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Les élections françaises:

Un rassemblement du Parti socialiste démontre le vide politique à gauche

par David Walsh à Paris
6 juin 2002

À moins de quatre jours des élections, les sondages prédisent toujours que la coalition de droite du président Jacques Chirac sera en tête au premier tour et aura de bonnes chances de gagner une majorité à l'Assemblée nationale au deuxième tour le 16 juin.

Le Parti socialiste, depuis la défaite de son candidat présidentiel, Lionel Jospin, au premier tour des élections présidentielles du 21 avril, est toujours démoralisé, divisé et à toutes fins pratiques sans dirigeant. Un récent article publié dans Le Monde, titré La gauche mène campagne dans la dispersion et le pessimisme, laissait entendre que la campagne électorale du PS était fragmenté en «micro-campagnes locales».

Les candidats, s'inquiétant de leurs carrières, consacrent leurs énergies à sauver leur peau. Le quotidien cite un représentant du PS qui explique «Beaucoup se sont dit: "Je vaux plus que le score national" et ont eu la tentation de jouer perso».

Il flotte un air d'irréalité dans cette courte campagne électorale qui, encore selon les sondages, touche très peu la population. Un fonctionnaire du Parti socialiste a même accusé le gouvernement d'entreprendre «une campagne d'endormissement», ignorant le fait qu'il faut la coopération des deux camps pour susciter l'ennui et l'indifférence.

Le dirigeant actuel des socialistes, François Hollande, a limité ses critiques du gouvernement intérimaire de Jean-Pierre Raffarin nommé par Chirac à des points mineurs. Il a suggéré que Raffarin «n'est pas à la tête d'une équipe ministérielle mais d'un comité de campagne».

Hollande a décrit son régime de droite comme «le gouvernement du verbe, de la parole, de l'annonce». Il s'est plaint de ce que Chirac n'agissait pas comme le président de la République, mais plutôt «en chef de parti». Toute une révélation!

Défendant une nouvelle cohabitation (le président et le premier ministre ne sont pas du même parti), les dirigeants du Parti socialiste accuse Chirac de vouloir «capturer tous les pouvoirs» de l'État, ce dont il faut protéger la population.

Les arguments utilisés sont spécialement choisis pour éviter de s'adresser aux préoccupations sociales et économiques des gens. Ils veulent éviter de galvaniser la population dont 44 pour cent, selon les sondages, considèrent que les programmes de la droite et de la gauche officielles sont «quasi identiques». L'indifférence du PS envers les questions criantes, le chômage, la pauvreté, l'inégalité sociale, vient renforcer l'opinion que se sont faites des millions de gens que la gauche officielle n'offre aucune solution à leurs problèmes et ainsi, fait le jeu de Chirac et du Front national ultra-droitiste de Jean-Marie Le Pen.

La brève période d'auto-critique que se sont accordés les sociaux-démocrates après leur défaite lors de l'élection présidentielle est aujourd'hui révolue. Lorsque Hollande a louangé les réalisations «considérables» du gouvernement Jospin lors d'un récent rassemblement, les quelques 1500 personnes présentes, surtout du mouvement de jeunesse du PS, s'est levée et a donné une «ovation de trois minutes», selon les journalistes présents, criant «Merci Lionel!». La position de la direction du PS semble être que la population française a été ingrate et peut-être ne méritait pas Saint-Lionel.

La crise de la politique traditionnelle est illustrée par le nombre record de candidats : 8456 dans 577 circonscriptions, soit une moyenne de 15 candidats dans chacune (plusieurs circonscriptions électorales de Paris en compte de 20 à 25). Alors que le Parti socialiste se plaint de ce que la «gauche» soit divisée, il ignore le fait que c'est précisément les années Mitterand-Jospin qui en ont dégoûté et désillusionné plusieurs et ouvert la voie à la droite gouvernementale et au Front national néo-fasciste.

Le rassemblement du PS dans le 19ème arrondissement le 4 juin n'était pas en contradiction avec le sentiment général de démoralisation et de découragement qui a gagné les rangs du parti. Le rassemblement, tenu dans une école élémentaire, a attiré une centaine de personnes, la plupart d'âge moyen ou plus vieux encore, et provenant surtout des sections inférieures de la classe moyenne : de petits commerçants, des enseignants, des immigrants âgés et privilégiés.

Parce que le maire de cet arrondissement était l'un des orateurs, le rassemblement a pris la forme d'une session de lobbysme local. Au cours de la période de questions, on a pu entendre des plaintes sur l'état des écoles, sur le manque d'équipements récréatifs pour les jeunes, sur les logements surpeuplés des immigrants polonais, etc. Bien que ce n'était pas un rassemblement de bien nantis, on n'y trouvait pas d'indice de l'urgence de la crise sociale que connaissent des millions de gens.

Sur la tribune, on trouvait cinq personnages suffisants, y compris les candidats locaux du PS pour l'Assemblée nationale : Daniel Vaillant, l'ancien ministre de l'Intérieur sous Jospin, aujourd'hui candidat député et Daniel Marcovitch, un médecin et candidat au poste de suppléant, qui remplacerait Vaillant si jamais ce dernier devenait ministre un autre fois.

Le manque d'enthousiasme des orateurs était en accord le caractère du PS et de sa campagne électorale. Ce n'est pas une organisation qui lutte pour mettre un terme aux attaques contre les droits et le niveau de vie de la classe ouvrière, mais un parti bourgeois qui risque de perdre le pouvoir, avec toute la perte des postes et des privilèges que cela suppose.

Gisèle Stievenard, l'adjointe au maire de Paris a ouvert le rassemblement en faisant référence à la «compétence et l'enthousiasme» des orateurs; ce sont des personnes, expliqua-t-elle, qui «aiment le concret». Elle a décrit Vaillant comme un défenseur de «la justice et des valeurs de la gauche et de la République».

Ce ne sont là que des mots accrocheurs répétés sans fin et sans rapport avec la réalité par les sociaux-démocrates et les staliniens du Parti communiste depuis le 21 avril. Stievenard n'a pas expliqué ce que ces valeurs pourraient bien signifier en réalité. L'air déconcerté, elle a indiqué qu'elle n'avait pas «l'intention de revenir sur les événements du 21 avril», où Jospin avait été devancé par Le Pen. Il semble que c'était une intention partagée par tous ceux présents au rassemblement.

Roger Madec, le maire du 19ème arrondissement, a ensuite pris la parole, encore plus réservé que Stievenard. Il a dit que le 5 mai, lors du second tour de l'élection présidentielle qui a remis Chirac au pouvoir avec 82 pour cent des voix, «il y avait un choix politique contre Le Pen».

En réponse à une préoccupation manifeste, ce fonctionnaire local a rhétoriquement demandé s'il n'y avait vraiment «aucune différence» entre la gauche et la droite aux élections législatives. Continuant avec la réponse à sa propre question, il a donné une liste de réformes sociales mineures introduites par le PS. Madec a ensuite confirmé l'évidence : «Ce n'est pas parfait. Nous ne sommes pas des anges». Il a ensuite expliqué qu'un gouvernement de gauche accroîtrait les forces policières pour lutter contre le crime et augmenterait le salaire minimum.

Un représentant du PS a ensuite demandé aux membres du public de s'assurer qu'ils se rendraient voter et d'inciter les membres de leur famille et leurs collègues de travail à en faire autant, sous-entendant que la cause de la défaite du 21 avril était l'apathie populaire et le manquement au devoir civique. Il a ensuite continuer en réitérant les rationalisations habituelles pour expliquer la position du parti lors du deuxième tour des élections présidentielles du mois passé : c'était «un référendum contre l'extrême droite». En conséquence, il ne pouvait y avoir de «débat» entre la droite et la gauche parlementaires.

«Maintenant, nous devons avoir ce débat», a-t-il continué. Il a critiqué le gouvernement Raffarin pour avoir proposé de diminuer les impôts de cinq pour cent ce qu'il a qualifié de cadeau pour les plus riches et pour avoir nommé comme ministre des Finances Francis Mer, un représentant de l'industrie de l'acier et de l'organisation patronale MEDEF.

Le candidat au poste de suppléant, Marcovitch, a entrepris d'expliquer la différence entre la gauche et la droite. Il a dénoncé ceux qui dénoncent la cohabitation pour être «la paralysie», énumérant les réalisations du gouvernement Jospin depuis cinq ans. «Est-ce la paralysie?». Si les partis de la droite gagnent la majorité, a-t-il déclaré, «tout le pouvoir du pays seront entre les mains de deux hommes» (Chirac et le dirigeant gaulliste Alain Juppé).

Daniel Vaillant, le principal orateur, est celui qui avait remplacé Jean-Pierre Chevènement comme ministre de l'Intérieur après que ce dernier eut démissionné du gouvernement Jospin en août 2000. C'est lui qui était responsable de la police et des forces de sécurité lors des attentats terroristes du 11 septembre aux États-Unis et a entièrement appuyé les attaques contre les droits démocratiques par le gouvernement français au nom de la «guerre au terrorisme». Vaillant s'est vanté du nombre des soldats, des gendarmes et des policiers qu'il a mobilisé à travers la France.

Il a introduit une loi qui donnait plus de pouvoirs aux forces de police pour fouiller les automobiles et pour surveiller les lignes téléphoniques et les courriers électroniques. La nouvelle loi anti-démocratique permet aux policiers de fouiller les coffres arrière des automobiles sur instruction d'un procureur dans le cadre des enquêtes antiterroristes. En 1995, un projet du même type qui aurait permis aux policiers de fouiller les automobiles stationnées aux environs de manifestations fut rejeté sur la base qu'il aurait contrevenu aux libertés fondamentales de la personne. Lorsque qu'il a présenté sa nouvelle loi à l'Assemblée nationale, Vaillant a déclaré que la lutte au terrorisme défendait la liberté au lieu de la restreindre. «La sécurité collective n'est pas l'ennemi de la liberté individuelle», a dit Vaillant. «Nous parlons maintenant en termes d'avant et d'après le 11 septembre.»

Dernièrement, Vaillant a organisé une conférence de presse pour «stigmatiser le plagiaire», accusant Nicolas Sarkozy, l'actuel ministre de l'Intérieur du gouvernement de droite et un aspirant au poste de premier ministre de lui avoir volé ses politiques. Il a affirmé que dans plusieurs des programmes qu'a annoncés Sarkozy, «[j]e retrouve presque mot pour mot les objectifs inscrits dans deux documents de démarche stratégique, préparés depuis huit mois par la Direction générale de la police nationale, que j'ai remis à Nicolas Sarkozy lors de la passation des pouvoirs.»

Le candidat «socialiste», qui se vante d'avoir pour père un ouvrier «votant pour les communistes», a passé la plus grande partie de sa campagne à établir sa crédibilité en tant que représentant solide de l'impérialisme français et de l'État capitaliste.

Dans son discours du 4 juin, Vaillant a combiné le discours vague sur des réformes bidon et la rhétorique sur la question de la sécurité si caractéristique la campagne de la gauche officielle. Il a commencé par se plaindre du nombre des HLM dans sa circonscription : «Arrêtons de créer des ghettos». Ensuite, notant qu'il y avait «de l'incertitude devant nous», l'ancien ministre a appelé à plus de «sécurité» et à plus de pouvoirs pour les forces de police.

Il a déclaré qu'il «avait été presque malade d'avoir voté pour Chirac». Il a ensuite fait des références obliques à ce qui s'était produit la dernière fois qu'il y avait eu un président et une majorité parlementaire de la droite : une explosion de grèves de masses qui avait éventuellement mené à la défaite du gouvernement Juppé de 1997. L'avertissement en filigrane était clair : une victoire du camp de Chirac dans les élections législatives risque de provoquer des soulèvements sociaux qui menaceront l'ordre social et politique actuel.

Vaillant a répété sa position habituelle : une victoire de la gauche ne signifiera pas la cohabitation, mais la «coexistence institutionnelle». Le président «est là pour présider, pas pour gouverner». Il a avertit du danger d'avoir «un président de la République qui soit en même temps ministre de la défense, de l'intérieur, de tout». Vaillant a conclu en appelant pompeusement pour un nouveau «respect de ses parents, de la société, de la civilisation».

Le rassemblement du 19ème arrondissement a fait la démonstration de certaines réalités politiques. La première, c'est ce dont personne, pas même l'«extrême gauche» ne dit mot : le Parti socialiste est complètement intégré à l'establishment politique. Il est devenu un des principaux instruments du gouvernement bourgeois en France. Parler d'une gauche qui inclurait ce parti est entièrement frauduleux. Il n'offre rien d'un parti qui aurait un caractère de gauche ou même oppositionnel. Le PS a à peine des différences tactiques avec le camp de Chirac sur la façon de satisfaire aux besoins de l'impérialisme français, comme les commentaires de Vaillant sur le court gouvernement de Juppé l'indiquent.

Le PS n'est pas un «parti ouvrier» ni même, dans les conditions actuelles toujours plus volatiles, un parti qui prône des réformes sociales modérées. C'est une organisation indifférente et hostile aux besoins criants des travailleurs, des chômeurs, des jeunes et des immigrants qui mérite entièrement la haine que lui voue des millions de personnes.

Ce n'est que dans un tel contexte politique et social que Le Pen et le Front national, qui ont démagogiquement soulevé la question de chômage et de la pauvreté, ont pu gagné un appui parmi les sections les plus opprimées de la société, y compris chez les travailleurs. Il est impossible de comprendre la dynamique de l'actuelle campagne électorale en France sans prendre en compte la trahison des travailleurs par les partis qui prétendent les représenter : le Parti socialiste et le Parti communiste. La question politique essentielle est la crise de perspective et de direction de la classe ouvrière.

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