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Des grévistes violemment attaqués par des CRS à Lille
Un sapeur-pompier amputé de la main droite

Par un correspondant
8 février 2001

Un incident tragique s'est produit le 25 janvier à Lille lors d'une manifestation de 300 à 400 sapeurs-pompiers organisés dans le cadre des journées d'action nationales. Le sapeur-pompier, proche de la retraite, Edouard Walczak (54) eut la main droite arrachée par l'explosion d'une grenade lacrymogène. Les CRS (force mobile de police) avaient tiré la grenade sur les manifestants, celle-ci explosa au moment où Walczak la ramassa pour la lancer hors de portée de nuire de ses collègues.

Onze pompiers furent blessés, quatre pompiers furent maltraités par la police, menottés et conduits au commissariat de police centrale de Lille. Ils risquent d'être poursuivis pour violences contre les forces de l'ordre, rébellion et troubles à l'ordre public.

Par ces protestations qui se situaient dans le cadre de l'appel à la mobilisation pour la défense de la retraite, les pompiers avaient voulu attirer l'attention sur la dégradation de leurs conditions de travail. Outre 200 000 volontaires, il existe en France 27 000 pompiers professionnels qui, en raison de leur hiérarchisation militaire et de leur casernement, sont appelés «soldats du feu». Leur travail est physiquement et du point de vue psychique très astreignant et nocif. C'est pour cette raison qu'ils luttent pour le classement de leur profession en catégorie insalubre ce qui entraînerait l'abaissement de l'âge de la retraite à 50 ans.

Il manque des moyens, et les postes de 500 sapeurs-pompiers font défaut rien que dans le département du Nord. De plus, les sapeurs-pompiers sont confrontés à la restructuration des SDIS (service départemental d'incendie et de secours). Depuis l'introduction, par le gouvernement Juppé en 1996, de la départementalisation, le transfert de compétence des secours des communes vers les SDIS a signifié une augmentation considérable de la charge de travail. Les SDIS coordonnent à présent les sorties de tous les services sur l'ensemble du département, ce qui fait que toutes les ressources humaines sont intégralement mises en uvre au profit d'une réduction des effectifs. Selon le quotidien Libération, il faut souvent attendre cinq ans pour qu'un collègue qui part à la retraite soit remplacé et des jeunes nouvellement formés doivent attendre deux ans avant d'être embauchés.

Les sapeurs-pompiers affrontent quotidiennement des sorties déficitaires en personnel et qui, de ce fait, représentent un danger tant pour les victimes que pour les secouristes. «Quarante-huit heures de garde d'affilée, avec une vingtaine d'interventions à chaque fois, plus l'administratif et l'entraînement physique. Ça ne laisse pas une minute pour la formation», rapporte un sapeur-pompier à Libération. Il attire également l'attention sur le danger croissant que représente le manque de formation pour les collègues qui ont à confronter des incendies d'où s'échappent des gaz toxiques et qu'il faut savoir traiter. En dépit de toutes ces contraintes, il existe des projets de réduire encore davantage le temps de repos.

Le département du Nord, fort de ses 2,5 millions d'habitants, où l'affrontement avec les CRS eut lieu, est depuis des décennies un fief du Parti socialiste; et c'est à Lille que Martine Aubry, qui vient de démissionner de son poste de Ministre de l'Emploi et de la Solidarité du Gouvernement de Lionel Jospin, devrait accéder au poste de Maire.

Depuis le début de 1999, les sapeurs-pompiers n'ont cessé de protester pour améliorer leur situation difficile. C'est ainsi qu'ils organisèrent des grèves administratives pendant lesquelles ils continuent d'intervenir, mais ne remplissent plus les tâches administratives. Après que le personnel en différentes régions ait tracé à la peinture blanche leurs revendications sur un véhicule de service, le SDIS a prescrit l'interdiction de tout «taguage» des véhicules; à la suite de quoi 218 sapeurs-pompiers reçurent un avertissement. Malgré les journées d'action, les grèves et les tables rondes auxquelles ont participé les syndicats, les élus locaux et la direction de la sécurité civile, les conditions de travail désastreuses sont restées inchangées. C'est ce qui explique pourquoi les sapeurs-pompiers se trouvent à la tête de l'actuelle mobilisation.

Leur manifestation fut cependant attaquée par les CRS qui commencèrent par tirer des grenades lacrymogènes sur les manifestants pour les forcer à dégager la place. Les sapeurs-pompiers étaient apparus à la manifestation casquée et en uniforme, ce qui fut avancé plus tard par les forces de police pour justifier leur attaque. Au moment où ils furent attaqués les sapeurs-pompiers répliquèrent en arrosant de mousse, du haut d'une grande échelle, les forces de l'ordre.

Après que le sapeur-pompier Edouard Walczak ait été grièvement blessé, 200 manifestants restèrent sur la place devant la préfecture pour se placer en fin d'après-midi à la tête du cortège de quelques milliers de personnes qui manifestaient à Lille contre un allongement de l'âge de la retraite.

Jacques Franquet, le préfet délégué à la sécurité publique du Nord, qualifia plus tard l'utilisation de grenades lacrymogènes d'«indispensable au maintien de l'ordre». Walczak, le pompier blessé, au même titre que ses collègues a cependant déclaré qu'à aucun moment il leur avait été demandé de mettre fin à la manifestation. De plus, il n'est pas clair de quel type de grenade il s'agit; elle fut cyniquement qualifiée de «grenade administrative» par un officier des CRS. Les pompiers n'avaient jamais, de par le passé, entendu des grenades lacrymogènes aussi assourdissantes.

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