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Rôle offensif du Rwanda dans la guerre au Congo
Des troupes rwandaises et des forces rebelles du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD) ont mis en déroute les troupes gouvernementales de la République démocratique du Congo (RDC). Le RCD s'est emparé des villes de Peta et de Pweto dans la province du Katanga dominée par la RDC. Des milliers de réfugiés furent obligés de fuir en franchissant la frontière avec la Zambie, de même que 3 000 hommes désertant l'armée de la RDC. Parmi ceux qui se trouvaient en fuite l'on enregistrait 200 soldats zimbabwéens, accentuant ainsi la pression pour que Harare retire ses 11 000 hommes qui soutiennent le gouvernement de la RDC dans cette guerre. Il n'est toujours pas clair si cette récente offensive rwandaise marque un tournant dans cette guerre qui, en fait, se trouve dans une impasse. Pour le Rwanda, le fait de prendre la capitale du Katanga, Lubumbashi, ou bien, ce qui est plus probable, la région clé de Mbuji-Mayi productrice de diamant, plus à l'ouest de la province de Kasai, risquerait de provoquer l'effondrement des forces de la RDC. Toutefois, un tel engagement militaire mettrait à rude épreuve les ressources du Rwanda et ne pourrait donc être de très longue durée. La guerre au Congo dure depuis août 1998 lorsque le président de la RDC, Laurent Kabila, a failli être évincé par les forces rwandaises et ougandaises qui, auparavant, l'avaient aidé à prendre le pouvoir. Kabila, tout en veillant aux intérêts de sa propre clique sise principalement à Katanga, est particulièrement indigné par la domination rwandaise de son armée. Kabila a bénéficié de l'appui militaire de l'Angola, de la Namibie et du Zimbabwe, qui redoutent tous que les gouvernements du Rwanda et de l'Ouganda, soutenus par les Etats-Unis, puissent prendre le contrôle de ce vaste pays et dominer ainsi l'Afrique centrale. Le gouvernement angolais était également inquiet de ce que les forces rebelles de l'UNITA, avec lesquelles il se trouve en guerre depuis 25 ans, puissent se servir de la RDC comme base de ravitaillement. Des actions des mines de diamants et de minerai en RDC avaient été offertes au Zimbabwe en échange de son soutien. Le Rwanda et l'Ouganda affirmèrent également être impliqués dans le Congo car des groupes rebelles y opérant dans le but d'attaquer les deux pays. La milice extrémiste Hutu Interahamwe, se composant du reste du régime rwandais qui avait organisé le génocide en 1994, s'est regroupée au Congo fournissant les principaux combattants de l'armée de Kabila. Cette milice ayant recruté jusqu'à 40 000 hommes et se battant sur la ligne de front de la guerre, mène, jusqu'à l'intérieur du Rwanda, des opérations de guérilla à partir de la région orientale du Congo. Tout en essayant de mettre en déroute leurs adversaires, l'Ouganda, au même titre que le Rwanda, se servent tous deux des richesses du Congo oriental - l'or, le diamant et le bois - pour revitaliser leur propre économie. Ceci devint apparent lorsque des factions du RCD soutenues par l'Ouganda et par le Rwanda se querellèrent, notamment au sujet du contrôle des ressources. Des échauffourées eurent lieu entre des troupes rwandaise et ougandaise en août 1999 dans la ville de Kisangani qui durèrent six jours et entraînèrent la mort de centaines de civils. Depuis, la tension a monté et d'autres heurts s'en sont suivis entre les deux pays. Une autre faction ougandaise, le Mouvement congolais de Libération (MCL), dirigée par l'homme d'affaires millionnaire Jean-Pierre Bemba, est basée dans la région septentrionale de l'Equateur. Bemba qui a enregistré cette année certains succès militaires, menace à présent de prendre la ville de Mbandaka ce qui lui permettrait, en descendant le fleuve Congo, d'accéder à la capitale Kinshasa, dominée par la RDC. Bempa semble avoir revigoré dans une certaine mesure l'économie de la région du nord et mis en place un système de patronage parmi les dirigeants locaux. Ceci contraste avec les autres organisations mandataires ougandaises et rwandaises, et même avec le régime de Kabila qui, tous, se sont aliénés la population locale par le pillage et l'imposition de conditions draconiennes. Il serait erroné de concevoir la guerre comme existant simplement, d'un côté, entre les armées de l'Ouganda, du Rwanda et de leurs mandataires (y compris également la petite armée du Burundi) et, de l'autre, l'armée de la RDC soutenue par le Zimbabwe, l'Angola et la Namibie. Bien qu'il existe une ligne de front partageant le pays et en deçà de laquelle la RDC contrôle Kinshasa à l'ouest en reliant Mbuji-Mayi puis Katanga dans le sud-est, il n'y a en fait que quelques dizaines de milliers de troupes régulières à combattre dans de vastes régions de la jungle. Après trois décennies de règne de Mobutu et de pillage à grande échelle, l'économie a littéralement sombré et seules quelques routes demeurent praticables. Tout comme les guérillas Interahamwe qui combattent le Rwanda dans l'est, il y a également des milices Hutu qui, de l'intérieur de la RDC, combattent le régime du Burundi qui est dominé par les Tutsi. La situation est même rendue plus compliquée encore de part et d'autre de la guerre du fait que divers groupes tribaux ont été mobilisés, notamment dans l'est. Des divisions ethniques qui avaient été encouragées par les colonisateurs belges du Congo - celles-ci comprennent des groupes tribaux Tutsi et Hutu s'étendant au-delà du Rwanda - avaient également été attisées par Mobutu. La conséquence en est, qu'au cours de la présente guerre, des massacres ethniques entraînèrent la mort de milliers de personnes. La guerre a provoqué une catastrophe humanitaire. En mai dernier, une ONG a estimé que 1,7 million de personnes avaient trouvé la mort, 200 000 dans des combats et le reste en raison de malnutrition et de maladie. Quelque 2 millions de personnes furent déplacées suite au conflit, dont 250 000 rejoignirent les pays voisins comme réfugiés. La peur de la famine se répand dans la ville de Kinshasa dont la population compte entre 4,5 et 6 millions d'habitants. Il ne s'agit pas seulement d'un manque d'approvisionnement de la ville en nourriture, mais également de la ruine de l'économie - le taux annuel de l'inflation est actuellement de l'ordre de 300 pour cent - qui fait qu'un grand nombre de personnes ne sont plus en mesure de se payer les aliments encore disponibles. Les gouvernements occidentaux et les organisations d'aide
ont largement ignoré cette tragédie. Seul un quart
des 37 millions de dollars réclamés par l'ONU pour
des opérations d'aide a été rassemblé.
L'instabilité ainsi que les problèmes de transport
dans la majeure partie du pays ont fait que les associations
caritatives se soient abstenues. Elles ont également été
accusées d'aider - même involontairement - les diverses
bandes armées impliquées. Au cours de la période
qui suivit le génocide rwandais, des camps destinés
à la population fuyant le Rwanda à destination
du Congo servirent de base à la milice Interahamwe. Tous les participants ignorèrent l'accord et poursuivirent la guerre. Les gouvernements occidentaux sont indubitablement responsables de cette situation. Le sort du Congo, à partir de l'année 1995, tout comme celui du Rwanda et du Burundi, est le résultat de décennies d'un régime brutal soutenu durant la guerre froide par l'occident. Le Rwanda et l'Ouganda furent soutenus par les Etats-Unis au cours de leurs récentes interventions. Bien que le conflit faillit entraîner la suppression des prêts du FMI, l'Economist affirme : « Il est difficile de croire que ces pays pauvres puissent lutter sans bénéficier d'aide extérieure. Leurs faibles budgets pour la défense (celui de l'Ouganda devant se chiffrer cette année à 100 millions de dollars) ne peuvent assurément pas financer leurs opérations au Congo. » Il ne serait pas surprenant de voir que l'augmentation considérable des troupes Interahamwe soit liée à un financement secret de la France, le pays qui les avait soutenu lorsqu'ils étaient au pouvoir. Le rapport du GIC révèle que les Etats-Unis avaient dirigé le processus de paix de Lusaka, notamment par l'intermédiaire de leur ambassadeur à l'ONU, Richard Holbrooke. Les Etats-Unis avaient proposé une approche de « solution africaine pour des problèmes africains » qui aurait dû permettre aux participants de trouver un arrangement et de réduire ainsi à un minimum les coûts pour l'ONU. L'un des principaux points à ne pas avoir été abordé fut de savoir comment des forces, telles celles d'Interahamwe, pourraient être désarmées alors que les Rwandais n'avaient pas été en mesure de le faire pendant plus de six ans. Jacques Chirac, le président français, avait été contre une telle approche craignant un démantèlement du Congo et proposa la tenue d'une conférence régionale sous égide internationale (c'est-à-dire française) pour terminer la guerre. Etant donné que Kabila s'est révélé être un obstacle majeur à toute négociation, se querellant même avec ses soi-disant partisans, le président de Zimbabwe, Robert Mugabe, les puissances occidentales sont tombées d'accord pour qu'il soit écarté. La présente initiative militaire, entreprise par le Rwanda, est vraisemblablement destinée à exercer davantage de pression sur la RDC pour le révoquer. Comme l'indique clairement le rapport du GIC, les Etats-Unis poursuivront leurs efforts en vue d'un arrangement car étant intéressés à « sauvegarder leurs intérêts stratégiques dans la région » qui comprennent entre autres « l'exploitation sûre des champs pétrolifères angolais » et l'accès aux gisements de métaux précieux découverts dans l'est de la RDC.
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