La classe ouvrière argentine a mené une grève générale massive d'une journée entre le 9 et le 10 avril pour protester contre l'administration du président fasciste Javier Milei et son nouveau plan d'austérité exigé par le Fonds monétaire international (FMI).
À Buenos Aires, le mercredi 9 avril, des syndicalistes et des étudiants ont rejoint les retraités lors de leur rassemblement hebdomadaire de protestation. La grève s'est poursuivie jusqu'à vendredi minuit. Des grèves ont également eu lieu dans d'autres villes du pays.
Les trois fédérations syndicales péronistes argentines, la CGT (Confederación General del Trabajo), la CTA-A (Central de Trabajadores Argentinos-Autónoma) et la CTA-T (Central de Trabajadores Argentinos-Trabajadores), ont appelé à la grève générale.
Alors que la CGT et les deux CTA ont soutenu les manifestations de mercredi en défense des retraites, aucun rassemblement ni manifestation n'a eu lieu jeudi.
La troisième grève générale d'une journée depuis l'arrivée au pouvoir de Milei en décembre 2023 (les deux premières ayant eu lieu en janvier et mai 2024) a été convoquée par les bureaucraties syndicales près de onze mois après avoir conclu une trêve avec l'administration Milei. Cela eut donné le feu vert aux mesures anti-ouvrières du gouvernement, notamment le licenciement de dizaines de milliers de syndicalistes parmi les employés de l'industrie, de la santé, de l'éducation et de la fonction publique, ainsi que des baisses de salaires réels et d'avantages sociaux pour les travailleurs et les retraités.
La grève de masse s'est déroulée dans un contexte de colère populaire croissante alors que les taux d'inflation mensuels commencent à monter en flèche en raison du rejet du dernier prêt du Fonds monétaire international (FMI) et sur fond d'un scandale de corruption de crypto-monnaie [article en anglais] impliquant directement le président argentin.
La grève a eu lieu deux jours après que le FMI a annoncé un « accord technique » avec l'Argentine pour un prêt « d'accord étendu » de 20 milliards de dollars à l'administration Milei, « prêt à être discuté » par la direction du FMI.
Les rues de Buenos Aires étaient désertes jeudi, à l'exception des bus municipaux (dont les chauffeurs n'ont pas participé à la grève). Le service de métro a été suspendu et plus de 250 vols ont été annulés au départ de l'aéroport Ezeiza de Buenos Aires, suite à la grève des contrôleurs aériens. Tous les bureaux gouvernementaux étaient fermés, ainsi que les ports, les centres logistiques et les axes industriels du pays.
Des millions de travailleurs et de retraités exigent la démission du président Milei, ainsi que le limogeage de sa ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, suite à la répression massive des retraités en mars dernier, qui a fait des centaines de blessés.
De plus, après avoir subi une attaque historique contre son niveau de vie sous les péronistes et maintenant sous Milei, la classe ouvrière voit une nouvelle série de mesures d’austérité exigées par le FMI comme une menace existentielle.
La baisse du taux d'inflation mensuel par rapport à l'année dernière a entraîné une baisse du taux officiel de pauvreté, qui est passé de 52,9 pour cent à 38,1 pour cent. En revanche, certains éléments indiquent que les prix n'ont pas été entièrement actualisés pour le calcul.
De plus, la participation massive à la grève démontre que les travailleurs ont le sentiment que l’accord désespéré avec le FMI est le signe d’une crise sous-jacente qui s’aggrave et dont le coût leur sera encore imputé.
Les réserves de change ont chuté de 7 milliards de dollars en un peu plus de trois mois, et la fuite des capitaux s'intensifie, notamment dans le contexte des turbulences économiques mondiales liées à la politique de guerre commerciale de l'administration Trump. Les derniers chiffres de l'inflation sont passés de 2,2 pour cent en février à 2,4 pour cent en mars.
Cependant, les dirigeants de la CGT et de la CTA ont convoqué la grève de la semaine dernière dans le cadre d’exercer une pression indolore sur l'administration Milei.
Peu de temps après la signature de la trêve avec Milei, en février 2024, les bureaucrates de la CGT/CTA avaient déjà rencontré les responsables du FMI pour approuver l'ajustement monétaire négocié avec l'administration Milei, qui imposait des mesures d'austérité brutales aux masses laborieuses argentines.
Qualifiant la grève de « succès sur toute la ligne », le dirigeant de la CGT, Héctor Daer, a insisté sur le fait que même les champs pétroliers de Vaca Muerta ont été paralysés par la grève. La CGT et les deux fédérations de la CTA n'ont pas encore indiqué quelles seraient les prochaines étapes, le cas échéant, à l'approche de la Journée internationale des travailleurs du 1er mai.
Le 11 avril, un communiqué de presse de 138 pages du FMI a confirmé l'accord de quatre ans, préalablement approuvé par le Parlement national. Le communiqué salue le « solide bilan » de Milei et affirme que le nouvel accord « favorisera la productivité, la compétitivité et la croissance » (autrement dit des accélérations de cadences, baisses de salaires et augmentation des bénéfices des entreprises) :
Le programme soutenu par le FMI vise à consolider les gains initiaux impressionnants des récents efforts politiques – ancrés dans de solides efforts d’ajustement budgétaire et monétaire et de déréglementation – tout en s’attaquant aux vulnérabilités macroéconomiques restantes de l’Argentine.
Comme l’a souligné Milei dans son discours de février à l’Assemblée législative, le communiqué de presse du FMI considère l’appauvrissement de la classe ouvrière, le chômage de masse et l’élimination des droits sociaux comme des étapes nécessaires pour l’économie.
Selon un récent sondage publié par le site d'information elDiarioAR, plus de 60 pour cent des Argentins s'opposent à l'accord avec le FMI et seulement 10 pour cent l'approuvent pleinement.
Pendant la grève du 10 avril, le porte-parole de Milei a dénoncé les bureaucrates syndicaux qui se déplacent dans des voitures importées comme des oligarques alors que les travailleurs sont obligés de prendre les transports en commun.
La réalité est que, pour imposer leur programme d’attaques contre les droits et les conditions des travailleurs, le gouvernement Milei et le FMI dépendent des services fournis par la CGT péroniste et les deux centrales syndicales CTA.
Pour trahir la classe ouvrière, les retraités et les étudiants, la bureaucratie syndicale et ses apologistes de la pseudo-gauche utilisent de telles grèves de protestation pour servir de défouloir et canaliser l’opposition vers l’impasse de la politique capitaliste et des pourparlers avec Milei à travers lesquels les bureaucrates ne cherchent qu’à sécuriser leur propre accès aux privilèges et aux positions.
(Article paru en anglais le 15 avril 2025)