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Les personnels de l'éducation en grève en France contre le gouvernement socialisteLe 22 mars 2000 Cet article nous a été soumis par Tony Short, un lecteur du WSWS Le soir du 16 mars, le jour même où 800 000 manifestants participaient à l'une des plus importantes grèves que le secteur de l'éducation ait jamais connue, le premier ministre français Lionel Jospin s'adressait à la nation dans une intervention télévisée. Il adressa principalement la question de l'utilisation de la «cagnotte» un surplus budgétaire de 50 milliards de francs, dont la plus grande partie servirait à des réductions d'impôts ainsi qu'au remboursement de la dette nationale. Le montant dérisoire d'un milliard de francs qu'il avait réservé pour l'éducation nationale est un signe du mépris que Jospin éprouve pour les 200 000 enseignants mobilisés dans la rue ce jour-là ainsi que pour les syndicats de l'enseignement. Il a condamné son ministre de l'Éducation, Claude Allègre, en le désavouant à demi-mot, ce qui déclencha une vague de spéculation quant au départ imminent de celui-ci. Un porte-parole du SNES, le syndicat des enseignants du secondaire, fit remarquer qu'un milliard de francs ne permettrait de recruter qu'à peine cent professeurs par département, et suggéra un maigre 3 milliards de francs supplémentaires pour résoudre la crise. La crise dans l'enseignement dépasse les insultes et les dénigrements des professeurs, le refus de créer des emplois et la réduction des quotas de recrutement. L'acharnement du gouvernement de la gauche plurielle - Parti socialiste, Parti communiste, Parti radical et Verts - à réduire les dépenses du service social et notamment celui de son plus important poste budgétaire, l'éducation nationale, implique une remise en cause du régime de temps de travail honoré, des conditions de travail et de la qualité de l'enseignement. Les lycées professionnels ont connu durant plus de deux semaines des grèves renouvelables (plus précisément des grèves illimitées votées à l'occasion de chaque réunion de masse des grévistes) dont l'enjeu était l'annualisation des heures de cours et la réduction des compléments de service pour les étudiants. Les lycées par contre s'étaient mis en grève contre la menace d'annualisation des heures de travail, la détérioration des programmes et la réduction du nombre des disciplines enseignées, remplacées par une série de projets à saveur démagogique. Citons pour exemple les cours de «morale civique» et les séances de discussion destinées à résoudre les problèmes des quartiers difficiles et de la violence, dont le but est d'impressionner le public tout en déroutant le personnel enseignant au moyen d'une foule de documents et de règlements. Le tout ne sert qu'à masquer le vrai but de la politique éducative du gouvernement: austérité, restrictions budgétaires et intensification de l'exploitation du personnel enseignant. L'élément le plus sinistre de tous et que Jospin fit passer pour un triomphe lors de son allocution télévisée est le recrutement de 70 000 aides-éducateurs ou «emplois-jeunes». Il s'agit de jeunes gens de moins de 25 ans hautement qualifiés et qui sont payés au SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) à savoir un peu plus de 5.000 francs par mois, ne bénéficiant ni du statut de fonctionnaire ni de la titularisation et auxquels il est souvent fait appel pour éviter d'employer du personnel à plein tarif. Ils reçoivent des contrats à durée déterminée de cinq ans, sans garantie pour l'avenir, révélant ainsi le visage authentique de l'économie libérale. La grève du 16 mars a été un succès boeuf. À Amiens, près de 4000 personnes ont manifesté. Sur la centaine de professeurs que compte le Lycée Robert de Luzarches, seuls deux se sont rendus au travail. Dans de nombreuses écoles et tout particulièrement dans les lycées professionnels, la grève était suivie à 100%. Tous les secteurs de l'enseignement se trouvaient en grève, lycées et collèges, instituteurs et professeurs avec l'appui des organisations de parents d'élèves, de même que le personnel d'entretien et de cantine. Dans le cas des écoles primaires, les fermetures des écoles avaient rassemblé des communautés entières autour du mouvement de grève. La question primordiale a été comment amplifier et poursuivre le mouvement de grève en défense de l'éducation nationale. Des militants de gauche appartenant aux principaux syndicats d'enseignants revendiquaient un appel sans équivoque de la part de la direction nationale pour que le 16 mars soit le début d'une grève générale illimitée de l'éducation nationale avec la perspective de s'unir à d'autres secteurs du service public. Le SNES, le syndicat majoritaire de l'enseignement secondaire et la FSU, la Fédération syndicale unitaire, avaient été obligés de publier un communiqué officiel pour la reconduction de la grève du 16 mars. Le Comité régional de Picardie du SNES s'était réuni l'après-midi du 15 mars. Après trois heures d'âpres discussions au sujet du texte officiel, pour déterminer si le terme «au lendemain» signifie le jour immédiatement après la grève du 16 mars ou plutôt un futur plus ou moins lointain, la direction régionale de l'UA (Unité et Action, tendance majoritaire du syndicat) fut forcée d'appeler à reconduire la grève à partir du 16 mars. Mais dans les faits, rien ne fut fait. Aucun tract officiel appelant à la grève le lendemain ne fut émis et aucune mesure ne fut prise pour l'organisation d'une réunion des grévistes le jour même. Les grévistes des lycées professionnels furent laissés à leur propre sort de sorte que les bureaucrates syndicaux eurent tout le loisir d'endiguer le mouvement et de conclure des accords avec le gouvernement. Seul le petit syndicat de gauche SUD lança un appel clair et sans équivoque en s'engageant activement pour une continuation indéfinie de la grève générale du 16 mars de l'éducation nationale. Les bureaucrates du SNES semblent avoir adopté la stratégie d'accepter à contrecoeur les appels pour une grève illimitée dans leurs textes officiels, tout en leur accordant cependant si peu de publicité qu'ils finissent par devenir lettre morte. La veille du 16 mars, pas un des dirigeants syndicalistes de l'enseignement ne fit une apparition à la télévision pour appeler à la poursuite du mouvement de grève. Au lieu de cela, il y a tout un ensemble de dates disparates - le 21 mars (un jour d'action, sans trop savoir ce que l'on entend par là), une «possible» grève nationale le 24 mars ou une «possible» manifestation nationale à Paris le 25 mars avec les parents. A l'occasion de la réunion de masse après la manifestation, aucun dirigeant syndicaliste, à l'exception de ceux de SUD, ne lutta pour un vote en faveur de la continuation de la grève et pour une réunion de masse des grévistes le lendemain. Ce furent les grévistes de la base qui revendiquèrent la réunion des grévistes le lendemain à Amiens. Le 17 mars, la grève avait été très inégale: 30% dans la région de Rouen, dans la Somme l'on enregistra quelques surprises. Certaines écoles firent grève qui ne l'avaient pas fait auparavant. Au Lycée Robert de Luzarches, l'hésitation, renforcée par le manque de direction de la part des syndicats, ne laissa que deux grévistes sur place. La réunion de masse, composée en grande partie de grévistes des lycées professionnels, mais comptant aussi des délégations de plusieurs lycées et collèges ainsi que d'écoles primaires, appela à la poursuite de la grève. Les participants à la réunion soulignèrent que l'objectif de la grève devrait être de forcer le retrait de l'ensemble des réformes éducatives du gouvernement et la démission des ministres responsables, de militer pour une manifestation nationale à Paris, le 21 mars, de tous les grévistes de l'éducation nationale. À Amiens, ceci a signifié un pas important pour les grévistes du lycée professionnel car ils sortaient de leur isolement et des limites de leur lutte pour des revendications spécifiques afin de pouvoir lutter pour l'ensemble de l'éducation contre les ravages du libéralisme. La tentative d'attirer l'attention des médias en bloquant ce soir-là le TGV fut couronné de succès. La police déjoua le blocage, mais les grévistes purent avoir du temps d'antenne à la télévision. Une discussion avait eu lieu à savoir si le personnel enseignant devait réclamer la démission des deux ministres de l'éducation nationale, Ségolène Royal et Allègre, tous deux haïs pour leurs tirades méprisantes et insultantes à l'encontre du personnel enseignant tout comme pour la politique qu'ils préconisent. Un porte-parole du syndicat Force Ouvrière insista que ceci risquerait d'embrouiller la situation; qu'en fait c'était la politique du gouvernement qu'ils représentaient et que, s'ils étaient sacrifiés, les questions politiques seraient perdues de vue. Il insista que leur départ ne changerait rien, vu que la politique resterait la même si de nouveaux ministres venaient à les remplacer. En fait, la majorité a demandé la démission des ministres et a ajouté cette demande à la revendication pour un changement de politique. Cet état de fait soulève implicitement la question
de savoir si le gouvernement de la gauche plurielle pourra jamais
être le représentant pour un changement progressif
en matière d'éducation ou de tout autre chose.
Compte tenu que l'ensemble de la classe politique est lié
au libéralisme économique, la réponse est
claire: c'est non. Un appel pour le renversement du gouvernement
soulèverait immédiatement la question de son remplacement
tout en mettant fermement à l'ordre du jour le genre de
programme politique et d'instrument politique qui serait en mesure
de défendre les acquis sociaux et d'établir une
société basée sur l'égalité
de façon à satisfaire les besoins de tous les êtres
humains.
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