie syndicale. Franchon, ingénieur cégétiste d'EDF, avait en tête l'humiliation essuyée par le gouvernement de Juppé cette année-là avec la grande grève de trois millions de salariés du secteur public, conduite par les cheminots, pour défendre leurs retraites, le secteur public et les services publics.

Juppé fut sauvé par les dirigeants syndicaux, en collaboration étroite avec les partis qui allaient former la Gauche Plurielle, qui refusèrent de revendiquer le renversement du gouvernement. Le souvenir de cette grève reste fort dans la mémoire de la classe ouvrière française. Un travailleur EDF à la manifestation de la semaine dernière à Paris a dit: « Ce n'est pas une grande manif service public. Ça sera pour plus tard si Raffarin fait de grosses conneries ».

Le gouvernement a refusé de telles comparaisons, « Nous sommes sereins, on n'est pas du tout dans un état de crispation comme en 1995. Ce n'est pas le même contexte » a dit l'entourage de Raffarin et il a ajouté qu'il entend privilégier la concertation et prendre son temps pour réformer afin de « ne pas bloquer la société ».

Des négociations entre représentants syndicaux et Francis Mer, ministre de l'Economie et des Finances, et Nicole Fontaine, ministre de l'Industrie, ont eu lieu juste avant la manifestation dont le départ a été retardé pour que les dirigeants syndicaux puissent en faire un compte-rendu à leurs syndiqués. Le gouvernement a affirmé « sa volonté de péréniser l'actuel système de retraites », tout en « ouvrant le capital d'EDF-GDF de manière minoritaire, quand les conditions de marché le permettront ».

Le lendemain, selon le Monde, ceux qui assistaient au conseil des Quinze à Luxembourg furent étonnés quand Nicole Fontaine à dit qu'elle était « prête à débattre du principe d'une libération totale du marché du gaz et de l'électricité, y compris pour les particuliers, et de la date de son entrée en vigueur ».

L'ouverture du marché des particuliers serait conditionnée par « la réussite de l'ouverture aux entreprises , qui interviendra en 2004 ». Et le correspondant du Monde de commenter: « Certains de ses partenaires ne pouvaient cacher leur étonnement d'entendre cette communication au lendemain de la manifestation parisienne pour la défense des services publics » qu'elle avait qualifiée d' « appui bienvenu » la veille de ses négociations à Luxembourg. Le Monde a rapporté que « les organisations syndicales ont plutôt bien accueilli la position de Mme Fontaine: elle « va dans le bon sens , car depuis 2000, « nous demandons un bilan avant fin 2003 du degré réel d'ouverture des marchés , à chaque degré de la libéralisation » a indiqué à AFP Michel Clerc, de la CGT Mines-Energie. »

EDF, qui a poursuivi une politique aggressive d'acquisition de sociétés d'éléctricité à l'étranger sous la conduite de François Roussely, nommé par le gouvernement de la Gauche Plurielle, et avec un important investissement en Argentine, actuellement dévastée par une crise, connaît des problèmes financiers. France Télécom a accumulé une dette stupéfiante de 70 milliards d'euros en achetant des actifs dont les valeurs se sont effondrées.

Le chemins de fer, selon Libération, seront bientôt dans la ligne de mire: « le secrétaire d'Etat a déploré les comptes peu reluisants de l'entreprise, appelant son président (Louis Gallois) à « en tirer les conséquences »; mais sur un sujet aussi sensible que la SNCF, qui avait mis le feu aux poudres en 1995, rien ne se fera sans l'avis de l'Elysée ».

Tout comme le gouvernement britannique de Tony Blair appliqua le programme de ses prédécesseurs conservateurs, Jospin continua celui de ses prédécesseurs Chirac, Balladur et Juppé. En l'espace de deux années, le gouvernement Jospin a vendu des dispositifs publics pour 210 milliards de francs égalant le total combiné de ses prédécesseurs (Balladur114 milliards en trois ans, Juppé 40 milliards en 18 mois et Chirac 72 milliards en deux ans).

Jospin écrivit une lettre aux salariés d'EDF-GDF en 1995 pendant la campagne électorale contre Chirac affirmant: « Je défendrai les services publics... Il faut mettre un terme à cette offensive libérale qui veut réduire toutes les activités aux lois du marché ». La lettre de Jospen déclarait catégoriquement: « Je ne laisserai pas privatiser EDF et GDF ». Pour couvrir leur duplicité la Gauche Plurielle qualifia la privatisation larvée des entreprises publiques d' « ouverture au capital » prétendant que cela n'était pas la même chose que la privatisation.

Pendant que des quantités faramineuses de stock options étaient pillées, des bénefices records et des cadeax fiscaux étaient engrangés par les grands patrons, de l'autre côté on assistait à la fermeture de Renault Vilvoorde, à des licenciements et des fermetures chez Michelin, Moulinex, Lu, Danone... et au recours massif à la main-d'oeuvre précaire et bon marché (près d'un million de travailleurs précaires dans le secteur public). Il y a eu une augmentation exponentielle d'emplois intérimaires, de contrats à durée déterminée (CDD), de temps partiels dans le secteur privé et l'application individuelle sur chaque lieu de travail de la loi des 35 heures, ce qui entraîne la division. Ceci a permis aux administrations de miner des droits et des garanties établis de longue date.

Tout au long des années de croissance qui coïncidèrent avec le gouvernement Jospin, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté n'est jamais descendu au-dessous de 5,5 millions.

Il y a eu deux moments marquants dans le mandat de Jospin: l'entretien télévisuel où il a déclaré qu'il ne pouvait rien faire pour les travailleurs de Michelin qui allaient être licenciés car il ne pouvait pas agir contre les lois du marché. Et, encore à la télévision pendant la campagne présidentielle de 2002, quand il a dit: « Je suis socialiste d'inspiration, mais le projet que je propose au pays n'est pas un projet socialiste. Il est une synthèse de ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est à dire la modernité. Il faut épouser son temps ».

Les partis de gauche étaient hostiles à toute analyse de leur bilan qui avait rendu possible le succès du fasciste Jean-Marie Le Pen arrivé au second tour des élections présidentielles, et l'humiliation de ces partis de gauche aux urnes. Ils ont canalisé le mouvement anti-Le Pen vers une campagne électorale pro-Chirac, ouvrant ainsi la voie au triomphe, lors des législatives, du gouvernement Raffarin que Chirac avait lui-même choisi.

Actuellement, les partis de la Gauche Plurielle, qui ne font rien pour remettre en cause la légimité de Chirac/Raffarin, peuvent difficilement se montrer aux rassemblements et aux réunions de défense des retraites, du secteur public et des services publics. Marc Blondel de la confédération syndicale FO a demandé avec une fausse naïveté sur radio France Inter le matin de la manifestation: « pourquoi veut-on ouvrir le capital d'EDF au privé alors qu'EDF est capable, dans sa forme juridique actuelle, d'offrir de l'électricité? Le gouvernement fait de la pure idéologie ». La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) a publié un tract pour la manifestation qui a pris une position identique, « Mais tout se passe comme si ceux qui dirigent étaient sourds et aveugles, subjugués par la seule logique de leur religion du profit » comme si on pouvait s'attendre à autre chose de la droite.

Récemment à la fête de l'Humanité, événement social majeur du Parti communiste et servant aussi à collecter des fonds, le parti a lancé une coordination anti-privatisation revendiquant un mouvement social qui « permettrait de tirer, grâce aux coopérations, le secteur privé vers la même dynamique ». Le porte-parole Brigitte Dareau a déclaré que le problème de la Gauche Plurielle était qu'elle « n'a pas su ou voulu relever le défi des privatisations, s'émanciper des marchés financiers et de l'étatisme ».

Les leçons à tirer des évolutions récentes en France sont que c'est seulement en rompant complètement avec le système du marché et en entreprenant une lutte basée sur les intérêts indépendants de la classe ouvrière sur un programme international et socialiste qu'il est possible de créer une perspective pour les travailleurs comme ils se préparent à entrer en bataille avec le gouvernement Raffarin. Voilà le sens de l'intervention du WSWS aux élections françaises avec son appel au boycott actif contre Chirac et Le Pen au second tour des élections présidentielles.

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