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La classe ouvrière et les élections américaines2e partie : la structure sociale des États-Unis en l'an 2000Déclaration du Parti de l'égalité socialiste
aux États-Unis Ce qui caractérise de façon fondamentale l'Amérique contemporaine, bien que les médias et la politique officielle n'en parlent pratiquement jamais, c'est une inégalité économique sans précédent. Un gouffre s'est ouvert entre une petite, mais richissime, élite et la vaste majorité de la population qui vit de paie en paie. Pas plus les démocrates que les républicains ne peuvent sérieusement s'attaquer à cette réalité sociale parce qu'ils défendent tous deux le système économique et les mesures qui en sont responsables. Il est à la mode dans les médias et les universités de proclamer que les États-Unis sont une « société d'actionnaires ». La plupart des Américains possèdent maintenant des actions, dit-on, et ainsi le fait que la valeur des actions ait quadruplé depuis une décennie profite à tous. Mais une analyse sérieuse de la structure économique américaine démontre que le boum financier a dramatiquement intensifié la polarisation sociale aux États-Unis. La vaste majorité de la population américaine a été prolétarisée. Pour vivre, les familles ouvrières ne comptent sur rien d'autre qu'un salaire payé à la semaine, aux quinze jours ou encore au mois, souvent sur deux ou trois salaires, parfois plus. La quantité insignifiante d'actions que possèdent beaucoup d'ouvriers dans des fonds de retraite ou dans des fonds communs de placement ne font pas d'eux les égaux des grands actionnaires et des institutions financières dont les achats et les ventes déterminent les cours de Wall Street. Cela signifie plutôt que leurs pensions et leurs épargnes sont les otages des caprices de la bourse. Les années 1980 et 1990 ont mené à une structure sociale beaucoup plus inégale que celle qui existait il y a 25 ans. Les sommes d'argent qui vont aux PDG qui ont du succès (et même ceux qui n'en ont pas) auraient été inimaginables il y a une génération. Et il n'y pas que l'importance des fortunes d'aujourd'hui (10, 20, et même 50 milliards de dollars (NdT tous les montants sont en dollars américains), des sommes plus grandes que les budgets de la plupart des États américains) il y a aussi la façon par laquelle on est arrivé à amasser ces fortunes. Une couche privilégiée s'enrichit tandis que la majorité de la population perd du terrain. Le processus dépend d'une exploitation de plus en plus intensive de la classe ouvrière, la productivité du travail augmentant en même temps que les salaires stagnent. Le résultat de ce processus est la corruption grandissante et la corrosion interne de la société entière. L'accumulation de la richesse est de plus en plus divorcée de la production des biens et du processus du travail, tandis que ceux qui manipulent avec succès la bourse et les marchés financiers touchent des gains colossaux. Cette séparation entre le profit et la production apparaît même à l'intérieur de la structure de la corporation, alors que les PDG tirent des revenus si importants de leurs options d'achats qu'ils contribuent au déclin à long terme des compagnies dont ils sont censés garantir la direction. Au haut de la société américaine, on trouve la classe de possédante la plus riche de l'histoire, autant du point de vue des revenus que de celui de la richesse. Les foyers américains qui font partie du 1 pour cent le plus riche ont amassé une richesse de plus de 10 000 milliards de dollars, soit à peu près 40 pour cent de la richesse nationale. L'avoir combiné de ces multimillionnaires vaut plus que celui des 95 pour cent les plus pauvres. Depuis le milieu des années 1970, le 1 pour cent le plus riche a doublé sa part de la richesse nationale, qui est passée de moins de 20 pour cent à 38,9 pour cent, le plus fort pourcentage depuis 1929, l'année du krach boursier qui a annoncé la Grande Dépression. Selon une autre étude, ce 1 pour cent des foyers les plus riches possède la moitié des actions, les deux tiers des titres financiers et plus de deux tiers des actifs des sociétés. L'inégalité des revenus est aussi marquée que celle de la propriété. En 1999, le 1 pour cent le plus riche a eu autant en revenus après impôts que les 38 pour cent les plus pauvres. Ceci signifie que les 2,7 millions d'Américains les plus riches ont reçu autant de revenus après avoir payé leurs impôts que les 100 millions d'Américains les plus pauvres. Le revenu après impôts de ces 2,7 millions de personnes a augmenté 370 pour cent depuis 1977, passant de 234 700 à 868 000 dollars. Immédiatement en dessous des ultra-riches, il y a une couche de biens nantis, moins riches que ces premiers mais quand même extrêmement privilégiée. Ces 4 pour cent de la population possédaient 21,3 pour cent de la richesse privée en 1998, avec un actif moyen de 1,4 million de dollars. Pendant toute la période de 1983 à 1995 ces deux couches de l'élite, les riches et les ultra-riches qui constituent les 5 pour cent les plus aisés de la population ont été les seuls foyers à voir croître leur valeur financière nette. Ce fait mérite qu'on le répète. Pendant une période de 12 années, où Reagan, Bush et Clinton furent présidents, la « magie du marché » a signifié une perte nette pour 95 pour cent de la population, tandis que seuls les 5 pour cent les plus riches ont pu augmenter leurs avoirs. Pendant les années 1990, l'élite dirigeante est devenue complètement obsédée par les revenus obtenus sans travail et s'est sentie libérée de toute contrainte à l'accumulation des profits. La course ouverte et crue vers l'enrichissement personnel fait pâlir en comparaison tous les « âges d'or » précédents. Les gains des PDG ont augmenté de 535 pour cent sous l'administration Clinton-Gore. Le patron typique reçoit 475 fois le salaire de l'ouvrier moyen, et 728 fois le salaire d'un ouvrier au salaire minimum. Si les salaires des ouvriers avaient augmenté autant que la compensation des PDG, l'ouvrier moyen gagnerait 114 000 dollars et le salaire minimum serait de 24 dollars l'heure. À l'autre pôle de la société américaine, il y a presque 100 millions de personnes qui dépendent de leurs salaires pour vivre, et qui forme la majorité de la société : la classe ouvrière. Ce sont eux qui produisent toute la richesse de la société américaine, mais pour eux la vie devient de plus en plus difficile, la diminution des salaires en dollars constants n'étant que partiellement contrecarrée par des heures de travail de plus en plus longues. Il y a, bien sûr, d'énormes différences de niveaux de vie, à cause des différences de salaires, de conditions de travail, de la structure familiale, de relations avec les employeurs (il y a des ouvriers à plein temps, à temps partiel, temporaires, des travailleurs indépendants, etc.) et de grandes variations dans la conscience sociale. Mais malgré ces différences, et malgré le fait que beaucoup de travailleurs s'imaginent faire partie de « la classe moyenne », la vaste majorité des Américains sont des travailleurs salariés dont les revenus ne proviennent que peu ou pas du tout d'actifs qu'ils pourraient posséder. Des sections de plus en plus grandes de la classe ouvrière sont littéralement sans propriété. Entre 1983 et 1995, la valeur financière moyenne pour les 40 pour cent les plus pauvres de la population a chuté de 80 pour cent, passant de 4 400 à 900 dollars. Pour les 20 pour cent les plus pauvres, la valeur financière totale est négative : pour ceux-ci, les dettes sont plus importantes que la valeur de leurs biens, même en comptant les biens immobiliers. Les couches les plus pauvres de la classe ouvrière ont des revenus si bas que ce sont les privations, et pas les menaces de privation, qui font partie du quotidien. Environ 26 pour cent des ouvriers américains ont un salaire qui ne leur permet même pas de dépasser le « seuil de la pauvreté ». Les revenus moyens des 20 pour cent des familles les plus pauvres étaient de 12 990 dollars l'année dernière, bien au-dessous du seuil officiel de la pauvreté. La condition des pauvres a été aggravée par la fin de toute aide financière du gouvernement en 1996 et par les mauvais traitements que subissent ceux qui demandent des coupons échangeables contre de la nourriture, des soins de santé par le programme Medicaid, et d'autres formes d'assistance fédérale ou des États. La pauvreté envahissante de la classe ouvrière amène avec elle une série de problèmes sociaux qui frappent durement les zones urbaines et rurales, et qui commencent à menacer les banlieues aussi : l'éclatement de la famille, la violence dans les foyers, le crime, la drogue, les sans-abri. Aucune statistique ne peut mieux infirmer les prétentions que les États-Unis sont une société prospère et équilibrée : plus de 2 millions de personnes sont enfermées dans les prisons américaines, plus que n'importe quel autre pays industrialisé, et trois fois le nombre de prisonniers d'il y a 20 ans. Parmi les couches plus aisées de la classe ouvrière, les revenus stagnent ou baissent, ce qui représente un changement énorme par rapport aux décennies de croissance économique après la Deuxième Guerre Mondiale. De 1947 à 1979, les revenus moyens ont doublé pour toutes les sections de la population américaine, des plus pauvres aux plus riches. De 1979 à 1998, les 20 pour cent les plus aisés ont augmenté leurs revenus de 38 pour cent (de 64 pour cent pour le 1 pour cent le plus aisé), tandis que les 20 pour cent les moins aisés ont perdu 5 pour cent de leurs revenus ajustés pour l'inflation, et les couches intermédiaires n'ont vu que de petites hausses. Même des familles à deux salaires avec des revenus de plus de 100 000 dollars ont souvent un seul bien important, leur maison, d'habitude hypothéquée, et peu d'épargnes. Selon une étude, le 20 pour cent médian en ce qui a trait aux revenus (qui appartiennent donc supposément à la classe moyenne) n'ont assez d'épargnes que pour maintenir leur train de vie pendant 1,2 mois si jamais ils perdaient leur emploi (ou assez pour maintenir un niveau de vie au seuil de la pauvreté pour 1,8 mois). Les revenus ayant diminué, ce sont les emprunts qui ont permis de continuer à consommer au même rythme. Pour les foyers, l'endettement est passé de 58 pour cent des revenus totaux en 1973 à presque 100 pour cent en 2000. Selon un analyste, « les familles utilisent à présent des hypothèques protégées des impôts et des emprunts sur leurs maisons pour financer la consommation normale ». Une étude récente de l'Institut des politiques économiques a montré comment les ouvriers ont essayé de compenser pour les chutes des revenus en travaillant davantage. En 1998, la famille moyenne avec enfants travaillait 83 semaines par an, comparé à 68 en 1969, en grande partie à cause des heures de travail des mères. Les ouvriers américains travaillent plus d'heures que leurs homologues de tout autre pays industrialisé avancé, et ont moins de jours fériés et de vacances. Entre l'élite dirigeante et la classe ouvrière, il y a une couche moyenne non négligeable mais qui a beaucoup perdu de son importance. Le déclin de la classe moyenne américaine est un des phénomènes sociaux les plus importants, et aussi un des moins étudiés. Des dizaines de millions d'Américains qui occupaient des positions sociales intermédiaires : des propriétaires de petites et moyennes entreprises, des fermiers, des professionnels indépendants, des chefs de section dans les entreprises, ont vu les conditions dans lesquelles ils vivaient se détériorer rapidement, tandis qu'une minorité relativement petite s'est beaucoup enrichie, et corrompue, avec le boum. Les entreprises qui éliminaient leurs cols bleus au cours des années 1980 se sont ensuite attaquées à leurs cadres moyens et aux cols blancs au cours des années 1990, réduisant à néant l'illusion qu'un emploi au sein d'une grande entreprise assurerait la sécurité. Des millions de cols blancs et de professionnels se sont retrouvés au chômage ou forcés de devenir des consultants indépendants, où la seule indépendance à laquelle ils pouvaient prétendre était l'indépendance de la sécurité et des avantages sociaux de leur ancien emploi. Pendant que les marchés financiers gagnaient toujours plus en valeur, le nombre de faillites des PME a augmenté de façon continue. Le nombre des fermes familiales est tombé sous les deux millions, moins que le nombre de prisonniers américains. Les restaurants, les quincailleries, et les magasins locaux sont remplacés par des chaînes fast-food, par des quincailleries à grande surface et par Wal-Mart, le plus grand employeur aux États-Unis avec plus de 800 000 travailleurs mal payés. Et si 14 millions de personnes ont été considérées comme des « travailleurs autonomes » pour le recensement économique américain, le revenu moyen de ces « entreprises » atteint à peine 30 000 dollars, ce qui signifie que la vaste majorité de ces dernières n'offrent même pas à leur propriétaire un revenu suffisant pour dépasser le seuil de pauvreté. Le déclin de la classe moyenne a des conséquences politiques claires. Une couche moyenne significative et prospère a toujours constitué la principale base sociale de la démocratie capitaliste. Une telle couche a pour fonction de tempérer les antagonismes qui viennent de la division de la société entre les ouvriers qui produisent la richesse et les capitalistes qui la possèdent. Sans ce tampon social, les conflits de classe inhérents au capitalisme se développeront inévitablement jusqu'à la guerre ouverte. Une grande partie de la classe moyenne américaine a
été prolétarisée depuis 20 ans, tandis
qu'une minorité privilégiée, surtout parmi
les professionnels et les universitaires qui étaient auparavant
les principaux intéressés au libéralisme
politique, a été corrompue par le boum financier
et s'est rapidement déplacée vers la droite. Voir aussi:
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