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Le capitalisme et la pauvreté mondiale

 

Les faits et les statistiques révélés par le dernier rapport annuel de l'ONU sur le développement des ressources humaines contredit le mythe selon lequel la pauvreté globale est causée par la surpopulation et le manque de ressources.

Le rapport démontre qu'il existe suffisamment de richesses sociales pour éliminer complètement la pauvreté et la faim qui affligent plus d'un quart de la population mondiale.

Le problème réside dans l'inexorable logique du marché capitaliste, qui est basé sur la propriété privée de cette richesse créée socialement. Le marché entraîne l'appauvrissement d'une couche de plus en plus grande de la population et l'enrichissement d'une minorité de plus en plus petite.

Selon le rapport, la fortune combinée des sept personnes les plus riches de la planète pourrait à elle seule couvrir les besoins élémentaires des millions vivant dans le dénuement total. Les auteurs du rapport ont en effet calculé qu'il faudrait 80 milliards $US par année sur une période de dix ans pour établir des services sociaux de base dans les pays dits en voie de développement. Cette somme est inférieure à l'avoir net des sept milliardaires en tête de liste.

En d'autres termes, c'est l'ordre économique et social existant, et non des calamités naturelles, qui condamne des masses de gens à une vie de misère.

Mais ce n'est pas tout, le rapport soulève une contradiction flagrante. Comme jamais auparavant l'humanité a les capacités d'éliminer la pauvreté et ses néfastes conséquences sociales: la maladie, la malnutrition, l'analphabétisme, le travail des enfants, le nombre croissant de sans-abris. Mais le sort de centaines de millions de personnes s'aggrave. Près du tiers de la population des anciennes colonies, près de 1,3 milliard de gens, vivent avec moins d'un dollar US par jour. Ce qui représente une augmentation de près de 100 millions depuis 1987. Quelque 840 millions de personnes ne reçoivent pas assez pour manger, près d'un million sont illettrés et bien au delà d'un milliard n'ont pas accès à l'eau potable. L'espérance de vie pour près d'un tiers des gens vivant dans les pays pauvres, principalement en Afrique et dans le Sahara du Sud, n'atteint pas 40 ans.

L'inégalité sociale a atteint des proportions vraiment obscènes, tant à l'échelle du globe qu'à l'intérieur de chaque pays. Citons quelques exemples fournis par le rapport:

* L'avoir net des dix milliardaires en tête de liste est 1,5 fois supérieure aux revenus nationaux combinés des 48 pays les plus pauvres.

* L'écart entre le cinquième le plus pauvre de la population mondiale et le cinquième le plus riche, est passé de 30 pour 1 en 1960, à 61 pour 1 en 1991, et 78 pour 1 en 1994.

* L'homme le plus riche du Mexique avait un avoir net de $6,6 milliards en 1995, équivalant au revenu combiné des 117 millions de Mexicains les plus pauvres.

* Dans les pays capitalistes avancés d'Europe, d'Amérique du Nord, du Japon et d'Australie, les salaires réels et le niveau de vie ont baissé, à tel point que 100 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, établi à la moitié du revenu individuel moyen.

Polarisation globale

Selon les termes du principal coordonateur du rapport, Richard Jolly, les résultats démolissent l'illusion que le niveau de vie de la population augmente suite à la diffusion grauduelle des richesses du haut vers le bas.

L'émergence de conditions similaires dans toutes les régions du globe démontre aussi qu'elles ne sont pas le résultat de mauvaises politiques adoptées par l'un où l'autre des différents gouvernements. En fait, cette polarisation sans précédent est enracinée dans des processus entièrement liés au marché capitaliste lui-même. L'une des indications les plus claires des résultats obtenus par le "libre marché" est l'appauvrissement de la classe ouvrière dans les pays de l'Europe de l'Est et de l'ancienne URSS au cours des dix dernières années.

Les anciennes bureaucraties staliniennes de ces pays formaient une caste privilégiée. Mais le fossé entre les riches et les pauvres s'est élargi après le rétablissement de la propriété privée des principaux moyens de production.

Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a été multiplié par 30, de 4 millions en 1987-88 à 120 millions aujourd'hui, soit près du quart de la population totale de cette région. L'espérance de vie a chuté de cinq ans et plus.

Toujours selon le rapport de l'ONU, les transnationales, les banques et les gouvernements des pays riches soutirent $500 milliards par année aux pays pauvres par la réduction de la valeur des marchandises et par le maintien de taux d'intérêt élevés.

Le prix réel des marchandises dont l'exportation constitue la principale source de revenus des pays pauvres se situe aujourd'hui à 45% sous le niveau de 1980, et à 10% sous le niveau atteint en 1932 durant la Grande Dépression. De plus, leur cote de crédit étant fixée à un niveau très bas, les pays pauvres se voient consentir des prêts à un taux quatre fois plus élevé que pour les pays riches.

Karl Marx a découvert il y a 150 ans comment le système capitaliste, basé sur l'accumulation privée des richesses, mène inévitablement à la polarisation de la société en une minorité fabuleusement riche et une masse appauvrie.

Cette tendence destructrice a été accélérée par la globalisation de la production au cours des deux dernières décennies. De plus en plus, la richesse globale est concentrée entre les mains de gigantesques corporations transnationales. Le rapport de l'ONU note que parmi les 100 économies les plus importantes du monde, 50 sont des pays et 50 des mégacorporations. Ces mégacorporations sont engagées dans une féroce compétition et emploient tous les moyens pour réduire les coûts de production: l'abolition des emplois par milliers, l'évasion fiscale et le recours à la vaste réserve globale de "cheap labor".

Un assaut continuel

Le rapport de l'ONU fait partie d'une série d'études exprimant la crainte de la classe capitaliste que l'inégalité sociale croissante ne finisse par provoquer des soulèvements sociaux et une instabilité politique. Jolly écrit qu'il y a eu un "ralentissement dangereux" dans la lutte contre la pauvreté mondiale.

Cependant, Jolly et les autres auteurs n'ont pas de réponses sérieuses à offrir. "Pour réduire la pauvreté", plaident-ils, "les décideurs politiques doivent éviter la politique de la croissance brutale qui mène à la croissance de l'inégalité dans les revenus."

Toutefois, aussi longtemps que la grande entreprise contrôlera la vie économique et que le monde sera divisé en États-nations capitalistes rivaux, ce voeu ne sera jamais réalité. En fait, la lutte pour conquérir de nouveaux segments de marché et attirer les investissements des transnationales pousse sans cesse les gouvernements nationaux à démanteler les programmes sociaux.

Au cours de la dernière décennie, les défenseurs du capitalisme ont prétendu que la désintégration de la bureaucratie des États staliniens marquait le triomphe ultime du marché et ouvrait la porte à une nouvelle ère de prospérité. Cependant, le rapport reconnaît: "La réduction des dépenses militaires de la période d'après guerre froide aurait dû être une opportunité majeure pour augmenter les dépenses sociales. Mais il semble qu'au lieu de cela, la priorité a été de sauver de l'argent et de réduire les services. L'idée même d'un État-providence est remise en question et est menacée."

Le dernier rapport de l'ONU sur le développement des ressources humaines est le huitième du genre depuis 1990. Chacun d'eux demandait un assouplissement dans la politique de croissance brutale et le réinvestissement d'une fraction des profits dans la lutte contre la pauvreté. Mais au cours de cette période, l'écart entre les riches et les pauvres n'a fait qu'augmenter. Le cinquième le plus pauvre de la population mondiale reçoit aujourd'hui 1,1% du revenu global, comparé à 1,4% en 1991 et 2,3% en 1960.

Au même moment, les conditions des travailleurs vivant dans les pays capitalstes avancés se sont continuellement dégradées. Il est clair de tout ceci, que la crise sociale à laquelle sont confrontés les travailleurs peu importe où ils vivent, est l'innévitable produit du développement du système capitaliste global.

La classe ouvrière ne pourra commencer à faire face à cette crise que par le biais d'une lutte internationale unifiée visant à réorganiser l'économie autour d'un nouveau principe: les richesses créées socialement doivent être utilisées pour répondre aux besoins de ceux qui les ont produites.

Un tel programme ne peut être mis en oeuvre par des appels à l'oligarchie financière et à ses représentants politiques pour qu'ils adoptent des politiques plus humaines. Pas plus qu'il ne pourra être mis en oeuvre par le biais des vieilles organisations de la classe ouvrière -- syndicats et partis sociaux-démocrates et ex-staliniens --, qui sont tous devenus les principaux agents par lesquels le capital global impose sa politique.

Dans les pays arriérés, les partis bourgeois, qui proclamaient il n'y a pas si longtemps, que la voie vers l'élimination de la pauvreté et de la misère sociale passait par le développement économique national, ont maintenant tous rejeté cette perspective pour imposer les programmes de "restructuration" exigés par les banques et les institutions financières internationales.

Dans l'ancienne Union soviétique et les États de l'Europe de l'Est, les partis staliniens sont les principaux organisateurs de la restauration du capitalisme.

Et dans les pays capitalistes avancés, les politiques de destruction du système de sécurité sociale ont été introduites par les partis sociaux-démocrates, alors que les syndicats imposent la politique de la "compétitivité globale" sur les lieux de travail.

La classe ouvrière ne pourra se défendre qu'en construisant un parti international luttant sans compromis pour des emplois et des salaires décents, des logements adéquats, des services sociaux de qualité, et l'accès à l'éducation -- ce qui nécessite une remise en question du système capitaliste lui-même. C'est le programme du Comité International de la Quatrième Internationale et de sa section canadienne, le Parti de l'égalité socialiste.

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